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12/06/2014 | FRANCE | N°10/06185

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 12 juin 2014, 10/06185


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 12 Juin 2014

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06185

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juin 2010 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 08/12575



APPELANTE

Madame [M] [V] [M]

[Adresse 3]

comparante en personne, assistée de Me Rodolphe BOSSELUT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0719



INTIMES

- SAS

GROUPE RESERVOIR PROD

[Adresse 2]

représentée par Me Magaly LHOTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2547



- Monsieur [E] [N], décédé



- Madame [F] [X], représen...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 12 Juin 2014

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06185

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juin 2010 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 08/12575

APPELANTE

Madame [M] [V] [M]

[Adresse 3]

comparante en personne, assistée de Me Rodolphe BOSSELUT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0719

INTIMES

- SAS GROUPE RESERVOIR PROD

[Adresse 2]

représentée par Me Magaly LHOTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2547

- Monsieur [E] [N], décédé

- Madame [F] [X], représentant légal de Monsieur [A] [N]-[X] ([P]), ayant-droit de Monsieur [E] [N]

Représentée par Me Isabelle WEKSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R058, substitué par Me Nathaniel SCHILLI, avocat au barreau de Paris

- Madame [T] [I] veuve [N], ayant-droit de Monsieur [E] [N]

[Adresse 1]

non comparante, représentée par Me Magaly LHOTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2547

PARTIE INTERVENANTE :

SASU GROUPE RESERVOIR

[Adresse 2]

représentée par Me Magaly LHOTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2547

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Avril 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel interjeté par Mme [Q] [M] à l'encontre d'un jugement prononcé le 18 juin 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris (formation de départage) ayant statué sur le litige qui l'oppose à la société GROUPE RESERVOIR et à M. [E] [N], sur ses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui

- a débouté Mme [Q] [M] de toutes ses demandes tant à l'encontre de la société GROUPE RESERVOIR que de M. [E] [N],

- a débouté M. [E] [N] et la société GROUPE RESERVOIR de leurs demandes reconventionnelles et de celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné Mme [M] aux dépens.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

Mme [M] [V] [M], appelante, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour

- de condamner la société GROUPE RESERVOIR à lui régler les sommes suivantes :

- 831 600 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 41 059,45 € à titre d'indemnité de licenciement,

- de condamner in solidum Mme [F] [X] en sa qualité de représentante légale de son fils, [A] [N]-[X], et Mme [T] [I]-[N], ayants droit de M. [E] [N], à lui régler les sommes suivantes :

- 334 000 € à titre de rappel de salaires,

- 35 400 € à titre de congés payés afférents,

- 33 000 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 16 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 650 € à titre de congés payés afférents,

- 6 372,20 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 33 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner solidairement les intimés à lui verser en outre la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société RESERVOIR PROD, demande à la cour de déclarer irrecevable l'appel interjeté par Mme [M] le 12 juillet 2010 à son encontre et de condamner Mme [M] à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GROUPE RESERVOIR, demande à la cour :

- à titre principal : de déclarer irrecevable l'assignation signifiée à son encontre le 9 mai 2012 par Mme [M] et de constater la forclusion de l'appel formé à son encontre,

- à titre subsidiaire : de confirmer le jugement déféré et de débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes,

- en tout état de cause, de condamner Mme [M] à lui verser la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [F] [X], en qualité de représentante légale de son fils mineur, [A] [N]-[X], sollicite la confirmation du jugement déféré, le débouté de Mme [M]de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Mme [T] [I]-[N], conclut à la confirmation du jugement déféré, au débouté de Mme [M]de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 8 novembre 2002, à effet du 12 novembre 2002, Mme [M] a été engagée par la société RESERVOIR PROD en qualité de directrice générale adjointe (statut cadre dirigeant).

La société RESERVOIR PROD est une filiale du groupe RESERVOIR fondé en 1994 par M. [E] [N].

Selon courrier du 26 septembre 2003, contresigné par Mme [M], le contrat de travail a été transféré, à compter du 1er août 2003, à la holding du groupe, la société GROUPE RESERVOIR, dont Mme [M] est devenue directrice générale.

Par lettre remise en main propre et par lettre RAR, toutes deux du 9 juillet 2008, adressées à M. [N], Mme [M] a présenté sa démission, invoquant un climat d'agression et d'humiliation dont elle était victime de la part de M. [N] et l'impossibilité dans laquelle elle était de poursuivre ses obligations contractuelles.

A compter de la fin du mois de juillet 2008, Mme [M] a été en arrêt de travail pour "dépression sévère".

Le 27 octobre 2008, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes qui a rendu le jugement déféré.

En octobre 2010, la CPAM a reconnu l'état d'invalidité temporaire de Mme [M] réduisant de 2/3 au moins sa capacité de travail.

M. [N] est décédé le [Date décès 1] 2012.

SUR CE

La cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions des parties déposées à l'audience du 3 avril 2014.

Sur la procédure

Sur l'appel initial formé par déclaration d'appel du 12 juillet 2010

La déclaration d'appel de Mme [M] en date du 12 juillet 2010 visait, outre M. [E] [N], "la société GROUPE RESERVOIR PROD, SAS au capital de 5 528 160 euros, inscrite au RCS de Paris sous le numéro 432 411 502 (...) dont le siège est [Adresse 2]".

Il est constant que la société GROUPE RESERVOIR PROD n'existe pas et que le numéro RCS et le siège social attribués à celle-ci dans la déclaration d'appel sont en réalité ceux de la société RESERVOIR PROD.

Le greffe de cette cour ayant convoqué le société GROUPE RESERVOIR PROD, c'est la société RESERVOIR PROD qui est intervenue à la présente instance.

La société RESERVOIR PROD n'était cependant pas partie en première instance.

En application de l'article 547 du code de procédure civile, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance.

La déclaration d'appel n'a donc pu attraire valablement devant cette cour la société RESERVOIR PROD qui doit être mise hors de cause.

Contrairement à ce que soutient Mme [M], la déclaration d'appel qui visait une société GROUPE RESERVOIR PROD, SAS, inexistante, et mentionnait de surcroît un numéro RCS et un siège social qui étaient ceux de la société RESERVOIR PROD, SASU, n'a pu valablement attraire en la cause la société GROUPE RESERVOIR, SASU, qui constitue une entité juridique distincte de la société RESERVOIR PROD, peu important qu'avant l'assignation délivrée le 9 mai 2012 par Mme [M] à la société GROUPE RESERVOIR, cette dernière ne se soit pas opposée, en invoquant l'irrégularité de la déclaration d'appel à son égard, à une sommation de communiquer des agendas qui lui était adressée par le conseil de Mme [M].

La déclaration d'appel ne visant pas la société GROUPE RESERVOIR, l'appel dirigé contre cette dernière résultant de cette déclaration n'a pas été régulièrement formé. Il doit être déclaré irrecevable en ce qu'il est dirigé contre la société GROUPE RESERVOIR.

Sur l'assignation en intervention forcée délivrée à la société GROUPE RESERVOIR

Il résulte de l'article 552 du code de procédure civile qu'en cas de solidarité ou d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance.

Mme [M] se fonde sur ces dispositions pour soutenir que son appel régulièrement dirigé contre M. [N] lui réservait la possibilité d'attraire en la cause, par assignation en date du 9 mai 2012, donc postérieure à l'expiration du délai d'appel ouvert contre le jugement du conseil de prud'hommes, la société GROUPE RESERVOIR, au motif qu'il existe une "indivisibilité totale" entre M. [N], pris tant à titre personnel qu'en qualité de dirigeant et actionnaire principal de la société GROUPE RESERVOIR et cette dernière société qui était son employeur. Elle fait valoir, à cet égard, que c'est l'indivisibilité existant entre les intérêts personnels de M. [N], qu'elle avait à gérer de fait dans le cadre d'un travail dissimulé, et ceux de la société GROUPE RESERVOIR dont elle était en charge en sa qualité de directrice générale salariée, qui a été pour partie à l'origine de son "burn-out" et de son départ contraint ; que les agissements reprochés à M. [N] et à la société GROUPE RESERVOIR, son employeur, ont eu lieu dans la même période de temps, de lieu, au sein de la même structure et en raison du lien de subordination la liant à la société GROUPE RESERVOIR et à son dirigeant, M. [N] ; que M. [N] est à la fois le dirigeant de son employeur et son employeur à titre personnel ; qu'elle poursuit ses réclamations vis-à-vis de l'un et de l'autre à l'occasion d'une seule et unique instance.

Mais l'indivisibilité visée par l'article 552 du code de procédure civile s'entend de la situation où il y aurait impossibilité d'exécuter simultanément à l'égard de plusieurs parties des décisions rendues en sens contraire et pas seulement d'une connexité entre les parties à un litige.

En l'espèce, l'indivisibilité alléguée ne saurait résulter du seul fait que Mme [M] dirige ses demandes à la fois contre M. [N] (aujourd'hui ses ayants droit) et la société GROUPE RESERVOIR, dès lors, d'une part, que les demandes de Mme [M] sont distinctes, s'agissant, à l'égard des ayants droit de M. [N], de demandes relatives à une relation de travail dissimulé et à sa rupture et, à l'égard de la société GROUPE RESERVOIR, d'une demande tendant à la requalification de sa démission de son poste de directrice générale en licenciement sans cause réelle et, d'autre part, qu'une seule et même solution ne s'impose pas en ce qui concerne les demandes dirigées contre l'un et l'autre de ses adversaires.

Mme [M] soutient vainement que la rupture de son contrat de travail la liant à la société GROUPE RESERVOIR est motivée par l'existence parallèle d'un contrat de travail dissimulé avec M. [N] à titre personnel, dans la mesure où il ressort des pièces versées au débats et de ses écritures mêmes que cette double relation de travail prétendue et la souffrance qui en aurait résulté sont loin d'être les seuls motifs de la démission dont elle sollicite la requalification : Mme [M] expose, en effet, en pages 38 et 39 de ses conclusions, que la rupture du contrat de travail est motivée "par deux griefs essentiels contenus dès sa correspondance du 09 juillet 2008, à sa voir l'agression dont elle fait l'objet de la part de son employeur instituant un climat d'humiliation à son égard ainsi que l'impossibilité de poursuivre ses obligations contractuelles", ainsi que, aux termes d'un courrier du 15 juillet 2008, par "l'impossibilité dans laquelle elle était de poursuivre ses obligations résultait notamment de l'incompatibilité des décisions prises en amont avec les règles qui régissent les sociétés" et, aux termes d'un courrier de son avocat du 28 août 2008, par "l'agression visant à instaurer un climat d'humiliation et de vexation systématique (...), l'impossibilité de poursuivre normalement ses fonctions contractuelles" à raison, en substance, de l'impossibilité de valider les initiatives et choix stratégiques adoptés par M. [N] - s'agissant notamment de projets extérieurs au périmètre du groupe ou susceptibles de constituer une violation des accords pris avec FRANCE 2 et de compromettre les relations futures du groupe avec les diffuseurs -

et de faire valoir ses mises en garde. En tout état de cause, une éventuelle condamnation des ayants droit de M. [N] au titre d'un travail dissimulé au profit de ce dernier à titre personnel pourrait être exécutée nonobstant une décision définitive de première instance déboutant Mme [M] de ses demandes dirigées contre la société GROUPE RESERVOIR.

Dans ces conditions, l'article 552 du code de procédure civile précité ne peut recevoir application en l'espèce.

Par conséquent, l'assignation délivrée le 9 mai 2012 à l'encontre de la société GROUPE RESERVOIR est irrecevable et les prétentions de Mme [M] dirigées contre cette société ne pourront prospérer.

Sur l'existence d'une relation de travail dissimulé avec M. [N]

Mme [M] fait valoir qu'en tant que directrice générale de la société GROUPE RESERVOIR, elle n'avait en charge que les intérêts de cette société et de ses filiales ; que cependant, M. [N] n'a jamais respecté cette limite ; qu'il y a toujours eu une confusion entre M. [N], président et unique mandataire social de GROUPE RESERVOIR et de l'ensemble de ses filiales, et M. [N], personne physique, actionnaire de GROUPE RESERVOIR ; que cette confusion a été constatée par M. [N], son successeur au poste de directeur général ; qu'elle a ainsi été mise largement à contribution pour gérer les affaires personnelles de M. [N] dans de multiples aspects : à partir de juin 2003 et jusqu'en 2006, prise en charge de la renégociation des crédits et prêts hypothécaires souscrits par M. [N] auprès de la banque OBC ; avis donné sur les livres consacrés à M. [N] ; communication générale concernant la vie privée de M. [N], notamment lors d'un incident très médiatisé survenu lors d'un de ses voyages à titre privé, en avion ; gestion des finances personnelles de M. [N], y compris ses déclarations de revenus ; suivi de la rénovation de sa résidence secondaire à [1] ; à compter du début de l'année 2008, gestion des relations personnelles de M. [N] avec la société AFORGE FINANCE, dans la perspective notamment de céder ses actions détenues à titre personnel au sein du groupe RESERVOIR ; gestion d'affaires relevant de sa vie intime ; que l'ensemble des missions exercées pour le compte personnel de M. [N] a contribué à un accroissement de sa durée de travail hebdomadaire de 20 %, portant ainsi la durée quotidienne de son travail à 16 heures par jour sur 7 jours hebdomadaires, ce qui a entraîné une dégradation de son état de santé.

Les ayants droit de M. [N] font valoir, en substance, que l'intégralité des interventions évoquées par Mme [M] entraient dans le cadre de ses fonctions de directrice générale de la société GROUPE RESERVOIR ; que les rares aides "périphériques" apportées par Mme [M] à M. [N] l'ont été à son initiative et sans que puisse être démontré un lien de subordination ; qu'en tout état de cause, aucune intention de M. [N] de faire travailler Mme [M] à des fins personnelles de manière dissimulée n'est démontrée.

Mme [M] produit aux débats, notamment :

- 3 courriels à elle adressés par la banque OBC (juin 2003) et par M. [C], assistant de M. [N] (janvier et octobre 2006), relatifs à un prêt hypothécaire, une ouverture de crédit, des prêts demandés par M. [N],

- 3 courriels des 27 avril, 9 mai et 22 juin 2006 adressés par Mme [M], notamment à M. [N], dans lequels sont examinées les suites à donner à la parution d'une biographie non autorisée de M. [N],

- un échange de courriels, le 21 février 2007, entre Mme [M] et M. [C], ce dernier soumettant à l'avis de Mme [M] un avenant à un contrat de prêt ; un échange de courriels le 30 mars 2007 entre Mme [M] et M. [N], Mme [M] annonçant à M. [N] le "prélèvement de régularisation" et la levée des garanties prises sur un appartement,

- un courriel du 21 juin 2006 de Mme [L], prestataire en communication, adressé à M. [N] et Mme [M], concernant des recommandations relatives à la communication "vie privée JLD",

- un courriel du 28 septembre 2006 de M. [C] concernant les besoins de trésorerie personnels de M. [N],

- 2 courriels des 14 décembre 2006 et 8 février 2007 adressés par Mme [M] à M. [N] ou son assistant, concernant les engagements financiers personnels et la trésorerie personnels de M. [N] (renégociations de prêts personnels de M. [N] auprès de OBC, incidents de trésorerie sur le compte personnel de M. [N]),

- un courriel de M. [N] du 8 février 2007 à M. [C] lui demandant d'associer Mme [M] à une renégociation du contrat passé avec un architecte pour la rénovation d'une maison à Belle-Ile ("tu peux y aller franco avec corinne sur tout les aspects de Belle-ile (...) Avec ton aide, [V] le fera") ; un échange subséquent de courriels entre M. [C] et Mme [M], celle-ci transmettant à l'assistant un projet de courrier rédigé par elle destiné à l'architecte ; un courriel du 28 avril 2008 dans lequel Mme [M] demande à M. [N] de prendre position sur ce dossier et lui fait part de ses préconisations,

- l'attestation de M. [H], dirigeant d'une société spécialisée dans l'évaluation immobilière, qui témoigne de ce que, début 2006, Mme [M] l'a contacté pour procéder à l'évaluation d'un appartement situé à [Localité 1] que M. [N] souhaitait acquérir et chiffrer les travaux de sa remise en état,

- des échanges de courriels en février et mars 2007 entre Mme [M], M. [N] et Mme [Y], concernant la stratégie de communication à mettre en place à la suite d'un incident créé par M. [N] lors d'un voyage personnel en avion,

- des courriels de Mme [M] des 28 et 29 mai 2007, 18 décembre 2007 et 13 juin et 19 février 2008, desquels il ressort que Mme [M] a supervisé, avec l'aide de M. [C], les déclarations de revenus et ISF de M. [N] établies par un cabinet comptable (CEA),

- des échanges de courriels, de janvier à juillet 2008, concernant un projet de M. [N] avec la société AFORGE FINANCE,

- deux courriels des 10 et 11 juillet 2008, postérieurs à la démission du 9 juillet, adressés par Mme [M] concernant l'imposition de M. [N],

- trois courriels adressés à M. [N] par Mme [L], celle-ci se présentant comme une de ses anciennes connaissances, que M. [N] a transmis nuitamment sur la messagerie personnelle de M. [M], époux de Mme [M].

Ces éléments démontrent qu'en plusieurs occasions, Mme [M] a été amenée à intervenir dans les affaires privées de M. [N], desquelles relèvent incontestablement le suivi de ses affaires financières, fiscales ou immobilières personnelles. Toutefois, en l'état des éléments produits par Mme [M] énumérés ci-dessus et en considération de la durée de la relation de travail (environ six ans), il n'apparaît pas que le temps consacré par Mme [M] à ces différents dossiers ait représenté une part significative de son activité, étant observé que, le plus souvent, la directrice générale est seulement destinataire des courriers produits aux débats et que son rôle consiste essentiellement à superviser ou à donner un avis sur le travail effectué par d'autres collaborateurs, notamment M. [C], assistant personnel de M. [N].

La transmission par M. [N] à l'époux de Mme [M] de courriels émanant d'une prétendue ancienne amie ne peut être rattachée à un travail dissimulé effectué par la directrice générale, mais vient illustrer la proximité, voire l'intimité, ayant existé entre M. [N] et les époux [M], et particulièrement M. [M], qui sont attestées à suffisance par plusieurs messages échangés entre les intéressés (notamment : échange de courriels entre Mme [M] et M. [N] du 24 octobre 2007, courriel de M. [M] à Mme [M] du 20 octobre 2007 annonçant qu'il ne pourra se rendre au baptême de son fils, courriel de M. [M] du 23 juillet 2008 à M. [N]).

En définitive, les interventions de Mme [M] dans les affaires privées de M. [N] doivent être appréciées au regard de l'importance de ses responsabilités de directrice générale, cadre dirigeante, de la société GROUPE RESERVOIR et de ses filiales, dans un contexte très marqué par la personnalité du fondateur du groupe et la relation de confiance qui s'était établie entre les intéressés, du niveau de rémunération de Mme [M] (qui fait état d'une moyenne mensuelle de 34 650 € sur les 12 derniers mois), des liens personnels étroits entretenus par M. [N] et Mme [M]et son époux et aussi de la conception très exigeante que Mme [M] avait manifestement de son rôle, qui ressort de plusieurs attestations de collaborateurs du groupe (notamment, MM. [G], [J], [Z], [U], Mme [D]).

Pour le reste, Mme [M] admet qu'à l'instar de son successeur, M. [N], elle avait pour mission : "la coordination de l'ensemble des activités et capacités d'action de la société GROUPE RESERVOIR et de ses filiales", le suivi de la rentabilité des ces sociétés "à tous niveaux (commercial, technique, humain, financier, logistique...)", la gestion de leur politique sociale et la direction des personnels, le suivi de leurs relations commerciales et de la mise en oeuvre de leur stratégie de développement. Dès lors, les tâches relatives aux suites à donner à la parution d'une biographie non autorisée de M. [N] et à la communication concernant sa vie privée, y compris l'incident survenu lors d'un voyage privé, qui relèvent de la gestion de l'image de M. [N], lequel bénéficiait d'une forte notoriété, et par voie de conséquence de celle du groupe dont il était le président fondateur et l'actionnaire unique, et aussi des productions de cette entité, ne peuvent être considérées comme étrangères au bon fonctionnement de la société GROUPE RESERVOIR dont Mme [M] était la salariée. De même, l'intervention de Mme [M] dans le projet mené par M. [N] avec la société AFORGE FINANCE, en vue notamment de la création d'un site internet, ne paraît pas pouvoir être dissociée des activités de la société GROUPE RESERVOIR et donc du contrat de travail liant Mme [M] à cette société, au vu des éléments versés par les intimés (courriels de M. [N], notamment celui du 22 février 2008 à M. [R], dans lequel il indique que le projet est lié directement à l'ensemble de ses activités télévisuelles ; courriel de Mme [W] de la société RESERVOIR PROD du 11 août 2008 évoquant la création d'une société filiale de RESERVOIR PROD pour exploiter le site internet, projets de statuts d'une société RESERVOIR WEB (novembre 2008)).

Enfin, et en tout état de cause, le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi n'est en l'espèce nullement démontré, étant observé que les pièces du dossier ne révèlent pas que Mme [M] ait formulé une quelconque réclamation au titre d'un travail dissimulé avant l'instance prud'homale et que le témoignage de M. [N], son successeur éphémère, selon lequel "l'absence de frontière entre la sphère professionnelle et la sphère privée" semblait être le mode normal de fonctionnement de M. [N] avec ses collaborateurs, n'est, en soi, pas suffisamment probant.

Pour l'ensemble des raisons qui viennent d'être exposées, Mme [M] sera déboutée de ses demandes relatives à un travail dissimulé entre elle-même et M. [N]. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Succombant en son recours, Mme [M] sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Il n'y a pas lieu, en équité, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés GROUPE RESERVOIR et RESERVOIR PROD, de Mme [X], ès qualités, et de Mme [I]-DELARU.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Met hors de cause la société RESERVOIR PROD,

Dit irrecevable l'appel formé par la déclaration d'appel en date du 12 juillet 2010 en ce qu'il est dirigé contre la société GROUPE RESERVOIR,

Dit irrecevable l'assignation signifiée le 9 mai 2012 à l'encontre de la société GROUPE RESERVOIR,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [Q] [M] de ses demandes formées contre M. [E] [N], aux droits duquel viennent aujourd'hui Mme [F] [X], en sa qualité de représentante légale de son fils mineur, [A] [N]-[X], et Mme [T] [I]-[N],

Confirme le jugement déféré en ses dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles,

Condamne Mme [M] aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés RESERVOIR PROD et GROUPE RESERVOIR, de Mmes [X], ès qualités, et [I]-[N],

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 10/06185
Date de la décision : 12/06/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°10/06185 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-12;10.06185 ?
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