Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 21 MAI 2014
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/01112
APPELANTE
SA AEROPORT DU GOLFE DE SAINT TROPEZ prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, avocat postulant
Assistée de Me Nathalie PEYRON et de Me Jean-Philippe DELSOL de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, toque : P0513, avocats plaidants
INTIMÉS
Monsieur [U] [P] [M] [TD] [R]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Monsieur [Q] [F] [M] [I] [R]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Madame [V] [W] [X] [R] épouse [RX]
[Adresse 3]
[Localité 2]
[S] [B] [M] [J] [H] [R], décédé
Madame [E] [A] [M] [K] veuve [R] et ayant droit de [S] [R]
Intervenante volontaire
[Adresse 1]
[Localité 2]
Monsieur [C] [U] [M] [O] [R], ayant droit de [S] [R]
Intervenant volontaire
[Adresse 6]
[Localité 3]
Madame [L] [D] [M] [R], ayant droit de [S] [R]
Intervenante volontaire
[Adresse 5]
[Localité 4]
Monsieur [Y] [G] [Q] [M] [R], ayant droit de [S] [R]
Intervenant volontaire
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Nathalie HERSCOVICI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant
Assistés de Me Alain TOUCAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1155, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente
Madame Odile BLUM, conseillère
Monsieur Christian BYK, conseiller
Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière.
EXPOSE DU LITIGE
La société Compagnie financière du sud-est dont la dénomination est aujourd'hui la société Aéroport du golfe de Saint Tropez est locataire de divers biens immobiliers au lieu dit le Château sur la commune de [Localité 5] et y exploite une activité d'aéroport.
Elle est locataire aux termes des contrats et avenants suivants :
-un contrat initial du 17 avril 1970 par lequel M [R] donne à bail à M [T] divers biens immobiliers situés commune de [Localité 5] pour une durée de dix huit années commençant à courir le 1er avril 1970 destinés à l'exploitation d'une activité d'aérodrome privé et à un usage commercial de bar, restaurant, hôtel , station service pour voitures et aéronefs, le bailleur consentant expressément à ce que le preneur puise édifier les constructions nécessaires devant abriter club house, restaurant, hôtel de même que les constructions nécessaires au garage des aéronefs, et des véhicules automobiles et à leur entretien, à la sécurité aérienne et au contrôle exigé pour un fonctionnement normal d'un aéroport. Le bailleur a également consenti à ce que soit édifiée une piste en dur avec voies de circulation et parkings nécessaires et le preneur été autorisé à adjoindre à l'activité ci-dessus les activités connexes et complémentaires et demander au bailleur de pouvoir exercer des activités non prévues au bail.
-un contrat du 4 novembre 1971 par lequel M [T] cédait ses droits au bail à la société Aérodrome de Saint Tropez [Localité 5] pour le temps restant à courir,
-un contrat du 6 janvier 1986 au terme duquel M [R] a donné à bail en renouvellement à la société Aérodrome de St Tropez [Localité 5] les biens immobiliers expressément désignés à l'acte comme étant constitués de :
*une bande de terrain d'une longueur de 1350 mètres environ s'étendant sur une partie des parcelles figurant au cadastre rénové de la commune de [Localité 5] (section A n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6]) allant de la rivière de [Localité 5] à l'est de ce territoire, au pont de la [Adresse 9], à l'ouest ,
*une aire de signaux de 17 mètres sur 17 mètres environ, au sud de la bande d'atterrissage,
*l'usage d'un chemin d'accès en bordure de la rivière,
*le surplus des parcelles [Cadastre 3]-[Cadastre 5] et [Cadastre 6],
*une surface d'un ha prise sur la parcelle [Cadastre 2] et située au nord de la piste d'atterrissage
la destination étant celle prévue dans l'acte initial de 1970 et contenant autorisation du bailleur pour y édifier les constructions nécessaires à l'exercice de l'activité et y exercer des activités connexes et complémentaires ; la durée de ce nouveau bail était consentie pour une durée de 20 années à compter du 1er janvier 1986 pour se terminer la 31 décembre 2003 (en réalité 2006); le loyer annuel a été fixé à la somme de 88 000 francs ;
Par un avenant du 1er décembre 1998, les parties sont convenues de prolonger le bail jusqu'au 31 décembre 2009, le loyer révisé pour l'année 1999 étant fixé à la somme de 180 836 francs, soit 25 568, 27 € ;
Par avenant des 28 juin et 4 juillet 2000, la superficie des biens loués a été modifiée et le loyer modifié en conséquence ;
Par avenant du 11 décembre 2001 intervenu entre M [R] et la société Compagnie financière du sud-est, la surface louée a été augmentée et portée à 29 ha 92a 56ca et le loyer augmenté à la somme annuelle de 31 219, 04 €.
Suivant acte du 29 avril 2009, les bailleurs ont délivré congé avec offre de renouvellement pour le 1er janvier 2010 moyennant un loyer d'un montant annuel de 160 000 euros. Ils ont le 24 février 2010 notifié au preneur un mémoire en vue de la fixation du bail renouvelé moyennant le prix de 160 000 euros.
Aux termes d'une convention du 13 octobre 2010, les parties sont convenues de désigner M.[N] en qualité de tiers expert avec pour mission de chiffrer la valeur locative. L'expert a terminé son rapport le 4 juillet 2011.
Les consorts [R] n'étant pas d'accord avec les conclusions de l'expert quant à la valeur locative, ont par assignation du 13 décembre 2011, saisi le juge des loyers commerciaux pour voir fixer le montant du loyer à la somme de 160 000 euros.
Par jugement du 18 mai 2012, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a :
-fixé à 140 000 euros en principal par an à compter du 1er janvier 2010 le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre les consorts [R] et la SA Aéroport du Golfe de Saint Tropez pour les locaux situés [Adresse 11], toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées,
-condamné « la SA Aéroport du Golfe de Saint Tropez à payer [aux] consorts [R] les intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis le 1er janvier 2010, à compter du prononcé de la présente décision,
-ordonné l'exécution provisoire de la décision,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné chacune des parties par moitié aux dépens.
Par ses dernières conclusions du 6 mai 2013 la SA Aéroport du Golf de Saint Tropez demande à la Cour de :
Constater que les travaux réalisés par le preneur à ses frais exclusifs n'ont pas bénéficié de la théorie de l'accession,
Dire que la valeur locative des biens doit être fixée sur la base d'un terrain nu.
En conséquence,
Fixer la valeur locative des biens sur la base d'un terrain nu, à la somme de 42 865 euros annuels hors charges et hors taxes,
A titre subsidiaire,
Constater que l'évaluation de la valeur locative des biens ne peut reposer ni sur la méthode dite de « comparaison », ni sur la méthode de la « valeur de rentabilité »,
Dire que l'évaluation de la valeur locative des biens doit être fixée en fonction de la valeur vénale,
Constater qu'à la date du renouvellement du bail, l'exploitation était frappée d'insécurité juridique liée aux différentes procédures judiciaires et administratives en cours et restreignant l'exploitation,
Constater que la procédure relative à la contestation de l'arrêté « loi sur l'eau » dont bénéficie le preneur est toujours en cours
Constater que le preneur a réalisé des travaux pour un montant de 2 492 050 euros,
Dire que les charges d'exploitation pesant sur le preneur doivent être prises en compte pour la détermination de la valeur locative;
En conséquence,
Donner son avis sur le prix du loyer du bail renouvelé,
Dire que le loyer devra être maintenu à la valeur atteinte lors de la dernière année du bail expiré, sous réserve des indexations contractuelles à venir,
Dire que la valeur locative ne pourra en aucun cas excéder la valeur maximale proposée par l'expert à savoir 140 000 euros annuels hors charges et hors taxes,
En tout état de cause,
Condamner Mme [E] [K] veuve de M [S] [R], [C], [L], [Y], [U], [Q], et Mme [V] [R] à verser à la société Aéroport du Golfe de Saint Tropez la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner les mêmes à prendre en charge le montant des frais de l'expertise confiée à M [N] selon convention du 13 octobre 2010 et à rembourser à la société Aéroport du Golfe de Saint Tropez le montant des honoraires d'ores et déjà versés à ce titre à M [N] et aux entiers dépens, dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les consorts [R] par leurs dernières conclusions du 27 novembre 2013, demandent à la Cour de :
Réformer le jugement du 18 mai 2012 en ce qu'il a fixé le loyer renouvelé à compter du 1er janvier 2010 à 140 000 € en principal par an ;
Statuant à nouveau,
Fixer le loyer renouvelé à compter du 1er janvier 2010 à 160 000 € en principal par an,
Condamner la S.A. Aéroport du Golfe de Saint-Tropez à payer aux consorts [R] les intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis le 1er janvier 2010, à compter du jugement,
Condamner la Société « Aéroport du Golfe de Saint Tropez » au paiement de la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Dire et juger que les frais d'expertise de Monsieur [N] seront partagés par moitié entre les parties, en application de la convention du 13 octobre 2010,
Condamner la Société « Aéroport du Golfe de Saint Tropez » aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
SUR CE
La société Aéroport du golfe de Saint Tropez soutient que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le bailleur n'a pas participé au financement des travaux d'aménagement réalisés essentiellement à compter de l'année 2000. Elle conteste le fait que la durée de 20 années du bail, puis sa prorogation pour une durée de 3 ans, ait constitué pour le bailleur le moyen de retarder le jeu de l'accession et donc de participer indirectement au financement des travaux. Elle soutient qu'à aucun moment, les parties n'ont indiqué que la durée des baux successifs était consentie en contrepartie de la réalisation de travaux par le preneur, qu'à aucun moment il n'a été prévu que le loyer convenu lors du renouvellement du bail en 1986, présentait un caractère réduit compte tenu de l'engagement du preneur de réaliser les travaux, le bailleur n'ayant contribué au financement des travaux ni par la durée du bail, ni du fait de son montant, dont aucun élément ne démontre qu'il a été fixé à un prix réduit, que la valeur locative doit donc être calculée sur la base d'un terrain nu, rien ne justifiant l'application de la théorie de l'accession et l'évaluation de la valeur locative sur la base d'un terrain construit, qu'en application de l'article R.145-8 du Code de commerce, les travaux réalisés par le preneur au cours du bail expiré, qui constituent une amélioration des lieux loués, ne sont pris en compte pour déterminer la valeur locative, lors du renouvellement, qu'à la condition que le bailleur en ait assumé la charge soit directement, soit indirectement, dans le bail expiré, par l'acceptation d'un loyer réduit, un allongement de la durée initiale du bail ou l'absence de mise en 'uvre de la révision triennale du loyer, que les conditions d'application de cet article n'étant pas réunies, la valeur locative doit être calculée en prenant en considération le terrain tel qu'il se présentait lors de l'entrée en vigueur du bail de 1986, c'est-à- dire sans les constructions actuelles.
Les consorts [R] rappellent que pour les locaux monovalents, l'article R 145-10 du Code de Commerce préconise la fixation du loyer selon les usages observés dans la branche d'activité considérée, qu'il faut donc effectuer une comparaison avec d'autres aérodromes, qu'en utilisant cette méthode, l'expert atteint une valeur de 153 113 euros qui est pertinente et peut être retenue pour l'évaluation de la valeur locative, que si les bailleurs n'ont pas mis à disposition de l'exploitant les infrastructures nécessaires, ils ont indirectement permis de financer ces investissements en prolongeant durablement le bail tout en maintenant un loyer sous évalué, que par la deuxième méthode, fonction de la rentabilité de l 'exploitation, l'expert a estimé la valeur locative à la somme de 142 000 euros, que cette méthode a été utilisée par M [Z] expert choisi par les bailleurs et qui a abouti par cette méthode à une valeur de 160 000 € , les deux résultats obtenus variant en fonction de la référence retenue : chiffre d'affaire ou résultat, que la méthode d'appréciation par la valeur vénale est la moins adaptée, puisqu'il ne s'agit pas d'un terrain nu mais comportant des constructions auxquelles les bailleurs ont participé au financement en consentant successivement au preneur des baux de longue durée moyennant un loyer réduit de sorte qu'elles ont fait accession aux bailleurs, peu important que les parties ne l'aient pas précisé dès lors qu'elles en ont eu l'intention.
Il n'est pas contesté que les terrains appartenant aux consorts [R] ont été loués nus à destination exclusivement d'une activité d'aérodrome privé ou agréé à usage restreint, et d' une activité commerciale de bar, restaurant, hôtel et station service pour voitures et aéronefs, et que les bailleurs ont expressément autorisé la locataire à y édifier les constructions nécessaires à l'exercice de son activité ( piste en dur avec voies de circulation et parkings, club house, bar, restaurant, hôtel, de même que les constructions nécessaires au garage des aéronefs et des véhicules automobiles et à leur entretien, à la sécurité aérienne et au contrôle exigé pour le fonctionnement normal de l'aérodrome).
Les parties s'opposent essentiellement sur le point de savoir si les constructions édifiées par le preneur ont fait ou non accession aux bailleurs et sur les méthodes d'évaluation de la valeur locative des biens loués.
Aucune disposition contenue dans les différents baux ne règle le sort des constructions que la locataire a été autorisée à édifier sur les terrains donnés à bail ; aucun bail ni avenant postérieur à celui d'origine ne relate quelle construction avait déjà été édifiée à la date de sa conclusion.
Les bailleurs soutiennent néanmoins que l'ensemble des constructions et au moins celles édifiées à la fin du premier bail leur ont fait accession, revendiquant la propriété de l'élargissement de la piste d'atterrissage, de la remise en état de la station de carburant, de l'aménagement des hangars en salle d'embarquement, en salle d'aviation d'affaires, le bureau des douanes, l'accueil, la salle d'arrivée, le tapis roulant pour les bagages, la zone technique des pompiers, les bureaux de la société et la salle de réunion ;
Or suivant les constatations de l'expert [N], que les parties ont acceptées au terme du protocole de désignation de l'expert, les constructions se composent d'un bâtiment en préfabriqué qui était en cours de démolition lors de l'expertise, d'une tour de contrôle, d'un hangar, d'un bâtiment en bardage métallique élevé d'un rez- de -chaussée et d'un étage et composé du hall d'accueil, de salles d'embarquement, des comptoirs d'enregistrement ; à l'exception du bitumage de la piste réalisé suivant l'expert [N] en 1970, la construction tant du bâtiment en bardage métallique que celle du hangar, qui existait selon l'expert de la locataire avant 2001, ne sont pas précisément datées et l'expert [N] indique sans être contredit que l'aérodrome a été principalement aménagé et rénové à partir de l'année 2000 pour une somme globale de 3 357 050 € qui représente selon l'expert les principaux 'investissements et réparations'.
Il n'est pas invoqué que les bailleurs auraient participé directement à ces investissements ou travaux de mise aux normes des installations compte tenu de l'activité exercée ou encore qu'ils supporteraient la charge fiscale des immeubles .
A défaut de clause d'accession, la seule durée des baux successifs et notamment du second bail de 1986, de vingt années à compter du 1er janvier 1986, prorogée de trois années ne peut suffire à retenir que les bailleurs ont participé indirectement au financement des constructions nécessaires à l'exercice de l'activité commerciale en ayant permis au locataire d'en amortir le coût par un loyer réduit alors qu'aucune démonstration n'est faite par les bailleurs que le loyer convenu a été fixé à un faible montant pour permettre précisément l'étalement ou l'amortissement du coût des constructions, rénovations ou réparations et l'intention des parties de prévoir le financement des constructions par la signature de baux de longue durée ne se déduit d'aucun élément.
Il s'ensuit que les constructions ne peuvent être considérées comme ayant fait accession aux bailleurs lors du premier renouvellement suivant leur édification et qu'en conséquence, la valeur locative des biens loués devra être appréciée en fonction des modalités de l'article R 145-9 du code de commerce concernant les terrains nus sur lesquels ont été édifiés des constructions - ce critère étant la condition pour la soumission au statut des baux commerciaux dont aucune partie ne conteste qu'il s'applique - en considération de ceux des éléments qui leur sont particuliers, eu égard à la nature et aux modalités de l'exploitation qui y est effectivement autorisée.
Sur la valeur locative :
L'expert [N] a retenu plusieurs approches :
- par comparaison avec d'autres aéroports régionaux,
- par la méthode de rentabilité,
- à partir de la valeur vénale.
S'agissant de la méthode par la comparaison avec d'autres aéroports, l'expert indique que par l'addition de la redevance domaniale (partie fixe de 6 € par ha et partie variable de 0,10 % du chiffre d'affaires) et d'une redevance sur le chiffre d'affaires de 8,50 %, il obtient une valeur locative à 153 113 €, en ajoutant la redevance domaniale du terrain donné à bail et appartenant à la SCI La ratonniére et en déduisant le loyer versé à celle-ci.
L'expert a ensuite recherché la valeur locative par la méthode de rentabilité en retenant le GOP (gross operating profit), ratio comptable correspondant sensiblement à l'excédent brut d'exploitation auquel s'ajoute le loyer pratiqué ; la valeur locative obtenue correspond à la moitié du GOP représentant le taux d'effort du locataire ; il est de 142 000 € sur le fondement d'un excédent brut d'exploitation retraité de 264 064 € .
L'expert a ensuite calculé la valeur vénale des terrains nus en retenant une parcelle constructible de 59 451m² au prix de 10 € /m² et des parcelles non constructibles de 239 805m² au prix de 1 € /m² en leur appliquant respectivement un taux de 6 % et de 12 % pour obtenir une somme de 64 448 € ; il a estimé la valeur des terrains construits à la somme de 140 308 €, la valeur locative des constructions étant estimée à 76 760 €.
La société Aéroport du Golfe de Saint Tropez critique les deux premières approches aux motifs qu' il ne peut y avoir de comparaison entre l'aéroport de [Localité 5] et l'exploitation d'une concession dans la mesure où dans le cas d'espèce, la société a assumé seule le coût de la construction et de la rénovation des bâtiments et des équipements nécessaires à l'exercice de son activité, que le régime juridique de la concession diffère de celui des relations des bailleurs et de la société locataire, que la redevance sur le chiffre d'affaires ne se justifie que par la mise à disposition ou le financement par l'Etat des infrastructures aéroportuaires mises à disposition du concessionnaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que la méthode de rentabilité n'est pas davantage adaptée dans la mesure où les bailleurs ne sont pas les associés de la locataire et que cette méthode sanctionne le dynamisme du preneur. Elle conclut que seule la troisième approche doit être retenue mais que la valeur locative des seuls terrains nus doit être tempérée pour tenir compte des spécificités du site ( plan de prévention des risques naturels, plan d'urbanisme, servitudes de travaux), des nombreuses procédures qui l'opposent aux riverains et à la mairie de la [Localité 5], des difficultés liées aux contraintes environnementales (piste trop courte pour recevoir certains porteurs et impossibilité de l'agrandir compte tenu du milieu naturel), de la limitation imposée du nombre de rotations et enfin de la multiplication des inondations restreignant l'exploitation ;
Les bailleurs soulignent de leur coté que la méthode de comparaison est adaptée dès lors que la société locataire a bénéficié de subventions de la Direction générale de l'aviation civile, notamment pour l'exercice 2009-2010 pour un montant 526 711 € et que les subventions ne vont pas diminuer en raison de la cession de 99, 9 % des actions de la société au groupe des Aéroports de la cote d'Azur, propriété de l'Etat et de la chambre de commerce et d'industrie de Nice cote d'Azur, du conseil régional et du conseil général, que l'aéroport bénéficie de fait d'une situation de monopole, que le doublement du chiffre d'affaires en cinq ans justifie une augmentation substantielle du loyer, que M [Z] expert qu'ils ont sollicité a lui-même employé la méthode de rentabilité et aboutit à une valeur de 160 000 € à partir des recettes hébergement et carburants, que rentrent dans la détermination de la valeur locative les nombreux avantages accordés au locataire (large destination contractuelle, suppression de l'obligation de se clore, bonne situation de non concurrence, superficie constructible, absence de dépôt de garantie) que ne sauraient supprimer par compensation les inconvénients allégués.
La méthode dite de comparaison avec d'autres aéroports régionaux trouve sa limite en ce qu'elle porte sur des concessions consenties à des personnes de droit privé sur le domaine public et que les collectivités territoriales concédantes participent le plus souvent directement au financement des infrastructures aéroportuaires qui ne doivent pas être prises en compte dans le cas d'espèce ;
La méthode dite de rentabilité telle que pratiquée à la fois par l'expert [N] mais également par M [Z] ne tient pas compte également du fait que les bailleurs n'ont pas participé au financement des infrastructures servant à l'exploitation.
La méthode de la valeur vénale des terrains nus supportant des constructions est ainsi la plus pertinente ; la valeur des terrains telle qu'estimée par l'expert [N] avant toute majoration à la somme de 64 448 € n'est pas sérieusement contestée dans la mesure où les prix et les pourcentages de la valeur vénale des terrains nus, partie constructible et inconstructible, de respectivement 10 € et 1 € et de 6 % et 12 % ne sont pas précisément critiqués.
Elle ne saurait donner lieu à abattement pour tenir compte des inconvénients liés au plan de prévention des risques naturels prévisibles ou au plan d'urbanisme qui sont imposés par l'autorité administrative en raison de la situation des terrains en cause ou encore à la limitation des rotations destinée à pallier aux nuisances sonores nées de l'activité elle-même ;
S'agissant des litiges avec les riverains constitués en association et avec la commune, ils ne peuvent constituer un facteur de minoration de la valeur des terrains dans la mesure où les causes des litiges résultent du comportement de la locataire dans l'exercice de son activité ou encore de projets d'agrandissement dont la cour n'a pas à connaître.
Les élagages sont une contrainte nécessaire de l'activité aéronautique qui est la destination du bail et ne peuvent donner lieu à abattement dès lors que leur charge pour le preneur ne constitue pas une clause exorbitante.
En revanche, la faible longueur de la piste, du propre avis de M [Z], de 1180 mètres, ce qui limite l'atterrissage de certains appareils et les inondations dont les terrains sont occasionnellement l'objet, bien qu'en période hivernale qui n'est pas celle la plus fréquentée, sont quant à eux des inconvénients qui pénalisent l'exploitation.
Ils sont largement compensés par la large destination du bail, l'autorisation de construire, la suppression de se clore et la situation sans concurrence de l'aéroport à proximité de Saint Tropez, l'augmentation du chiffre d'affaires attestant de l'adéquation de l'emplacement à la destination.
Ces avantages particuliers auxquels s'ajoute l'absence de dépôt de garantie justifient de fixer la valeur locative des biens donnés à bail à la somme de 77 358 € /an hors taxes et hors charges.
Les consorts [R] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal dus sur les arriérés à compter du jugement et non de leur demande. Cette disposition qui n'est pas critiquée sera donc confirmée .
Chaque partie qui succombe partiellement supportera les dépens d'appel qu'elle a exposés, ceux de première instance restant partagés par moitié entre les parties. Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
Réformant le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts au taux légal dus sur les arriérés et le partage des dépens incluant le coût de l'expertise,
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme de 77 358 € en principal le loyer annuel du bail renouvelé depuis le 1er janvier 2010 entre les consorts [R] et la société Aéroport du Golfe de Saint Tropez portant sur les terrains situés [Adresse 10], toutes autres clauses du bail demeurant inchangées.
Déboute les parties de leurs autres demandes .
Dit que chaque partie supportera la charge des dépens qu'elle a exposés.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE