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14/05/2014 | FRANCE | N°13/06130

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 14 mai 2014, 13/06130


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 14 Mai 2014



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06130



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section encadrement - RG n° F12/00975



APPELANT

Monsieur [M] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Yohanna WEIZMANN, avocate au barr

eau de PARIS, G0242





INTIMÉES

S.A.S. LEO BURNETT

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocate au barreau de PARIS, D0223 substituée par Me Isabe...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 14 Mai 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06130

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section encadrement - RG n° F12/00975

APPELANT

Monsieur [M] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Yohanna WEIZMANN, avocate au barreau de PARIS, G0242

INTIMÉES

S.A.S. LEO BURNETT

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocate au barreau de PARIS, D0223 substituée par Me Isabelle TOLEDANO, avocate au barreau de PARIS

S.A.S. RÉVOLUTIONS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocate au barreau de PARIS, D0223 substituée par Me Isabelle TOLEDANO, avocate au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 20 juin 2013 ayant débouté M. [M] [T] de l'ensemble de ses demandes et l'ayant condamné aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel de M. [M] [T] reçue au greffe de la cour le 24 juin 2013 ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 18 mars 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [M] [T] qui demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris

- statuant à nouveau, de :

fixer son ancienneté au 1er janvier 1997

condamner in solidum les sociétés LEO BURNETT et REVOLUTIONS à lui payer les sommes suivantes :

9 509,85 € de reliquat d'indemnité de licenciement

344 764,08 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

28 730,34 € d'indemnité pour licenciement vexatoire

3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

avec intérêts au taux légal partant de la saisine du conseil de prud'hommes ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 18 mars 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SAS REVOLUTIONS et de la SAS LEO BURNETT qui demandent à la cour de :

- mettre hors de cause la SAS LEO BURNETT après avoir constaté qu'elle n'a jamais été l'employeur de M. [M] [T]

- juger que la SAS REVOLUTIONS a été le seul employeur de M. [M] [T] dont l'ancienneté remonte au 1er janvier 2000, et le débouter de toutes ses demandes

- condamner M. [M] [T] à régler les sommes de 2 000 € (SAS LEO BURNETT) et 2 500 € (SAS REVOLUTIONS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

La SA KAENA, devenue la SAS REVOLUTIONS, a recruté M. [M] [T] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 3 janvier 2000 en qualité de directeur du développement, au statut de cadre-coefficient 550 de la convention collective nationale des entreprises de la publicité, moyennant le versement d'un salaire de base de 45 000 francs bruts mensuels et d'une prime calculée sur la marge brute d'un montant maximum de 60 000 francs.

Par lettre du 10 février 2012, la SAS REVOLUTIONS a convoqué M. [M] [T] à un entretien préalable prévu le 20 février, à l'issue duquel il lui a été notifié le 23 février 2012 son licenciement pour un motif personnel à caractère non disciplinaire en ces termes «Vous n'avez pas investi la fonction à la hauteur des ambitions du Groupe Leo Burnett ' Vous ne vous êtes pas mobilisé sur les grades compétitions de l'agence et ne vous êtes pas suffisamment impliqué dans les dossiers ' Vous avez agi en électron libre et vous êtes bien gardé de solliciter des directives ou des orientations sur votre activité. Pour preuve supplémentaire de votre manque d'implication, vous avez sollicité à plusieurs reprises mes équipes pour tenter de négocier votre départ ' Vous aves sciemment organisé votre mise à l'écart ' Je vous ai demandé un bilan de votre activité en 2011 ; je l'attends toujours '».

A la lecture de cette lettre de licenciement, il ressort de manière parfaitement explicite que M. [M] [T] a été licencié pour un motif plus général d'insuffisance professionnelle, ce que confirme, s'il y avait encore quelque questionnement que ce soit, le procès-verbal établi par le délégué syndical qui l'assistait le 20 février 2012 à l'entretien préalable (sa pièce 8).

M. [M] [T] a été dispensé d'exécuter son préavis de trois mois qui lui a été réglé.

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, M. [M] [T] percevait une rémunération en moyenne de 9 576,78 € bruts mensuels.

La demande de condamnation in solidum contre les sociétés REVOLUTIONS ET LEO BURNETT renvoie implicitement à la notion de co-employeurs que M. [M] [T] n'invoque pas dans ses écritures, prétendant seulement que le 23 août 2010, il «s'est vu signifier son éviction de la société REVOLUTIONS, et qu'il occuperait désormais le poste de Vice-Président de la société LEO BURNETT» (ses conclusions, page 7).

S'il a pu être envisagé courant août 2010 le départ de M. [M] [T] de la SAS REVOLUTION pour rejoindre la SAS LEO BURNETT (sa pièce 13), il ne ressort pas pour autant à l'examen des éléments produit par l'appelant (ses autres pièces 14-15-30.1-30.2-38) l'existence d'un véritable lien de subordination avec cette dernière, lequel s'entend de l'exécution d'une prestation de travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des directives, d'en contrôler le respect et, le cas échéant, de sanctionner les manquements de son subordonné.

Ce changement conventionnel d'employeur assimilable à une novation ne s'est en définitive pas concrétisé à l'examen d'un courriel de M. [M] [T] adressé au responsable LEO BURNETT FRANCE (sa pièce 16-2).

Aucune situation de salarié subordonné à la SAS LEO BURNETT n'apparaît clairement dans les faits, dès lors au surplus que M. [M] [T] a toujours perçu sa rémunération de la SAS REVOLUTIONS qui a seule procédé à son licenciement et établi les documents sociaux de fin de contrat.

Comme le sollicite à bon droit la partie intimée, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a dit que la SAS LEO BURNETT, qui n'a jamais de fait été l'employeur de l'appelant, doit être mise hors de cause dans la présente instance.

L'article L.1232-1, dernier alinéa, du code du travail précise que tout licenciement pour motif personnel «est justifié par une cause réelle et sérieuse».

Ce texte rappelle ainsi le principe selon lequel le licenciement pour motif personnel - motif qualificatif - doit reposer sur une cause réelle et sérieuse - cause justificative.

L'article L.1235-1 du code du travail (chapitre V - «Contestations et sanctions des irrégularités du licenciement») dispose qu': «En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier ' le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ' Si un doute subsiste, il profite au salarié».

De ce texte, il ressort que la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties mais bien aux deux se situant en la matière sur un plan d'égalité - régime dit de la charge de la preuve partagée -, étant rappelé qu'il appartient par principe à l'employeur, à l'initiative de cette rupture unilatérale du contrat de travail, de produire aux débats tous éléments de nature à justifier suffisamment le motif énoncé dans la lettre de licenciement.

Dans ce système probatoire dérogatoire du droit commun, exclusif de toute application de l'article 1315 du code invoqué à tort par la partie intimée dans ses écritures (page 11), il reviendra in fine au juge d'apprécier les éléments présentés par les parties quant à l'existence d'une cause réelle et sérieuse au sens du texte précité.

Sur l'examen au fond du licenciement, la SAS REVOLUTIONS produit des attestations de certains collègues de travail (ses pièces 5-6-7-16-17) qui font état de son manque d'implication dans les différentes activités de l'entreprise, mettent l'accent sur sa contribution personnelle qualifiée par eux de «faible voire inexistante» sans l'apport de nouveaux clients depuis l'année 2010 , prétendent qu'il était davantage soucieux d'organiser au mieux son départ, et précisent qu'il s'est progressivement démarqué des équipes en charge des programmes publicitaires avec une absence récurrente aux réunions commerciales hebdomadaires.

M. [M] [T], au soutien de sa contestation, verse des témoignages contraires de clients de l'entreprise (ses pièces 9-10-11) dont celui du responsable du groupe Quick - M. [J] - vantant ses compétences et qualités professionnelles à l'occasion de leur collaboration durant plusieurs années, ce dernier de rappeler en outre que la SAS REVOLUTIONS a fini par perdre le budget publicitaire Quick après la mise à l'écart de l'appelant en août 2010, de même que l'attestation de M. [B] qui a procédé à son recrutement en janvier 2000 et insiste sur son dynamisme dans la prospection de nouveaux clients (ses pièces 9 à 12).

Dans cette confrontation ultime des points de vue lors des débats au cours desquels les parties ont pu échanger sur tous les aspects factuels du présent litige soumis à la cour, il subsiste un doute au sens de l'article L.1235-1 précité devant profiter au salarié.

Infirmant la décision déférée, la cour jugera ainsi sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif personnel non disciplinaire de M. [M] [T] qui peut revendiquer à bon droit une ancienneté remontant au 1er janvier 1997, date de son embauche initiale par la SA CAT'S, puisque s'appliquent les dispositions d'ordre public de l'article L.1224-1 du code du travail ayant emporté transfert de plein droit de son contrat de travail au nouvel employeur, la SA KAENA, à laquelle la SA CAT'S a cédé sa clientèle par un acte sous seing-privé ayant pris effet le 1er janvier 2000, lequel prévoit que «l'acquéreur reprendra à compter de l'entrée en jouissance conformément aux dispositions de l'article L122.12 du code du travail, les deux salariés travaillant dans le cadre de l'exploitation du fonds de commerce auquel la clientèle cédée est rattachée» avec, en annexe 2 «Salariés repris», le nom de l'appelant.

En effet, contrairement à ce qu'ont pu décider les premiers juges, il importe peu que le contrat de travail conclu le 29 décembre 2009 entre la SA KAENA et M. [M] [T] ait prévu que l'ancienneté de ce dernier acquise au sein de la SA CAT'S «ne serait pas reprise», en ce que cela constitue une stipulation contraire aux dispositions impératives de l'article L122-12 alors applicable et, comme telle, inopérante dans les rapports entre les parties.

La SAS REVOLUTIONS sera en conséquence condamnée à payer à M. [M] [T] les sommes suivantes :

- 192 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, représentant 20 mois de salaires compte tenu de son ancienneté cumulée dans l'entreprise (un peu plus de 15 années du 1er janvier 1997 au 23 mai 2012) et de son âge (66 ans), avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt ;

- 9 509,85 € à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement (article 69), qui est égal à la différence entre le montant attendu sur une base de calcul prenant en compte une ancienneté au 1er janvier 1997 (48 666,31 €) et ce qu'il a réellement perçu (39 156,46 €), avec intérêts au taux légal partant du 20 juillet 2012, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation.

L'application de l'article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L.1235-4 concernant le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de la totalité des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois.

La fin de la collaboration de M. [M] [T] au sein de la SAS REVOLUTIONS s'est inscrite dans un climat tendu et de défiance, celui-ci ayant de fait été évincé du poste qu'il y occupait après son remplacement par M. [Y] en août 2010, éviction suivie d'une mise à l'écart progressive dans la mise en 'uvre des projets publicitaires de l'entreprise auprès de la clientèle déjà référencée ou à prospecter - attestation produite en ce sens par l'appelant, sa pièce 31.

Les conditions vexatoires de cette rupture ont causé un préjudice distinct à M. [M] [T], de sorte qu'après infirmation du jugement critiqué, la SAS REVOLUTIONS sera condamnée à lui verser la somme indemnitaire de ce chef de 15 000 € majorée des intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

La SAS REVOLUTIONS sera condamnée en équité à payer à l'appelant la somme de 3 500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et la cour rejettera la réclamation sur le même fondement présentée par la SAS LEO BURNETT mise hors de cause.

La SAS REVOLUTIONS sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris seulement en ce qu'il a dit que la SAS LEO BURNETT doit être mise hors de cause ;

L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS REVOLUTIONS à payer à M. [M] [T] les sommes indemnitaires suivantes :

192 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

15 000 € pour licenciement vexatoire

avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt

9 509,85 € de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2012 ;

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la SAS REVOLUTIONS aux organismes concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. [M] [T] dans la limite de 6 mois ;

ORDONNE la remise par la SAS REVOLUTIONS à M. [M] [T] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

CONDAMNE la SAS REVOLUTIONS à régler à M. [M] [T] la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la réclamation de la SAS LEO BURNETT, mise hors de cause, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS REVOLUTIONS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/06130
Date de la décision : 14/05/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°13/06130 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-14;13.06130 ?
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