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13/06/2014 | FRANCE | N°13/00348

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 13 juin 2014, 13/00348


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 13 JUIN 2014



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/00348



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/1642





APPELANTE



SAS [Adresse 2] agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]


[Localité 1]



Représentée par : Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée par : Me Renaud CAVOISY, avocat au barreau de PARIS, toque...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 13 JUIN 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/00348

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 04/1642

APPELANTE

SAS [Adresse 2] agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par : Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée par : Me Renaud CAVOISY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0263

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre

Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller

Madame Valérie GERARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI

En présence de Raja ABDESSELEM, greffier stagiaire

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine BERTRAND, président et par Madame Sabrina RAHMOUNI, greffier présent lors du prononcé.

FAITS, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les faits et la procédure ont été exposés dans l'arrêt du 14 février 2014, auquel il est expressément référé, qui a déclaré irrecevables les interventions volontaires de la SA ARTELI, de la SA AVIVA Assurances, de la SA ALMA Services, de la société SNEFF, de la SAS Rabot -Dutilleul Construction et de la société UTC Fire & Services, sursis à statuer sur la demande en récusation et renvoyé l'affaire à l'audience du 6 mars 2014.

Vu les dernières conclusions de la SAS [Adresse 2] (SIHPM) du 5 mars 2014 aux termes desquelles elle demande :

Vu l'ordonnance du Juge du contrôle datée du 13 décembre 2012,

Vu l'article 496 du Code de procédure civile,

Vu les articles 950 et suivants du même Code,

Vu les présentes conclusions, ensemble les pièces y jointes,

Vu les dispositions des articles 234 et 235 du Code de procédure civile,

Vu les dispositions de les articles 341-4, 341-7 et 341-8 du même code,

Vu les dispositions de l'article L 111-6, al. 4, 7 et 8 du Code de l'organisation judiciaire,

Vu l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,

Vu l'exigence d'impartialité,

Vu le droit à un procès et à une instruction équitable,

Vu l'accord du Parquet du tribunal de grande instance de Paris, 5 ème division Section S2, du 13 juin 2013, pour communiquer, sur demande écrite de la Cour, au dossier de la Cour (RG N 13/00348) le rapport de synthèse de la BRDE du 3 février 2010 et du procès-verbal d'audition de Monsieur [B],

Vu lesdites pièces communiquées au dossier de la Cour,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,

Vu l'exigence d'impartialité,

Vu le droit à un procès équitable,

Recevoir la SIHPM en son appel, l'en déclarer recevable et bien fondée ;

Annuler l'ordonnance entreprise pour violation des règles de la procédure de récusation ;

En tout état de cause :

Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

ET STATUANT À NOUVEAU

Il est demandé à la Cour de :

Constater l'existence d'un procès civil entre, d'une part, la SOCIÉTÉ [Adresse 2] et, d'autre part, Messieurs (i) [T] [U], (ii) [L] [A] et (iii) [G] [X] ;

Constater que la mission d'expertise judiciaire est incompatible avec la pratique habituelle de l'expertise d'assurance qui place l'expert dans un lien de dépendance économique avec les compagnies d'assurance ;

Constater au surplus, concernant Monsieur [T] [U], que sa pratique de l'expertise d'assurance a donné lieu à une activité significative pour le compte de compagnies d'assurance ;

Rappeler que cette pratique est de nature à faire naître un doute raisonnable quant à l'impartialité de Monsieur [T] [U] et à son indépendance ;

Dire que cette pratique ne pouvait être ignorée de Messieurs [L] [A] et [G] [X] ;

Rappeler que Messieurs [Z] [W], [A] et [X] nt toujours refusé, jusqu'à ce jour, de déclarer les expertises amiables et juridiques qu'ils ont eu et ont avec les avocats et les parties dans la cause, suivant les recommandations des Présidents de Cours d'Appel ;

Constater, dire et juger qu'il ressort des présentes écritures et des pièces y afférentes l'existence d'une inimitié et d'une absence d'impartialité des Experts ;

Constater, dire et juger qu'il ressort des présentes écritures et des pièces y afférentes une absence d'impartialité des experts vis-à-vis de la Société SIHPM portant atteinte au droit à un procès et à une instruction équitable et aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,

EN CONSÉQUENCE,

Prononcer la récusation de Messieurs (i) [T] [U], (ii) [L] [A] et (iii) [G] [X], experts judiciaires nommés dans l'expertise dite « Générale » par ordonnances de référés du tribunal de grande instance de Paris des 7 avril et 14 mai 2004 et ordonnance du juge du contrôle des expertises du tribunal de grande instance du 11 octobre 2005 ;

Déclarer mal fondées les écritures du Ministère Public ;

Pourvoir au remplacement de Messieurs (i) [T] [U], (ii) [L] [A] et (iii) [G] [X], experts judiciaires pour poursuivre les opérations d'expertise à la date de la saisine de la requête en récusation ;

Décharger la concluante de toute condamnation à amende civile ;

Statuer ce que de droit quant aux dépens.

Vu l'avis du Ministère Public du 7 juin 2013 concluant au rejet de la demande d'annulation de l'ordonnance du 13 décembre 2012 et à la confirmation de celle-ci.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la procédure :

La procédure de récusation est régie par les seuls articles 234 et 235 du code de procédure civile et seul le requérant est partie à la procédure de récusation.

En entendant les experts et les parties à l'expertise, fut-ce à titre de renseignement, le juge chargé du contrôle de l'expertise a méconnu la procédure applicable à la récusation des techniciens et l'ordonnance déférée doit être annulée.

Sur le fond :

Les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges. La partie qui entend récuser le technicien doit le faire devant le juge qui l'a commis ou devant le juge chargé du contrôle avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de récusation.

La SIHPM invoque :

- l'existence du procès civil en responsabilité qu'elle a intenté à l'encontre des experts par assignations délivrées le 29 juin 2012, article L111-6 4 du code de l'organisation judiciaire,

- l'existence d'un lien de subordination, article L111-6 7 et la dépendance économique des experts vis à vis des compagnies d'assurance,

- l'inimitié des experts vis à vis de la SIHPM, article L111-6 8 et plus généralement l'absence d'impartialité des experts constituant une violation des dispositions de l'article 6-1 de la CEDH.

-I- L'existence d'un procès entre la SIHPM et les experts :

La SIHPM a fait assigner les 3 experts désignés devant le tribunal de grande instance d'Évry, par actes des 29 juin 2012, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, pour les voir condamner à lui payer la somme de 4 000 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des fautes commises, selon elle, lors de leur mission d'expertise ayant conduit à une perte de chance de gagner son procès contre la SA COTEBA.

Ces assignations interviennent après plusieurs demandes de remplacement des mêmes experts qui ont toutes été rejetées de manière définitive pour certaines d'entre elles.

La SIHPM reproche aux experts des négligences fautives et une falsification des données de l'expertise tant dans l'expertise pour laquelle est sollicitée leur récusation, que dans les expertises dites RABOT-DUTILLEUL et COTEBA dont les rapports sont déposés depuis 2009 et 2010.

Ces griefs sont en réalité des critiques au fond sur l'avis donné par les experts et sur la façon dont ils ont conduit leur expertise qui ne peuvent être appréciés que par le juge saisi au fond du litige préalablement à toute éventuelle action en responsabilité.

Il ne va de même sur le grief tiré du non examen par les experts du « faux » rapport d'OPR pour lequel une information judiciaire est toujours en cours. En effet, il doit être rappelé que la mission des experts concerne le sinistre du 21/22 mars 2004 et ses conséquences et que la question de l'existence ou non d'un faux rapport d'OPR sur la plomberie et ses conséquences relève plus de l'expertise dite « COTEBA » dont le rapport a déjà été déposé. La note de synthèse du 21 janvier 2013 fait état de l'avis des experts sur les causes du sinistre, sans effectivement que les rapports d'OPR successifs ne soient mentionnés mais ils motivent leur avis par des considérations techniques qu'il appartiendra au seul tribunal saisi au fond d'apprécier, de même que le compte entre les parties qu'ils ont établi, qui peut être librement contesté par les parties.

Le procès en responsabilité contre les experts, formé quelques jours avant la demande de récusation, alors que l'expertise est en phase finale, soit pour des motifs déjà examinés par les décisions précédentes ayant rejeté les demandes de remplacement, soit pour des motifs qui doivent être préalablement appréciés par le juge du fond du litige, est clairement intenté à la seule fin de se constituer une cause péremptoire de récusation pour contourner les décisions de remplacement déjà rejetées à de multiples reprises. Il ne saurait donc constituer une cause de récusation.

-II- L'existence d'un lien de subordination et la dépendance économique des experts vis à vis des compagnies d'assurance :

L'article L11-6 7 du code de l'organisation judiciaire est visé par la requérante mais l'existence d'un lien de subordination au sens de ce texte n'est pas démontrée ni même alléguée, la SIHPM entendant démontrer en revanche que les experts et plus spécialement [T] [U] exercent une activité d'expert en assurances incompatible avec l'indépendance nécessaire à une mission d'expertise judiciaire.

Le fait qu'un expert ait réalisé des missions d'expertise pour des sociétés d'assurance ne constitue pas, en soi, l'exercice d'une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise, au sens de l'article 2 6 du décret du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires.

Les statuts de la SARL AGCG Consultants montrent que l'activité d'expertises pour le compte d'assureurs n'est pas la seule activité exercée puisqu'elle réalise également des diagnostics immobiliers et des expertises pour le compte de tiers. Le chiffre d'affaires relevé par la SIHPM n'est donc pas le seul résultat d'expertises menées pour le compte d'assureurs et la SIHPM échoue à démontrer qu'il s'agit d'une activité « significative » permettant de douter de son impartialité.

Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle cette activité serait réputée connue des deux autres experts ne repose sur aucun élément objectif.

-III- l'inimitié des experts envers la SIHPM ou plus généralement l'absence d'impartialité de ces derniers à son égard :

Pour constituer une cause de récusation en application de l'article L111-6 du code de l'organisation judiciaire, l'inimitié doit être notoire ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

L'énonciation par les experts d'un avis divergent sur les causes d'un sinistre n'est pas en soi un signe d'impartialité à l'égard de la partie qui soutient un avis contraire étant observé que chaque partie peut contester les conclusions d'un rapport d'expertise qui, en tout état de cause ne lie pas le juge.

La SIHPM soutient que les experts ont manqué d'impartialité à son égard en refusant d'analyser les rapports d'OPR dont l'un serait faux et qui fait l'objet de l'information judiciaire en cours. Or d'une part, ces éléments concernent surtout l'expertise COTEBA dont le rapport est déjà déposé et qui ne sauraient donc fonder la présente demande en récusation et, d'autre part, l'avis technique des experts sur les causes du sinistre du 21/22 mars 2004, n'est qu'un avis dont il est totalement prématuré d'affirmer qu'il sera adopté par le juge du fond.

À supposer même que cet avis soit erroné, ce qu'il appartiendra au juge du fond de déterminer au vu des éléments apportés par les parties, il n'est pas démontré par la SIHPM qu'il procède d'une intention malveillante à son égard ou d'un désir de la défavoriser dans les conclusions de cette expertise pour établir que les experts ont été partiaux à son égard.

La demande de récusation doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

ANNULE l'ordonnance du 13 décembre 2012,

Statuant à nouveau,

REJETTE la demande de récusation formée par la SIHPM,

Condamne la SIHPM aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/00348
Date de la décision : 13/06/2014

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°13/00348 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-13;13.00348 ?
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