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13/05/2014 | FRANCE | N°12/04895

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 13 mai 2014, 12/04895


COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 4 ARRÊT DU 13 Mai 2014 (no, 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 04895 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Avril 2012 par le Conseil de prud'hommes-Formation de départage de PARIS, section encadrement RG no 10/ 02127

APPELANT
Monsieur Alexandre X... ...92200 NEUILLY SUR SEINE Comparant en personne, Assisté de Me Pieter-Jan PEETERS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0551

INTIMÉE
LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE Sise DRHG-75886 PARIS CEDEX 18 Représentée par Me Arnaud CHAULET, avocat au

barreau de PARIS, toque : P0461

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue ...

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 4 ARRÊT DU 13 Mai 2014 (no, 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 04895 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Avril 2012 par le Conseil de prud'hommes-Formation de départage de PARIS, section encadrement RG no 10/ 02127

APPELANT
Monsieur Alexandre X... ...92200 NEUILLY SUR SEINE Comparant en personne, Assisté de Me Pieter-Jan PEETERS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0551

INTIMÉE
LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE Sise DRHG-75886 PARIS CEDEX 18 Représentée par Me Arnaud CHAULET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

qui en ont délibéré
Greffier : Mme Fatima BA, lors des débats

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Madame Mélanie RAMON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur Alexandre X... du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Encadrement-chambre 1 statuant en départage, rendu le 13 avril 2012 qui a dit son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de ses demandes en le condamnant à payer à la Société Générale la somme de 1 000 ¿ au titre des frais irrépétibles.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Monsieur Alexandre X..., né au mois d'avril 1975, a été engagé à compter du 15 Novembre 2004 en qualité de « trader obligations », statut cadre, niveau I au sein de la banque de financement et d'investissement (SGCIB : Société Générale corporate investisment banking) ; Dans le dernier état de ses fonctions, il occupait le poste de trader et de responsable de l'équipe « quasi-govies » au sein de la direction des marchés ; Son salaire de base mensuel était de 6923. 08 ¿ versés sur 13 mois auquel s'ajoutait un variable ;
Au mois de juillet 2009, Monsieur Alexandre X... a sollicité le bénéfice d'un congé pour création d'entreprise et création de son propre fond d'investissement ce qui a été accepté par la Société Générale, il était prévu que son contrat soit ainsi suspendu à compter du 2 octobre 2009 ;
La Société Générale (SA) expose qu'au mois d'Août 2009 pendant les congés de Monsieur Alexandre X..., plusieurs anomalies de valorisation significatives ont été découvertes sur deux portefeuilles dont il avait la charge ; Que l'inspection générale a alors diligenté une enquête et qu'un rapport a été déposé le 21 octobre 2009 qui concluait à une surestimation par Monsieur Alexandre X... du résultat économique de ces deux comptes, proche de 12 millions d'euros, ce qui constitue une violation des obligations professionnelles ; Le rapport a été soumis à Monsieur Alexandre X... le 23 octobre 2009 et face à cette situation le 13 novembre 2009 Monsieur Alexandre X... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement ;
Monsieur Alexandre X... a été licencié le 7 Décembre 2009 pour faute professionnelle ; La lettre de licenciement reproche au salarié :- un manque de rigueur et de transparence dans la valorisation des positions obligataires compte tenu des écarts constatés entre ses prix et les prix de source externe (bloomberg ou reuters) qui se sont soldés par une surestimation du résultat d'environ 6 millions d'euros-de n'avoir alerté ni sa hiérarchie ni les entités de contrôle sur l'existence d'écarts importants et persistants entre ses prix d'un côté et de l'autre les références de marché qu'il ne pouvait pas ignorer dans le cadre de son activité (bloomberg, courtiers) et face à cette situation de ne pas s'être retourné vers sa hiérarchie et le service des risques (RISQ/ MAR/ FIC) pour définir la marche à suivre (ajustement concerté et validé du modèle de valorisation ou ajustement du niveau Reserve Policy etc) afin que les paramètres concourent à établir l'image la plus fidèle du résultat-En outre, d'avoir utilisé une méthode erronée de valorisation sur son portefeuille de CDS (Credit Défaut Swap) qui se traduit par une survalorisation du résultat estimée au 30 juin 2009 à 6 millions d'euros

Le conseil de Monsieur Alexandre X... a pris contact le 24 décembre 2009 avec la Société Générale en vue d'un éventuel rapprochement en faisant état d'un préjudice moral lié aux circonstances du licenciement et du caractère injustifié du licenciement ; L'employeur a répondu à l'avocat le 20 janvier 2010 en contestant les allégations de Monsieur Alexandre X... concernant les circonstances de la rupture du contrat telles que reprises dans la lettre du 24 décembre 2009 à l'appui du préjudice moral invoqué et en rappelant que la procédure de licenciement a été menée régulièrement et que le préavis de Monsieur Alexandre X... expire le 17 Mars 2010, date à laquelle il percevra son indemnité de licenciement et les documents de fin de contrat ;
Monsieur Alexandre X... a saisi le Conseil des Prud'hommes le 12 février 2010 ;

Monsieur Alexandre X... demande après divers constats auxquels il est référé, d'infirmer le jugement et de condamner la Société Générale à lui payer avec remise des documents conformes les sommes de : 46 299 ¿ à titre de préavis plus congés payés afférents, 400 000 ¿ au titre du bonus pour l'année 2009, les intérêts légaux à compter de l'introduction de la demande et capitalisation, 185 200 ¿ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 92 600 ¿ à titre de dommages intérêts pour préjudice moral, 79 152 ¿ à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par la privation de son droit à vendre ses actions gratuites, 5 600 ¿ à titre de dommages intérêts pour privation de son droit à la prime de fidélité, 1 500 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La Société Générale (SA) demande la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions et le rejet des prétentions de l'appelant en le condamnant à lui payer la somme de 1 500 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; Subsidiairement, elle demande de réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités qui seraient allouées par la Cour.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.
Il ressort des pièces versées aux débats par les parties que Monsieur Alexandre X... en sa qualité de trader et d'animateur de marché, devait transmettre aux clients institutionnels de la Société Générale et à l'ensemble du marché, les prix d'achat et de vente sur les titres des portefeuilles dont il avait la charge et que les prix qu'il fixait servaient à établir la valorisation de l'ensemble des traders qui détenaient dans leur portefeuille des titres pour lesquels Monsieur Alexandre X... était animateur de marché ;
Monsieur Alexandre X... avait en charge un portefeuille d'obligations « SOUV4 » et un portefeuille de « credit défault swaps (CDS) » ces derniers étant des contrats d'assurance portant sur les dettes notamment de pays souverains ;
Il existe un manuel de déontologie du trader « Trading Handbook » versé aux débats que Monsieur Alexandre X... a signé le 28 avril 2008 en s'engageant à le respecter qui rappelle que la Société Générale se doit de garantir des prix justes à ses clients pour les produits qu'elle commercialise ou sur lesquels elle assure la tenue de marché et que les paramètres de « pricing » doivent être légitimes, justifiables à tous les régulateurs ; Le manuel pose également la règle que dans le cadre de son mandat de trader intervenant au nom de la Société Générale sur les marchés, il doit être en mesure d'expliquer la valorisation quotidienne et les analyses de risques de ses portefeuilles et que la valorisation du jour doit représenter l'image la plus réaliste du P et L de l'activité au moment où elle est lancée et qu'il est responsable des paramètres implicites utilisés et de la justification éventuelle des valeurs retenues pour ces paramètres vis à vis du RISQ, enfin qu'il reporte régulièrement à son Head of Desk ;
Monsieur Alexandre X... a pris des congés annuels le 14 Août 2009, des anomalies de valorisation significatives ayant été signalées par des collègues de Monsieur Alexandre X... sur plusieurs titres en position dans le centre opératoire SOUV4 tel qu'opéré par Monsieur Alexandre X... en tant que trader principal, ainsi que des anomalies de valorisation dans le portefeuille de CDS (survalorisation des positions en euro), la Société Générale a saisi l'Inspection générale afin que soit diligentée une enquête lui permettant de mesurer l'ampleur des fautes ou erreurs commises ;
Les conclusions du rapport détaillé et précis de l'inspection générale ont été déposées le 21 octobre 2009 et portées à la connaissance de Monsieur Alexandre X... qui aux termes d'une note datée et signée du 23 octobre 2009 a apporté des commentaires ;
Les termes du rapport de l'inspection générale et les griefs retenus à l'encontre de Monsieur Alexandre X... sont repris à l'appui de la lettre de licenciement ;

Sur la prescription

Monsieur Alexandre X... soulève tout d'abord la prescription des faits invoqués dans la lettre de licenciement en soutenant à tort que le délai de deux mois part du 30 juin 2009 date à laquelle la RISC/ MAR/ FIC (département risque) après, selon lui, « contrôle » de sa valorisation, avait passé provision d'une somme de 3 millions d'¿ ; En effet d'une part la provision « Resreve policy » n'est pas une provision passée après validation des résultats et valorisations faites par le trader par le département RISC mais au contraire une provision destinée à couvrir les pertes théoriques qu'impliqueraient une vente forcée des titres laquelle est calculée en fonction de l'écart entre prix de vente et prix d'achat « bid/ offer » lequel varie en fonction de la liquidité estimée des titres concernés et de la qualité de l'émetteur ; Et d'autre part, il est constant que Monsieur Alexandre X... postérieurement au 30 juin 2009 a maintenu des prix qui étaient en décalage avec les données et position du marché (Bloomberg, courtiers) ce qui a été relevé par d'autres traders amenés à s'occuper de la gestion de ses portefeuilles pendant ses congés et les a amenés à signaler le fait de sorte que la nécessité d'une enquête par l'inspection Générale était nécessaire afin que l'employeur ait une connaissance exacte et entière de l'ampleur des irrégularités au regard du code de déontologie du trader, ce qu'il n'a eu que par le dépôt du rapport de l'inspection le 21 octobre 2009 de sorte que la procédure de licenciement a été régulièrement engagée dans les deux mois à compter du 21 octobre 2009.

Sur le licenciement

Contrairement à ce que soutient Monsieur Alexandre X..., le rapport d'enquête de l'inspection générale n'est ni un « habillage formel » ni une enquête de ce qu'il qualifie de « polichinelle » ; En effet, elle fait état d'analyses précises ;
Les griefs retenus par la lettre de licenciement qui sont précis sont vérifiés par les exemples multiples et détaillés donnés par la Société Générale dans ses conclusions et Monsieur Alexandre X... ne peut pas contester que pour fixer la valeur des obligations de son portefeuille, il disposait des informations d'autres agences spécialisées telles REUTERS, BLOOMBERG, même s'il ne peut pas être contesté que l'absence de cote officielle publiée peut être source d'une variation dans l'estimation du prix auquel le trader pense pouvoir trouver un acquéreur ;
Sans qu'il soit besoin de rentrer dans le détail technique des exemples discutés par les parties et sur lesquels elles divergent quant à l'importance du niveau des écarts de valorisation par rapport au prix du marché, il ressort de l'ensemble des pièces fournies et après examen que Monsieur Alexandre X... s'écartait en tout état de cause, largement dans nombre de cas des valeurs proposées par d'autres agences telle Bloomberg et même des valeurs les plus extrêmes proposées par celle-ci ; Ainsi, sans que Monsieur Alexandre X... fournisse des explications convaincantes, au 30 juin 2009, il est apparu que 17 titres de son portefeuille étaient en décalage sérieux avec les prix issus de sources externes et l'écart de valorisation de quelques euros seulement sur certains titres doit s'apprécier non sur un seul titre mais au regard du nombre de titres et de l'appréciation du risque qui se trouve ainsi faussé ;
Monsieur Alexandre X... soutient à tort que la surévaluation qui lui est reprochée devrait être appréciée non au regard du résultat économique de son portefeuille mais au regard du montant global des actifs qu'il gérait ce qui aboutirait à un écart de valorisation de 0, 2 % des 2, 864 milliards d'euros composant son portefeuille, ce pourcentage étant selon lui et dans cette hypothèse « presqu'identique » à celui constaté pour d'autres traders, Monsieur Y...et Madame Z...;
En effet la surévaluation est celle du résultat économique et en tout état de cause il ressort des éléments du dossier que même en retenant la démarche de Monsieur Alexandre X..., son écart de valorisation serait encore plus important que celui constaté pour les autres traders puisqu'il était au 30 juin 2009 de 0, 07 % du montant des actifs gérés pour Monsieur Y...soit 1, 7 millions d'euros pour un portefeuille de 2, 302 milliards d'euros et de 0, 08 % pour Madame Z...soit 881 000 ¿ pour un portefeuille de 1, 078 milliard d'euros ;
En l'espèce, il ressort du rapport de l'Inspection générale qu'elle n'a retenu que les titres pour lesquels un écart de valorisation était supérieur à 100 000 ¿ dont elle a dressé un tableau dans son rapport et elle a précisé la fourchette de cotation observée chez bloomerg nécessairement connue de Monsieur Alexandre X... dont il résulte l'existence d'écarts importants sans que Monsieur Alexandre X... contrairement aux règles déontologiques qu'il devait appliquer en ait référé à sa hiérarchie afin de définir les paramètres correctifs pour établir l'image la plus réaliste ;
C'est donc à bon droit qu'il est fait grief à Monsieur Alexandre X... de s'être montré insuffisamment rigoureux dans le processus de fixation des prix des obligations dans le SOUV4 et d'avoir manqué de transparence à l'égard de sa hiérarchie quant à la persistance d'écarts importants et de n'avoir pas pris l'initiative de saisir le RISQ/ MAR/ FIC pour définir la marche à suivre afin de parvenir à des ajustements ;
Ce comportement est fautif et contraire aux obligations du manuel de déontologie et justifie à lui seul le licenciement de Monsieur Alexandre X... sans qu'il soit besoin d'analyser les autres griefs et il y a lieu de confirmer le jugement du premier juge en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, il convient de débouter Monsieur Alexandre X... de ses demandes de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de préavis et congés payés afférents puisqu'il était en congé création d'entreprise à sa demande et ne pouvait exécuter son préavis ;
Il ne résulte pas des faits et pièces versées aux débats que les conditions du licenciement de Monsieur Alexandre X... aient revêtu un caractère vexatoire et de nature humiliante ou de nature à nuire à son image et sa réputation professionnelle, sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral sera rejetée ;
C'est par une exacte appréciation des faits et documents produits et de justes motifs que la Cour adopte que le premier juge a rejeté la demande en paiement d'un bonus au titre de l'année 2009, de la prime de fidélité et celle tendant à l'octroi de dommages intérêts pour privation de son droit de vendre ses actions gratuites ;
Eu égard aux termes de la décision, il n'y a lieu à remise de documents conformes ;
Chaque partie conservera à sa charge les entiers frais irrépétibles qu'elle a exposés, le jugement étant infirmé de ce seul chef.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qui concerne l'indemnité allouée à la Société Générale au titre des frais irrépétibles,

L'infirme de ce chef,
et statuant à nouveau
Dit que chaque partie conservera à sa charge ses frais irrépétibles d'instance et d'appel,
Condamne Monsieur Alexandre X... aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/04895
Date de la décision : 13/05/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2014-05-13;12.04895 ?
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