La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2014 | FRANCE | N°13/11789

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 23 mai 2014, 13/11789


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 23 Mai 2014



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11789



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F12/10127





DEMANDERESSE AU CONTREDIT

SAS TRESOR G11-012

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me

William LASKIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1373





DEFENDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [N] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Nathalie MAIRE, avocat au barreau de P...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 23 Mai 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11789

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F12/10127

DEMANDERESSE AU CONTREDIT

SAS TRESOR G11-012

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me William LASKIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1373

DEFENDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [N] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Nathalie MAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0007

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 avril 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Nicolas BONNAL, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier.

**********

Statuant sur le contredit formé le 26 novembre 2013 par la société par actions simplifiée TRÉSOR G11-012 contre un jugement rendu le 21 novembre précédent par le conseil de prud'hommes de PARIS qui':

- saisi de demandes formées par M. [N] [Z] en résiliation judiciaire de son contrat de travail, et en condamnation de la société TRÉSOR G11-012 à lui payer diverses sommes à titre notamment de rappel de salaires, d'indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure et pour rupture abusive, et d'indemnité contractuelle de licenciement, et à lui remettre divers documents de fin de contrat sous astreinte,

- statuant sur les exceptions de procédure qui lui étaient soumises par la société défenderesse,

- a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure pénale en cours,

- a rejeté l'exception d'incompétence,

- s'est dit compétent pour connaître du litige,

- a renvoyé les parties sur le fond à l'audience du bureau de jugement du 11 juin 2014';

Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience du 2 avril 2014 pour la société TRÉSOR G11-012, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de la demanderesse au contredit qui, soutenant que le contrat de travail invoqué par M. [Z] est inexistant, demande à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris,

- faire droit à son contredit,

- dire que, faute que des prestations aient été effectuées dans le cadre d'un lien de subordination, la preuve de l'existence d'un contrat de travail n'est pas rapportée,

- renvoyer M. [Z] à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de PARIS,

subsidiairement,

- ne pas évoquer,

plus subsidiairement,

- rejeter toutes les demandes formées par M. [Z],

à titre «'reconventionnel'»,

- condamner M. [Z] au paiement de la somme de 3'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience pour M. [N] [Z], auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions du défendeur au contredit qui, outre la réponse à des moyens qui ne sont pas maintenus par la société demanderesse devant la cour (sursis à statuer et incompétence territoriale), soutenant qu'il était bien lié à la dite société par un contrat de travail, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sur la compétence, et renonce à l'audience à sa demande d'évocation';

Vu la note en délibéré autorisée par le magistrat chargé d'instruire l'affaire, adressée le 2 avril après l'audience par la société TRÉSOR G11-012';

SUR CE, LA COUR

Il doit être rappelé qu'aux termes de l'article L'1411-1 du code du travail, «'le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient'» et qu'«'il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti'», qu'il y a contrat de travail, ce qui détermine donc la compétence de la juridiction du travail, lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération et que, spécialement, le lien de subordination ainsi exigé est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, le fait que le travail soit effectué au sein d'un service organisé pouvant constituer un indice de l'existence d'un lien de subordination lorsque l'employeur en détermine unilatéralement les conditions d'exécution.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l'activité litigieuse. Il appartient en conséquence au juge d'examiner ces conditions de fait et de qualifier la convention conclue entre les parties, sans s'arrêter à la dénomination qu'elles avaient retenue entre elles.

M. [N] [Z] se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 janvier 2012 (sa pièce n° 1) conclu entre lui et la société TRÉSOR G11-012 par lequel il aurait été engagé par cette société en qualité de directeur opérationnel, à compter du 1er février 2012.

Il produit, outre ce contrat':

- des bulletins de paie pour les mois de février 2012 à janvier 2013 (sa pièce n° 9),

- un courrier électronique du 29 août 2012 et une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 septembre 2012 (ses pièces n° 4 et 5), dans lesquels il fait état de ce qu'il a été dispensé de présence sur son lieu de travail puis s'en est vu refuser l'accès à compter du 20 juillet 2012,

- une assignation en référé devant le conseil de prud'hommes de PARIS délivrée à la société TRÉSOR G11-012 le 8 octobre 2012 en paiement de ses salaires à compter du 1er août 2012 (sa pièce n° 2),

- la convocation à un entretien préalable à une procédure de licenciement qui lui a été adressée le 11 octobre 2012 (sa pièce n° 6),

- la convocation devant le conseil de prud'hommes statuant en formation de référé à la suite d'une nouvelle demande faite par lui en paiement des salaires d'octobre à décembre 2012 (sa pièce n° 3),

- ses conclusions en vue d'une audience devant le bureau de conciliation du 14 février 2013, dans le cadre de l'instance au fond qu'il avait entre-temps engagée le 14 septembre 2012 devant le conseil de prud'hommes et qui a abouti à la décision déférée, conclusions par lesquelles il demandait le paiement du salaire du mois de janvier 2013 (sa pièce n° 7),

- un relevé du compte CARPA de son avocat qui montre que les sommes réclamées lors de ces deux procédures de référé, d'une part, et devant le bureau de conciliation dans le cadre de la procédure au fond, d'autre part, ont été payées (sa pièce n° 8),

- la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail que son conseil a adressée le 16 décembre 2013 (ses pièces n° 10 et 11).

Face à ces éléments, qui créent à tout le moins l'apparence d'un contrat de travail, il incombe à la société TRÉSOR G11-012, qui conteste l'existence d'une relation salariée entre les parties, d'établir que les éléments constitutifs de celle-ci ne sont pas réunis.

Elle justifie de ce que le contrat de travail dont se prévaut M. [Z] n'a pas été signé par une personne la représentant, produisant à cet effet une attestation de M. [N] [X] (sa pièce n° 14), qui est le signataire du contrat pour la société -'ainsi que la cour peut s'en assurer en comparant les signatures figurant sur l'attestation, sur la pièce d'identité du témoin et sur le contrat'- et qui indique qu'il a signé cet acte à la demande instante de M. [Z], alors cependant qu'il n'avait aucune fonction dans la société TRÉSOR G11-012 et n'y détenait aucun mandat. Les pièces par ailleurs produites en cours de délibéré (extrait Kbis et historique des modifications au registre du commerce et des sociétés) démontrent que, de fait, cette société avait, en 2012, pour président la société à responsabilité limitée à associé unique MALCOLM, dont le gérant était M. [Y] [N].

La société TRÉSOR G11-012 ne conteste cependant pas qu'elle a rémunéré M. [Z] conformément à ce contrat, spontanément de février à juillet 2012, puis en faisant droit à des demandes en paiement présentées judiciairement par l'intéressé, pour ce qui concerne la période d'août 2012 à janvier 2013.

Pour soutenir que M. [Z] n'a pas fourni de prestation de travail dans le cadre d'un lien de subordination, la société TRÉSOR G11-012 expose, sans être contredite, le contexte des relations entre les parties, à savoir celui d'un projet de réseau de concession dans le secteur de la conciergerie, dit réseau KIOSK (sa pièce n° 1), animé par la société BCS DÉVELOPPEMENT, laquelle a conclu à cette fin le 6 juin 2011 avec la société AXEO DÉVELOPPEMENT un contrat de prestation de services versé aux débats (sa pièce n° 4), M. [Z] étant lui-même employé par la société AXEA DÉVELOPPEMENT selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 24 juin 2011 en qualité de directeur opérationnel (sa pièce n° 6). L'ingénierie financière du projet avait enfin été conçue, ainsi qu'il n'est pas contesté, par la société DIANE, dirigée par Mme [G] [D].

La société TRÉSOR G11-012, dont il est indiqué qu'elle a été créée en décembre 2011 mais qui a été immatriculée en juillet 2011 (extrait Kbis produit en cours de délibéré), réunit des investisseurs désireux de financer ce réseau de concession KIOSK. Elle a conclu deux contrats de prestation de services avec des sociétés dont M. [Z] est le président': le 30 décembre 2011 avec la société ELODIA, un «'contrat de développement et d'intégration d'un logiciel d'application pour le réseau kioskandco'» (sa pièce n° 15), et le 31 décembre 2011 avec la société AXONE WEB SOLUTIONS, un «'contrat de développement et d'intégration d'un logiciel d'application de gestion-facturation pour les réseaux Kioskandco et Kiosk'aou'» (sa pièce n° 16).

Le 13 décembre 2012, ces sociétés ont engagé une action devant le tribunal de commerce de PARIS contre la société TRÉSOR G11-012 et contre les sociétés DIANE, DIANE GESTION et GROUPE DIANE, en paiement des sommes respectives de 169'798,19 euros et 438'514,40 euros qu'elles estiment dues au titre de ces contrats (assignation en pièce n° 11). Précédemment, la société AXONE WEB SOLUTIONS avait assigné la société TRÉSOR G11-012 en référé (pièce n° 9) pour obtenir paiement d'une somme provisionnelle en exécution du même contrat, le président du tribunal de commerce ayant, par ordonnance du 5 octobre 2012, dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande (pièce n° 10).

La société TRÉSOR G11-012 fait observer que ces deux contrats visent des prestations identiques, de même que les taches qui étaient imparties à M. [Z] dans le cadre des contrats de travail conclus avec la société AXEO DÉVELOPPEMENT, d'une part, et avec elle-même, d'autre part, sont énoncées en des termes exactement identiques': «'superviser l'organisation des différents services de la société (développement, marketing, coordination, qualité, exploitation, animation)'» et «'assurer le reporting'».

Elle soutient que ces quatre contrats ne visent en fait que les prestations de service décrites dans les deux contrats commerciaux (dont elle conteste d'ailleurs qu'elles aient été effectivement fournies), et ajoute sans être contredite que le chef de projet désigné par le prestataire aux termes de chacun de ces deux contrats n'était autre que M. [Z].

Elle précise enfin que les relations entre les parties ont changé de nature depuis qu'au mois de juillet 2013, M. [Z], qui ne le conteste pas, a commandité l'enlèvement de la mère de Mme [D], dirigeante de la société DIANE, pour obtenir paiement d'une somme de 450'000 euros en rançon, M. [Z] étant actuellement en détention provisoire dans le cadre de la procédure pénale qui a été ouverte sur ces faits criminels (articles de presse, et chefs de mise en examen, en pièce n° 13).

Par l'ensemble des pièces qu'elle produit ainsi, la société TRÉSOR G11-012, qui ne peut apporter la preuve négative de l'absence de prestation de travail et de lien de subordination, établit cependant que les relations entre les parties semblent incompatibles avec le contrat de travail apparent dont se prévaut M. [Z].

Il revient, dans ces conditions, à ce dernier de verser aux débats les pièces établissant qu'il a pourtant effectivement fourni une prestation de travail dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard de la société TRÉSOR G11-012.

Or, il ne produit aucun élément en ce sens et ne réplique d'ailleurs pas à l'argumentation développée par la demanderesse au contredit.

Il en résulte que cette dernière démontre, au soutien de son contredit, que le contrat de travail du 30 janvier 2012 présente un caractère à tout le moins fictif et que le litige qui oppose les parties est d'ordre purement commercial.

La société TRÉSOR G11-012 sera en conséquence accueillie en son contredit.

Le jugement déféré sera infirmé et l'affaire sera renvoyée au tribunal de commerce de PARIS, déjà saisi du litige commercial opposant les parties, juridiction dont la société TRÉSOR G11-012, qui avait son siège social à PARIS au moment où l'instance a été introduite et n'a que postérieurement transféré celui-ci à la Réunion, ne conteste pas la compétence géographique.

Les frais du contredit seront mis à la charge de M. [N] [Z].

Ce dernier sera condamné à payer à la société TRÉSOR G11-012 la somme de 1'500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Accueille la société TRÉSOR G11-012 en son contredit';

Infirme le jugement déféré';

Dit que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail';

Dit que le tribunal de commerce de PARIS est compétent pour connaître du litige';

Renvoie l'affaire et les parties devant cette juridiction';

Condamne M. [N] [Z] à payer à la société TRÉSOR G11-012 la somme de 1'500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne M. [N] [Z] aux frais du contredit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/11789
Date de la décision : 23/05/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°13/11789 : Se dessaisit ou est dessaisi au profit d'une autre juridiction


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-23;13.11789 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award