La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/05/2014 | FRANCE | N°12/01092

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 14 mai 2014, 12/01092


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 14 Mai 2014



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/01092



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 septembre 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° 10/02352





APPELANTE

Madame [Y] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Stéphan

e DEMINSTEN, avocat au barreau de PARIS, E2095





INTIMÉE

ASSOCIATION FOYER MISSION CATHOLIQUE POLONAISE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Jacques REMOND, avocat au barreau de V...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 14 Mai 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/01092

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 septembre 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° 10/02352

APPELANTE

Madame [Y] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Stéphane DEMINSTEN, avocat au barreau de PARIS, E2095

INTIMÉE

ASSOCIATION FOYER MISSION CATHOLIQUE POLONAISE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Jacques REMOND, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 mars 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat à durée indéterminée en date du 22 avril 2004, l'association Le Foyer Mission Catholique Polonaise, qui gérait un restaurant dénommé « La Crypte Polska » situé sous l'église [1] à [Localité 4], a embauché Mme [Y] [I] en qualité de serveuse.

Après avoir été convoquée à un entretien préalable le 25 juin 2009, elle s'est vue notifier son licenciement pour motif économique le 18 juillet suivant.

Soutenant que ce licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et que par ailleurs, il lui était dû diverses sommes et indemnités en raison de l'exécution d'heures supplémentaires impayées et de l'existence d'une situation de travail dissimulé, Mme [Y] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement en date du 20 septembre 2011, a condamné l'association Le Foyer Mission Catholique Polonaise à payer à Mme [Y] [I] la somme de 1692,22 € à titre d'indemnité pour défaut de respect de la procédure de licenciement et l'a déboutée du surplus de ses demandes.

Elle en a interjeté appel par déclaration enregistrée au greffe le 30 janvier 2012.

Devant la cour, elle conclut à l'infirmation du jugement et à la condamnation de l'association Le Foyer Mission Catholique Polonaise à lui payer les sommes suivantes :

- 40 613,28 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

-1692,22 € à titre d'indemnité pour défaut de respect de la procédure de licenciement

- 21 559,67 € à titre de paiement des heures supplémentaires

-10 153,32 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé

- 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

toutes ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter de la date du licenciement.

De son côté, l'association Le Foyer Mission Catholique Polonaise conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation de Mme [Y] [I] à lui payer la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de l'acte d'appel

Il est constant que dans l'acte d'appel, Mme [Y] [I] a mentionné en qualité d'intimée l'association Concorde qui, comme l'association Le Foyer Mission Catholique Polonaise, relève de la mission catholique polonaise.

Sur le fondement des articles R 1461-1 du code du travail et 58 du code de de procédure civile dont il résulte que l'acte d'appel doit comporter à peine de nullité, l'indication précise de la dénomination de la personne morale intimée, l'association Le Foyer Mission Catholique Polonaise en déduit que l'appel doit être déclaré irrecevable.

Mais, sauf à remarquer que la nullité d'un acte doit être distinguée de l'irrecevabilité d'une demande, qui ne peut être prononcée que pour les causes prévues par l'article 122 du code de procédure civile, l'article 114 du même code prévoit que la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

L'article 121 du code de procédure civile dispose, quant à lui, que dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Or, en l'espèce, non seulement l'association Le Foyer Mission Catholique Polonaise n'invoque aucun grief mais en outre et surtout, elle a d'emblée, accompli tous les actes de procédure, propres à l'intimé et comparu à l'audience, de sorte qu'il apparaît qu'il n'existait pour elle aucune ambiguïté quant à l'identification réelle de l'intimé, étant rappelé par ailleurs que le jugement de première instance a bien été prononcé entre elle-même et Mme [Y] [I].

Il y a donc lieu de rejeter l'exception de nullité.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement adressée à Mme [Y] [I] le 18 juillet 2009 comportait la motivation suivante :

«(...)Le restaurant la Crypte Polska dans lequel vous travaillez rencontre depuis des années des difficultés à équilibrer ses comptes. Depuis les débuts le restaurant est déficitaire et ce déficit s'est encore accru pour l'année 2008 et l'année 2009 ne s'annonce pas meilleure.

Il n'est plus possible de poursuivre l'activité dans ces conditions.

C'est la raison pour laquelle le conseil d'administration de l'association a décidé de réduire l'activité du restaurant en n'ouvrant plus que les jeudis, vendredis et samedis pour les services du midi et du soir. Ceci à effet du 1er août 2009. Dans ces conditions, le personnel a été réduit à un chef cuisinier et à une aide cuisinière faisant également fonction de serveuse en salle.

Votre emploi est donc supprimé.

Il s'agit donc d'une situation visée à l'article L 1233-3 du code du travail justifiant votre licenciement pour motif économique.

Nous avons préalablement examiné s'il existait des solutions de reclassement. Compte tenu de la taille de notre association et des associations rattachées à la mission catholique Polonaise en France, cet examen a permis rapidement de constater qu'aucune proposition ne pouvait vous être faite.(...) ».

Mme [Y] [I] fait valoir en premier lieu, que la lettre de licenciement était insuffisamment motivée et que par conséquent, le licenciement doit être réputé dénué de motifs.

Mais il résulte de la lecture de cette lettre de licenciement que celle-ci comportait des énonciations suffisantes pour caractériser l'existence de difficultés économiques sans que l'employeur soit tenu d'énoncer, de façon détaillée, l'ensemble des éléments qui soutiennent sa décision.

Par conséquent, contrairement à ce que soutient l'appelante, dans le cadre des débats sur la validité du licenciement, l'employeur peut invoquer des éléments dont il n'a pas expressément fait état dans la lettre de licenciement.

Mme [Y] [I] soutient en second lieu, que l'existence d'un motif économique réel n'est nullement établie.

Il résulte cependant des éléments comptables produits aux débats qu'alors que le chiffre d'affaires du restaurant s'élevait à 283 274 € au 31 décembre 2008, il ne s'élevait plus qu'à 252 608 € au 31 décembre de l'année suivante.

Le résultat d'exploitation, qui était de -40 400 € en 2008, a accusé en 2009 un déficit supérieur, à -71 110 €, d'où une perte qui pour l'année 2008, s'élevait à 42 289 € et pour l'année 2009, à 126 127 €.

Mme [Y] [I] tire argument, de façon erronée, de ce que l'employeur aurait procédé à des dépenses somptuaires au titre du matériel, des installations et des agencements divers alors qu'en réalité les chiffres dont elle se prévaut ne rendent compte que de l'évaluation des immobilisations corporelles.

Alors que l'association Le Foyer Mission Catholique Polonaise produit la copie d'une décision du conseil d'administration du 15 juin 2010 aux termes de laquelle l'association avait décidé de fermer définitivement le restaurant, moins d'un an après le licenciement de Mme [Y] [I] et qu'elle justifie également du licenciement des deux salariés qui étaient encore employés, Mme [Y] [I] soutient qu'en réalité le restaurant aurait fait l'objet d'une réouverture sous une autre dénomination, au même endroit mais en utilisant une autre entrée.

Mais, à défaut de d'éléments de preuve véritablement incontestables, tels que par exemple un constat par ministère d'huissier, les documents qu'elle produit en ce sens, à savoir des copies d'écran de pages Internet, sont insuffisants, soit en ce qu'ils ne sont pas datés soit en ce qu'ils sont ambigus, notamment en ce qu'il pouvait y avoir une confusion entre le restaurant lui-même, le foyer Concorde et l'existence de deux adresses différentes, même si en réalité l'un et l'autre se situaient au même endroit.

Il existait donc bien un motif économique réel et sérieux de nature à justifier le licenciement.

L'appelante fait valoir en troisième lieu, que la suppression de son emploi n'était pas effective puisqu'il apparaît qu'en novembre et en janvier 2010, des offres d'emploi ont été diffusées dans la presse spécialisée polonaise concernant une serveuse et que la consultation du livre d'entrée et de sortie du personnel fait apparaître l'existence d'un contrat à durée déterminée en date du 29 octobre 2009 pour une serveuse-aide cuisine (Mme [Z]) et d'un contrat à durée indéterminée pour une serveuse en date du 9 novembre 2009 (Mme [K]).

Mais l'employeur, justifie au moyen de la production des contrats de travail à durée déterminée de Mme [Z], que celle-ci n'a été employée que les 29 et 30 octobre 2009 puis, à compter du 31 octobre 2009, par contrat à durée déterminée sans terme précis « en remplacement de Mme [O] [J], elle-même employée en tant que serveuse aide de cuisine et remplaçant M.[N] [P], absent pour cause d'arrêt maladie. ».

En ce qui concerne Mme [K], le registre du personnel fait effectivement mention d'un « CDI » mais un examen attentif fait apparaître qu'il s'agit manifestement d'une erreur puisque cette mention figure dans une colonne réservée aux contrats à durée déterminée tandis que par ailleurs, le registre fait apparaître que cette salariée a été embauchée le 9 novembre 2009 et qu'elle a quitté les effectifs dès le 7 décembre suivant, ce que confirme la production du certificat de travail qui lui a été délivré à cette occasion.

Enfin, l'employeur produit aux débats la copie des avis d'arrêt de travail de M.[P], pour la période du 23 octobre 2009 au 1er février 2010, ce qui démontre que c'est bien pour procéder à son remplacement qu'il a été fait recours à des embauches temporaires.

L'existence de ces contrats temporaires ne démontre donc nullement que l'emploi de Mme [Y] [I] aurait été à nouveau pourvu.

Mme [Y] [I] reproche enfin à l'association Le Foyer Mission Catholique Polonaise de n'avoir pas procédé à une recherche sérieuse en vue de son reclassement alors que la mission catholique polonaise dont elle dépend exploite ou possède plusieurs maisons d'hôtes, notamment à [Localité 3], en Corse, à [Localité 2] et à [Localité 1].

Mais l'employeur produit aux débats la copie du livre des entrées et des sorties du personnel du foyer de la mission catholique polonaise ainsi que de l'association Concorde dont il résulte qu'il n'existait aucun emploi disponible de sorte qu'en effet, le reclassement de la salariée était impossible.

Sur la régularité de la procédure de licenciement

C'est à juste titre que Mme [Y] [I] fait valoir que le délai de cinq jours ouvrables imposé par l'article L 1233-11 du code du travail entre la présentation de la lettre recommandée de convocation à l'entretien préalable n'a pas été respecté puisque s'il est établi que la lettre de convocation était datée du 25 juin 2009, que l'entretien a eu lieu le 3 juillet 2009 et qu'entre ces deux dates il y a eu précisément cinq jours ouvrables, l'employeur se trouve dans l'incapacité de démontrer que la présentation de la lettre de convocation était antérieure au 26 juin 2009.

Dans ces conditions, la salariée, qui a subi nécessairement un préjudice de ce fait, est fondée à réclamer une indemnité d'un montant équivalent à un mois de salaire, soit la somme de 1 692,22 € de sorte que le jugement du conseil de prud'hommes sera également confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

Mme [Y] [I] fait valoir qu'elle effectuait en moyenne quatre heures supplémentaires de travail par semaine qui ne lui était pas rémunérées, ce qui résulterait en particulier des tâches qui lui étaient imposées aux termes mêmes du contrat de travail, d'un rapport de la directrice administrative et financière et d'attestations de certains salariés.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.

Or, en l'espèce, l'allégation de la salariée selon laquelle elle effectuait quatre heures de travail supplémentaires en moyenne pendant toute la durée du contrat de travail est insuffisamment précise pour permettre à l'employeur d'y répondre en justifiant de la réalité des heures effectuées.

Par ailleurs, outre le fait que les attestations dont il s'agit émanent toutes de salariés qui se sont trouvés en litige avec l'employeur, ce qui est de nature nécessairement à en altérer le caractère probatoire, il résulte de l'examen des bulletins de paie que l'employeur payait très régulièrement des heures supplémentaires au-delà de la durée de 169 heures prévue par le contrat de travail et ce, dans des proportions non négligeables.

Dans ces conditions, il apparaît que la salariée, qui n'explique pas en quoi elle aurait effectué des heures supplémentaires en plus de celles qui lui ont été payées, échoue dans la tâche qui lui incombe d'étayer sa demande de façon suffisante.

Sur le travail dissimulé

Mme [Y] [I], qui fonde sa demande sur l'existence d'heures  supplémentaires qui n'auraient pas été régulièrement payées ni mentionnées sur les bulletins de paie, ne peut donc que voir celle-ci rejetée.

Les sommes allouées à l'appelante étant de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal ne courront qu'à compter du jugement du conseil de prud'hommes qui en a fixé le principe et le montant, en application de l'article 1153-1 du code civil.

Il n'apparaît enfin pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes qu'elles ont exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 20 septembre 2011 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [Y] [I] aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/01092
Date de la décision : 14/05/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°12/01092 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-14;12.01092 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award