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28/05/2014 | FRANCE | N°12/04234

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 28 mai 2014, 12/04234


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 28 Mai 2014

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04234-MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Mars 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section section commerce RG n° 10/02020





APPELANTS

Madame [S] [N]

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Pascal TELLE,

avocat au barreau de PARIS, toque : C0471



Syndicat SUD CAISSES D'EPARGNE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Pascal TELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0471





INTI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 28 Mai 2014

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04234-MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Mars 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section section commerce RG n° 10/02020

APPELANTS

Madame [S] [N]

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Pascal TELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0471

Syndicat SUD CAISSES D'EPARGNE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Pascal TELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0471

INTIMEE

CAISSE D'EPARGNE ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : C16

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Bruno REITZER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire,

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits :

La Cour d'appel est régulièrement saisie d'un ensemble de procédures engagées par saisine du conseil de prud'hommes de Paris du 4 février 2010 contre la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France par divers salariés, parmi lesquels Madame [S] [N] et le syndicat Sud Caisses d'Epargne.

Les jugements rendus en formation de départage le 8 mars 2012 par ce conseil de prud'hommes, section commerce, jugements dont appel, ont débouté les salariés et le syndicat Sud Caisses d'Epargne, de l'ensemble de leurs demandes.

Madame [S] [N] et le syndicat Sud Caisses d'Epargne demandent à la cour de :

- dire que les primes et gratifications prévues par les accords du 19 décembre 1985 et du 8 janvier 1987 constituent des avantages individuels acquis qui ont été intégrés aux contrats de travail des salariés demandeurs et réparent le préjudice qu'ils ont subi.

En conséquence, de :

- ordonner à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la rectification des bulletins de paie de novembre 2002 jusqu'à décembre 2009, en rétablissant une nette distinction entre le salaire mensuel de base et les avantages individuels acquis, notamment les primes de durée d'expérience, prime familiale, prime de vacances et 13ème mois,

- condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France à verser au salarié un ensemble de sommes, -rappel de salaires et rappel de primes dues au titre des avantages individuels acquis, pour le détail desquelles il est renvoyé aux conclusions écrites du salarié,

- condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France à verser à Madame [S] [N] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France à verser au syndicat Sud Caisse d'Epargne la somme de 10.000 € de dommages et intérêts au titre de l'article L2132-3 du code du travail et de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur étant en outre condamné aux dépens.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France a formé appel incident.

Elle demande à la cour :

- à titre principal, de juger que les salariés sont mal fondés en leurs demandes et les débouter de l'intégralité de celles-ci,

- à titre subsidiaire, ordonner aux parties d'établir leurs décomptes sur la base des principes arrêtés par la cour,

- à titre reconventionnel, de condamner chaque salarié et le syndicat Sud Caisse d'Epargne à verser une somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens.

Les motifs de la Cour :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur l'historique des relations entre la Caisse d'Epargne et de Prévoyance et ses salariés

Tous les salariés concernés par ces procédures ont été engagés avant l'accord du 11décembre 2003, tous à temps partiel.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France est un établissement bancaire qui fait partie du groupe Caisse nationale des caisses d'épargne.

Les accords collectifs sur la carrière et la rémunération de l'ensemble des salariés répartis dans les différentes caisses régionales ont toujours été négociés et conclus à l'échelle nationale du groupe.

Le statut du personnel était régi principalement par deux accords collectifs nationaux, celui du 19 décembre 1985 portant sur la classification des emplois, celui du 8 janvier 1987 portant sur les mécanismes de rémunération.

L'accord du 19 décembre 1985 prévoyait :

- la création d'une rémunération globale garantie, dite RGG, (article 13), mensuelle et nationale, exprimée en points et en francs,

- une prime de durée d'expérience versée mensuellement (article 15),

- une prime familiale (article 16) versée à périodicité mensuelle à chaque salarié du réseau «chef de famille »,

- un 13ème mois (article17), intitulé 'gratification de fin d'année', versé au mois de décembre,

- une prime de vacances (article 18) versée à chaque salarié au mois de mai.

L'accord du 8 janvier 1987 définissait le contenu et les conditions de versement de la rémunération minimum garantie (RGG) et précisait que la rémunération effective de chaque salarié devait être au moins égale à la RGG qui lui était applicable, majorée des éléments statutaires garantis en vigueur à périodicité mensuelle, à l'exclusion des éléments statutaires garantis ou aléatoires, en vigueur à périodicité non mensuelle (prime de vacances versée chaque année au mois de mai et prime de fin d'année versée en décembre).

Il en résultait, que la rémunération minimum mensuelle de chaque salarié devait être composée de :

- la rémunération globale garantie,

- les primes à périodicité mensuelle PDE et prime familiale (article 15 et 16 de l'accord de 1985).

Le 20 juillet 2001, la Caisse nationale des caisses d'épargne (CNCE) dénonçait les accords collectifs de 1985 et 1987. Ceci avait pour conséquence que ces textes devaient survivre jusqu'à l'entrée en vigueur d'une convention ou d'un accord de remplacement qui devait intervenir au maximum dans les 15 mois. À défaut d'accord de remplacement, la convention ou l'accord dénoncé devait cesser de produire effet à l'issue de ces 15 mois.

Ainsi à l'expiration du délai légal de 15 mois, en octobre 2002, aucun accord de substitution n'étant conclu en remplacement des deux accords dénoncés, et alors que les dispositions de ces accords dénoncés cessaient de produire leurs effets, la CNCE modifiait de manière unilatérale la forme des bulletins de paie, décidant, seule, d'intégrer et de fondre l'ensemble des avantages individuels acquis (PDE, prime familiale, prime de vacances) avec le salaire de base de chacun des salariés, le 13ème mois n'apparaissant plus.

Le 11 décembre 2003, un accord collectif national était conclu instaurant une nouvelle « rémunération annuelle minimum » dite RAM, versée à hauteur de 13 mois sur l'année.

L'article 2 de cet accord précisait qu'à chaque niveau de classification des emplois était associé une rémunération brute annuelle minimum, à laquelle la rémunération de chaque salarié dans ce niveau de classification devait être au moins égale.

Sur la prescription de l'action des salariés

La Caisse d'épargne, rappelant que selon les dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du Code civil » soutient qu'en l'absence d'accord de substitution 15 mois après la dénonciation par l'employeur de l'accord de 1985, celui-ci a cessé de produire effets, la prescription pour agir s'étant dès lors trouvée acquise cinq ans après le 22 octobre 2002, date à laquelle les différents éléments de rémunération ont été intégrés à la rémunération mensuelle, ce que n'ont pu ignorer les salariés au vu de leurs bulletins de salaire.

Selon la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France, l'action prud'homale au titre des anciens avantages acquis individuels, était donc prescrite le 22 octobre 2007, l'employeur se trouvant dès lors libéré de toute obligation envers le salarié.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France considère donc que toutes les demandes de rappel de salaire découlant de la dénonciation des accords de 1985 et 1987 auraient dû être introduites avant le 22 octobre 2007.

Selon l'employeur, les salariés sont donc irrecevables.

Les salariés soutiennent tout d'abord, à juste titre, que la prescription quinquennale n'est pas applicable à la demande de rectification des bulletins de salaire, qui n'est pas en soi une demande de paiement ou de répétition de salaire, mais correspond à une obligation de faire dont l'inexécution peut être sanctionnée par des dommages et intérêts qui étaient à l'époque soumis à la prescription de 30 ans, ce délai ayant été ramené à cinq ans par la loi du 17 juin 2008.

Ce nouveau délai s'est alors appliqué aux prescriptions en cours, à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi et sans que la durée totale de prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. En l'espèce, la modification de la présentation des bulletins de salaire étant intervenue en novembre 2002, le nouveau délai de cinq ans, alors que la prescription trentenaire était loin d'être acquise, s'est appliqué à partir de juin 2008, les parties disposant donc encore, à ce moment, de cinq ans avant que n'intervienne la prescription.

L'action en rectification des bulletins de salaire à partir du mois de novembre 2002 n'était donc pas prescrite quand les salariés ont saisi le conseil de prud'hommes le 4 février 2010.

S'agissant de l'acquisition de la prescription pour les demandes de rappel de salaire et autres éléments de rémunération, les salariés soutiennent, également à juste titre, que conformément aux dispositions de l'article L3245-1 du code du travail, la prescription quinquennale est acquise au fur et à mesure de l'échéance de salaire, c'est-à-dire de sa date d'exigibilité, quand bien même, les modalités de calcul de ce salaire ont été fixées antérieurement.

Dès lors, il est exact qu'en introduisant leur action devant le conseil de prud'hommes de Paris le 4 février 2010 alors que les salariés avaient connaissance depuis le 22 octobre 2002 de la modification introduite de manière unilatérale par l'employeur concernant la rémunération, la prescription quant au rappel des sommes dues à titre de rémunération est opposable aux demandes des salariés pour les sommes réclamées pour la période antérieure au mois de février 2005.

En revanche, les réclamations formées pour les sommes dues à compter du mois de février 2005 ne sont pas prescrites.

En conséquence, la cour retiendra que l'action en rectification des bulletins de paie n'est pas prescrite et que les actions en rappel de rémunérations à des titres divers ne sont prescrites que si ces sommes étaient exigibles depuis plus de cinq ans avant la saisine du CPH, soit avant le 4 février 2005, les salaires et accessoires échus entre le 22 octobre 2002 et le 4 février 2005 étant donc prescrits, et l'action les concernant étant irrecevable.

Sur le principe du maintien de la structure de rémunération et la rectification des bulletins de paie.

Lorsqu'à l'expiration du délai de 15 mois après la dénonciation des accords de 1985 et 1987, soit le 22 octobre 2002, aucun nouvel accord n'est venu remplacer les accords dénoncés, les droits acquis par les salariés du fait des accords dénoncés se sont incorporés dans le contrat de travail en prenant la nature d' 'avantages individuels acquis'.

Ont ainsi été incorporés dans les contrats de travail des salariés présents dans l'entreprise avant le 22 octobre 2002 :

- le montant des rémunérations qu'ils percevaient, à cette date, en application des accords dénoncés aux différents titres : RGG, PDE, prime familiale, prime de vacances et gratification de fin d'année, ces différentes primes ou gratification procurant à chacun des salariés un avantage salarial dont il bénéficiait à titre individuel, attribué en fonction de critères personnels, nombre d'enfants, année d'ancienneté, salaire de base.

- mais aussi la structure de la rémunération, elle-même, dans ses différentes composantes, telle qu'elle ressortait des accords collectifs dénoncés et avait été incorporée au contrat de travail de chaque salarié. En conséquence, l'employeur ne pouvait modifier, fût-ce par un nouvel accord collectif, la structure de la rémunération sans l'accord de chacun des salariés concernés et quand bien même l'employeur estimait que les nouvelles modalités de rémunération étaient plus favorables aux intérêts de ceux-ci.

Il en résulte que la modification de la structure de la rémunération et sa traduction dans la présentation des bulletins de salaire, décidée et mise en oeuvre unilatéralement par la Caisse d'épargne à compter du bulletin de salaire du mois de novembre 2002, modification ensuite poursuivie après le nouvel accord intervenu le 11 décembre 2003, ne pouvait pas être imposée au salarié.

Or, l'article 1 de l'accord du 8 janvier 1987 précisait que la rémunération effective de chaque salarié devait être au moins égale :

- à la rémunération globale garantie majorée des éléments statutaires garantis en vigueur à périodicité mensuelle pour leurs stricts montants et conditions d'attribution statutaire

- mais, compte non tenu des éléments de rémunération statutaire garantis ou aléatoires, en vigueur, à la périodicité non mensuelle, pour leurs stricts montants des conditions d'attribution statutaires.

Il en résultait que pour vérifier que le salarié percevait bien une rémunération conforme à ses droits au regard du minimum conventionnel, il fallait additionner la RGG et toutes les primes mensuelles mais sans tenir compte des primes ou gratifications non mensuelles, notamment 13ème mois, opération qui ne posait pas de difficultés dans la mesure où le bulletin de salaire rendait compte de ces différents éléments de manière précise.

En revanche, depuis le mois de novembre 2002 les bulletins de salaire font apparaître, sur une seule ligne, un « salaire de base », intégrant, selon l'employeur, l'ensemble des avantages individuels acquis (PDE, prime familiale, prime de vacances), à l'exclusion du 13ème mois.

C'est cette rémunération « intégrée » qui a été confirmée par l'accord collectif de décembre 2003 instaurant la RAM, rémunération continuant d'apparaître sur les bulletins de salaire sous le vocable de 'salaire de base', le 13ème mois étant également mensualisé ultérieurement.

Cependant la nouvelle présentation de la rémunération mensuelle des salariés qui fusionnait salaire de base, précédemment RGG, et primes mensuelles, aboutissait, de fait, à une modification de la structure de la rémunération, réalisée hors accord collectif mais aussi sans l'accord personnel du salarié, alors que cette structure de rémunération, incorporée au contrat de travail de chacun des salariés, constituait, en soi, un avantage individuel que l'employeur ne pouvait unilatéralement remettre en cause en imposant aux salariés présents dans l'entreprise avant 2003 un nouveau mode de rémunération qui ne reprenait pas dans le détail les différents éléments intégrés, privant ainsi chacun de ces salariés du moyen de contrôler aisément l'évolution des différentes composantes de leur rémunération.

Une rectification des bulletins de salaire a d'ailleurs déjà été ordonnée, pour d'autres salariés, par une précédente décision de la cour d'appel de Paris du 1er juin 2006, validée par décision de la Cour de Cassation du 1er juillet 2008, qui a ordonné à la Caisse nationale des Caisses d'épargne et de prévoyance de diffuser une recommandation enjoignant aux caisses et entreprises de rectifier les bulletins de paye établis pour chacun de leurs salariés du mois de novembre 2002 en établissant une distinction entre le salaire mensuel de base, les primes d'ancienneté, la prime familiale, la prime de vacances et la gratification de fin d'année, ceci sous astreinte.

Les salariées présents dans l'entreprise avant l'entrée en vigueur du nouvel accord de 2003 sollicitent donc à juste titre la rectification de leurs bulletins de paie pour que ceux-ci fassent apparaître distinctement, comme du temps des accords de 1985 /1987, le salaire de base et leurs avantages individuels acquis, tout en faisant, aussi, à nouveau apparaître la gratification de fin d'année dite 13ème mois, ce qui, selon la cour, n'empêche d'ailleurs pas sa mensualisation, ces différents éléments de la rémunération étant indispensables pour vérifier le respect de leurs droits.

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France devra donc rectifier les bulletins de salaire depuis le mois de novembre 2002 et jusqu'au mois de décembre 2009, en maintenant la distinction entre le salaire de base et les avantages individuels acquis, dans un délai de 5 mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte provisoire de 200 € par jour de retard s'appliquant dès lors, pendant un délai de trois mois, étant précisé que conformément aux termes de la loi du 9 juillet 1991 le salarié pourra saisir le juge de l'exécution compétent pour liquider l'astreinte provisoire ainsi prononcée, voire pour que soit prononcée une astreinte définitive en cas de non respect par la CNCE des obligations mises à sa charge par le présent arrêt.

Sur le maintien de la garantie de la rémunération.

Le nouvel accord collectif du 11 décembre 2003 a validé à travers la RAM un système annuel de rémunération intégrée, en dehors des sommes éventuellement versées au titre de la participation, de l'intéressement et de la part variable de chaque salarié travaillant à temps complet.

Cependant, les modalités de calcul et le niveau des diverses primes perçues par les salariés avant le mois de décembre 2003 et résultant de leur contrat de travail, incorporées à leur contrat de travail pour ceux engagés auparavant, constituaient également des avantages individuels acquis qui ne pouvaient être remis en cause par le nouveau système établi par l'accord collectif du 11 décembre 2003, sauf à ce que celui-ci ne comporte des mesures plus favorables aux salariés.

Il en résultait un certain nombre de conséquences qui s'imposaient à l'employeur :

- sur l'ensemble des éléments de la rémunération des salariés engagés avant la signature de l'accord de 2003 et résultant de leurs contrats de travail, le montant de ceux-ci devait être, a minima, garanti pour chacun.

- s'agissant de la prime de durée d'expérience, le montant perçu par le salarié au moment du changement de régime devait être, a minima, maintenu, et cette fraction de la rémunération de chacun devait continuer à ouvrir droit, conformément à l'article 15 de l'accord dénoncé, et sauf modalités plus favorables, tous les trois ans et pendant une durée maximale de 30 ans à quatre ou cinq points supplémentaires selon le niveau de l'emploi.

- l'employeur ne pouvait appliquer une quelconque proratisation en fonction du temps de travail de chacun, - temps partiel ou absence du fait de grève, ou pour quelque autre motif-, ni à la PDE, ni à la prime familiale, ni à la prime de vacances, primes à caractère forfaitaire plusieurs fois confirmé.

Il était en effet précisé par l'article 2 du statut collectif national du 19 décembre 1985, que les dispositions de l'accord concernaient l'ensemble des salariés « quel que soit l'emploi qu'ils exercent et leur durée effective de travail », étant relevé que le même statut ne prévoyait expressément de proratisation en fonction de la durée du travail que par l'article 17 du statut collectif national en ce qui concerne la gratification de fin d'année.

- la CNCE ne pouvait non plus, sauf dispositions plus favorables, ni enlever ni rajouter unilatéralement de quelconques conditions d'attribution de ces primes, qui n'existaient pas dans le statut collectif national de 1985, notamment pour la prime de famille et la prime de vacances.

Ainsi, il ne pouvait pas introduire de nouvelles conditions restrictives telles que la notion d' 'enfants à charge', ou l'allocation de cette prime de famille au chef de famille en décidant de limiter à un seul parent l'allocation de celle-ci, alors qu'il est établi que dans le système antérieur, quand les deux membres du couple travaillaient dans l'entreprise, chacun percevait la prime familiale en tant que chef de famille.

- enfin, les salariés relevant du système antérieur devaient retrouver, dans le système de rémunération minimale mis en place en décembre 2003, un salaire de base, hors intégration des primes sus mentionnées, a minima égal, au départ, à la RGG précédemment servie.

En revanche, la qualification d'avantages individuels acquis conférée aux différents éléments de rémunération perçus par les salariés antérieurement à décembre 2003, si elle garantissait à ceux-ci la pérennité de ces avantages, qui devaient se retrouver intégralement dans la nouvelle rémunération, ne pouvait aboutir à ajouter ces avantages à la RAM.

En revanche, s'agissant des primes de vacances ou du 13ème mois, si leur montant devait être à minima maintenu, la cour considère que leur mensualisation ne saurait être considérée comme une mesure défavorable remettant en cause un avantage individuel acquis.

La rémunération à compter de décembre 2003 et pour l'avenir, devait donc, être au moins égale en décembre 2003 au total RGG + PDE + prime de vacances + prime de famille + plus 13ème mois, précédemment servies, sommes qui constituaient des avantages individuels acquis, l'ensemble de ces sommes étant régulièrement et normalement revalorisé.

L'employeur était en outre tenu de régler des congés payés à hauteur de 10 %, sur l'ensemble des sommes ouvrant droit à de tels congés payés.

Sur le rappel de l'intéressement et le rappel de part variable

Il ne sera pas statué sur les demandes de rappel formulées à ces deux titres pour la plupart des salariés, qui ne font l'objet d'aucun développement, dans le cadre des conclusions.

Sur le paiement des différents rappels de rémunération sollicités par le salarié

L'employeur contestant, pour chaque salarié et par une formule générale, le quantum des différentes demandes de rappel de rémunération formulées, la cour, après avoir posé les principes ci-dessus quant aux modalités de calcul des sommes dues au salarié compte tenu de sa date d'embauche, ordonnera aux parties d'établir leurs décomptes sur la base de ces principes.

Sur l'intervention volontaire du syndicat Sud Caisse d'Epargne

L'intervention du syndicat Sud Caisse d'Epargne aux côtés des salariés dans le cadre de la présente procédure, étant justifiée, faute d'avoir pu obtenir la régularisation de tous les droits des salariés dans le cadre de négociations avec l'employeur, par la préservation des droits de ceux-ci mais aussi de l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, la cour, en application de l'article L2132-3 du code du travail prononcera la condamnation de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France à verser au syndicat Sud Caisse d'Epargne une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de la CEIDF

Les circonstances de l'espèce et la complication du système mis en place par les parties avec l'accord du 11 décembre 2003, au détriment des avantages individuels acquis, ne justifient pas, jusqu'à présent, de faire droit à la demande formulée par le salarié de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC

En revanche, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France qui succombe supportera la charge des dépens

Par ailleurs, la Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par le salarié mais aussi par le syndicat Sud Caisse d'Epargne, la totalité des frais de procédure qu'ils ont été contraints d'exposer.

Il sera donc alloué, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 1000 euros pour le salarié et de 500 € pour le syndicat Sud Caisse d'Epargne, pour l'ensemble de la procédure.

Décision de la Cour :

En conséquence, la Cour,

Déclare irrecevables comme prescrites les demandes en rappel de rémunération et primes correspondant à la période du 22 octobre 2002 jusqu'au 4 février 2005,

Déclare recevables les autres demandes, non prescrites,

Infirme la décision du Conseil de prud'hommes,

et statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le montant des sommes versées à titre de rémunération du salarié jusqu'en octobre 2002 constituent un avantage acquis, incorporé au contrat de travail du salarié qui ne pouvait être remis en cause ultérieurement, sauf accord plus favorable,

Dit que les modalités de calcul de ces différentes sommes et la structure de la rémunération, également incorporées au contrat de travail du salarié à partir du 22 octobre 2002 constituaient également des avantages individuels acquis qui ne pouvaient être remis en cause sauf accord plus favorable,

Ordonne la rectification, par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France, de l'ensemble des bulletins de salaire de Madame [S] [N] depuis le mois de novembre 2002 et jusqu'en décembre 2009 en ce qui concerne :

- la présentation formelle, avec reprise des différents éléments constituant précédemment la rémunération du salarié,

- le montant des sommes allouées après nouveau calcul en fonction des principes arrêtés dans la présente décision.

Dit que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France devra rectifier les bulletins de salaire depuis le mois de novembre 2002, en opérant la distinction entre le salaire de base et les avantages individuels acquis, dans un délai de 5 mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte provisoire de 200 € par jour de retard s'appliquant au delà, pendant un délai de trois mois, étant précisé que conformément aux termes de la loi du 9 juillet 1991 le salarié pourra saisir le juge de l'exécution compétent pour liquider l'astreinte provisoire ainsi prononcée, voire pour que soit prononcée une astreinte définitive en cas de non respect par la CNCE des obligations mises à sa charge par le présent arrêt.

Dit que les sommes éventuellement dues au salarié antérieurement au 4 février 2005 sont prescrites.

Renvoie les parties à faire leurs comptes, selon les modalités arrêtées par la cour en ce qui concerne cet arriéré, en y ajoutant 10 % de congés payés afférents,

sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

Condamne la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France à verser au syndicat Sud Caisse d'Epargne la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Condamne la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile de France à régler au titre de l'article 700 du CPC pour l'ensemble de la procédure, à Madame [S] [N] la somme de 1000 €, au syndicat Sud Caisse d'Epargne la somme de 500 €.

La condamne aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/04234
Date de la décision : 28/05/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-28;12.04234 ?
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