La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2014 | FRANCE | N°12/06049

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 26 juin 2014, 12/06049


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 26 JUIN 2014



(n° 11 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06049



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 11/00374





APPELANTE

Association COALLIA VENANT AUX DROITS DE L'ASSOCIATION AFTAM

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée p

ar Me Annaël BASHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411







INTIMÉE

Madame [X] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne,

assistée de Me Stéphane BOUDIN, avocat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 26 JUIN 2014

(n° 11 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/06049

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 11/00374

APPELANTE

Association COALLIA VENANT AUX DROITS DE L'ASSOCIATION AFTAM

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Annaël BASHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411

INTIMÉE

Madame [X] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne,

assistée de Me Stéphane BOUDIN, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : PB215

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne MÉNARD, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

Greffier : Madame Céline BRUN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par Monsieur Franck TASSET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [V] a été engagée par l'association AFTAM, aux droits de laquelle se trouve l'association COALLIA, en qualité de surveillante statut cadre. Depuis le 1er novembre 2005, elle exerçait les fonctions de directrice du Foyer d'Accueil Médicalisé pour Personnes Handicapées Vieillissantes d'[1]. Son salaire brut moyen s'élevait à la date de la rupture à la somme de 4.548,21 euros.

Le 14 septembre 2010, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 22 septembre 2010 et mise à pied à titre conservatoire. Elle a été licenciée pou faute grave le 13 octobre 2010, l'employeur lui reprochant notamment des difficultés de communication, une brutalité verbale et une attitude rigide.

Madame [V] a saisi le Conseil de Prud'hommes, le 28 janvier 2011, et par jugement en date du 4 avril 2012, ce Conseil, après avoir déclaré irrecevables plusieurs attestations comme n'étant pas conformes aux prescriptions de l'article 202 du Code de procédure civile, a :

- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- condamné l'employeur à payer à Madame [V] les sommes suivantes :

27.289,26 euros à titre d'indemnité de préavis.

2.728,92 euros au titre des congés payés afférents.

42.615,04 euros à titre d'indemnité de licenciement

2.954,88 à titre de rappel de salaire pour septembre et octobre 2010.

295,48 euros au titre des congés payés afférents.

27.289,26 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités chômages versées à Madame [V] dans la limite de un mois.

L'association COALLIA, venant aux droits de l' AFTAM a interjeté appel de cette décision le 15 juin 2012.

Représentée par son Conseil, L'association COALLIA, venant aux droits de l'AFTAM a, à l'audience du 06 juin 2014, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de constater le bien fondé du licenciement, de débouter Madame [V] de ses demandes, et de la condamner au remboursement de la somme de 40.933,89 euros qui lui a été versée au titre de l'exécution provisoire du jugement.

- subsidiairement, de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, et de limiter les condamnations aux montants suivants :

27.289,26 euros à titre d'indemnité de préavis.

2.728,92 euros au titre des congés payés afférents.

42.615,04 euros à titre d'indemnité de licenciement

2.954,88 à titre de rappel de salaire pour septembre et octobre 2010.

295,48 euros au titre des congés payés afférents.

27.289,26 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- plus subsidiairement, limiter à 27.289,26 euros le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la salariée au paiement de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose qu'il existait, depuis plusieurs années des difficultés relationnelles entre Madame [V] et les salariés travaillant dans l'établissement, qui avaient fait l'objet d'un entretien et d'un échange de correspondances dès l'année 2008 ; qu'outre les difficultés récurrentes, liées à la gestion rigide du personnel de l'établissement, des plaintes émanaient également de familles de résidents ; que le licenciement, contrairement à ce qui est soutenu par la partie adverse, n'est pas la conséquence de la mise en place controversée par Madame [V] de nouveaux planning, mais d'une lettre collective des salariés en date du 2 septembre 2010, laquelle venait s'ajouter aux nombreux incidents qui s'étaient déjà déroulés dans l'établissement ; qu'il ne peut être soutenu que les fautes seraient prescrites, de lors que cette lettre collective, reçue quelques jours avant l'engagement des poursuites disciplinaires, autorisait l'employeur à invoquer des faits plus anciens mais qui se sont réitérés ; qu'elle n'était pas restée précédemment sans réaction puisqu'elle avait adjoint un coordinateur afin de la soutenir face aux difficultés qu'elle rencontrait pour manager ses équipes.

Présente et assistée par son Conseil, Madame [V] a, à l'audience du 06 juin 2014, développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris, sauf sur le quantum des condamnations et sur le fait que sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire a été rejetée.

- condamner l'association COALLIA à lui payer les sommes suivantes :

5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire.

30.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2.954,82 euros au titre de la rémunération de la mise à pied conservatoire.

295,48 euros au titre des congés payés afférents.

31.905,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

30190,59 euros au titre des congés payés afférents.

44.724,53 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que ce qui lui est, en réalité, reproché par l'employeur, se sont les difficultés révélées par la mise en place d'un nouveau planning qui n'a pas été accepté par le personnel, et que c'est cette difficulté qui a été évoquée à l'occasion de l'entretien préalable ; que si il a pu lui arriver de faire preuve d'autorité, ses actions ont toujours été validées par la direction, et que la nature de l'activité imposait à tous un comportement irréprochable, certains salariés ayant parfait fait passer leurs préoccupations personnelles avant leur travail.

Elle fait valoir que les faits fautifs qui lui sont reprochés sont couverts par la prescription en ce qu'ils se sont produits plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire ; que contrairement à ce qui est affirmé, elle n'a jamais fait l'objet de remarques sur la qualité de son travail et de son management.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux dernières écritures des parties, visées par le greffier, et réitérées oralement à l'audience.

DISCUSSION

En vertu des dispositions de l'article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En vertu des dispositions de l'article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :

'Suite à un courrier reçu le 3 septembre faisant état de vos difficultés de management et signé de 18 salariés du FAM, une délégation de ces salariés a demandé à me rencontrer.

Lors de cet entretien, ces salariés ont souligné leur souffrance, le climat d'insécurité qu'ils vivaient dans leurs fonctions et qui régnait au FAM du fait de votre autoritarisme excessif.

Déjà à plusieurs reprises, des représentants du personnel et des courriers de salariés nous avaient alerté sur cette situation.

Nous avions alors pris des dispositions d'aide et d'accompagnement à votre égard en demandant au coordinateur départemental de vous assister notamment lors de vos réunions d'équipe, afin de réinstaurer un climat de confiance et des conditions sereines de communication et de travail. L'objectif recherché étant de vous permettre d'assumer et d'assurer votre fonction d'encadrement.

Lors de l'entretien préalable, nous avons de nouveau souligné votre refus systématique de communication, votre brutalité verbale, votre attitude trop souvent rigide et hostile et surtout les conséquences préjudiciables d'un tel comportement sur les salariés en termes de dégradation de leurs conditions de travail et d'altération de leur santé physique et morale (multiples arrêts maladie, démissions, situations conflictuelles successives des salariés) ainsi que sur les résidents (situation conflictuelle vis à vis des parents des résidents).

Ces agissements répétés et la persistance de la rigidité de votre positionnement au détriment des usagers et des salariés ne nous permettent plus de vous maintenir à la direction de cet établissement.

Malgré le caractère fautif de vos agissements, nous avons recherché un poste transitoire qui vous permettrait de mieux appréhender la dimension encadrement. Nous vous avons alors proposé un poste de chef de service, encadré par un directeur, au sein d'une maison d'accueil spécialisée.

Vous avez décliné cette offre et vous vous êtes orientée vers une rupture conventionnelle (...)'.

Madame [V] fait, tout d'abord, valoir qu'à les supposer établis les faits invoqués seraient couverts par la prescription, comme s'étant déroulés plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement.

Aux termes de l'article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance'. Ces dispositions ne s'opposent pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois lorsque le comportement s'est poursuivi après ce délai. En l'espèce, le fait déclencheur de la procédure de licenciement a été l'envoi d'un courrier collectif de salariés, reçue par l'employeur le 2 septembre 2010, et par laquelle ils se plaignent des conditions dans lesquelles un nouveau planning a été mis en place par Madame [V], en l'absence de tout dialogue, dénoncent les méthodes de management dont ils sont l'objet, indiquent avoir l'impression d'une volonté de leur nuire, et soulignent que certains salariés sont en dépression.

L'employeur a, également, reçu le 17 août 2010 un courrier de démission motivé de Madame [M] qui met en cause les méthodes de management de la directrice.

La réception récente de ces courriers permet de retenir que les faits ne sont pas couverts par la prescription, l'employeur pouvant alors, dans le cadre des poursuites disciplinaires introduite en raison de cette nouvelle plainte, se fonder sur des faits plus anciens dont il a eu connaissance.

Madame [V] fait, par ailleurs, valoir que la plupart des attestations sur lesquelles se fondent l'employeur ne sont pas conformes au Code de procédure civile soit parce qu'elles sont dactylographiées, soit parce qu'elles ne mentionnent pas que leur auteur est informé de ce qu'elles seront produites en justice. Toutefois, les dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, et en l'espèce, les attestations litigieuses sont très circonstanciées, et elles sont accompagnées de la pièce d'identité de leur auteur, de sorte que rien ne permet à la Cour de douter de leur authenticité et de leur sincérité.

Outre le courrier du 2 septembre 2010 qui a déjà été évoqué, l'employeur verse aux débats, pour justifier des griefs invoqués, deux courriers de famille de résident, qui font état de difficultés relationnelles avérées avec la directrice

- Le 12 mai 2009, Madame [U], soeur et tutrice d'une résidente, écrit à l'association en évoquant le fait qu'à l'issue d'un retour d'un séjour à domicile avec une semaine de retard car sa soeur était souffrante, ce dont elle avait informé la directrice, cette dernière l'avait avisée de sa décision de transformer le mode de séjour en accueil temporaire. Elle expose qu'aucune discussion n'a été possible, et que cette décision entraînait une grave dégradation des conditions d'accueil, sa soeur ne bénéficiant plus d'une chambre attitrée.

- Le 26 janvier 2010, Madame [G], tutrice d'un résident, a écrit à la direction pour souligner plusieurs difficultés avec l'établissement, et notamment un problème d'ordre relationnel. Elle indique : 'Je souhaite vivement que Madame [V] ne se réfugie plus derrière une convocation à trois voire à quatre membres de l'établissement et moi-même, comme elle a souhaité le faire en juillet 2009, cette démarche avait tout simplement pour but de m'intimider et de me mettre la pression. Qu'elle sache aussi que je ne fais pas partie de son personnel.(...)La pression qui m'a été imposée pour le retour de mon protégé pendant la période d'été est intolérable, madame [V] m'a tout simplement menacée de le sortir des effectifs, s'il ne réintégrait pas l'établissement au bout d'un mois de convalescence et de vacances'.

- un ancien salarié relate le cas d'une résidente qui s'est vue interdire durant trois mois de quitter sa chambre par la directrice, qualifiant cette décision de maltraitance.

A ces courriers de l'entourage des résidents, s'ajoutent de nombreuses attestations du personnel :

- Madame [M], qui a démissionné le 17 août 2010, écrit à l'employeur qu'elle ne pouvait plus travailler dans une atmosphère de plus en plus délétère et malsaine, due en partie aux techniques de management de la directrice, ce qui l'a amenée à prendre des médicaments. Elle explique qu'elle voyait toutes ses demandes refusées, et que lorsqu'elle est devenue membre du CHSCT, elle recueillait les plaintes des salariés : harcèlement, humiliations publiques. Elle précise que son angoisse d'aller au travail l'a amenée à faire une dépression, raison pour laquelle elle a pris la décision de démissionner.

- Madame [S] relate qu'elle a été accusée d'avoir des relations sexuelles avec un autre salarié, et qu'elle a subi des humiliations répétées, des propos méprisants, des refus de formation.

- Madame [Q] parle de situation humiliantes, dégradantes, Madame [V] réglant ses comptes devant les résidents, leur famille et des personnes extérieures au service.

- Le médecin de l'établissement parle du climat de suspicion permanente, dans lequel il lui était difficile de travailler.

- Monsieur [Z], délégué syndical, relate que les salariés sont sans cesse critiqués et surveillés, y compris devant les familles ; que les personnes manifestant leur mécontentement sont harcelées et poussées à des arrêts de travail ; que les planning de travail ont été bouleversés, le personnel devant totalement se réorganiser.

- Madame [Y], mère d'une salariée mineure de l'établissement, a écrit à la direction pour expliquer que sa fille avait fait l'objet de harcèlement de la part de la directrice de l'établissement, qui avait ensuite refusé de lui adresser son solde de tous compte au motif qu'elle devait venir pour qu'il lui soit remis en main propre. Elle conclut 'J'ai surpris ma fille en pleurs en communication avec un malade du centre ce dernier en pleurs aussi lui racontant ce que lui avait fait endurer en paroles morale la directrice. J'avais du mal à croire ma fille lorsqu'elle me racontait, mais ce jour là me voyant entrer dans la chambre elle a mis le haut parleur. J'ai quitté la pièce pour ne pas pleurer aussi'.

Il ne peut être soutenu que l'employeur n'a jamais attiré l'attention de Madame [V] sur les plaintes dont elle faisait l'objet, alors qu'à la suite du courrier de Madame [Y], elle a été invitée à s'expliquer. Par ailleurs, il ressort de l'attestation de Monsieur [O] qu'il a été missionné afin de mener une intervention de proximité auprès de Madame [V] afin de la conseiller et de la soutenir face à ses difficultés à manager ses équipes. Ce dernier, dans une attestation très circonstanciée, décrit le management excessivement directif de Madame [V], la communication se faisant systématiquement au moyen de notes écrites. Il cite l'exemple d'un entretien de Madame [V] avec un subordonné, au cours duquel elle a véritablement harcelé ce dernier de reproches incessants. Monsieur [O] explique que, malgré son intervention, Madame [V] n'a pas modifié sa posture durant l'entretien, et qu'à l'issue, il a repris cet entretien avec elle pour lui faire comprendre que ce type d'entretien infantilisant et humiliant ne pouvait pas déboucher sur une collaboration constructive et positive. Il cite d'autres exemples de situations dans lesquelles il a dû intervenir pour que des salariés puissent s'exprimer, mais conclut qu'en dépit de ses interventions et de son soutien, Madame [V] n'a jamais pu se remettre en cause, au sujet de son management directif et autoritariste.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que malgré les moyens mis en oeuvre pour qu'elle modifie son comportement, Madame [V] adoptait avec les résidents, leur famille, et les salariés de l'établissement un comportement excessivement autoritaire, ne permettant aucun dialogue, allant jusqu'à nuire à la santé de certains salariés ou les poussant à la démission. Compte tenu du climat instauré l'employeur ne pouvait manifestement plus la maintenir à son poste, et la salariée a refusé la mutation dans un autre établissement, qu'elle n'aurait pas dirigé, solution qui lui a été proposée afin d'éviter la rupture de son contrat de travail.

L'activité même de l'établissement, qui accueille des personnes fragilisées et peu aptes à se défendre par elles-mêmes, impose la présence d'une directrice ouverte au dialogue et capable de faire accepter ses décisions par la discussion. En outre, l'employeur a une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses salariés. Dès lors qu'il a appris que certains d'entre eux étaient harcelés, devaient prendre des médicaments, ou démissionner en raison de syndromes dépressifs, il ne pouvait laisser perdurer cette situation durant la durée du préavis de Madame [V], qui était de six mois. Madame [V] ayant refusé la solution proposée en vue de lui permettre de conserver son emploi tout en ne dirigeant plus l'établissement, l'association n'avait pas d'autre choix que de rompre immédiatement son contrat de travail, de sorte que le licenciement pour faute grave apparaît justifié.

Le jugement sera, donc, infirmé dans toutes ses dispositions, et Madame [V] sera déboutée de ses demandes, et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

La restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire étant de plein droit, il n'est pas nécessaire de l'ordonner.

L'équité ne commande pas en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute Madame [V] de ses demandes,

Condamne Madame [V] aux dépens de première instance,

Ajoutant au jugement,

Condamne Madame [V] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/06049
Date de la décision : 26/06/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°12/06049 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-26;12.06049 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award