RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 12
ARRÊT DU 12 Juin 2014 (no, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/ 06690 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mars 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG no 10/ 03698
APPELANTE CAF 75- PARIS 50 rue Docteur Finlay Bureau des Affaires Juridiques 75750 PARIS CEDEX 15 représentée par Mme Martine X... en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
Madame Kady Y...
représentée par Me Fabien BODIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 11/ 32042 du 02/ 09/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS) Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale 14 avenue Duquesne 75350 PARIS CEDEX 07 avisé-non comparant
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller qui en ont délibéré Greffier : Mme Fatima BA, lors des débats ARRÊT :- contradictoire-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Mélanie RAMON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Madame Kady Y... à l'encontre du jugement prononcé le 9 mars 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS dans le litige l'opposant à la Caisse d'Allocations Familiales de PARIS.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame Kady Y... ressortissante malienne a sollicité le bénéfice des prestations familiales en juillet et novembre 2009 en faveur de ses trois enfants Aminata née le 15 mars 2004, Soumaila née le 4 mars 2005 et Batio né en France le 18 août 2008. Un premier titre de séjour temporaire lui a été délivré le 6 février 2009, toutefois, le bénéfice des prestations familiales lui a été refusé au motif du défaut du certificat délivré par l'Office Français de l'Intégration et de l'Immigration, les conditions des exceptions posées par l'article D 512-2 alinéa 5 et 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, n'étant pas remplies. La Commission de Recours Amiable, par une décision prise en sa séance du 25 octobre 2010 a refusé l'octroi des prestations en faveur d'Aminata et Soumaila.
Par un jugement prononcé le 9 mars 2011 le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS a annulé la décision de la Commission de Recours Amiable et fait droit aux demandes de Madame Y... et ordonné à la Caisse d'Allocations Familiales de PARIS de procéder au réexamen et liquider les droits de Madame Y... à compter du mois de mars 2009. La Caisse d'Allocations Familiales de PARIS (la Caisse) fait plaider par l'intermédiaire de sa représentante les conclusions visées par le greffe social le 7 mars 2014 tendant à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que les droits étaient ouverts en faveur d'Aminata et de Soumaïla à compter du mois de mars 2009 et à sa confirmation sur les autres points ainsi qu'au débouté des demandes. La Caisse fait valoir que le certificat de l'OFII doit être produit à l'appui de la demande de prestations dans la mesure où la condition posée par l'alinéa 5 de l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale tenant à l'entrée des enfants au plus tard en même temps que l'un des parents n'est pas remplie ni celle tenant à l'alinéa 7 concernant le parent qui doit être en possession d'un titre délivré selon l'article 313-11-7. La Caisse soutient également que subordonner le bénéfice des prestations familiales au respect des articles L 512-1, L 512-2 et D 512-2 du code de la sécurité sociale ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales pas plus qu'à l'intérêt supérieur des enfants garantis par les dispositions de l'article 3-1 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant. Elle ajoute qu'il appartiendra à la Cour compte tenu des éléments connus de déterminer si l'égalité de traitement prévue à la convention franco-malienne est applicable à Madame Y.... Madame Y... fait plaider par son conseil les conclusions visées par le greffe social le 7 mars 2014 tendant à la confirmation du jugement entrepris. Elle sollicite la condamnation de la Caisse d'Allocations Familiales de PARIS à lui verser le montant de ses droits liquidés à compter du mois de mars 2009 outre une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame Y... fait valoir l'incompatibilité des exigences posées par les articles L 512-1, L 512-2 et D 512-2 du code de la sécurité sociale avec le principe de valeur constitutionnelle de l'égalité de traitement. Elle soulève également l'incompatibilité de ses textes avec les articles 8 et 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et l'article 1er du Protocole additionnel no 1 de la dite convention relativement à l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité. Elle soulève en outre l'incompatibilité de ces mêmes textes avec l'article 3-1 de la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant et enfin la violation de la Convention Générale du 12 juin 1979 entre le gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République du Mali sur la Sécurité Sociale dont les articles 1 et 3 sont relatifs à l'égalité de traitement entre les ressortissants des deux pays quant à la législation sur les prestations familiales.
SUR QUOI, LA COUR :
Considérant les dispositions de la convention générale entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement du Mali sur la sécurité sociale et ses deux protocoles signés à Paris le 12 juin 1979 ;
Que les articles 1er et 3 de la dite convention posent le principe de l'égalité de traitement quant aux bénéfices de la législation sur les prestations familiales entre les ressortissants maliens, exerçant en France une activité salariée ou assimilée ainsi que leurs ayant droits, et les ressortissants français ; Considérant qu'il se déduit de ce texte que l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité dans le domaine de l'application de l'accord implique qu'un ressortissant malien résidant légalement en France soit traité de la même manière que les nationaux ; Considérant qu'il en résulte que la législation française ne saurait soumettre l'octroi des prestations familiales à des conditions supplémentaires ou plus rigoureuses par rapport à celles applicables à ses propres ressortissants ;
Considérant que selon les articles L 512-2, D 512-1 et D 512-2 du code de la sécurité sociale, le bénéfice des allocations familiales est soumis à la production du certificat médical délivré par l'Office Français de l'Intégration et de l'Immigration à l'issue de la procédure de regroupement familial ; Considérant que ces articles instituent une discrimination directement fondée sur la nationalité qui doit être écartée en l'espèce pour accueillir la demande de prestations familiales en vertu de la convention générale de sécurité sociale conclue entre la France et le Mali le 12 juin 1979, publiée par le décret no 83-577 du 16 juin 1983, Madame Y... justifiant de la régularité de son séjour et de son statut de salarié depuis son entrée sur le territoire français ; Considérant que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont accordé à Madame Kady Y... le bénéfice des prestations familiales à compter du mois de mars 2009 ; Considérant qu'au regard de la situation respective des parties il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS Déclare la Caisse d'Allocations Familiales recevable mais mal fondée en son recours ; Confirme le jugement entrepris ;
Le Greffier, Le Président,