RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 14 Mai 2014
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12393-MPDL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL section encadrement RG n° 10/00180
APPELANT
Monsieur [U] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Martine MONTAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0579
INTIMEE
Société TEVA SANTE, venant aux droits de la SA Laboratoire RATIOPHARM
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0035 substitué par Me Nathalie DAUXERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G35
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente
Madame Catherine BRUNET, Conseillère
Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller
Greffier : Monsieur Bruno REITZER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire,
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Les faits :
M. [U] [H] a été engagé le 1er juillet 1993 par la société Phoenix Pharma France en qualité de directeur commercial, suivant contrat à durée indéterminée. Son contrat de travail a ensuite été repris en date du 11 juin 2002 avec prise d'effet au 1er novembre 2002 par la SA Laboratoire RATIOPHARM, aux droits de laquelle vient désormais la société TEVA Santé depuis le mois de juin 2011.
Par lettre recommandée du 1er juillet 2009 M. [U] [H] était licencié pour motif économique.
Il saisissait le conseil de Prud'hommes de Créteil le 14 janvier 2010 pour, notamment, contester ce licenciement et solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ainsi qu'un rappel d'heures supplémentaires.
Celui-ci, par jugement du 29 novembre 2011, section encadrement, confirmait la validité du licenciement pour motif économique et, considérant que les heures supplémentaires n'étaient pas démontrées, déboutait le salarié de l'ensemble de ses demandes ainsi que la société de sa demande reconventionnelle en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [U] [H] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision
Il demande à la cour de :
- dire son licenciement pour motif économique dénué de toute cause réelle et sérieuse, et de condamner la société ADOMA à lui verser la somme de 145 312 € à ce titre.
- dire que son licenciement économique est constitutif d'une infraction aux dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail vu la cession officielle de la Société RATIOPHARM et la suppression de 600 emplois dès le mois de février 2009.
- condamner la société TEVA France, venant droit du Laboratoire RATIOPHARM à lui payer la somme de 46 649 € d'heures supplémentaires.
- la condamner à lui payer 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur a régulièrement formé appel incident. La société TEVA France venant désormais aux droits du Laboratoire RATIOPHARM demande à la cour de :
- dire que le licenciement pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- qu'aucune heure supplémentaire n'est due à M. [U] [H] ;
- confirmer le jugement du 29 novembre 2011 rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil ;
- débouter M. [U] [H] de l'ensemble de ses demandes ;
- le condamner à payer à la société TEVA France venant aux droits du Laboratoire RATIOPHARM la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Laboratoire RATIOPHARM faisait partie du groupe Merckle, constitué de nombreuses filiales implantées dans 24 pays et de plus de 5500 salariés, avec un chiffre d'affaires annuel avant la cession au groupe TEVA de 1,9 milliards d'euros.
La convention collective de l'industrie pharmaceutique est applicable à la relation de travail
Les motifs de la Cour :
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur le contexte du licenciement
Les fonctions initiales exercées par le salarié aux termes de l'article de son contrat de travail en tant que directeur commercial consistaient notamment à être « responsable de tout ce qui concerne les ventes pour le Laboratoire RATIOPHARM avec la précision qu'il devra développer les ventes et la rentabilité en utilisant les moyens mis à sa disposition, animer les forces de vente (force de vente service clients, grands comptes, administration des ventes) et à structurer le réseau. Il devra s'orienter sur les domaines essentiels suivants : réalisation et mise en oeuvre de la stratégie promotionnelle, définition et planification des objectifs annuels dans le cadre de la stratégie promotionnelle, suivi et contrôle des paramètres nécessaires à l'atteinte des objectifs définis pour la force de vente, animation et stimulation de la force de vente et des autres départements sous sa responsabilité. Il apportera à l'équipe de directions sa compétence pour la stratégie impliquant son département ».
Pour ce faire, il était directement rattaché au président-directeur général M. [W] et avait sous sa responsabilité 77 collaborateurs.
Sa rémunération mensuelle brute était composée d'un fixe de 5886 € complété chaque année début décembre d'une prime égale à 1,2 fois son salaire de base de ce mois. En outre il percevait une rémunération variable sous forme de prime annuelle de performance conditionnée par la réalisation d'objectifs définis en accord avec la société et précisés par avenant séparé. Cette prime était versée chaque année en début d'année suivante après validation des résultats, soit en mars ou avril.
À compter du 1er janvier 2009 la rémunération fixe annuelle brute de M. [U] [H] était portée à 106 083 € versés sur 13,2 mois.
Le Laboratoire RATIOPHARM avait pour principale activité la distribution et la production de médicaments génériques, de dispositifs médicaux et de produits de médication officinale de marque RATIOPHARM pour ce qui concerne le marché français
Un projet de réorganisation appelé « project One », projet ayant pour objectif de définir une nouvelle organisation de l'entreprise afin, selon les responsables de l'entreprise, d'assurer sa compétitivité sur le marché mondial du médicament générique, était annoncé aux salariés au mois d'octobre 2008.
Le 10 février 2009 M. [W] président-directeur général du Laboratoire RATIOPHARM annonçait que le projet prévoyait une réduction des effectifs de l'ensemble du groupe de l'ordre de 600 postes, faisant directement le lien avec la perspective d'un changement d'actionnaire c'est-à-dire le projet de cession.
Ce projet était approuvé à l'unanimité le 6 mai 2009 par la délégation unique du personnel ; il prévoyait pour la France la suppression d'un poste, la modification de 9 contrats de travail dont celui de directeur commercial et la création de nouvelles fonctions dont celle de directeur de la stratégie commerciale.
Le Laboratoire RATIOPHARM a demandé à M. [U] [H] par lettre recommandée du 13 mars 2009 s'il acceptait la modification de son contrat de travail pour occuper désormais le poste de directeur de la stratégie commerciale.
M. [U] [H], estimant que cette fonction le rétrogradait sur un plan hiérarchique, que son pouvoir décisionnel et ses fonctions perdaient de leur substance, mais aussi qu'il encourait un risque de réduction de sa rémunération notamment variable, dit avoir été contraint de refuser cette modification de son contrat de travail.
La société TEVA France lui a alors proposé plusieurs autres postes qu'il a également refusés.
Sur le licenciement pour motif économique de M. [U] [H]
La longue lettre de licenciement pour motif économique adressée à M. [U] [H] le 1er juillet 2009 indiquait que la restructuration de l'ensemble des services du groupe et donc, en France, du Laboratoire RATIOPHARM, était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise sur le marché du médicament, invoquant au surplus une forte dette du Laboratoire RATIOPHARM. Selon la lettre de licenciement qui circonscrit le litige, ce licenciement pour motif économique était donc motivé par un souci de sauvegarde de la compétitivité et par des difficultés économiques qui justifiaient la restructuration engagée.
Pour rejeter les demandes de M. [U] [H] le conseil de prud'hommes a retenu que :
- le groupe RATIOPHARM était notamment confronté début 2008 à la décision d'une des importantes caisse d'assurance-maladie d'Allemagne de faire des économies drastiques et à la décision d'un Laboratoire américain Barr de réduire ses effectifs pour comprimer les coûts.
- parallèlement, le Laboratoire RATIOPHARM en France devait faire face à un endettement important à rembourser à la maison-mère (31 millions d'euros) et malgré une progression de son chiffre d'affaires ne présentait en 2009 qu'un résultat positif de 53 000 € après impôts. Le conseil de prud'hommes en déduisait que les éléments constatés à compter de juin 2008 concernant le Laboratoire RATIOPHARM démontrent « à l'évidence un risque réel pour sa compétitivité d'où une obligation pour le groupe et pour la société d'avoir à se réorganiser afin de faire face à la très vive concurrence du marché du générique ».
Le conseil de prud'hommes précise également que la réorganisation décidée avait été présentée à la délégation unique du personnel et approuvée à l'unanimité le 6 mai 2009, réorganisation qui entraînait la suppression du poste de coordinateur Plus Pharmacie, la modification de neuf contrats de travail dont celui du directeur commercial et la création de nouvelles fonctions dont celle le directeur de la stratégie commerciale.
Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, ou à une réorganisation de l'entreprise décidée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. Ces circonstances doivent être clairement énoncées dans la lettre de rupture.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié. À défaut de ces mentions, la motivation de la lettre de licenciement est imprécise et celui-ci ne repose pas sur une cause réelle ni sérieuse.
En l'absence de définition légale des difficultés économiques, celle-ci s'apprécie au cas par cas, au moment de la rupture, le principe étant que leur réalité doit être matériellement vérifiable.
Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent, à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises.
En l'espèce, pour justifier le licenciement économique de M. [U] [H] le Laboratoire RATIOPHARM, tout en invoquant une dette importante et un marché des médicaments génériques de plus en plus incertain et difficile, se basait clairement sur l'hypothèse d'une réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité et celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, grâce à « une organisation globale avec des modes opératoires plus rationalisés et standardisés, une plus forte intégration des activités des affaires réglementaires locales avec le groupe, la suppression dans l'organisation française de la complexité liée au projet Plus Pharmacie qui ne se justifiait plus. » ....
La cour relève toutefois en premier lieu que le jugement entrepris ne précise en rien l'impact des deux décisions, allemande et américaine, au regard de l'activité du Laboratoire RATIOPHARM français, ni même au regard du groupe Merckle.
Il ne ressort pas de ces circonstances que ces décisions aient, en fait réellement déstabilisé le marché, ni même mis en danger le Laboratoire RATIOPHARM ou le groupe TEVA
Mais selon le salarié, cette réorganisation a surtout été engagée dans la perspective d'une cession au groupe TEVA, qui devait intervenir en juin 2011, alors que ledit groupe était florissant et que l'acquisition du Laboratoire RATIOPHARM présentait un caractère stratégique pour ce groupe, qui devenait numéro un des médicaments génériques au plan mondial mais également numéro un sur le marché européen, représentant alors un tiers des ventes de génériques sur l'Europe ; en effet ce caractère stratégique s'est vérifié puisque, de 2006 à 2010, le groupe TEVA a ainsi quasiment triplé son chiffre d'affaires (8,4 milliards de dollars en 2006, 18,3 milliards en 2011 et 22 milliards annoncés pour 2012, P86). Le groupe TEVA a d'ailleurs procédé à cinq acquisitions majeures entre 2008 et 2011.
Dès 2011 après la cession, le groupe TEVA qui avait absorbé le Laboratoire RATIOPHARM se trouvait dans une situation tout à fait florissant).
Le salarié soutient dès lors, de manière crédible, qu'il s'agissait davantage pour le Laboratoire RATIOPHARM de s'organiser pour préparer la reprise par le groupe TEVA, que de sauvegarder sa compétitivité, la cession à ce groupe ayant davantage pour but d'augmenter sa part de marché et par voie de conséquence ses profits que de sauvegarder la compétitivité du Laboratoire RATIOPHARM.
À cet égard la cour rappelle d'ailleurs que le 10 février 2009 M. [W] président-directeur général du Laboratoire RATIOPHARM annonçait le projet de réorganisation faisant directement le lien avec la perspective d'un changement d'actionnaire c'est-à-dire le projet de cession. Le fait que cette cession ne soit effectivement intervenue que deux années plus tard, délai qui n'est pas spécialement étonnant compte tenu de l'importance de l'opération, est insuffisant à contredire l'argument du salarié qui conteste, de manière fondée, la nécessité de sauvegarder la compétitivité du Laboratoire RATIOPHARM.
Si l'on s'en tient au niveau français, il ressort de la procédure que le 9 juin 2009 le président-directeur général du Laboratoire RATIOPHARM annonçant l'approbation des comptes informait l'ensemble des salariés d'une augmentation de 12 % de l'intéressement pour l'année 2008 exposant par ailleurs de très bonnes performances réalisées par la société (notamment résultat net de l'entreprise réalisée à hauteur de 166 %, et ventes nettes de remise réalisées à hauteur de 110 %). D'ailleurs, un article de l'agence Reuters annonçait le 22 décembre 2009 que le Laboratoire RATIOPHARM révisait à la hausse sa prévision de résultats pour 2009, - soit 300 millions au lieu de 200 millions-, divers autres articles de la presse générale ou spécialisée faisant à la même époque état des bons résultats du Laboratoire RATIOPHARM pour 2008 et 2009, le marché des génériques n'ayant d'ailleurs pas connu de ralentissement.
Cette situation au plan national n'atteste donc ni de difficultés économiques, ni de nécessité de restructuration pour faire face à la compétitivité, la charge des dettes du Laboratoire RATIOPHARM envers la maison-mère, n'étant établie que par les états fiscaux et comptables de l'année 2007 et mentionnant des abandons de créances pour un montant global de l'ordre de 33 millions d'euros au titre des exercices précédant, assortis de clause de retour « à meilleure fortune ».
Par ailleurs, les circonstances ayant amené au licenciement de M. [U] [H] ne pouvaient être, comme l'a fait le conseil de prud'hommes, examinées qu'au niveau du laboratoire RATIOPHARM, sans examiner la situation de la société française au regard du groupe Merckle auquel elle appartenait, et sans référence non plus à la situation du groupe TEVA alors qu'il est indéniable, que dès le début de l'année 2009, le projet de cession était en cours d'organisation.
D'ailleurs, après la cession du Laboratoire RATIOPHARM, le groupe TEVA pour le troisième trimestre 2011 a eu un chiffre d'affaires s'élevant à 1,44 milliards de dollars, en hausse de 30 %, les ventes en Europe ayant augmenté de 24 % avant tout grâce à l'apport du chiffre d'affaires du Laboratoire RATIOPHARM (P 78, 79 à 84).
Il en résulte qu'en 2009, année du licenciement de M. [U] [H], alors que l'employeur a voulu lui imposer une modification de son contrat de travail au nom d'une nécessaire réorganisation pour sauvegarder la compétitivité du Laboratoire RATIOPHARM, ni des difficultés économiques sérieuses, ni la nécessité de la réorganisation au regard de la sauvegarde de la compétitivité, au niveau national comme international, n'étaient établies compte tenu des éléments de l'époque.
La cour considère que la proposition faite le 13 mars 2009 à M. [U] [H] d'occuper désormais un poste de directeur de la stratégie commerciale, proposition qui entraînait une véritable modification de son contrat de travail en le rétrogradant dans l'ordre hiérarchique pour le placer désormais sous la responsabilité du directeur marketing et ventes, et en introduisant une véritable modification de la nature de ses fonctions n'était pas justifiée.
Il en résulte que son licenciement pour motif économique n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, étant relevé en outre que le simple maintien de la rémunération forfaitaire brute et de la prime annuelle de performance dans le cadre du poste, à créer, proposé à M. [U] [H] ne permettait pas de « gommer » cette modification du contrat de travail imposée dans des circonstances qui ne la justifiaient pas.
En outre, les circonstances de l'espèce laissent penser que, comme le soutient le salarié, qui n'en tire pas de conséquences particulières, son licenciement pour motif économique alors qu'était déjà annoncée et engagée la cession du Laboratoire RATIOPHARM au groupe TEVA, a également eu pour effet de faire échec aux dispositions de l'article L 1224-1du code du travail dispositions d'ordre public, imposant le maintien des contrats de travail tels qu'existants en cas de cession d'entreprise.
D'autres part, la cour considère qu'en tout état de cause, les reclassements proposés ne pouvaient être considérés comme sérieux et satisfactoires dans la mesure où l'un des postes ne correspondait qu'à un CDD, un autre nécessitait une formation de pharmacien ou de médecin, plusieurs d'entre eux, - postes de délégués pharmaceutiques- étaient de catégorie tout à fait inférieure, et où, enfin, plusieurs autres postes exigeaient une maîtrise de l'allemand, de l'espagnol ou de l'italien que ne présentait pas le salarié
La cour infirmera donc la décision des premiers juges et dira le licenciement pour motif économique de M. [U] [H] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l'ancienneté du salarié, et du préjudice qu'il a nécessairement subi à la suite de celui-ci, la cour fixera à 100 000 € la somme due en application de l'article L. 1235-3 du code du travail.
Sur les heures supplémentaires
M. [U] [H], précisant qu'il ne bénéficiait pas de la qualité de cadre dirigeant, telle que définie à l'article L3111-2 du code du travail, ce qui n'est pas contesté par l'employeur, sollicite une somme de 46 649 € pour 576 heures supplémentaires, dont il a été débouté par le conseil des prud'hommes. Il précise que ces heures supplémentaires réclamées correspondant notamment à des manifestations professionnelles auxquelles il a participé y compris des week-ends à la demande de son employeur et produit un listing ainsi que diverses pièces à l'appui de ses dires.
La société TEVA France, rappelle tout d'abord que la demande d'heures supplémentaires doit tenir compte de la prescription quinquennale et soutient que le salarié n'a jamais effectué à la demande de son employeur la moindre supplémentaire, ni sollicité le moindre paiement à ce titre, rappelant que selon l'article 3.2 de son contrat de travail, par application de l'accord d'entreprise relatif à la réduction et l'aménagement du temps de travail du 4 mai 2000 M. [U] [H] bénéficiait d'une durée de travail appréciée sur une base de 1600 heures annuelles soit un travail hebdomadaire de 38 heures ramené ensuite à 37 heures 30.
Il fait valoir que cet accord d'entreprise précise que « les heures supplémentaires doivent conserver un caractère exceptionnel ».
Le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de sa demande d'heures supplémentaires au motif qu'il ne démontrait pas que les heures effectuées correspondant à du temps passé dans différentes conventions auxquelles il a participé ne sont pas comprises dans le quota annuel de 1600 heures prévu par l'accord d'entreprise.
En application de l'article L 3171 '4 du code du travail, la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement ni à l'une ni à l'autre partie. Si l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ce dernier doit d'abord fournir des éléments pour étayer sa demande. Il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
À défaut, la cour retient le décompte de produits par le salarié, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par chacune des parties.
La cour relèvera tout d'abord que le contrat de travail de M. [U] [H], engagé en tant que directeur commercial, prévoit qu'il doit « développer les ventes et la rentabilité' animer et stimuler la force de vente et structurer le réseau. Ce contrat prévoit également article 3.2 une durée annuelle de 1600 heures et un horaire hebdomadaire de 37 heures 30, la réduction du temps de travail s'effectuant par l'attribution de jours de repos, la durée mensuelle du travail mensuel de référence étant fixée à 151,67h.
A l'appui de ses demandes, le salarié produit plusieurs pièces :
- le listing de ses déplacements (P 70 et 71),
- le relevé des notes de frais remboursées (P 68),
- la copie de son passeport confirmant les déplacements professionnels,
- un ensemble d'attestations régulières en la forme, confirmant la présence de M. [U] [H] à de nombreuses manifestations telles que salon Pharmagora et stand RATIOPHARM, finale de golf organisée par RATIOPHARM en juin 2005, participation aux rencontres annuelles et membres du groupement des pharmaciens AEPK et conférencier intervenant à la convention du même organisme au Cambodge en janvier et au Maroc en septembre 2006, représentation de RATIOPHARM au congrès. Plus pharmacie au Maroc en janvier 2007, participation à des journées de formation du groupement Optipharm etc... Ces attestation dont certaines émanent de salariés ou d'anciens salariés du Laboratoire RATIOPHARM, correspondent aux pièces 64 à 67.
Il résulte de ces éléments, qu'en sa qualité de directeur commercial, chargé de l'animation des ventes, M. [U] [H] était bien évidemment tenu de participer à ce type de manifestations et d'y représenter le Laboratoire RATIOPHARM, étant relevé que de telles rencontres se déroulent très fréquemment les week-ends et parfois à l'étranger.
Confronté à des revendications précises, l'employeur n'apporte aucun élément précis pour les contredire se contentant de soutenir qu'il ne les avait pas autorisées, alors que le remboursement d'un certain nombre de notes de frais atteste du contraire et qu'en tout état de cause, la participation à de telles manifestations s'inscrivait nécessairement dans les obligations contractuelles du directeur commercial.
La cour dispose des éléments pour évaluer souverainement l'importance des heures supplémentaires et fixer la créance salariale s'y rapportant.
Il sera donc accordé à M. [U] [H] au titre des heures supplémentaires, compte tenu de la prescription quinquennale, la somme de 46 649 € qu'il réclame.
Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
La société TEVA Santé qui succombe supportera la charge des dépens.
La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M [C] la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il lui sera donc alloué, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 3000 euros, à ce titre pour l'ensemble de la procédure.
Décision de la Cour
En conséquence, la Cour,
Infirme la décision du Conseil de prud'hommes.
et statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la société TEVA Santé venant aux droits de la société Laboratoire RATIOPHARM à payer à M. [U] [H] :
- 100 000€, à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle ni sérieuse en application de l'article L 1235-3 du code du travail,
somme avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- 46 649 € à titre d'heures supplémentaires,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes,
Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.
Condamne la société TEVA Santé à régler à M. [U] [H] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure
La condamne aux entiers dépens de l'instance.
LE GREFFIER,LA PRESIDENTE,