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13/06/2014 | FRANCE | N°13/05546

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 13 juin 2014, 13/05546


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 13 JUIN 2014



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05546



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/15111





APPELANTE ET INTIMÉE



SAS HOTEL DE SERS Agissant poursuites et diligences de son représentant légal

Dont le si

ège social est

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par : Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée par : Me Véron...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 13 JUIN 2014

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05546

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/15111

APPELANTE ET INTIMÉE

SAS HOTEL DE SERS Agissant poursuites et diligences de son représentant légal

Dont le siège social est

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par : Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée par : Me Véronique BOLLANI, avocat au barreau de PARIS, toque :P255

SA ESOBAT prise en la personne de ses représentants légaux

Dont le siège social est

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par : Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Marc PEUFAILLIT, avocat au barreau de PARIS, toque : K14

INTIMÉES

SAS SFICA prise en la personne de ses représentants légaux

Dont le siège social est

[Adresse 3]

[Adresse 3]

SA SAGENA prise en la personne de ses représentants légaux

Dont le siège social est

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentées par : Me Nathalie HERSCOVICI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistées par : Me Patrice D'HERBOMEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C517

SARL LEDRAN AGENCEMENT prise en la personne de ses représentants légaux

Dont le siège social est [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par : Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée par : Me Emmanuelle QUINTARD, avocat au barreau de PARIS, toque : J059

SAS ENTREPRISE [S] prise en la personne de ses représentants légaux

Dont le siège social est

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par : Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée par : Me Gilda LICATA, avocat au barreau de PARIS, toque : C838

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mars 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Claude TERREAUX, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre

Monsieur Claude TERREAUX,Conseiller

Madame Valérie GERARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI

En présence de ABDESSELEM Raja, greffier stagiaire

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre et par Madame Sabrina RAHMOUNI, greffier présent lors du prononcé.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Queen Elizabeth, devenue société Hôtel de Sers, est propriétaire d'un immeuble de 8 étages situé [Adresse 3]) qu'elle exploite sous la forme d'un hôtel.

Elle a décidé courant 2002 de le faire rénover. Les travaux étaient des travaux lourds.

Un référé préventif a été ordonné et confié à Monsieur [L]. C'est ce dernier qui a poursuivi les opérations d'expertise afférentes au présent litige par extension de mission.

La société VIDALENC a assuré la maîtrise d'oeuvre de conception. Elle est assurée auprès de la MAF.

La société SFICA a assuré la maîtrise d'oeuvre d'exécution.

La société LEDRAN a assuré le lot des menuiseries intérieures.

La société ESOBAT a assuré le lot cloison doublage.

L'Européenne de marbre a assuré le revêtement de pierres.

La société [S] a assuré le lot peintures.

Le maître de l'ouvrage s'est principalement plaint de retards dans les travaux, qui ont selon lui compromis la date d'ouverture de l'hôtel, et occasionné des pertes d'exploitation.

Les entreprises ont demandé le solde du paiement de leurs travaux.

Par jugement entrepris du 12 février 2013, le Tribunal de grande instance de Paris, saisi par la société Hôtel de Sers en indemnisation de ses préjudices, a ainsi statué :

'-Constate que la société Hôtel de Sers vient aux droits de la société Queen Elisabeth;

-Dit que la SAS SFICA est responsable du retard apporté à la réception des travaux de réhabilitation de l'immeuble exploité par la sociéte Hötel de Sers;

-Dit que la SA SAGENA doit sa garantie à son assuré la SAS SFICA et que la SA SAGENA est fondé à opposer à son assuré et aux tiers la franchise prévue aux conditions particulières de son contrat d'assurance et le montant du plafond de garantie en vigueur à la date du reglement du sinistre;

-Condamne en conséquence in solidum la SAS SFICA et la SA SAGENA à payer à la société Hôtel de Sers la somme de 896.382€ en réparation du préjudice d'exploitation consécutif au retard ;

-Déboute la SAS SFICA et la SA SAGENA de leurs demandes en garantie formées contre les sociétés FPPM - EUROPEENNE DE MARBRE, LEDRAN et [S];

-Déboute la societe hôtel de Sers du surplus de ses demandes formées contre la SAS SFICA en indemnisation des préjudices consécutifs au retard apporté à la réception des travaux;

-Déboute la société Hôtel de Sers de toutes ses demandes formées à l'encontre des sociétés FPPM -EUROPEENNE DE MARBRE, LEDRAN et [S] en indemnisation des préjudices subis du fait du retard apporté àla réception des travaux;

-Déboute la société Hôtel de Sers de ses demandes en paiement de pénalités contractuelles formées à l'encontre des sociétés FPPM - EUROPÉENNE DE MARBRE, LEDRAN et [S] ;

-Déboute la société Hôtel de Sers de sa demande subsidiaire en paiement de ces pénalités contractuelles formée contre la SAS SFICA et la SA SAGENA;

-Déboute la société Hôtel de Sers de toutes ses demandes formées contre la SAS SFICA et la SA SAGENA en indemnisation des préjudices subis en raison d'un défaut d'obtention de l`arrêté préfectoral d'autorisation d'ouverture de l'établissement au public;

-Condamne la SA [S] à payer à la société Hôtel de Sers la somme de 3833,88 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel consécutif à un désordre relevant du parfait achèvement de l'ouvrage;

-Condamne la société BRIATTE à payer à la société Hôtel de Sers la somme de 5776,65 euros hors taxes à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel consécutif à un désordre relevant du parfait achèvement de l'ouvrage;

-Condamne la société DERICHEBOURG ENERGIE venant aux droits de la société RMTI à payer à la société Hôtel de Sers la somme de 19.993,53 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel consécutif à un désordre relevant du parfait achèvement de l'ouvrage;

-Condamne la société Hôtel de Sers à payer à la SARL LEDRAN AGENCEMENT la somme de 74.309,37 euros TTC avec intérêts de retard au taux légal à compter du 17 janvier'2005;

-Dit que les intérêts de retard dus pour une année entière seront capitalisés;

-Déboute la SARL LEDRAN AGENCEMENT du surplus de sa demande en paiement comprenant des sommes facturées au titre de travaux supplémentaires et de l'indemnisation du retard de chantier;

-Condamne la société hôtel de Sers à payer à payer à la société [S] la somme de 100.127,20 euros TTC avec intérêts de retard au taux légal à compter du 6 janvier 2005 ;

-Dit que les intérêts de retard dus pour une année entière seront capitalisés;

-Dit que cette somme se compense de plein droit avec celle de 3833,88 euros due par la société [S] à la société hôtel de Sers;

-Déboute la société [S] du surplus de sa demande en paiement comprenant une indemnisation au titre du retard et de la désorganisation du chantier, ainsi que la somme de 11.089,39 euros;

-Déboute la société DERICHEBOURG ENERGIE venant aux droits de la société RMTI de sa demande en paiement de la somme de 14.012,33 euros TTC au titre du solde de son marché;

-Déboute la socíété FPPM - UEUROPÉENNE DE MARBRE de sa demande paiement d'une somme de 66.431,26 euros TTC au titre du solde de son marché ;

-Condamne la société Hôtel de Sers à payer à la SA ESOBAT la somme de 30.754,84 euros au titre du solde du prix du marché ;

-Déboute la SA ESOBAT de sa demande en paiement du solde du prix de son marché formé contre la SAS SFICA;

-Déboute la SA ESOBAT de sa demande en paiement d 'une indemnité au titre de frais supplémentaires générés par le retard et la désorganisation du chantier;

-Condamne la société Hôtel de Sers à payer à la SAS SFICA la somme de 82.644,87 TTC au titre du solde des marchés BET et maîtrise d'oeuvre;

-Condamne la société Hôtel de Sers à payer à la SAS SFICA des intérêts de retard au taux légal à compter du 30 novembre 2004 sur la somme de 57.077,73 euros, et à compter du 11 mars 2011 pour le surplus de la somme due fixée ci-dessus;

-Dit que les créances réciproques des sociétés Hôtel de Sers et SFICA se compensent de plein droit entre elles;

-Déboute la société Hôtel de Sers de ses demandes tendant à être garantie par la SAS SFICA et la SA SAGENA de condamnations en paiement au titre de travaux supplémentaires, indemnités pour allongement de délais, et solde des marchés des entreprises [S], LEDRAN, ESOBAT et EDM;

-Déboute la société Hôtel de Sers de sa demande en paiement de la somme de 110.700 euros;

-Déboute la société Hôtel de Sers de sa demande en condamnation de la SAS SFICA et de la SA SAGENA à lui payer la somme de 23 1.3 87,05 euros TTC au titre de travaux supplémentaires non acceptés payés aux entreprises;

-Déboute la société Hôtel de Sers de sa demande en paiement d'une somme de 9106,46 euros au titre de la location d'un groupe électrogène;

-Déboute la société Hôtel de Sers de sa demande en paiement d'une somme de 6870,06 euros au titre de la location d'une salle de réunion;

-Condamne in solidum la SAS SFICA et la SA SAGENA à payer à la société Hôtel de Sers une somme de 100.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile comprenant notamment le coût de l'assistance d'un expert comptable pendant les opérations d'expertise;

-Condamne la société Hôtel de Sers à payer les sommes suivantes en application de l'article 700 du Code de procédure civile :

- 4.000 euros à la société LEDRAN,

- 4.000 euros à la société [S]

~ 3.000 euros à la société ESOBAT; '

-Rejette toutes les autres demandes en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

-Fait masse des dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire;

-Condamne la SAS SFICA et la SA SAGENA d`une part, et la société Hôtel de Sers d'autre part, à en supporter la charge dans les proportion suivantes :

- 30% à la charge de la société hôtel de Sers,

- 70% à la charge de la société SFICA et de son assureur la SA SAGENA;

-Dit que les dépens seront recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile;

-Ordonne l'exécution provisoire de la décision.'

Vu les conclusions de la société Hôtel de Sers, appelante, du 14 février 2014 ;

Vu les conclusions de la société SFICA et de la SAGENA, intimées et appelante incidentes, du 29 février 2013 ;

Vu les conclusions de la société ESOBAT, intimée, du 4 novembre 2013 ;

Vu les conclusions de la société LEDRAN AGENCEMENT, intimée, du 26 février 2014 ;

Vu les conclusions de la société [S], intimée, du 16 août 2013 ;

SUR CE ;

I) SUR LES RETARDS ;

Considérant que la Cour constate que l'expert judiciaire qui a effectué les opérations d'expertise relatives au présent litige, principalement pour analyser les origines des retards, est Monsieur [L], qui était en fait l'expert choisi et rémunéré par la société Hôtel de Sers pour les opérations de référé préventif destinées à éviter au maître de l'ouvrage de devoir répondre de réclamations de ses voisins pour trouble anormaux du voisinage, ou à prévenir l'apparition de tels désordres, et dont la mission a été étendue.

Considérant que l'expert, à l'issue de ses opérations, suggère à la Cour de retenir la responsabilité pour les 3/4 à la charge de SFICA, pour 11% à la charge de la société [S], pour 11% à la charge de la société LEDRAN et pour 3% à la société EDM ;

Considérant qu'il appartient à la Cour d'examiner le détail de ce rapport afin de rechercher comment il parvient à cette proportion, ainsi que les explications fournies par les parties concernées ;

1) Sur les remarques relatives à la conception, au déroulement et à l'exécution du chantier ;

Considérant que la société SFICA, architecte d'exécution, expose sans être contredite sur ce point que l'architecte de conception était [Z] [I], cousin du dirigeant de la société maître de l'ouvrage ;

Considérant qu'elle fait encore valoir que cet architecte et le maître de l'ouvrage ont effectué des modifications et des interventions en cours de travaux et ont tardé dans certains choix, ce qui a compromis le bon déroulement du chantier ;

Considérant qu'elle souligne par ailleurs que ses honoraires étaient fixés à 2,89% alors que ceux de l'architecte de conception étaient à 6,5% du montant des travaux HT, ce qui est le signe d'une prééminence de ce dernier ;

Considérant qu'alors que les travaux devaient faire l'objet d'une réception le 14 janvier 2004, ladite réception n'a pu intervenir que le 10 septembre 2004 ; que c'est pour ce retard que la société Hôtel de Sers, dont le gérant est M. [I], demande 867.726€ de dommages-intérêts ;

Considérant que la société SFICA fait encore valoir que les différents événements qui ont retardé le chantier ont fait l'objet d'une acceptation par le maître de l'ouvrage ;

Considérant qu'elle souligne que la passation des marchés n'a eu lieu pour les premier qu'en décembre 2002 et pour les derniers qu'en mai 2002 ; qu'elle indique encore que le référé préventif n'a eu lieu, à l'initiative du maître de l'ouvrage que le 20 décembre 2002 et que l'expert a effectué trois visites les 20 janvier, 10 février et 17 février 2003, ce qui a retardé d'autant les travaux de gros oeuvre, alors que le permis de démolir avait été délivré le 4 novembre 2002 et que ces opérations auraient pu être mises en oeuvre bien plus tôt ; que les travaux de démolition et de gros oeuvre n'ont pu être entrepris auparavant ;

Considérant qu'il s'ensuit d'emblée que ces opérations, qui relevaient de l'initiative du maître de l'ouvrage, assisté de l'architecte de conception ainsi qu'il l'a été précisé, ont totalement échappé à la société SFICA et se sont imposées à elle ; qu'il ne pouvait être question de procéder aux démolition auparavant ; qu'il ressort que le maître de l'ouvrage ne saurait sérieusement soutenir qu'il ignorait qu'un tel retard aurait forcément une incidence sur la date de fin des travaux ; que l'expert judiciaire, qui visitait les lieux dès cette époque, indique lui-même dans son rapport que le planning d'origine était 'irréalisable' ;

Considérant qu'il a été relevé que le chantier était difficile en raison de l'existence d'un voisin difficile, l'Hôtel Georges V ; qu'il est encore souligné que la façade sur rue était étroite ; qu'il fallait installer les cantonnements de chantier sur la voie publique ce qui nécessitait des autorisations ; qu'il est apparu qu'il fallait conforter les sous-sol sous le bâtiments ; que des contraintes imprévues se sont révélées quant aux planchers, qui ont nécessité certaines modifications ;

Considérant qu'évidemment tous le retard concernant ces travaux lourds occasionnaient des retard s en cascade et perturbaient le chantier ; que la date de réception a ainsi été reportée au 27 avril 2004 pour une ouverture au public le 17 mai 2004 ;

Considérant que le 28 avril 2004, le maître d'oeuvre de conception n'avait pas encore effectué tous les choix, si bien que son attitude, au moins sur ce point, a été un obstacle ; que les fournitures seront effectuées en conséquence postérieurement ; que la pierre pour le porche n'est arrivée qu'en juin 2004 et les luminaires le 24 juin, ce qui a engendré selon les explications de SFICA une intervention des électriciens qui ne s'est terminée qu'à la mi-août 2004 ;

Considérant que par suite des difficultés sont intervenues avec l'entreprise de peinture ; que les boiseries sont arrivées tardivement ; que 50% des réserves furent levées au mois d'août ;

Considérant au surplus que dès juillet 2004, l'hôtel fonctionnait avec 50% des chambres ainsi qu'il ressort d'une pièce du maître de l'ouvrage lui-même, qui oublie de préciser ce point dans ses écritures ;

2) Sur le rapport d'expertise et la responsabilité de SFICA ;

Considérant que sur la question des retards, l'expert souligne que ce n'est que le 3 mai 2005 que l'arrêté d'ouverture de l'hôtel au public a été délivré ;

Considérant que l'expert lui-même explique en fait, ainsi qu'il vient d'être vu, que l'hôtel a accueilli ses premiers clients dès le 4 juillet 2004 dans les chambres prêtes ; qu'il faut donc en conclure que seules la moitié des chambres restaient à finir en raison des retards susmentionnés ;

Considérant que sur un autre point l'expert n'est pas crédible en faisant valoir que c'est seulement le 9 octobre 2003 que le retard a été déclaré pour retenir la responsabilités des entreprises intervenantes sur le retard subi par rapport à la date prévue initialement, dont il a été vu ci-dessus que le délai ne pouvait en fait matériellement être tenu, ainsi que l'a constaté lui-même le même expert ;

Considérant que l'expert considère ensuite, dès les premiers retards dus à l'expertise préventive qu'il a menée, que SFICA en est responsable car elle aurait 'dû en tenir compte' et qu'elle a 'manqué de réactivité' ; que cette conclusion n'est pas sérieuse;

Considérant que d'autres remarques de SFICA sont écartées par l'expert car soutenues 'sans conviction' ; qu'écarter une argumentation pour ce motif n'est pas techniquement pertinent par un expert judiciaire ;

Considérant que la suppression de l'atrium, qui a été refusée par l'Administration, ne saurait concerner la société SFICA ; qu'elle constitue soit une question imputable à l'architecte de conception qui n'a pas consulté préalablement l'Administration, soit le fait du Prince et a dû être subie par la société SFICA ;

Considérant qu'il est constant également que l'humidité du mur a généré des coûts et retards supplémentaires concernant le revêtement, alors que ce point aurait pu être abordé dès la conception par l'architecte de conception, l'expert relevant qu'il s'agissait d'un problème très apparent, et la société Hôtel de Sers faisant valoir qu'un simple testeur d'humidité permettait de mesurer exactement l'ampleur du phénomène ;

Considérant que les considérations de l'expert, sur le déplacement de la base-vie, qui explique que c'est le maître d'oeuvre de conception qui a obtenu ce déplacement montre le rôle indiscutable que ce dernier a eu dans les travaux ; qu'il en va de même des 'modifications architecturales diverses', dont il est confirmé qu'elles ont été effectuées en cours de chantier par ou avec le maître d'oeuvre de conception, à propos desquelles l'expert reproche à la société SFICA de ne pas prouver 'qu'elles sont anormales et imprévisibles' pour justifier la longueur du chantier, alors que la seule question qui se pose est de savoir si effectivement de tels changements, effectués par le maître d'ouvrage et l'architecte de conception, allongeaient la durée des travaux, ce qui n'est pas contesté ;

Considérant que de même, sur les prestations sur l'intérieur des chambres, modifiées par le maître d'oeuvre de conception, l'expert, qui prend position juridiquement au côté de la société Hôtel de Sers, ce qui n'est pas dans son rôle, pour retenir 'qu'il n'est pas établi que les interventions du maître d'oeuvre de conception aient excédé celles prévisibles...', ne fournit aucun élément à la Cour pour considérer que ces retards, qui ne sont pas imputables à SFICA, n'aient pas logiquement repoussé la date de finition des travaux, ce qui paraît dans un premier temps logique ;

Considérant que de tels travaux sont en général soumis à des aléas qu'il faut prendre en compte et qui nécessitent qu'un délai confortable soit prévu ; que l'expert en l'espèce a d'emblée souligné que le délai était insuffisant ; que si la Cour conçoit que dans un souci de rentabilisation de son investissement l'hôtelier ait souhaité le délai le plus court possible, cette préoccupation ne doit pas le conduire à réclamer des délais irréalisables ;

Considérant qu'il convient de rappeler ici au surplus que l'architecte d'exécution est tenu à une obligation de moyens et ne peut être tenu de répondre de faits fortuits, de force majeure, de découvertes de défauts de structures défaillantes ou autres éléments cachés en cours de chantier nécessitant des travaux imprévus ou de retards imputables à des tiers ou au maître de l'ouvrage ;

Considérant que de même les reproches de l'expert et de la société Hôtel de Sers formulés à l'encontre de SFICA pour lui reprocher de n'avoir pris aucune mesure pour résorber le retard sont peu convaincants en raison du fait que, sauf à bâcler les travaux ou à les mener dans un ordre décousu source d'autres inconvénients et retards, il n'apparaît pas clairement comment, sauf à en aggraver le coût en multipliant le nombre de compagnons, ce qui aurait nécessité l'accord du maître de l'ouvrage, il était possible d'effacer un retard acquis ;

Considérant qu'il résulte de ces considérations que le rapport d'expertise qui impute la majorité des retards à la société SFICA, le reste étant partagé entre LEDRAN, EDM et [S], et qui ne retient aucune part de responsabilité à l'encontre du maître de l'ouvrage et de l'architecte de conception ne reflète pas la réalité ;

Considérant qu'il n'appartenait assurément pas au maître d'oeuvre d'exécution de signer les marchés, d'engager la procédure de référé préventif qui a retardé l'engagement des travaux lourds de démolition et de reconstruction, de modifier les options esthétiques, d'obtenir les autorisation d'ouverture avec la Préfecture, d'acheter les matériaux ; que ce sont pourtant ces actes qui ont occasionné en grande partie les retards;

Considérant que la société SFICA cite un courrier de la société Hôtel de Sers dans lequel cette dernière écrit 'au motif que d'importants TS [travaux supplémentaires] ont été commandés et exécutés en cours de chantier, la date de réception a été reportée dans un premier temps au 15 mars 2004, puis en définitive au 27 avril suivant' ; que cette correspondance indique d'une part que la société était parfaitement au courant de la situation à la date de ce courrier du 15 mars 2004, mais encore que ces retards étaient imputables à des travaux supplémentaires ;

Considérant qu'il n'est pas sérieux enfin, comme le fait le maître de l'ouvrage, d'imputer les retards et leur responsabilité au fait que la société SFICA n'a pas modifié la date d'achèvement des travaux sur les devis complémentaires ;

3) Sur la responsabilité de LEDRAN AGENCEMENT ;

Considérant que la société LEDRAN était chargée du lot huisseries intérieures, et plus précisément des boiseries et placards ;

Mais considérant que le maître de l'ouvrage n'avait pas tenu compte lors de la passation du marché le 23 octobre 2003 qui prévoyait une réception du 13 janvier 2004 que ce délai était impossible à tenir compte-tenu des retards que connaissait l'ensemble du chantier et relatés ci-dessus ; que c'est d'ailleurs pour ce motif que la société LEDRAN a avec raison refusé d'accepter les plannings imposés ; qu'il lui était impossible en effet de tenir de tels délais dans un immeuble qui était encore inachevé dans sa structure, dès lors qu'il est constant que les huisseries intérieures sont des travaux qui prennent place après le gros oeuvre ; que le jugement devra pareillement être infirmé sur ce point ;

4) Sur la responsabilité de la SA [S] ;

Considérant que pour des raisons que détaille la société [S] et qu'il n'appartient pas à la Cour de rappeler ici, il est constant que le retard subi par les autres travaux, la reprise des réserves et même la demande formée par le maître de l'ouvrage de suspendre pendant une semaine ses travaux ne permet pas de lui imputer les retards occasionnés au départ, et qui ont eu fatalement des répercussions en cascade ; que dans un courrier du 13 mars 2004, l'architecte [I] reconnaît lui-même le désordre qui a régné dans la menée des travaux, source de retards de tous ordres, qui a conduit à poser les parquets avant les enduits, les sols en marbre dans les chambres après l'achèvement des chambres et autres incohérences, désordre qui ne pouvait qu'engendrer lui-même des retards ;

Considérant que compte-tenu de l'ensemble de ces considérations la Cour considère que loin d'être imputables principalement à la société SFICA et plus accessoirement aux entreprises [S] et LEDRAN, et alors que le calendrier était déjà d'emblée presque impossible à respecter selon l'expert, les retards initiaux et les conséquences qui en ont suivi sont imputables à des initiatives tardives du maître de l'ouvrage (référé-prévention engagé juste avant l'engagement des travaux, signature de certains contrats avec les entreprises, à des interventions intempestives de ce dernier et de l'architecte de conception et à des erreurs de ce dernier, à certaines découvertes (sous-sol, planchers,..) imprévues, signature d'actes par le maître de l'ouvrage avec des délais intenables matériellement, dont il n'est pas établi qu'elles constituent un manquement à l'obligation de moyen de l'architecte d'exécution ; que ces retards en ont entraîné d'autres tant par le décalage qu'ils induisaient que par le fait que le bon ordre de réalisation des travaux n'était plus respecté ce qui était source de travaux nécessitant des précautions ou des ajustements qui causaient des pertes de temps ;

Considérant qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur les retards et de débouter l'Hôtel de sers de ses demandes sur ce point ; qu'il en ira de même des demandes subséquentes, devenues sans objet ;

Sur les demandes de condamnation de la SA [S] pour les malfaçons ;

Considérant qu'il y a lieu, par motifs adoptés, de confirmer le jugement entrepris sur ces points ;

Sur les demandes de règlement de soldes de leurs travaux par les entreprises LEDRAN, [S], ESOBAT et SFICA ;

Considérant qu'il y a lieu, compte tenu du sens de la présente décision, de dires les pénalités de retard appliquées à chacune des entreprises mal fondées ;

Considérant que sur les demandes de [S], il n'est pas discuté que cette entreprise a effectué des travaux supplémentaires pour un montant de 42.282,33€ TTC ; que les premiers juges ne pouvaient suivre l'argumentation du maître de l'ouvrage sur cette question et permettre à ce dernier de se soustraire au paiement des sommes dues au motif que l'entreprise [S] n'avait pas respecté les délais prévus par les stipulations de l'article 19.2 de la norme AFNOR ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Hôtel de Sers à payer à la société [S] la somme de 42.282,33€ TTC augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter du 17 septembre 2004 ;

Considérant qu'il convient pour les mêmes motifs de condamner la société Hôtel de Sers à payer à la société de parois ESOBAT la somme de 142.451,86€ correspondant aux marchés initiaux, diminuée de la somme de 30.754,84€ déjà versée, soit 111.697,02€, augmentée des intérêts calculés à compter du 12 octobre 2006 ;

Considérant qu'il y a pareillement lieu de condamner la la société Hôtel de Sers à payer à la société LEDRAN la somme de 132.877,50€ TTC correspondant au solde de son chantier, augmentée des intérêts calculés à compter du 25 janvier 2005 ;

Considérant qu'il convient pour les mêmes motifs de condamner la société Hôtel de Sers à payer à la société SFICA la somme de 183.823,47€ HT, majorée de la TVA applicable, et augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter du 12 octobre 2004, compte-tenu des deux missions qui lui ont été confiées, le Tribunal ne pouvant écarter cette demande alors que le travail a été réalisé, au seul motif que la mission était forfaitaire, dès lors que lors de la signature de cette mission toutes les prestations finalement exécutées n'étaient pas incluses et ne pouvaient être envisagées par les parties puisque certaines résultaient de découvertes imprévues et d'autres de modifications nouvelles du maître de l'ouvrage ;

Sur les frais non compris dans les dépens ;

Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit prononcé de condamnation sur le fondement de ce texte ;

Sur les dépens ;

Considérant que la société Hôtel de Sers qui succombe devra supporter les dépens qui comprendront les frais de référé, de première instance et les frais d'expertise ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirmant pour partie le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

-Déboute la société Hôtel de Sers de toutes ses demandes relatives aux retards ;

-Dit sans objet les demandes, appels en garantie formés sur ce motif et autres actions subséquentes des autres parties ;

-Condamne la société Hôtel de Sers à payer à la société [S] la somme de 42.282,33€ TTC augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter du 17 septembre 2004 ;

-Condamne la société Hôtel de Sers à payer à la société ESOBAT la somme de 111.697,02€, augmentée des intérêts calculés à compter du 12 octobre 2004 ;

-Condamne la société Hôtel de Sers à payer à la société LEDRAN la somme de 132.877,50€ TTC augmentée des intérêts calculés à compter du 25 janvier 2005 ;

-Condamne la société Hôtel de Sers à payer à la société SFICA la somme de 183.823,47€ HT, majorée de la TVA applicable, et augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter du 12 octobre 2004 ;

-Rejette toutes autres ou plus amples demandes ;

- Dit n'y avoir lieu de prononcer sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et infirme en totalité le jugement entrepris sur ce point ;

-Condamne la société Hôtel de Sers aux entiers dépens, dont ceux des instances en référé, de première instance et d'appel et les frais d'expertise, et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/05546
Date de la décision : 13/06/2014

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°13/05546 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-13;13.05546 ?
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