Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 11 JUIN 2014
(n° 14/137, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/21480
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/13128
APPELANTE
SAS STEVIL
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
assistée de Me Alain UZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0467
INTIMÉE
SAS CHANEL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Gérard DELILE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372
assistée de Me Julie HUCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372
PARTIE INTERVENANTE
Monsieur [C] [P]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
assisté de Me Alain UZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0467
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Avril 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN
ARRÊT :
contradictoire
rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Karine ABELKALON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu l'appel interjeté le 27 novembre 2012 par la société STEVIL (SAS), du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 22 novembre 2012 (n° RG: 11/ 13128) ;
Vu les conclusions d'intervention volontaire de [C] [P] tant à titre personnel qu'en qualité de président directeur général de la société STEVIL (SAS), signifiées le 16 janvier 2014;
Vu les dernières conclusions de la société appelante STEVIL et [C] [P], signifiées le 10 mars 2014 ;
Vu les dernières conclusions de la société intimée CHANEL (SA), signifiées le 25 février 2014 ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 11 mars 2014 ;
SUR CE, LA COUR :
Considérant que la société CHANEL est titulaire du modèle international de montre 'J12", enregistré le 28 avril 2000 et renouvelé le 28 avril 2005, désignant la France ainsi que de la marque tridimensionnelle figurative française n° 073475387 formée par la représentation de la montre 'J12", enregistrée le 18 janvier 2007 et publiée le 23 février 2007, couvrant en classe 14 des produits d'horlogerie et notamment des montres-bracelets ;
Qu'ayant appris le 18 septembre 2007 de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) qu'un lot de 2730 montres, importé par la société STEVIL, ayant son siège [Adresse 1], faisait l'objet d'une retenue douanière pour suspicion de contrefaçon de ses droits de propriété intellectuelle sur la montre 'J12", elle faisait pratiquer le 27 septembre 2007 une saisie-contrefaçon et faisait assigner suivant acte du 11 octobre 2007 la société STEVIL devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses droits d'auteur sur la montre 'J12", de ses droits sur le modèle international n° DM/ 051 836, de ses droits sur la marque française figurative n° 073475387 et en réparation de son préjudice à hauteur de 50.000 euros ;
Considérant qu'en cours d'instance, les sociétés CHANEL et STEVIL, assistées des conseils respectifs, se rapprochaient en vue d'une solution amiable au litige et signaient les 30 avril et 15 mai 2008 un protocole transactionnel en l'état duquel, par ordonnance du 13 juin 2008, le juge de la mise en état constatait le désistement d'instance et d'action de la société CHANEL et le dessaisissement du tribunal ;
Considérant que suivant acte du 5 septembre 2011, la société STEVIL faisait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société CHANEL en annulation, pour dépôt frauduleux, de la marque figurative française n° 073475387 déposée le 18 janvier 2007 par la société CHANEL ainsi qu'en annulation pour dol du protocole transactionnel des 30 avril et 15 mai 2008 ; qu'elle demandait en conséquence la restitution de l'indemnité de 20.000 euros versée au titre du protocole transactionnel, des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis, outre la garantie de la société CHANEL pour le paiement de l'amende douanière prononcée à son encontre à hauteur de 5.140.200 euros par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 2 novembre 2010 ;
Considérant que le tribunal de grande instance de Paris, par le jugement du 22 novembre 2012, dont appel, a retenu que le dépôt frauduleux n'était pas établi, que le dol n'était pas caractérisé et que la société STEVIL était irrecevable à agir en nullité du protocole transactionnel des 30 avril et 15 mai 2008 ; qu'il a condamné enfin la société STEVIL à payer à la société CHANEL une indemnité de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Considérant que devant la cour la société appelante STEVIL et [C] [P] concluent à la recevabilité de l'intervention volontaire de ce dernier qui justifie d'un intérêt à agir dès lors qu'il a été condamné solidairement avec la société STEVIL à payer, du chef de l'infraction douanière, une amende de 5.140.200 euros aux termes d'un jugement du tribunal correctionnel de Paris du 2 novembre 2011, certes infirmé par un arrêt de relaxe mais lequel a été cassé par la Cour de cassation le 30 janvier 2013 de sorte que l'affaire est pendante devant la juridiction de renvoi ; que la société STEVIL maintient par ailleurs ses demandes telles que soutenues devant les premiers juges sauf à ajouter une demande en nullité pour dépôt frauduleux du modèle international n° DM/ 051 836 ; que [C] [P] demande pour sa part au fondement de l'article 1382 du Code civil 300.000 euros en réparation du préjudice moral subi des suites des agissements et des procédures injustifiées engagées par la société CHANEL en dépit de toute probité et sur la base de droits litigieux, qu'il recherche en outre la garantie de la société CHANEL pour la condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre par la cour de renvoi au titre de l'amende douanière à concurrence de la somme de 5.140.200 euros ;
Considérant que la société intimée CHANEL conclut à la confirmation du jugement déféré, au débouté de la société STEVIL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et à l'irrecevabilité des demandes formées par [C] [P] en qualité de 'président directeur général' de la société STEVIL et à titre personnel ;
Sur les demandes de [C] [P],
Considérant que si selon les dispositions de l'article 554 du Code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité, il s'infère des dispositions des articles 564 et 565 du même Code que c'est à la condition que l'intervenant en cause d'appel n'instaure pas un litige nouveau en soumettant à la cour des prétentions qui ne tendent pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges ;
Or considérant qu'en intervenant volontairement à la procédure d'appel, en qualité de 'président directeur général' de la société STEVIL et à titre personnel, pour demander au fondement de l'article 1382 la réparation de son préjudice moral des suites de l'instance en contrefaçon engagée, selon lui de façon injustifiée, par la société CHANEL à l'encontre de la société STEVIL, [C] [P] instaure un litige nouveau en élevant des demandes qui n'ont pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction dès lors que le préjudice moral invoqué n'a pu être débattu en première instance ni dans son principe ni dans son quantum et que pas davantage sa demande en garantie élevée à l'encontre de la société CHANEL n'a pu être discutée ;
Que c'est dès lors à raison que la société CHANEL conclut à l'irrecevabilité des demandes de [C] [P] comme nouvelles en cause d'appel ;
Sur la demande en nullité du modèle international n° DM/ 051 836 ,
Considérant que la société STEVIL formant devant la cour une demande nouvelle, qui n'avait pas été présentée en première instance, en nullité pour dépôt en fraude de ses droits et des intérêts des tiers du modèle international n° DM/ 051 836 de la société CHANEL, se voit opposer à juste titre la fin de non-recevoir tirée des articles 564 et 565 précédemment évoqués du Code de procédure civile ;
Sur la demande en nullité de la marque tridimensionnelle française n° 073475387 pour dépôt frauduleux,
Considérant que pour soutenir que la société CHANEL a déposé le 18 janvier 2007 la marque précitée en fraude de ses droits et demander au fondement de l'article L.712-6 du Code de la propriété intellectuelle la nullité de cette marque, la société STEVIL fait valoir qu'elle a dès le 3 janvier 2005 commandé à un fournisseur chinois des modèles de montre référencés Y 754L et Y 754 G 'présentant une certaine similitude avec la montre J12" ;
Qu'elle ajoute que la société CHANEL 'savait précisément que la société STEVIL avait acquis des montres en Chine qui avaient une certaine ressemblance' avec la marque qui allait être déposée pour désigner des produits d'horlogerie laquelle 'emprunte au fonds commun des montres' et ne serait pas 'originale' ;
Mais considérant que la société CHANEL rappelle à juste titre que le droit sur la marque est un droit d'occupation et que les critères de protection d'une oeuvre de l'esprit au titre du droit d'auteur sont inopérants en la matière ;
Considérant que force est de relever en la cause que la société CHANEL montre par les diverses coupures de presse versées aux débats qu'elle commercialise sous son nom depuis 1999 la montre 'J12" dont la représentation a fait l'objet, le 18 janvier 2007, du dépôt de la marque française tridimensionnelle figurative n° 073475387 ;
Qu'il s'ensuit que quand bien même la société STEVIL aurait commercialisé en France dès 2005 des montres acquises en Chine présentant 'une certaine ressemblance' avec la montre 'J12", la société CHANEL justifie d'un usage antérieur du signe déposé à titre de marque en 2007 ;
Que force est d'observer au surplus que la société STEVIL se contente d'affirmations et ne prouve aucunement que la société CHANEL aurait eu, ou aurait pu avoir connaissance, des deux modèles de montres importés par elle de Chine en 2005 et qu'elle aurait ainsi procédé au dépôt de marque attaqué dans l'intention délibérée de nuire à ses intérêts économiques ;
Considérant que les circonstances susceptibles de caractériser un dépôt frauduleux ne sont pas réunies et c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont écarté la demande en nullité de la marque formée de ce chef ;
Sur la demande en nullité pour dol du protocole transactionnel,
Considérant que pour demander la nullité pour dol du protocole transactionnel conclu avec la société CHANEL les 30 avril et 15 mai 2008, la société STEVIL avance que la marque internationale figurative ne désignant pas la France n° 932061 du 22 juin 2007 a été refusée dans 13 pays et qu'en se gardant de lui communiquer une copie de cet enregistrement international la société CHANEL lui a dissimulé sciemment l'étendue de la protection dans le monde du signe constitué de la représentation graphique de la montre 'J12" ;
Or considérant que s'il est vrai que la protection de ce signe à titre de marque a été refusée dans certains pays, elle a été acceptée par d'autres, qu'en toute hypothèse, la discussion relative à l'enregistrement international est dénuée de toute pertinence dès lors que la société CHANEL opposait dans le litige sur lequel a porté la transaction la marque française n° 073475387 et non pas la marque internationale qui au demeurant ne vise pas la France ;
Qu'il ne saurait dès lors être reproché à la société CHANEL de s'être abstenue de produire les éléments d'information relatifs à un enregistrement international qui n'était aucunement opérant dans le litige au regard du principe de la territorialité des marques ;
Considérant que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu que la réticence dolosive n'était pas établie et rejeté la demande formée de ce chef ;
Sur les autres demandes,
Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes respectivement formées au fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; que le jugement sera réformé en ce qu'il alloué à la société CHANEL une indemnité de 10.000 euros à ce titre ;
PAR CES MOTIFS:
Confirme le jugement dont appel sauf sur les frais irrépétibles,
Statuant à nouveau du chef réformé et y ajoutant,
Déclare [C] [P], intervenant volontairement en cause d'appel en qualité de 'président directeur général' de la société STEVIL et à titre personnel, irrecevable en ses demandes nouvelles,
Déclare la société STEVIL irrecevable en sa demande nouvelle en nullité du modèle international n° DM/ 051 836 de la société CHANEL,
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles,
Condamne la société STEVIL aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER