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18/06/2014 | FRANCE | N°12/10213

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 18 juin 2014, 12/10213


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 18 JUIN 2014



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/10213



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2012 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny - RG n° 11/08462





APPELANTE



SCI ELISA

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par : Me Abdelhalim BE

KEL, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB 10

Assistée de : Me Maryse BIERNA avocat au barreau de Paris toque : D536, substituant Me Abdelhalim BEKEL, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS

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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 18 JUIN 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/10213

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2012 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny - RG n° 11/08462

APPELANTE

SCI ELISA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par : Me Abdelhalim BEKEL, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB 10

Assistée de : Me Maryse BIERNA avocat au barreau de Paris toque : D536, substituant Me Abdelhalim BEKEL, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS

INTIMEE

SARL DTM

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée par : Me Gwenaël SAINTILAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0664

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-José THEVENOT, Présidente de chambre

Madame Dominique BEAUSSIER, Conseillère

Madame Maryse LESAULT, Conseillère

qui en ont délibéré

Rapport ayant été fait par Madame Maryse LESAULT, Conseillère, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Guillaume MARESCHAL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José THEVENOT, Présidente et par M. Guillaume MARESCHAL, Greffier.

*******

Par acte du 7 juin 2011 la société DTM (DTM), dont les associés sont MM. [M] [I] et [G] [F], a assigné la société civile immobilière ELISA (la SCI) aux fins de la voir condamner à lui payer 150000€ avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2011 en indiquant qu'il s'agit d'un prêt qu'elle lui a consenti dans le cadre des travaux de construction que lui a confiés la SCI selon acte sous seing privé du 19 février 2010, le prêt étant remboursable en mensualités de 1250€ pendant 10 ans et assorti d'une garantie hypothécaire.

Mme [Z] épouse divorcée de [G] [F] en 2007, avec qui elle a par la suite repris une vie commune en 2008, est la gérante statutaire de la SCI dont [G] [F] est le gérant de fait.

Sur assignation de DTM le tribunal de grande instance de Bobigny, par jugement entrepris réputé contradictoire du 12 avril 2012 assorti de l'exécution provisoire, a condamné la SCI à payer 150000€ TTC à DTM avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2011, 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SCI a interjeté appel de cette décision le 5 juin 2012.

La clôture est du 25 février 2014.

Par conclusions du 5 septembre 2013 auxquelles il convient de se reporter la SCI demande à la cour au visa des articles 1131 et 1133 du code civil, et L223-21 du code de commerce de débouter DTM de ses demandes, d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de constater la nullité de l'acte de prêt'; de condamner DTM à lui verser 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre liminaire la SCI expose que son appel est recevable car le jugement ne lui a été signifié que le 9 mai 2012, et qu'elle a satisfait aux dispositions de l'article 908 puisque le conseil de DTM lui a accusé réception de ses conclusions le 5 septembre 2012.

Sur le fond, elle fait valoir en substance que le contrat de prêt est dépourvu de cause ou affecté d'une cause illicite au sens de l'article 1131 du code civil et qu'en réalité les associés de DTM se sont prêtés à une mise en scène à des fins frauduleuses, faisant croire que DTM aurait consenti à l'un de ses associés M.[G] [F] un prêt pour réalisation des travaux sur le propre pavillon de celui-ci, qui l'avait en réalité construit/réhabilité par lui-même'; la SCI ajoute que DTM ne justifie d'ailleurs d'aucune prestation de travail et qu'il y a absence de contrepartie, que les prestations visées dans le document garantissant la créance de DTM visent des travaux impossibles (fondations, terrassement) pour un pavillon qui était déjà construit et le procès-verbal de réception n'est pas crédible car il vise pareillement la construction d'un pavillon'; la SCI fait encore valoir que les comptes de DTM ne portent aucune trace de l'opération censée correspondre aux travaux auquel était affecté le prêt puisque la société a elle-même reconnu que pour l'année 2010 concernée elle n'a eu aucune activité de bâtiment.

La SCI expose que l'acte de prêt litigieux est en outre prohibé par les dispositions de l'article L223-19 du code de commerce qui prévient le risque d'abus de bien social par un associé et que c'est à tort que le jugement entrepris a qualifié de vente à terme la convention discutée qui constitue en réalité un prêt immobilier illicite puisque DTM n'était pas organisme de crédit habilité. Sur ce point elle fait en outre valoir qu'elle était déjà propriétaire du bien immobilier déjà existant et ne le devenait donc pas à terme.

Elle rappelle enfin la règle nemo auditur et la charge de la preuve des travaux pesant sur DTM et non sur elle-même, ajoute que les comptes de DTM ne démontrent pas davantage des achats de matériaux correspondant à un marché de 150000€.

Par conclusions du 24 avril 2013 DTM demande à la cour au visa des articles 1134 du code civil, 538 et 908 du code de procédure civile de confirmer le jugement entrepris, de condamner la SCI à lui verser 15000 € pour procédure abusive, et 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

DTM expose à titre liminaire avoir déposé des conclusions d'incident en irrecevabilité de l'appel.

Sur le fond, au soutien de ses demandes elle qualifie de mensongère la version des faits de la SCI, souligne la contradiction des pièces versées, indique que le divorce des époux [Z] '[F] n'a eu pour objet que d'échapper aux créanciers de M.[F] lequel a fait l'objet d'une liquidation personnelle'; qu'il n'est pas exposé en quoi il y aurait volonté d'escroquer un assureur.

Elle ajoute quant aux dispositions de l'article L223-21 du code de commerce, qu'il n'y a pas eu contrat de prêt mais vente à terme au bénéfice de la SCI et qu'il est inexact de dire que l'acquéreur ne devient propriétaire qu'au terme du remboursement'; que la convention litigieuse ne contient aucune clause de réserve de propriété alors que les avantages financiers consentis à l'occasion d'opérations commerciales courantes comme la vente à crédit font exception à la nullité de l'article L223-21 précité'; qu'en tout état de cause la nullité du contrat de prêt n'éteindrait pas la dette de la SCI car elle vaudrait néanmoins reconnaissance et que seraient maintenues les garanties constituées, par application de l'article 2012 anciennement 2289 du code civil. DTM admet que la référence aux travaux de terrassement et de fondations ne correspond pas à la réalité des travaux et n'y voit qu'une erreur de rédaction, en faisant par ailleurs valoir que la durée courte des travaux n'est pas en soi une incohérence'; elle indique en outre que la référence de la SCI au risque d'abus de bien social vaut reconnaissance de la réalité de l'acte par ailleurs contesté, alors en outre que Mme [F] a déclaré que la SCI était propriétaire d'un pavillon construit par l'entreprise DTM.

SUR CE LA COUR,

A titre liminaire il sera rappelé que par ordonnance du 5 février 2014 la cour, statuant sur le déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 11 juin 2013 qui avait rejeté la demande de DTM tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel pour non respect du délai prescrit par l'article 908 du code de procédure civile, a confirmé cette ordonnance et condamné DTM à verser à la SCI la somme de 1000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La cour est sur le fond saisie dans les termes du dispositif.

Le jugement entrepris a condamné la SCI ELISA à payer à DTM la somme principale de 150.000€ en remboursement de l'acte litigieux, qualifié de vente à terme par les premiers juges, dont l'appelante fait valoir qu'il s'agit d'un prêt dépourvu de cause ou encore ayant une cause illicite, par conséquent frappé de nullité.

Il est soutenu par DTM qu'elle est intervenue pour exécuter des travaux importants sur le pavillon appartenant à la SCI sis [Adresse 2] pour le financement desquels elle expose avoir consenti à la SCI un prêt de 150.000€ afin d'en faciliter le règlement.

En revanche la SCI expose qu'en réalité le montage de l'opération correspond à une tentative d'escroquerie à l'assurance, qui devait permettre après déclaration de sinistre sur les travaux exécutés d'obtenir une indemnisation.

La cause principale de la demande en paiement de la somme litigieuse est par conséquent une opération de construction dont la réalité est discutée.

La cour, est en mesure de constater, au regard des pièces versées aux débats et des incohérences les affectant que DTM demandeur au paiement ne démontre pas la réalité des travaux qu'elle indique avoir réalisés pour la SCI, ce dont s'évince l'absence de cause juridique au prétendu prêt consenti par DTM à la SCI . En effet':

1- Ces travaux sont mentionnés tantôt avoir porté sur la construction d'un pavillon, tantôt avoir consisté en travaux importants sur un pavillon existant, et avoir été exécutés entre février 2010 et début juillet 2010, avec établissement d'un procès-verbal de réception le 6 juillet 2010.

Il n'est produit qu'un devis peu explicite du 4 janvier 2010 (pièce 4 de la SCI) revêtu du cachet de la SCI ELISA, sans cependant de mention manuscrite d'accord. Les prestations prévues incluent notamment une élévation sur vide sanitaire, une élévation sur deux niveaux, une charpente et une couverture, ainsi que des prestations de second 'uvre (doublage, faux plafonds), sans le moindre descriptif technique ni plan, alors que par la nature de ces travaux ils relevaient nécessairement d'un permis de construire ou à tout le moins d'une déclaration de travaux.

La facturation de ces travaux ne mentionne que la référence au devis, sans détail des prestations facturées (pièce 5 de la SCI)';

2- la pièce présentée comme procès-verbal de réception (pièce 3 de la SCI) n'est pas signé de DTM pourtant mentionnée représentée, et vise la réalisation d'un pavillon et non de travaux sur pavillon existant. Ce «'procès-verbal'» indique':

«'le maître d'ouvrage déclare réceptionner ce jour tous les travaux prévus

Les travaux ont été effectués conformément aux accords passés et aux diverses instructions ultérieures [ non précisées].

Réserves éventuelles Néant

Garantie décennale fournis

Les garanties découlant des articles 1792, 192-2 er 1'192-3 du Code Civil commencent à courir à dater de la signature du présent CONSTAT.

L'entreprise déclare avoir souscrit à cet effet une police d'assurance pour la couverture du risque.

La signature du constat de réception et le règlement intégral des travaux, compte tenu éventuellement de la retenue de garantie, autorisent le client soussigné à prendre possession de l'ouvrage.'».

Il sera observé que la mention de règlement des travaux est contredite par l'affirmation de DTM d'un paiement à terme selon prêt litigieux.

3- DTM, non signataire du prétendu procès-verbal de réception, sur qui pèse la preuve de l'exigibilité de sa créance alléguée, n'est pas en mesure de produire le moindre justificatif de prestations réellement effectuées.

4- son bilan comptable pour l'exercice 2010 (pièce SCI 10) concerné par l'opération de construction alléguées ne mentionne d'achats de marchandises en 2010 qu'à hauteur de 11048€ et pour l'exercice précédent qu'à hauteur de 5923€, ce qui ne permet pas de justifier de la fourniture des matériaux nécessaires à la construction alléguée.

5- il est produit par DTM un procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 6 avril 2011 à la demande de «'Mme [Z] épouse [F]'» se présentant comme la gérante de la SCI ELISA'» dans lequel celle-ci expose que la SCI est propriétaire du pavillon construit par l'entreprise DTM, qui présente des malfaçons. Cependant c'est encore une version différente des faits qui y est exposé puisqu'il est fait référence à une construction du pavillon, au non respect des plans d'architecture (aucun n'est versé aux débats) et à un abandon de chantier, ce qui contredit le procès-verbal de réception mentionné avoir été établi le 6 juillet 2010 en présence de DTM, acceptant sans réserve les travaux prétendument exécutés par cette entreprise.

6- au surplus il apparaît que postérieurement à l'engagement de la procédure devant les premiers juges par le gérant de DTM, M [M] [I], co-associé de M.[F], ce dernier, associé de la SCI ELISA, et gérant de fait non contesté de la SCI invoque avoir adressé à M.[M] le 22 mai 2012, soit avant la signification du jugement entrepris rendu le 22 mai 2012, (pièce 3 de la SCI) un courrier en ces termes':

«'je soussigné Mr [F], je vous transmit une lettre de désistement, je vous demande de la signé et de me la retourné le plus rapidement possible, dans un délai de 48 heure si je n'ai pas de réponse de votre part, je déposerais un dossier chez l'avocat pour qu'il fasse le nécessaire pour escroquerie encontre la société DTM et SCI ELISA, l'affaire gérer par Me [M] et Mr [F], Nous sommes comprise dans cette affaires, je vous demande de finir l'affaire gentiment, j'attends votre réponse dans un délai de 48 heures.

Je vous fournis le procès-verbal du constat entre la société DTM et la SCI ELISA, nous avons signé entre les deux société pour un prêt, j'ai était d'accord au début pour escroquer l'assurance à cause de ma maladie, maintenant j'ai changé d'avis, je ne veux plus arnaqué l'assurance, entre les deux société nous avons fait un devis, pour partager la somme à gagné.

Pour cette raison la, j'ai demandé à mon associé, société DTM, de se désisté de cette part d'argent comme moi je l'ai fait, j'attend une réponse de votre part sous un délai de 48 heures, veuillez prendre des précaution le plus rapidement possible.

Entre les deux société aucun salarié de la société DTM n'a travailler chez la SCI ELISA, aucune marchandise livré par la société DTM, aucun travaux n'a été faits part la société DTM, Le voisinage est témoin'».

Il s'évince de ces éléments que la société DTM ne justifie aucunement de l'existence d'une cause licite au prêt qu'elle prétend avoir consenti à la SCI ELISA de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la société DTM de ses demandes.

Il sera statué sur les dépens et les frais irrépétibles dans les termes du dispositif ;

Au regard de la nature des faits, il convient de faire application de l'article 40 alinéa 1er du code de procédure pénale dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE la société DTM de ses demandes,

Y ajoutant,

DIT que chaque partie supportera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.

DIT que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'article 40 du code de procédure pénale,

ORDONNE la transmission du présent arrêt au Procureur de la République.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/10213
Date de la décision : 18/06/2014

Références :

Cour d'appel de Paris G5, arrêt n°12/10213 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-18;12.10213 ?
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