RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 15 Mai 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04798
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 11/051
APPELANT
Monsieur [K] [D]
[Adresse 2]
non comparant, représenté par Me Sylvia GRADUS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0311
INTIMEE
SAS DERICHEBOURG PROPRETE
[Adresse 1]
représentée par Me Nicolas MANCRET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0061
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [K] [D] à l'encontre d'un jugement prononcé le 2 avril 2012 par le conseil de prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES ayant statué dans le litige qui l'oppose à la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE sur ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.
Vu le jugement déféré qui a débouté Monsieur [K] [D] de toutes ses demandes.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
Monsieur [K] [D], appelant, poursuit l'infirmation du jugement déféré et sollicite la condamnation de la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE au paiement des sommes suivantes :
- 2 752,75 € et 1 431,43 € au titre du salaire des jours de mise à pied conservatoire,
- 9 909,96 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,
- 20 260,35 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 3 248,26 € à titre de reliquat de congés payés,
- 2 339,85 € au titre du 13ème mois,
- 448,35 € à titre de reliquat d'heures de droit individuel à la formation,
- 1 545,67 € à titre de reliquat de RTT,
- 59 459,76 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 39 639,84 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct,
- 8 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
avec remise d'une attestation POLE EMPLOI, d'un certificat de travail et de bulletins de paie conformes à la décision.
La S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE, intimée, requiert le débouté des demandes de Monsieur [K] [D] et sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 1er avril 1974, Monsieur [K] [D] a été engagé par la société SAREMA en qualité d'agent d'entretien. Cette société a été ultérieurement acquise par la société PENAUILLE, elle-même ensuite rachetée par la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE.
En dernier lieu, Monsieur [K] [D] exerçait les fonctions de chef d'agence moyennant une rémunération mensuelle fixée à la somme de 3 984 €.
Le 5 mai et le 3 juin 2008, la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE convoquait Monsieur [K] [D] pour respectivement le 13 mai et le 10 juin 2008 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Cette mesure était prononcée par lettre du 13 juin 2008 pour fautes lourdes se fondant sur les griefs suivants :
- recrutement de salariés en contrat à durée déterminée pour surcroît d'activité sans que cette circonstance soit justifiée ;
- recrutement de salariés en contrat à durée déterminée pour palier des absences alors que le salarié prétendument remplacé soit avait quitté l'entreprise ou ne faisait pas partie de son effectif, soit était présent à son poste, soit n'était pas désigné, soit, effectivement absent, n'accomplissait pas le nombre d'heures pour lequel le remplaçant était embauché ;
- détention d'un avenant à un contrat de travail en blanc signé par un salarié ;
- validations d'horaires de travail non réalisés par deux salariés, dont son épouse ;
- utilisation d'un prête-nom pour payer à un salarié l'accomplissement d'heures de travail approchant le double de son horaire contractuel ;
- rémunération d'heures fictives à un salarié qui devait lui reverser la somme mensuelle de 500 €.
SUR CE
Sur la qualification du licenciement.
Les pièces versées aux débats par la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE concernant les contrats à durée déterminée irréguliers établissent la matérialité des faits reprochés à Monsieur [K] [D]. Ce dernier, au regard de son niveau hiérarchique, de la délégation de pouvoir consentie par l'employeur et de l'expérience acquise en matière de gestion du personnel, ne peut totalement s'exonérer de sa responsabilité en la matière. De même ses allégations selon lesquelles les contrats litigieux, dont les exemplaires conservés par l'entreprise ne sont effectivement pas tous signés du chef de l'employeur, auraient été établis par des tiers alors qu'il était en congés ou malade ne peuvent être retenues alors que cette activité constituait un aspect important de ses fonctions et qu'aucun élément matériel ne corrobore la concomitance entre l'élaboration de l'un ou l'autre des contrats litigieux et une absence à son poste de l'intéressé.
En revanche Monsieur [K] [D] fait valoir à juste titre que dans cette activité de recrutement et d'optimisation du personnel il était soumis à l'autorité et au contrôle du service des ressources humaines. Ce service a manifestement manqué de vigilance pour sa part, de sorte que les pratiques laxistes de Monsieur [K] [D] ont pu s'en trouver tacitement admises et ainsi perdurer.
Dès lors les faits reprochés, s'ils constituent un manquement sérieux de Monsieur [K] [D] à ses obligations contractuelles, ne sauraient être constitutifs d'une faute grave et a fortiori d'une faute lourde.
Monsieur [K] [D] ne fournit pas d'explication probante sur la détention d'un avenant à un contrat de travail en blanc signé par un salarié. Toutefois cette circonstance en elle-même, en dehors de tout élément permettant d'expliciter le contexte dans lequel elle se place et alors qu'il n'a été fait aucun usage démontré du document litigieux, n'est pas de nature à aggraver la qualification du comportement du salarié retenue ci-dessus.
Concernant la validations d'heures accomplies sur des sites où en réalité les salariés concernés n'avaient pas travaillé, le caractère fautif des faits peut être retenu en considérant toutefois, d'une part que la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE ne démontre pas l'existence de paiements de salaire sans contrepartie de travail, les pièces contradictoires versées par les parties sur ce point conduisant pour le moins à un doute sérieux à cet égard, d'autre part, et puisqu'il faut s'en tenir simplement à une gestion acrobatique du personnel, que celle-ci aurait dû attirer l'attention de la hiérarchie du salarié, les affirmations de ce dernier sur des pratiques connues et donc tolérées par ses supérieurs - le responsable de secteur et le service des ressources humaines - ne pouvant dès lors être écartées. Dans ce contexte, les faits ne sauraient donc constituer qu'une cause réelle et sérieuse de licenciement non constitutive de faute grave ou lourde.
Quant à l'imputation d'enrichissement de Monsieur [K] [D] sur le compte de l'entreprise - que ce soit au titre d'un salarié réalisant 280 heures de travail par mois et payé une première fois à titre personnel et une seconde fois par le truchement d'un prête-nom avec reversement au chef d'agence du différentiel entre le coût de ces heures et celui d'un double temps plein, ou au titre d'un salarié surpayé par rapport aux heures réellement accomplies et tenu à une rétrocession de 500 € mensuels sur fond de pression au regard de sa situation de séjour irrégulier - elle a été écartée par la juridiction pénale, aucun élément du dossier ne permettant de mieux la retenir dans les limites du présent débat prud'homal où ne subsistent donc là encore que des manquements de même nature que ceux relevés ci-dessus.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de déclarer que le licenciement de Monsieur [K] [D] est justifié par une cause réelle et sérieuse non constitutive de faute grave ou lourde.
Sur les incidences financières.
Les sommes demandées par Monsieur [K] [D] et auxquelles il a droit en leur principe après requalification d'un licenciement prononcé pour fautes lourdes en licenciement pour cause réelle et sérieuse ne sont pas contestées dans leur détermination chiffrée.
La rupture du contrat de travail par l'employeur étant justifiée, Monsieur [K] [D] restera débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Monsieur [K] [D] ne démontre pas que la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE a donné aux circonstances de la rupture un caractère vexatoire ou déloyal ayant provoqué un préjudice propre. Il ne peut notamment lui imputer à ce titre la plainte pénale et les circonstances qui en ont découlé, cette action ne revêtant pas un caractère abusif ou exagérément téméraire puisqu'avant de se terminer effectivement par une relaxe elle avait donné lieu à une condamnation par le tribunal correctionnel. La décision de débouté sur ce point sera donc maintenue.
Sur la remise de documents.
Compte tenu des dispositions prises, il appartiendra à la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE de remettre à Monsieur [K] [D] un certificat de travail, une attestation destinée au POLE EMPLOI et des bulletins de paie conformes à la décision.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.
Restant débitrice du salarié, la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.
La somme qui doit être mise à la charge de la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur [K] [D] peut être équitablement fixée à 1 800 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré.
Déclare le licenciement de Monsieur [K] [D] fondé sur une cause réelle et sérieuse non constitutive de faute grave ou lourde.
Condamne la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE à payer à Monsieur [K] [D] les sommes suivantes :
- 4 184,18 € au titre du salaire des jours de mise à pied conservatoire,
- 9 909,96 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 990,99 € au titre des congés payés afférents,
- 20 260,35 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 3 248,26 € à titre de reliquat de congés payés,
- 2 339,85 € au titre du 13ème mois,
- 448,35 € à titre de reliquat d'heures de droit individuel à la formation,
- 1 545,67 € à titre de reliquat de RTT.
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.
Ordonne à la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE de remettre à Monsieur [K] [D] un certificat de travail, une attestation destinée au POLE EMPLOI et des bulletins de paie conformes à la présente décision.
Condamne la S.A.S. DERICHEBOURG PROPRETE aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur [K] [D] la somme de 1 800 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Le Greffier,Le Président,