COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 4 ARRÊT DU 20 Mai 2014
(no, 4 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/ 09564 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Décembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de PARIS, section commerce RG no 10/ 02569
APPELANTE
Madame Eglantine X... Demeurant... Représentée par Me Camille ESTRADE, avocat au barreau de PAU
INTIMÉ Me Y... (SELAFA MJA)- Mandataire ad'hoc de SARL BLACKBLOCK Sis ...-75010 PARIS
Régulièrement avisé-non comparant
PARTIE INTERVENANTE :
AGS CGEA IDF EST 130, rue Victor Hugo-92309 LEVALLOIS-PERRET CEDEX Représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Mélanie DUBUQUOY, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Madame Mélanie RAMON Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******** La Cour est saisie de l'appel interjeté par Madame Eglantine X... du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Commerce-chambre 3, rendu le 15 décembre 2010 qui a condamné la SARL BLACKBLOCK à lui payer avec exécution provisoire les sommes de : 1 934, 59 ¿ à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, 587 ¿ pour défaut de notification du DIF, 700 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
La SARL BLACKBLOCK a pour activité la vente, la commercialisation de produits se rapportant à la mode, l'art, le design, le graphisme, l'épicerie, l'organisation d'événements, l'édition de toutes oeuvres et produits, le conseil en communication ; Elle exerce sous l'enseigne LE PALAIS DE TOKYO ; Madame Eglantine X..., née le 26 décembre 1970, a été engagée à compter du 1er Mars 2005 en qualité de directrice de boutique en contrat à durée indéterminée à temps plein par la SARL BLACKBLOCK ; Sa rémunération mensuelle pour 151 h 67 mensuelles était de 1 907, 43 ¿ ; L'entreprise ne comptait que 4 salariés dont Madame Eglantine X..., il n'est fait mention d'aucun rattachement à une convention collective appliquée ; Le 13 Octobre 2009, Madame Eglantine X... a été convoquée à un entretien préalable fixé au 22 octobre 2009 en vue d'un licenciement ; Elle a été licenciée le 4 novembre 2009 ; La lettre de licenciement indique « Nous ne pouvons pas maintenir notre collaboration dans les conditions actuelles. En effet, nous avons constaté que vous avez des divergences trop profondes concernant la politique de développement commercial, ce qui entraîne un mauvais fonctionnement du service » ; Madame Eglantine X... a saisi le Conseil des Prud'hommes le 22 février 2010 ; La SARL BLACKBLOCK a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par le Tribunal de commerce de Paris le 13 Octobre 2011 ; La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 30 Mai 2012 ; Me Y... Frédérique de la SELAFA MJA a été désignée ès qualités de mandataire ad'hoc, régulièrement convoquée elle ne comparaît pas ni personne pour elle ; L'arrêt sera réputé contradictoire ;
Madame Eglantine X... demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL BLACKBLOCK aux sommes de : 34 822, 62 ¿ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1934, 59 ¿ à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure, 2 000 ¿ à titre de dommages intérêts pour absence de mention du DIF, 3 000 ¿ pour absence d'information sur la convention collective applicable dans l'entreprise, elle sollicite la confirmation du jugement pour le surplus.
L'AGS d'Ile de France Est demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé et de l'infirmer quant aux dommages intérêts alloués pour non respect de la procédure et de rejeter l'ensemble des demandes de l'appelante ; Elle oppose en tout état de cause les limites de sa garantie légale.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre. Il ressort du contrat de travail et des bulletins de salaire que Madame Eglantine X... n'était pas cadre mais seulement employée ; Ses fonctions étaient précisées sur le contrat de travail et il était mentionné qu'elle les exerçait dans le cadre des instructions données par le gérant ; La lettre de licenciement est fondée de manière vague sur « des divergences trop profondes concernant la politique de développement commercial, ce qui entraîne un mauvais fonctionnement du service » ; Il apparaît que ce motif est particulièrement imprécis et ne permet pas à la Cour d'exercer son contrôle sur son caractère sérieux et avéré, ce d'autant que devant la Cour Me Y... Frédérique de la SELAFA MJA, ès qualités de mandataire ad'hoc, ne comparaît pas et qu'aucune pièce n'est davantage produite par l'AGS d'Ile de France de nature à vérifier la réalité du motif visé dans la lettre de licenciement ; Il ressort de l'ensemble des pièces produites par la salariée, que dès sa prise de fonction, elle n'a cessé d'alerter sa hiérarchie sur les difficultés financières de la société, la difficulté pour régler les salaires des trois autres vendeurs, que l'expert comptable, la société EXERASME a également alerté le gérant au fil des années ; Que la décision a été prise par le gérant de procéder à des licenciements en Août 2009 ; Il n'est pas établi que Madame Eglantine X... soit à l'origine des difficultés de la société dans la mesure où dès sa prise de fonction, les difficultés financières existaient ; Madame Eglantine X... soutient que l'employeur a voulu se séparer d'elle à moindre coût, ce qui eu égard au nombre de salariés qui représentaient une charge trop lourde par rapport à la rentabilité de la boutique est plausible ; eu égard au caractère vague et imprécis de la lettre de licenciement, il y a lieu de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et s'analyse en un licenciement abusif l'entreprise ayant moins de 11 salariés ; Eu égard à l'effectif de l'entreprise, à l'ancienneté de la salariée, à son âge à la date de son licenciement, à sa difficulté à retrouvé un emploi stable et à son salaire de référence, il est approprié de lui allouer la somme de 12 000 ¿ à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi en application de l'article L 1235-5 du Code du Travail ; La lettre de licenciement ne fait pas état du DIF, eu égard à l'ancienneté de la salariée, le Conseil des Prud'hommes a justement fixé le montant de l'indemnité allouée à la somme de 587 ¿ ;
Les bulletins de salaire sous la rubrique « convention collective » mentionnent tout comme le contrat de travail que c'est le droit du travail qui s'applique, la salariée ne revendique pas une convention collective dont dépendrait en réalité la SARL BLACKBLOCK, il n'y a lieu à indemnisation d'un préjudice spécifique ; La convocation à entretien préalable n'est pas régulière au regard de l'article R 1232-1 du Code du Travail puisqu'il n'y avait pas d'institution représentative dans l'entreprise et qu'il n'est pas mentionné que l'intéressée peut se faire représenter par un conseiller du salarié et ne fait pas état des adresses où la liste des conseillers du salarié peut être consultée ; Cependant, il résulte de la combinaison des dispositions des articles L 1235-2 et L 1235-5 du Code du Travail avec celles de l'article L 1235-3 du Code du Travail que lorsque le licenciement d'un salarié opéré dans une entreprise employant moins de onze salariés survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le salarié ne peut obtenir, en plus des dommages intérêts pour licenciement abusif une indemnité distincte pour irrégularité de la procédure, y compris en cas de méconnaissance des dispositions relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, Madame Eglantine X... doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts pour irrégularité de procédure ; En l'espèce il n'y a lieu à condamnation pour frais irrépétibles au regard de la situation respective des parties ; Il y a lieu de dire la présente décision opposable à l'AGS d'Ile de France dans les limites de sa garantie légale.
PAR CES MOTIFS
Par arrêt réputé contradictoire, Infirme le jugement,
Et, statuant à nouveau, Dit que le licenciement de Madame Eglantine X... ne repose pas sur une cause réelle, sérieuse et vérifiable et qu'il a les effets d'un licenciement abusif, Fixe la créance de Madame Eglantine X... à la liquidation judiciaire de la SARL BLACKBLOCK à la somme de 12 000 ¿ à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif en réparation de son préjudice et à celle de 587 ¿ au titre du droit au DIF, Dit que la présente décision est opposable à l'AGS d'Ile de France Est dans les limites de sa garantie légale, Rejette les autres demandes,
Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SARL BLACKBLOCK.
Le Greffier, La Présidente,