RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 18 Juin 2014
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12088
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 octobre 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 11/01506
APPELANT
Monsieur [F] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES, C 159
INTIMÉES
SELAFA M.J.A prise en la personne de Me [T] [I] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL CENTRE TECHNIQUE D'EDITIONS ADMINISTRATIVES (CTEA)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Safia BAZI, avocat au barreau de PARIS, E0287 substitué par Me Françoise LEMIRE, avocat au barreau de PARIS
L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, T10 substitué par Me Sara PASHOOTAN, avocate au barreau de PARIS, T10
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Mai 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Christine ROSTAND, présidente
Monsieur Jacques BOUDY, conseiller
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 12 octobre 2011 ayant débouté M. [F] [Y] de toutes ses demandes et l'ayant condamné aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel de M. [F] [Y] reçue au greffe de la cour le 1er décembre 2011 ;
Vu l'arrêt avant dire droit de la cour d'appel de Paris du 6 novembre 2013 ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 14 mai 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [F] [Y] qui demande à la cour:
- d'infirmer le jugement déféré
- statuant à nouveau,
· de fixer à son profit au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl CTEA les créances suivantes :
61 508 € à titre de rappel de salaires (avril 2008/janvier 2009) et 6 150 € de congés payés afférents
18 452,40 € d'indemnité compensatrice de préavis et 1 845 € d'incidence congés payés
5 535 € d'indemnité compensatrice de congés payés (27 jours)
6 150 € d'indemnité conventionnelle de licenciement
5 000 € de dommages-intérêts pour violation de l'article L.1222-1 du code du travail
· de fixer la moyenne de son salaire à la somme de 6 150 € bruts mensuels
· de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA IDF OUEST ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 14 mai 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la Selafa MJA (Me [I]), en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sarl CTEA (jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 mars 2009), qui demande à la cour de confirmer la décision querellée en déboutant M. [F] [Y] de l'ensemble de ses demandes ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 14 mai 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de l'AGS CGEA IDF OUEST, unité déconcentrée de l'UNEDIC, qui demande à la cour :
- à titre principal, de débouter M. [F] [Y] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer un euro symbolique au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- subsidiairement, de rejeter ses prétentions salariale et indemnitaire pour préjudice moral.
MOTIFS
La Sarl CTEA a recruté formellement M. [F] [Y] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel ayant pris effet le 1er septembre 2007 en qualité de conseil en publicité, moyennant une rémunération de 6 150 € bruts pour 130 heures mensuelles.
Aux termes d'une ordonnance du 21 mai 2008, le tribunal de commerce de Paris a désigné Me [X] en qualité d'administrateur provisoire de la Sarl CTEA pour une durée de 12 mois.
Par un courrier du 6 juin 2008, Me [X], es-qualités, a convoqué M. [F] [Y] à un entretien préalable s'étant tenu le 18 juin, suivi le 27 juin de l'établissement d'une lettre de licenciement pour motif économique («La contrainte judiciaire délivrée le 28 mars 2008 à l'encontre de M. [C] [Y] et les contraintes également délivrées à l'encontre des salariés de la société CTEA entraînent l'impossibilité de poursuivre l'activité. Ceci entraîne la suppression des quatre postes de travail existants. L'éventualité d'un reclassement interne a été examinée mais aucune opportunité n'a pu être relevée dans la société CTEA du fait du projet d'arrêt d'activité ' Vous êtes personnellement concerné par le plan de licenciement collectif pour motif économique. La présente constitue la notification de votre licenciement pour motif économique. Celui-ci est motivé par la suppression d'un poste correspondant à votre catégorie d'emploi et par l'impossibilité de vous proposer un reclassement», pièce 4 de l'appelant).
Cette lettre de licenciement pour motif économique est à replacer dans un contexte particulier au vu d'un courrier daté du 22 septembre 2008 que M. [F] [Y] a adressé à l'administrateur provisoire (Me [X]) pour s'étonner du fait de ne toujours pas en avoir reçu notification (sa pièce 5), ce dernier lui ayant répondu le 7 octobre 2008 qu'en toute hypothèse il ne disposait pas d'éléments convaincants sur sa réelle qualité de salarié de la Sarl CTEA (pièce 6).
Il s'en suivra une dernière notification opérée le 3 février 2009 à l'initiative de Me [X], es-qualités, notification adressée à M. [F] [Y] «sous la réserve expresse de l'effectivité de (sa) situation salariale» avec l'énonciation d'un même motif de nature économique (pièce 11 de la Selafa MJA).
Le tribunal de commerce de Paris rendra ultérieurement un jugement le 12 mars 2009 prononçant la liquidation judiciaire de la Sarl CTEA avec la désignation de la Selafa MJA (Me [I]) en qualité de mandataire liquidateur.
Pour débouter M. [F] [Y] de l'ensemble de ses demandes, le jugement déféré énonce «qu'il n'apporte aucun élément tendant à démontrer d'une part son activité au sein de la société, ni a fortiori, qu'il avait un lien de subordination avec le gérant, son fils de surcroît ' que cette situation ne peut que légitimer des doutes importants sur la réalité de cette activité au bénéfice de la société, et sur la réalité du lien de subordination, qui constitue un élément fondamental pour caractériser la relation de travail ' que les doutes émis par le juge d'instruction en charge du dossier pénal semblent particulièrement justifiés, les demandes de M. [F] [Y] sont dépourvues de toute base juridique et seront écartées».
En présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
Dès lors qu'en l'espèce M. [F] [Y] peut se prévaloir d'un contrat de travail écrit conclu avec la Sarl CTEA (sa pièce 1), il incombe à la partie intimée, qui soulève son caractère fictif, de le démontrer par la production d'éléments confirmant notamment l'absence de tout lien de subordination juridique entre les parties.
La Selafa MJA, au soutien de cette contestation, verse aux débats :
- une convocation pour mise en examen et première comparution adressée le 21 avril 2008 à la Sarl CTEA ayant pour représentant légal M [C] [Y] des chefs d'escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux (sa pièce 4) ;
- une note de synthèse de Me [X], es-qualités, datée du 19 février 2009 qu'il a remise au tribunal de commerce de Paris avec ces indications : «J'ai eu des entretiens réguliers avec Madame la juge d'instruction ' Je lui ai soumis à plusieurs reprises le cas de Monsieur [F] [Y], père du gérant, lequel estimait être salarié de la société CTEA. Madame le Juge d'Instruction m'a précisé qu'elle le considérait comme gérant de fait. Nous nous sommes mis d'accord récemment pour que je procède à titre conservatoire au licenciement de Monsieur [F] [Y], puisque son conseil, Maitre [O], me mettait en demeure de lui régler ses salaires. C'est la raison pour laquelle Monsieur [F] [Y] apparaît dans la Déclaration de Cessation des Paiements au poste salariés que j'ai porté pour mémoire» (pièce 12) ;
- des contrats d'engagement commerciaux dans lesquels apparaît M. [F] [Y] en tant que représentant de la Sarl CTEA (pièces 19 à 22).
De l'ensemble de ces éléments, au-delà de l'apparence résultant du contrat de travail précité, il ressort que M. [F] [Y] a exercé au sein de la Sarl CTEA une activité assimilable à celle d'un gérant de fait, ce qui rend purement fictive la relation salariale qu'il persiste à revendiquer, cela même en l'absence de tout lien de subordination réel avec son fils, M. [C] [Y], le gérant de droit.
La décision déférée sera en conséquence confirmée et M. [F] [Y], débouté à bon droit de l'ensemble de ses demandes, sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris ;
CONDAMNE M. [F] [Y] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE