RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 27 Mai 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03266
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Décembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/04669
APPELANTE
SARL [W] COIFFURE prise en la personne de son représentant légal Mme [R] veuve [J] [W], gérante
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-Claude RICHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0658
INTIME
Monsieur [E] [E] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne,
assisté de Me Marie-France MESLEM, avocat au barreau de PARIS, toque : M 0184
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente
Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller
Madame Caroline PARANT, Conseillère
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
[E] [E] [F] a été engagé par la société STYLE HAIR, le 22 septembre 2001, en qualité de coiffeur, suivant un contrat de travail à durée indéterminée.
La société STYLE HAIR sera reprise par une société COIFFURE REVE en mai 2007 puis vendue à la société [W] COIFFURE en octobre 2009.
Par lettre du 8 décembre 2009, il est convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 18 décembre 2009.
Suivant une lettre recommandée avec avis de réception du 22 décembre 2009, il est licencié pour cause économique avec des motifs ainsi énoncés:
'A la suite de notre entretien du 18 décembre 2009, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant : baisse d'activité' (suit la proposition d'une C.R.P).
Pendant la période de préavis, il va être reproché une faute grave au salarié suivant une lettre recommandée avec avis de réception du 11 janvier 2010 écrite en ces termes :
' Nous avons à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave : en effet, le 8 janvier 2010, lors d'un entretien préalable à votre licenciement économique en présence de notre comptable M. [C] [D], vous n'avez pas accepté la discussion et vous avez menacé la gérante Mme [R] [W]. La discussion s'étant envenimée de votre fait, vous n'avez pas su garder votre calme et vous en êtes venu aux mains en frappant Mme [R] [W] dans le ventre.
Cette conduite est inacceptable. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute lourde.
Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date du 8 janvier 2010, sans indemnité de préavis ni de licenciement.'
Contestant le bien-fondé de ce licenciement, [E] [E] [F] va saisir la juridiction prud'homale, le 7 avril 2010 de diverses demandes.
Par jugement contradictoire du 8 décembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- fixé le salaire de M. [F] à 1 356,05 € ,
- condamné la SARL [W] COIFFURE à payer à M. [F] [E] [E] les sommes suivantes :
* 2 712,10 € préavis,
* 271,21 € congés-payés afférents,
* 2 440,80 € indemnité de licenciement,
* 8 000 € dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 800 € article 700 du code de procédure civile.
Appel de cette décision a été interjeté par la société [W] COIFFURE SARL, suivant une lettre déposée au greffe de la cour le 28 mars 2012.
Par des conclusions visées le 24 mars 2014 puis soutenues oralement lors de l'audience, la société [W] COIFFURE SARL demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, à titre principal, de juger que le licenciement pour cause économique est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de débouter l'intimé de toutes ses demandes ; si la cour ne devait pas considérer comme justifié le motif économique, il est demandé de considérer de manière connexe que le licenciement pour faute grave était également justifié et qu'en conséquence M. [F] soit débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire, il est demandé de dire et juger que M. [F] a mal dirigé son action contre la société [W] COIFFURE SARL et ne justifie d'aucun préjudice.
Il est également demandé de condamner M. [F] à 5 000 € au titre du préjudice moral et physique, outre l'octroi de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par des conclusions visées le 24 mars 2014 puis soutenues oralement à l'audience, [E] [E] [F] demande à la cour de débouter la société [W] COIFFURE de toutes ses demandes et de le recevoir en sa 'demande reconventionnelle' ; en conséquence, il est sollicité de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société [W] COIFFURE pour rupture abusive mais de l'infirmer en ce qui concerne les indemnités allouées et, en conséquence, de condamner la société [W] COIFFURE SARL à lui payer :
* 4 000 € indemnité de licenciement,
* 5 000 € indemnité compensatrice de préavis,
* 500 € congés-payés afférents,
* 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 4 000 € article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant, [E] [E] [F] demande à la cour de condamner la société [W] COIFFURE à rembourser aux organismes concernés les indemnités d'aide au retour à l'emploi versées au salarié.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur le licenciement :
Il est constant que la lettre de licenciement fixant les limites de ce litige, [E] [E] [F] a été licencié le 22 décembre 2009 pour une cause économique énoncée ainsi : ' baisse d'activité'. L'examen des éléments comptables- qui ont été difficilement réunis- montre qu'au moment du licenciement le chiffre d'affaires de [W] COIFFURE SARL était de 65 206 € avec un montant de rémunérations du personnel de 30 869 € alors qu'en 2010, le chiffre d'affaires augmente considérablement (105 422 €) alors que la masse salariale va s'élever à 46 173 €. Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'analyser plus avant les éléments comptables présents aux débats et au vu du registre du personnel (pièce 22) de l'entreprise sur lequel figure trois nouveaux noms après le départ de l'intimé pour lequel aucune mesure de reclassement n'a été concrètement envisagée, il y a lieu de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a décidé que le licenciement était sans cause économique réelle et sérieuse.
Alors qu'il a tenté d'introduire des motifs personnels dans le licenciement de nature économique qui vient d'être déclaré illégitime, l'employeur a rompu le préavis en cours d'exécution en excipant d'une faute grave du salarié relative à un comportement violent à l'égard la gérante de la société [W] COIFFURE. Il convient de relever, à ce stade, que le contrat de travail avait d'ores et déjà été rompu par l'effet de la lettre de licenciement du 22 décembre 2009 pour raison économique et que la cause de la rupture du préavis ne saurait se substituer à celle du licenciement qui l'a généré . La cour constate que la violence reprochée au salarié a été primitivement dénoncée par celui-ci, selon une plainte contre son employeur déposée le 8 janvier 2010. Quant à la plainte de Mme [R], gérante de la SARL [W] COIFFURE, elle a eu une suite judiciaire qui s'est terminée par une relaxe au bénéfice de [E] [E] [F] prononcée par la cour de céans suivant arrêt du 19 janvier 2013 ( pièce n°10 ). La lettre de 'licenciement' du 22 décembre 2009, outre le fait qu'elle est une lettre de rupture du préavis, est au surplus dépourvue de tout fondement et de tout effet tant sur le contrat de travail que sur le préavis.
Sur l'indemnisation du licenciement illégitime :
Il est désormais demandé par [E] [E] [F] une somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail.
La cour relève que le salarié présentait, au moment du licenciement, une ancienneté qui est contestée par la société appelante ; en effet, les emplois antérieurs à son embauche par l'appelante ont été effectués au sein de sociétés STYLE HAIR et COIFFURE REVE avant la vente de cette dernière société à la société [W] COIFFURE SARL . L'intimé soutient que la société COIFFURE REVE aurait tenu compte de l'ancienneté depuis l'embauche par la société STYLE HAIR et s'appuie pour ce faire sur les mentions figurant sur ses bulletins de salaire délivrés par COIFFURE REVE. Force est cependant de constater que les éléments présents aux débats montrent que, préalablement au rachat de la société COIFFURE REVE par la société [W] COIFFURE SARL, [E] [E] [F] a été licencié par la société COIFFURE REVE comme en atteste l'établissement d'un certificat de travail et d'un reçu pour solde de tout compte régulièrement communiqués ( 2 pièces 15). Pour se prévaloir d'une ancienneté supérieure à celle réalisée au sein de la société appelante, le salarié aurait dû réunir les éléments lui permettant de reprocher un comportement frauduleux opposable aux sociétés COIFFURE REVE et [W] COIFFURE et mettre en cause la société COIFFURE REVE SARL, ce qui n'est pas le cas. En conséquence, il y a lieu de retenir une ancienneté inférieure à deux années comme remontant au 2 novembre 2009. [E] [E] [F] a bénéficié d'une longue période de chômage indemnisé dont il justifie jusqu'au 11 octobre 2011 ( pièces 13-1 à 13-4 ) tout en créant sa propre entreprise qui, selon les éléments produits, n'aurait pas généré de bénéfices. Il n'en reste pas moins que la situation décrite reste ambigue et conduit la cour à réformer la décision entreprise en ce qu'elle lui a accordé la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail et ramener cette somme à 3 000 €.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés-payés afférents :
Il est réclamé par [E] [E] [F] la somme de 5 000 € au titre du préavis et 500 € pour les congés-payés afférents.
L'employeur conclut au rejet de cette demande en ce que l'ancienneté est inférieure à six mois et ne doit générer aucun droit à préavis.
La cour relève qu'au regard des dispositions de l'article L.1234-1 1° du code du travail, l'ancienneté du salarié est inférieur à six mois ( embauche du 2 novembre 2009, licenciement du 22 décembre 2009 ) et que de ce fait, sauf à invoquer une disposition conventionnelle ou encore un usage, ce qu'il ne fait pas, [E] [E] [F] doit être débouté de ses demandes de ce chef.
Sur l'indemnité légale de licenciement :
L'intimé sollicite l'octroi de la somme de 4 000 € sur ce point. Il ne fournit aucun calcul précis à ce sujet. Il est constant qu'il ne présentait pas, au moment du licenciement, une année d'ancienneté ininterrompue au sein de l'entreprise et que, dès lors, en application des dispositions de l'article L.1234-9 du code du travail, il n'est dû, dans ce cas, aucune indemnité légale de licenciement. Il y a donc lieu de réformer la décision entreprise et de débouter [E] [E] [F] de sa demande à ce titre.
Sur la demande du salarié au titre de l'article L.1235-4 du code du travail :
L'intimé sollicite le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités qui lui ont été versées par la société [W] COIFFURES SARL au titre du chômage postérieurement à la rupture. Cette demande ne saurait prospérer en l'état d'un licenciement prononcé sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail.
Sur la demande reconventionnelle de la société [W] COIFFURE SARL au titre d'un préjudice moral :
Cette demande d'une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ne saurait être satisfaite dans la mesure où la cour vient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le licenciement de [E] [E] [F] illégitime privant ainsi, de ce seul fait, une telle réclamation de tout fondement en droit du travail.
La cour observe que la demande antérieure de sursis à statuer n'est plus dans le débat judiciaire au vu des écritures des parties.
Il y a lieu de confirmer la disposition du jugement entrepris relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice du salarié ( 800 € ).
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Réforme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a accordé à [E] [E] [F] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
Condamne la société [W] COIFFURE SARL à payer à [E] [E] [F] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail,
Déboute [E] [E] [F] du surplus de ses demandes,
Ajoutant,
Déboute la société [W] SARL de sa demande reconventionnelle au titre d'un préjudice moral,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [W] COIFFURE SARL à payer à [E] [E] [F] la somme de 1 000 € à ce titre,
Laisse les dépens de la procédure à la charge de la société [W] COIFFURE SARL.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE