Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 21 MAI 2014
(n° 165 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/21975
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/05828.
APPELANT
Monsieur [H] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4].
Représenté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, toque A0532.
INTIMES
L'ETABLISSEMENT PUBLIC CENTRE HOSPITALIER [3]
[Adresse 5]
[Localité 5].
Assigné
L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 4]
[Localité 2].
Représenté par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709.
Assisté de Me Colin MAURICE, avocat au barreau de PARIS, toque G 709.
La Commune : VILLE DE [Localité 6] représentée par son maire en exercice
[Adresse 6]
[Localité 6].
Représentée par Me Marie-laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque B0936.
Assistée de Me Olivia AMBAULD, avocat au barreau de PARIS, toque P222.
LA SOCIETE CEGELEC PARIS SA
[Adresse 3]
[Localité 3].
Représentée par Me Guillaume BREDON de la SELARL CABINET BRL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L0305.
Assistée de Me Aurélie ROCHE, avocat au barreau de PARIS, toque L305.
L'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE [Localité 2] - Etablissement Public
[Adresse 1]
[Localité 1].
Représentée par Me Xavier NORMAND BODARD de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141 substitué pour les plaidoiries par Me LITAUDON Claire, avocat au barreau de PARIS, toque P141.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques BICHARD, Président (Rapporteur)
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
Madame Françoise LUCAT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Joëlle BOREL
ARRET :
- par défaut,
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques BICHARD, président et par Melle Sabine DAYAN, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
XXXX
M. [H] [K], employé par la société CEGELEC Paris a fait l'objet, le 28 octobre 2008, d'une interpellation par les forces de police à la suite des violences qu'il aurait exercées à l'encontre de deux autres employés de cette entreprise.
Par arrêté du 29 octobre 2008, pris notamment sur l'avis émis le 28 octobre 2008 par le docteur [L], psychiatre commis par l'OPJ l'ayant entendu et qui avait notamment relevé que le sujet présentait un état dangereux au sens psychiatrique du terme, le maire de [Localité 6] a décidé le placement provisoire de
M. [H] [K] dans un établissement de soins habilité, l'établissement [2] à [Localité 6].
Le 30 octobre 2008 le docteur [X] établissait un certificat concluant à la nécessité d'observation clinique en milieu psychiatrique.
Par arrêté du 31 octobre 2008, pris notamment au vu du certificat dressé le même jour par le docteur [S] relatant un délire de persécution s'étant manifesté sur son lieu de travail et de celui du docteur [X], le préfet du Val de Marne a ordonné l'hospitalisation d'office de l'intéressé dont le transfert au centre hospitalier [3] de [Localité 5] a été décidé par arrêté préfectoral du 6 novembre 2008.
Au vu d'un certificat du 7 novembre 2008 émis par le docteur [B], psychiatre de cet établissement, le préfet du Val de Marne, par arrêté du 14 novembre 2008 a mis fin à la mesure d'hospitalisation d'office.
Suivant décision de l'inspection du travail l'employeur de M. [K] a procédé le 12 janvier 2009 à son licenciement.
C'est dans ces circonstances que par actes des 2, 4, 5 et 6 mars 2011,
M. [H] [K] a fait assigner l'agent judiciaire du trésor ( désormais l'agent judiciaire de l'Etat ), le maire de [Localité 6], les centres hospitaliers [1] et [3] à [Localité 5], ainsi que la société CEGELEC PARIS afin qu'ils soient condamnés in solidum à lui payer à titre de dommages intérêts les sommes de 150 000 euros pour privation illégale de liberté, 60 000 au titre du préjudice moral en raison de l'internement, 60 000 euros pour défaut d'information des motifs dudit internement et 130 000 euros, la société CEGELEC PARIS, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, devant le tribunal de grande instance de Paris dont il a interjeté appel devant cette cour du jugement rendu le 5 septembre 2012.
***
Vu le jugement entrepris qui a :
- reçu les interventions volontaires de la ville de [Localité 6] et de l'Assistance publique des hôpitaux de [Localité 2],
- mis hors de cause le maire de [Localité 6] et le préfet du Val de Marne,
- débouté M. [H] [K] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. [H] [K] à payer à la société CEGELEC PARIS la somme de 1 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,
- condamné M. [H] [K] à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la ville de [Localité 6], le centre hospitalier [3], l'Assistance publique des hôpitaux de [Localité 2], chacun , une indemnité de 1 000 euros, la société CEGELEC PARIS la somme de 1 500 euros et à l'Agent judiciaire du Trésor celle de 850 euros.
Vu les dernières conclusions communiquées par la voie électronique le :
# 20 janvier 2014 .par M. [H] [K] qui, au visa des articles 66 de la Constitution de 1958, L 3211-1 et L 3211-3 du code de la santé publique, 5&1, 5&2, 5&5, 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme, demande à la cour de condamner in solidum l'agent judiciaire de l'Etat, la ville de [Localité 6], les centres hospitaliers [1] de [Localité 6], Assistance publique des hôpitaux de [Localité 2] et [3] de [Localité 5] et la société CEGELEC PARIS à lui verser les sommes de :
- 250 000 euros pour la privation illégale de liberté,
- 30 000 euros pour le défaut de notification des décisions,
- 120 000 pour le préjudice moral en raison de l'internement,
- 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
# 21 janvier 2014 par la société CEGELEC Missenard venant aux droits de la société CEGELEC PARIS qui demande à la cour de débouter M. [H] [K] de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile outre une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
# 20 février 2014 par l'agent judiciaire de l'Etat qui demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner M. [H] [K] à lui verser une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
# 28 février 2014 par l'Assistance publique des hôpitaux de [Localité 2] qui demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner M. [H] [K] à lui verser une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
# 28 février 2014 par la ville de [Localité 6] qui demande à la cour de :
- dire que le moyen tiré de la prétendue violation de l'article 8 de la CEDH est une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner M. [H] [K] à lui verser une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les observations écrites déposées le 29 octobre 2013 par le ministère Public qui conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Constaté l'absence de constitution d'avocat au nom du centre hospitalier [3], régulièrement assigné par acte du 8 février 2013.
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que l'article L 3216-1 du code de la santé publique, issu de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 dispose en ses alinéas 1 et 3 que ' La régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II et IV du présent titre ne peuvent être contestées que devant le juge judiciaire.
Lorsque le tribunal de grande instance statue sur les demandes en réparation des conséquences dommageables résultant pour l'intéressé des décisions administratives mentionnées au premier alinéa, il peut, à cette fin, connaître des irrégularités dont ces dernières seraient entachées '.
Considérant que ces dispositions étant entrées en vigueur à compter du 1er janvier 2013, il s'en déduit que conformément à la jurisprudence dégagée par la cour de Cassation, le Conseil d'Etat et le tribunal des Conflits, la contestation de la régularité des décisions administratives ordonnant le placement d'office en hôpital psychiatrique rendues antérieurement à cette date relève de la seule connaissance des juridictions administratives ;
Qu'en l'espèce les décisions administratives mises en cause par M. [H] [K], à savoir l'arrêté pris le maire de [Localité 6] le 29 octobre 2008 et les arrêtés pris par le préfet du Val de Marne les 31 octobre 2008 et 6 novembre 2008 dont l'intéressé a eu, contrairement à ce qu'il soutient, à tout le moins nécessairement connaissance antérieurement au 1er janvier 2013 puisqu'elles sont à l'origine de la présente procédure engagée sur son assignation du 28 février 2011, n'ont fait l'objet de sa part d'aucun recours dans le délai de deux mois imparti à cette fin devant les juridictions administratives alors seules compétentes ;
Qu'au demeurant la saisine, le 6 novembre 2008, par l'intéressé du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de [Localité 6] afin d'obtenir la mainlevée de la mesure d'hospitalisation d'office, peu important qu'elle a donné lieu à un désistement de sa part en raison de l'arrêté préfectoral du 14 novembre 2008
(ordonnance du 8 décembre 2008), constitue la preuve certaine de sa parfaite connaissance des arrêtés litigieux ;
Que M. [H] [K] qui disposait ainsi d'un recours effectif devant le juge administratif alors seul compétent pour en connaître et qui ne l'a pas exercé dans le délai imparti est dés lors irrecevable à remettre en cause devant le juge judiciaire la régularité des actes administratifs qui sont à l'origine de son hospitalisation d'office ;
Que par voie de conséquence c'est à juste titre que le tribunal l'a débouté de sa demande relative à l'indemnisation du préjudice qu'il prétend avoir subi en raison de la supposée absence de notification des arrêtés en cause ;
Considérant sur le bien fondé de l'arrêté pris par le maire de [Localité 6] et par le préfet du Val de Marne que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a débouté M. [H] [K] de ses demandes ;
Qu'en effet ces décisions ont été prises sur la foi de certificats décrivant avec précision les symptôme présentés par l'intéressé et son état de dangerosité potentielle envers autrui ;
Que le docteur [L] a mentionné un ' délire de persécution du registre paranoïaque qui est de nature à influer sur sa personnalité ' ;
Que le docteur [X] a relaté une ' hétéroagressivité sur le lieu de travail', ' un vécu persécutoire ' et ' la nécessité d'observation clinique en milieu psychiatrique ' ;
Que pour sa part le docteur [S] a constaté 'un délire de persécution s'étant traduit par une agressivité sur son lieu de travail avec description d'un complot organisé contre lui par son employeur rendant le patient dangereux pour les autres ' ;
Que lors du transfert de M. [H] [K] au centre hospitalier [3], le docteur [B] a préconisé la nécessité de maintenir la mesure d'hospitalisation pour conforter l'absence de dangerosité potentielle ' ;
Qu'au cours de examens M. [H] [K] a pu librement s'expliquer, ainsi qu'il l'a fait avec le docteur [L] auquel il a rapporté le litige l'opposant à son employeur et qui a établi un certificat particulièrement détaillé , tant en ce qui concerne les éléments biographiques se rapportant à l'intéressé qu'au niveau de son examen psychiatrique et de la discussion médico-légale ;
Que l'ensemble de ces avis médicaux, qui contrairement à ce que soutient M. [H] [K] ont été émis à partir de constatations précises de son état de santé et des symptôme qu'il présentait, démontrent que l'intéressé, directement impliqué dans des faits d'agression commis envers un co salarié de la société CEGELEC et qui sont à l'origine de l'intervention des forces de police, présentait un état de dangerosité pour autrui, réel et sérieux, justifiant les mesures d'hospitalisation d'office prises à son encontre ;
Que c'est vainement que M. [H] [K] tente de discréditer la sincérité et la pertinence des certificats établis par les différents médecins qui l'ont examiné en faisant état d'une supposée collusion existant entre ceux-ci et son employeur, alors même que les difficultés ayant pu l'opposer à la société CEGELEC sont sans relation aucune avec les constatations faites par des médecins indépendants, étrangers à ce conflit et qui se sont traduites par des actes de violences qui sont seuls à l'origine de la mesure d'hospitalisation d'office ;
Qu'ainsi M. [H] [K] ne peut valablement arguer d'une violation de l' article 5&1 et 5&4 de la Convention européenne des droits de l'homme, la mesure prise à son encontre ayant été pleinement justifiée par sa dangerosité médicalement constatée à plusieurs reprises aux termes de certificats médicaux concordants ayant ainsi conduit à la mise en oeuvre d'un traitement médical nécessaire et approprié ;
Que son état établi de façon probante qui s'est traduit par une agression envers un tiers a ainsi justifié la mesure prise à son encontre et à laquelle il a immédiatement été mis fin dés qu'elle n'a plus été médicalement justifiée ;
Que pas davantage dans ces conditions n'a été méconnu, ainsi que le soutient M. [H] [K], l'article 8 de la dite convention européenne des droits de l'homme, étant sur ce point relevé que c'est à tort que la ville de [Localité 6] lui oppose les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile dans la mesure où il s'agit d'un moyen de droit et non pas d'une demande qui pourrait être nouvelle en cause d'appel ;
Que le caractère médicalement constaté du placement d'office de l'intéressé ne peut en effet constituer une ingérence illégale dans sa vie privée et familiale, le déplacement du centre hospitalier [1] au centre [3] étant par ailleurs justifié par la continuité des soins à prodiguer à l'intéressé ( certificat du docteur [X] ) ;
Considérant que c'est également par des motifs appropriés et pertinents que le tribunal a écarté les griefs formulés par M. [H] [K] relatifs à la garde à vue dont il a fait l'objet ;
Que c'est vainement que l'intéressé invoque une violation de l'article 6&3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Qu'en effet celui-ci a été placé en garde à vue après qu'une agression a été commise, une des victimes ayant au demeurant été conduite aux services des urgences hospitalières ;
Que cette mesure n'est donc ni inexplicable, ni injustifiée ainsi que le soutient M. [H] [K] qui ne démontre pas par ailleurs avoir été victime de propos racistes et avoir été traité de façon inhumaine et dégradante alors même que l'officier de police judiciaire, attentif à son état de santé, a fait appel à un médecin pour l'examiner ;
Que par ailleurs a été respectée la procédure pénale en vigueur à l'époque des faits qui ne prévoyait nullement le droit au silence pour le mis en garde à vue et alors même que les décisions ultérieurement prises par la cour de Cassation sur ce point ne peuvent avoir un effet rétroactif ;
Considérant enfin que c'est à juste titre que les premiers juges ont prononcé la mise hors de cause du maire de la ville de [Localité 6], étant au demeurant constaté que l'appel interjeté par M. [H] [K] concerne non pas celui-ci directement mais ' l'établissement public Ville de [Localité 6]'et ont également débouté M. [H] [K] de toutes ses demandes dirigées contre la société CEGELEC Paris, désormais dénommée CEGELEC Missenard à laquelle il reproche sans en rapporter la preuve d'avoir été à l'origine, dans le cadre d'une collusion frauduleuse avec les médecins qui l'ont examiné, de la mesure de placement d'office dont il a fait l'objet et dont il vient d'être constatée que la régularité des arrêtés la prescrivant n'a pas été remise en cause devant la juridiction administrative alors compétente et qu'elle était médicalement justifiée et proportionnée dans le temps eu égard à son état de
santé ;
Qu'en revanche c'est à tort que le tribunal a estimé que la demande présentée contre l'employeur présentait un caractère abusif justifiant à ce titre l'allocation de dommages intérêts alors même que celui-ci n'est pas démontré ;
Que pas davantage la présente instance ne présente un tel caractère ;
Considérant que la solution de l'affaire , eu égard à l'équité commande d'accorder à l'agent judiciaire de l'Etat, l'Assistance publique des hôpitaux de [Localité 2], la ville de [Localité 6], la société CEGELEC Missenard, chacun, une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'un montant de 2 000
euros ;
PAR CES MOTIFS
Déclare M. [H] [K] irrecevable en sa contestation de la régularité des arrêtés pris le 29 octobre 2008 par le maire de la ville de [Localité 6], les 31 octobre et 6 novembre 2008 par le préfet du val de Marne.
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [H] [K] à la société CEGELEC PARIS, dénommée désormais CEGELEC Missenard la somme de 1 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;
L'infirme dans cette limite ,
Statuant à nouveau,
Déboute la société CEGELEC Missenard de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive.
Condamne M. [H] [K] à payer à l'agent judiciaire de l'Etat, l'Assistance publique des hôpitaux de [Localité 2], la ville de [Localité 6], la société CEGELEC Missenard, chacun, une indemnité d'un montant de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Condamne M. [H] [K] aux dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en font la demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT