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15/05/2014 | FRANCE | N°11/02479

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 15 mai 2014, 11/02479


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 15 Mai 2014

(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02479



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Novembre 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 06/05985





APPELANT

Monsieur [R] [O]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne et assisté de Me Xin LIU, avocat

au barreau de PARIS, toque : B0823 substitué par Me Caroline MAURO, avocat au barreau de PARIS, toque : A 670





INTIMÉS

CPAM [Localité 1]

[Adresse 4]

Département Législation et Contrôle

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 15 Mai 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02479

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Novembre 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 06/05985

APPELANT

Monsieur [R] [O]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne et assisté de Me Xin LIU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0823 substitué par Me Caroline MAURO, avocat au barreau de PARIS, toque : A 670

INTIMÉS

CPAM [Localité 1]

[Adresse 4]

Département Législation et Contrôle

[Localité 4]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

Monsieur [J] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Eddy ARNETON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1442 substitué par Me Sofiane HAKIKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E 60

Monsieur [V] [K] [S]

[Adresse 5]

[Localité 5]

représenté par Me Jacqueline NIGA, avocat au barreau d'EVRY

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 3]

[Localité 3]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Mélanie RAMON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [O] d'un jugement rendu le 17 novembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 1] et à MM.[Y] et [S] ;

Les faits, la procédure, les prétentions des parties

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler que M. [O], résidant en France depuis le 28 janvier 2005, sans titre de séjour l'autorisant à travailler, a été pris en charge par les services de secours, le 20 juillet 2005, après s'être grièvement blessé à l'oeil avec la lame d'une scie ; qu'invoquant le caractère professionnel de cet accident, il en a demandé la prise en charge par la caisse primaire au titre de la législation sur les risques professionnels en désignant M. [Y] comme son employeur et M. [S] comme la personne chez laquelle a eu lieu l'accident ; que la caisse a rejeté la demande de l'intéressé ; que celui-ci a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, puis devant la juridiction des affaires de sécurité sociale ;

Par jugement du 17 novembre 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale a débouté M. [O] de ses demandes ;

Après s'être opposé à l'exception d'incompétence soulevée par M. [Y] au profit du conseil des prud'hommes de Paris, M. [O] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la Cour à infirmer le jugement, dire que l'accident subi le 20 juillet 2005 est un accident du travail rentrant dans la définition donnée par l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, dire qu'il sera procédé en conséquence à la liquidation des prestations auxquelles il a droit et condamné la caisse primaire de [Localité 1] à lui verser une provision de 5 000 € à titre de provision ainsi qu'à supporter les dépens et lui allouer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait d'abord observer que la Cour est la juridiction d'appel en matière de sécurité sociale comme en matière prud'homale et qu'en l'espèce la question qui lui est soumise ne porte pas sur l'existence du contrat de travail mais sur le caractère professionnel de l'accident au sens de la législation de la sécurité sociale. Il soutient que pour statuer sur ce point, il n'est pas nécessaire que soit établie au préalable l'existence d'un contrat de travail, et en particulier l'identité de l'employeur, la demande étant formulée contre la caisse primaire d'assurance maladie. Il ajoute que cette exception d'incompétence n'a pas été soulevée devant les premiers juges. Quant à la réalité du lien avec le travail de l'accident dont il a été victime, il fait état notamment des déclarations faites à la police par M. [S] qui établissent que sa blessure est survenue à l'occasion des travaux de rénovation commandés par cette personne à son patron qu'il appelle [V], ce qui correspond à [Y] en mandarin. Il précise que ces déclarations sont corroborées par le compte-rendu du SMUR qui l'a pris en charge à l'adresse de M. [S], d'autres documents des services de secours ou certificats médicaux et l'attestation d'un autre ouvrier présent sur les lieux. Il ajoute qu'en dépit des dénégations des intéressés et de l'enquête de la caisse primaire, il se trouvait depuis son arrivée en France sous la dépendance de M. [Y] et de Mme [T], la compagne de son patron, qui l'aidait dans toutes ses démarches.

La caisse primaire d'assurance maladie de Paris fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions de confirmation du jugement attaqué à moins qu'il ne soit fait droit à l'exception d'incompétence. Elle fait d'abord remarquer qu'à la date de l'accident, M. [O] était en situation irrégulière sur le territoire français, ne disposant ni d'un titre de séjour, ni d'une autorisation de travail. Selon l'enquête réalisée par ses services, l'intéressé savait qu'il lui était interdit de travailler en France et que c'est la raison pour laquelle son embauche n'avait pas été déclarée. Elle fait aussi observer qu'aucune affiliation au régime général de sécurité sociale n'a été faite au nom de M. [O], que l'employeur prétendu n'a procédé à aucune des déclarations sociales le concernant, ni versé les cotisations afférentes à son travail et qu'il n'appartient pas à l'organisme de sécurité sociale d'agir à la place du salarié en cas de carence de l'employeur. Elle en déduit que les conditions d'ouverture des droits aux prestations de l'assurance accident du travail ne sont pas remplies en l'espèce et que la prise en charge de l'accident ne pouvait être accordée. Elle ajoute que la déclaration d'accident ne lui a été transmise que le 22 décembre 2005, cinq mois après les faits et que M. [O] ne rapporte pas la preuve qu'il se trouvait effectivement sous la subordination d'un employeur lorsqu'il s'est blessé. Elle fait observer qu'il n'existe ni contrat de travail, ni bulletin de paie, ni témoin des faits et que l'enquêteur n'a pu identifier l'employeur prétendu de M. [O]. Elle indique également que les documents médicaux produits par l'intéressé ne permettent que de confirmer la réalité des lésions subies mais pas leur caractère professionnel et ne font que reprendre les déclarations de l'intéressé sur les circonstances de l'accident, lequel est présenté comme un accident domestique sur le rapport d'intervention su SAMU. Enfin, elle relève un grand nombre d'incohérences sur le lieu de l'accident, l'identité de la victime et celle de la personne censée l'avoir employé.

M. [Y] demande in limine litis à la Cour de se déclarer incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Paris qui est seul compétent pour se prononcer sur l'existence d'un contrat de travail et a déjà été saisi à cette fin par M. [O]. Il invoque la règle de l'unicité de l'instance prud'homale qui selon lui justifie de plus fort l'exception d'incompétence et fait observer que le conseil de prud'hommes n'était pas encore saisi lorsque les premiers juges se sont prononcés sur le présent litige. Subsidiairement, il conclut à la confirmation du jugement ayant débouté M. [O] de ses demandes et à sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Il conteste en effet tout lien avec M. [O] et relève qu'en réalité les documents produits par l'intéressé montrent qu'il s'agit d'un accident domestique. Il fait observer que l'appelant n'apporte aucun élément de preuve sur le caractère professionnel de l'accident dont il a été victime et que les seules pièces faisant état d'un accident du travail ne sont en fait que la reproduction des allégations de l'intéressé. Il ajoute que les déclarations de M. [S] ne permettent pas non plus d'établir une relation de travail entre les parties puisque, selon cette personne, le patron prétendu de M. [O] s'appelle [V] et non [Y]. En tout état de cause, il précise qu'il n'est pas chef d'entreprise, qu'il n'a jamais engagé de salarié sur le moindre chantier et que l'attestation émanant d'un certain M. [B] n'est pas signée, ni datée et ne fait pas état d'un lien de subordination.

Dans ses conclusions soutenues oralement par son conseil M. [S] demande à la Cour de confirmer le jugement contesté et de condamner M. [O] à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens. Il soutient que M. [O] n'apporte pas la preuve qu'il a été victime d'un accident du travail et dément avoir eu recours à ses services ou à ceux de M. [Y]. Enfin, il précise que les déclarations qui lui sont attribuées sur la main courante n'ont aucun lien avec le présent litige.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

MOTIFS

Sur l'exception d'incompétence :

Considérant qu'en application de l'article 74 du code de procédure civile, la partie qui a choisi de se défendre au fond devant les premiers juges est irrecevable à soulever en cause d'appel une exception d'incompétence ; qu'il importe peu que l'instance prud'homale soit soumise à la règle de l'unicité ;

Considérant que, de même, la saisine du conseil de prud'hommes par M. [O] postérieurement au jugement de première instance ne rend pas recevable en appel l'exception d'incompétence qui devait être présentée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir;

Considérant qu'au surplus, la cour étant la juridiction d'appel relativement à la juridiction dont la compétence est revendiquée, il lui appartient de toute façon de se prononcer sur le fond du litige ;

Considérant qu'en tout état de cause, les juridictions des affaires de sécurité sociale sont seules compétentes pour se prononcer sur le caractère professionnel de l'accident, même si la réalité du lien de subordination invoquée par la victime est contestée ;

Considérant que, pour toutes ces raisons, l'exception d'incompétence sera rejetée ;

Sur la prise en charge par l'assurance maladie de l'accident invoqué par M. [O] ;

Considérant qu'il résulte de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale que, pour bénéficier de la prise en charge des lésions au titre de la législation sur les accidents du travail, il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un tel accident de rapporter la preuve d'un fait accidentel survenu au temps et sur le lieu du travail ; que cette preuve ne peut résulter des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs matériellement vérifiables ;

Considérant que si la victime a droit à la protection de la législation sur les accidents du travail même si son employeur ne l'a pas déclaré et n'a pas versé de cotisations au titre de l'activité salariée accomplie, l'exercice en connaissance de cause d'une activité clandestine, contrevenant à une interdiction de travail, n'ouvre pas droit aux prestations du régime général de sécurité sociale en matière d'accidents du travail ;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort de l'enquête de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris que M. [O] est arrivé en France en février 2005 avec un visa de tourisme et a ensuite déposé auprès de l'OFPRA une demande de statut de réfugié politique, sans autorisation de travailler ;

Considérant que l'intéressé a déclaré à l'enquêteur qu'il était au service d'une personne elle-même en situation irrégulière sur le territoire français et qu'il n'avait jamais eu de bulletins de salaires, ni de certificat de travail ;

Considérant qu'au moment de l'accident, M. [O] n'était pas non plus affilié comme salarié au régime général de la sécurité sociale ;

Considérant qu'ainsi à supposer même que la réalité d'un travail subordonné soit établie, cette activité accomplie sciemment de façon clandestine, en l'absence d'autorisation de travailler, ne pouvait ouvrir droit aux prestations de l'assurance sur les risques professionnels ;

Considérant qu'au surplus, les éléments apportés par l'intéressé pour justifier de l'exercice d'une activité effectuée sous un lien de subordination vis à vis de M. [Y] ne sont pas probants ;

Considérant qu'il ressort du compte-rendu d'intervention du SAMU que les services de secours ont été appelés pour un accident domestique ; que l'intéressé a lui-même attendu plusieurs mois avant d'invoquer, à la fin du mois de décembre 2005, le caractère professionnel de l'accident survenu au mois de juillet ;

Considérant que M. [Y] censé être l'employeur et M. [S] dans la maison duquel M. [O] aurait travaillé démentent tous les deux avoir été en relation avec l'intéressé ;

Considérant que la seule attestation produite par M. [O] n'est ni datée ni signée de son auteur et sa traduction indique seulement que l'intéressé s'est blessé au cours de travaux de menuiserie dans un pavillon ;

Considérant que ce document ne comporte aucune mention sur l'existence d'un lien de subordination et ne désigne pas M. [Y] comme l'employeur de M. [O] ;

Considérant que de même, dans la déclaration de main courante attribuée à M.[S], il est indiqué que le patron des ouvriers ayant travaillé à son domicile s'appelle [V] et non [Y] ;

Considérant que d'ailleurs M. [S] nie formellement avoir eu recours au service de M. [O] ou de M. [Y] ;

Considérant que la preuve qu'au moment de l'accident, l'intéressé exerçait une activité salariée sous l'autorité de M. [Y] n'est donc pas rapportée, même si un traducteur prétend que dans la région de Canton les noms de [V] et [Y] désignent une seule et même personne ;

Considérant qu'enfin, la circonstance que Mme [T] ait aidé M. [O] dans toutes ses démarches lors de son hospitalisation ne caractérise pas non plus l'existence d'un lien de subordination avec M. [Y] ;

Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que M. [O] ne rapportait pas la preuve que l'accident dont il a été victime s'était produit à l'occasion d'un travail salarié ;

Que leur jugement sera confirmé ;

Considérant qu'au regard de la situation des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;

PAR CES MOTIFS

Rejette l'exception d'incompétence soulevée en cause d'appel par M. [Y] ;

Déclare M. [O] recevable mais mal fondé en son appel ;

Confirme le jugement entrepris ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;

Dispense M. [O] du paiement du droit d'appel prévu à l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ;

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 11/02479
Date de la décision : 15/05/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°11/02479 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-15;11.02479 ?
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