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03/06/2014 | FRANCE | N°12/05177

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 03 juin 2014, 12/05177


COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 4

ARRÊT DU 03 Juin 2014 (no, 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 05177-12/ 05664 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de MELUN-Section Industrie, RG no 10/ 00967

APPELANTE dans le dossier 12/ 05177 ET INTIMÉE dans le dossier 12/ 05664 Madame Mireille X... ...77000 LIVRY SUR SEINE comparante en personne Assistée de Me Valérie DELATOUCHE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉE dans le dossier 12/ 05177 ET APPELANTE dans le doss

ier 12/ 05664 SA CVEI Prise en la personne de ses représentants légaux ayant son...

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 4

ARRÊT DU 03 Juin 2014 (no, 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 05177-12/ 05664 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de MELUN-Section Industrie, RG no 10/ 00967

APPELANTE dans le dossier 12/ 05177 ET INTIMÉE dans le dossier 12/ 05664 Madame Mireille X... ...77000 LIVRY SUR SEINE comparante en personne Assistée de Me Valérie DELATOUCHE, avocat au barreau de MEAUX

INTIMÉE dans le dossier 12/ 05177 ET APPELANTE dans le dossier 12/ 05664 SA CVEI Prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 13, 15 rue Sermonoise-77380 COMBS LA VILLE

Représentée par Me Philippe FROGET, avocat au barreau de MELUN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

Greffier : Madame Mélanie RAMON, lors des débats ARRÊT : CONTRADICTOIRE

-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Madame Mélanie RAMON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie des appels interjetés par Madame Mireille X... et la SA CVEI du jugement du conseil de prud'hommes de Melun, section industrie, du 5 avril 2012 qui a :- dit n'y avoir lieu à annuler l'avertissement notifié à Madame Mireille X...,- débouté Madame Mireille X... de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution fautive des obligations de son employeur,- dit que la SA CVEI a exécuté loyalement et sans faute ses obligations,- condamné la SA CVEI à verser la somme de 15 568, 74 ¿ au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,- dit n'y avoir lieu d'ordonner la remise des bilans et du registre du personnel.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Madame Mireille X... a été engagée le 10 décembre 1990 par la SA CVEI par contrat à durée indéterminée. Son salaire brut mensuel moyen s'élevait à la somme de 2 594, 79 ¿. L'entreprise, qui emploie plus de 11 salariés, est soumise à la convention collective ETAM du bâtiment de la région parisienne. Le 27 avril 2010, Madame Mireille X... a fait l'objet d'un avertissement. Le 4 juin 2010, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 14 juin 2010. Le 7 juillet 2010, elle a été licenciée pour motif économique.

Madame Mireille X... a adhéré à la convention de reclassement personnalisé. Le contrat de travail a été rompu à l'expiration du délai de réflexion, soit le 5 juillet 2010.
Madame Mireille X... demande à la Cour d'annuler l'avertissement du 27 avril 2010, de condamner la SA CVEI à lui payer les sommes suivantes :-110 000 ¿ à titre d'indemnité pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,-10 000 ¿ au titre de l'inexécution fautive des obligations de l'employeur, d'ordonner la remise des bilans et du registre du personnel, d'assortir la condamnation des intérêts au taux légal à compter de la saisine, d'ordonner la capitalisation, et de condamner la SA CVEI à lui payer la somme de 2 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La SA CVEI demande à la Cour de débouter Madame Mireille X... de sa demande d'annulation de l'avertissement, de dire que le licenciement pour motif économique est fondé sur une cause réelle et sérieuse, de constater que l'employeur n'a pas commis de faute dans l'exécution de ses obligations, de la débouter de l'intégralité de ses demandes.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience. Pour une bonne administration de la justice, il convient de joindre les deux appels dans une même procédure. Sur l'annulation de l'avertissement :

Le 27 avril 2010, la SA CVEI a notifié à Madame Mireille X... un avertissement pour plusieurs griefs liés à ses fonctions de comptable et à son comportement professionnel plus général : «... Dans le cadre de vos fonctions comptables, nous avons découvert au cours des dernières semaines des agissements et fautes de votre part d'une particulière gravité. A titre d'exemple et sans que cette liste ne soit malheureusement exhaustive :- retenues sur salaires injustifiées de votre propre chef qui ont nécessité la rectification en urgence du bulletin de salaire de Monsieur Z...-validation d'un arrêt maladie pendant la mise à pied d'un salarié, Monsieur Z...-création d'un deuxième livre de paye certainement destinée à masquer vos erreurs dans l'établissement des bulletins de salaires. La création d'un deuxième livre de paye peut être considérée comme une double comptabilité totalement illégale,- non règlement des factures à leur échéance concernant les fournisseurs... que nous avons dû régulariser en urgence quand nous les avons découvertes,- remises de chèques tardives et erronées,- très mauvaise tenue des pièces comptables et non communication au cabinet comptable pour l'établissement du bilan...... Dans le cadre de votre comportement professionnel plus général : outre les agissements et fautes susvisés, nous avons constaté au cours des dernières semaines des agissements tout aussi graves notamment :- vous avez emmené la clé USB de la société après y avoir installé la comptabilité de la société, nous vous mettons en demeure de nous restituer cette clé USB dès réception de la présente,- destruction injustifiée de documents appartenant à la société,- soustraction des éléments de votre dossier et notamment de votre contrat de travail, de vos diplômes et d'une lettre de sanction qui vous avait été adressée il y a plusieurs années, nous vous mettons également en demeure de nous restituer ces documents, propriété de la société...... En conséquence, l'entretien préalable n'a pas permis d'atténuer la gravité des faits qui vous sont reprochés et qui justifieraient votre licenciement pour faute grave. Néanmoins, compte tenu de votre ancienneté et après réflexion, nous avons décidé de limiter la sanction à un avertissement...

... Nous vous confirmons également que compte tenu de la gravité des faits constatés et de leurs conséquences, nous avons été contraints d'externaliser l'intégralité de la comptabilité de la société au sein d'un cabinet comptable extérieur...... En conséquence, du fait de la suppression de votre poste de comptable au sein de notre société, nous sommes contraints d'envisager la modification de vos fonctions et donc de votre contrat de travail. Si vous l'acceptez, vous occuperez à compter de votre retour d'arrêt maladie, les fonctions d'assistante commerciale avec maintien de votre niveau de qualification et de votre rémunération actuelle... ». La SA CVEI produit les pièces qui justifient la réalité des griefs, notamment le courrier établi par la société d'expertise comptable CAUDITEC en date du 14 janvier 2011 soulignant les nombreuses anomalies découvertes dans le cadre de sa mission de révision et de reprise des missions sociales et comptables pour les années 2009 et 2010.

Il ressort de l'ensemble de ces pièces des manquements professionnels imputables à Madame Mireille X... qui justifient la sanction qui lui a été notifiée. C'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a rejeté sa demande d'annulation de l'avertissement.

Sur le licenciement :
Après l'échec d'une rupture conventionnelle du contrat de travail et le refus de Madame Mireille X... d'accepter la proposition de son employeur tendant à la modification de ses fonctions, la SA CVEI a engagé une procédure de licenciement pour motif économique. La lettre de licenciement énonce les motifs suivants : «... Refus de la modification de votre contrat de travail dans le cadre de la réorganisation de la société mise en place pour sauvegarder sa compétitivité. Nous vous rappelons en effet qu'à la suite de la découverte de nombreux et graves manquements dans la comptabilité de notre société, nous avons été contraints d'externaliser l'ensemble de notre comptabilité auprès d'une société expertise comptable...... Du fait de l'externalisation de notre comptabilité, le poste de comptable que vous occupiez a donc été supprimé... Nous avons été contraints d'envisager la modification de vos fonctions et donc de votre contrat de travail, en vous proposant d'occuper les fonctions d'assistante commerciale... Du fait de votre refus et de l'absence d'autres solutions de reclassement à ce jour, nous avons été contraints d'envisager votre licenciement pour motif économique... » La SA CVEI précise qu'à la date licenciement, l'effectif de la société est constitué pour l'essentiel de postes techniques (5 plombiers, un électricien, 6 chauffagistes, un magasinier et une comptable) ; Que l'activité administrative et commerciale est assurée par une autre société du groupe, la société AIROTECH comprenant un manager commercial et 4 assistantes commerciales. La modification du contrat de travail consiste à transférer le contrat dans une autre société du groupe pour des fonctions différentes.

Le refus d'une modification du contrat de travail ne constitue pas une cause de licenciement sauf à rechercher si la modification proposée au salarié et refusée par celui-ci, en l'absence de difficultés économiques ou de mutations technologiques, est consécutive à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. L'employeur ne fournit aucun élément d'appréciation sur la nécessité de renforcer l'équipe commerciale d'une autre société du groupe et de supprimer en contrepartie le poste de comptable en ayant recours à une entreprise extérieure. En fait, la modification du contrat de travail s'inscrit moins dans le cadre de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise que par le souci de l'employeur d'éviter la poursuite par la salariée de son activité de comptable dont les fautes professionnelles ont déjà été sanctionnées par l'avertissement. Dès lors, le licenciement engagé à la suite du refus de la modification de son contrat de travail par la salarié ne repose pas sur un motif économique réel et sérieux. Le jugement sera confirmé de ce chef.

À la date licenciement, Madame Mireille X... percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2 594, 79 ¿, avait 60 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 19 ans et 7 mois au sein de l'entreprise. Il convient d'évaluer à la somme de 50 000 ¿ le montant de l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du Code du Travail. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et les intérêts seront capitalisés.

Sur l'inexécution fautive des obligations de l'employeur : Madame Mireille X... sollicite à ce titre une somme complémentaire de 10 000 ¿. Elle produit une main courante du 20 avril 2010 dans laquelle elle déclare aux policiers que son employeur «... Ne cesse de me rabaisser continuellement. Il y a quelques années, il m'a même envoyé des mots plutôt blessants à mon égard. Il m'a déjà accusé de vol également. Il se permet même de dire à tout le monde que comme j'ai soixante ans, l'entreprise a encore cinq ans à me supporter. Je veux que toutes ces railleries cessent car travailler dans un tel climat n'est pas évident... ». Elle ne fournit cependant aucune pièce de nature à démontrer la réalité des faits dénoncés. Elle ne justifie d'aucun préjudice autre que celui résultant du licenciement. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la remise des bilans et du registre du personnel : Les registres uniques du personnel de la SA CVEI et également de la société AIROTECH ont été versés aux débats. La production des bilans de l'entreprise n'apparaît pas nécessaire dès lors que l'employeur ne fonde pas le licenciement économique sur les difficultés économiques de l'entreprise. Madame Mireille X... sera déboutée de sa demande de communication de pièces.

Sur les frais irrépétibles : Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame Mireille X... les frais de procédure qu'elle a engagés. La SA CVEI sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction de la procédure no12/ 05664 avec la procédure no12/ 05177. Confirme le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement pour motif économique était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a débouté Madame Mireille X... de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution fautive des obligations de son employeur, et en ce qu'il a rejeté sa demande de remise des bilans et du registre du personnel, Infirme pour le surplus, Et statuant à nouveau,

Condamne la SA CVEI à payer à Madame Mireille X... la somme de 50 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Ordonne la capitalisation des intérêts,

Condamne la SA CVEI à payer à Madame Mireille X... la somme de 2 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Condamne la SA CVEI aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/05177
Date de la décision : 03/06/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2014-06-03;12.05177 ?
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