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13/05/2014 | FRANCE | N°12/04107

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 13 mai 2014, 12/04107


COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 13 MAI 2014
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 04107
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de PARIS section encadrement RG no 09/ 10500
APPELANT
Monsieur Laurent X... demeurant ...-92500 REUIL MALMAISON

comparant en personne,
Assisté de Me Patricia TALIMI, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001 substitué par Me Alicia PHILIBIN-KAYSER, avocat au barreau de PARIS, toque : U 0001
INTI

MÉE
SNC GRAND HOTEL INTERCONTINENTAL PARIS Pris en la personne de ses représentants légaux
...

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 13 MAI 2014
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 04107
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Septembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de PARIS section encadrement RG no 09/ 10500
APPELANT
Monsieur Laurent X... demeurant ...-92500 REUIL MALMAISON

comparant en personne,
Assisté de Me Patricia TALIMI, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001 substitué par Me Alicia PHILIBIN-KAYSER, avocat au barreau de PARIS, toque : U 0001
INTIMÉE
SNC GRAND HOTEL INTERCONTINENTAL PARIS Pris en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège 2, Rue Scribe-75009 PARIS
Représentée par Me Elisabeth LAHERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053 substitué par Me Hélène FONTANILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 53
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

qui en ont délibéré
Greffier : Mme Nora YOUSFI, lors des débats
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Madame Mélanie RAMON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La Cour est saisie de l'appel interjeté par Laurent X... du jugement du conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement chambre 3, rendu le 29 septembre 2011 qui a dit que la faute grave n'est pas avérée mais que le licenciement de Laurent X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la SNC GRAND HOTEL INTER CONTINENTAL PARIS à lui payer les sommes suivantes :-6 250, 25 ¿ à titre de salaire de la mise à pied,-625, 02 ¿ au titre des congés payés afférents,-18 751, 44 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-1 875, 14 ¿ au titre des congés payés afférents,-4 759 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement,-500 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Monsieur Laurent X... a été engagé par la SNC GRAND HOTEL INTER CONTINENTAL PARIS, gestionnaire du Grand Hôtel et du Café de la Paix, à compter du 1er mars 2006 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée avec annualisation du temps de travail, en qualité de chef de cuisine du Café de la Paix.
À ce titre, il percevait une rémunération fixe de 5 000 ¿ pour une durée moyenne mensuelle de 151, 67 heures versée sur 13 mois, augmentée d'une indemnité de nourriture de 136, 84 ¿ par mois et d'une prime sur objectifs pouvant atteindre 20 % de la rémunération brute annuelle.
Le 22 mars 2007, son salaire de base brut a été porté à 5 865 ¿.
L'entreprise qui emploie plus de 11 salariés est soumise à la convention collective du syndicat général de l'industrie hôtelière 3, 4 et 4* luxe.
Le 15 mai 2009, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 28 mai 2009 avec mise à pied conservatoire.
Le 11 juin 2009, il a été licencié pour faute grave.
Parallèlement, une plainte a été déposée le 14 avril 2009 par la direction de la société pour abus de confiance et corruption. Des poursuites pénales ont été engagées contre Monsieur Laurent X... qui ont abouti à une relaxe prononcée le 20 janvier 2010 par le tribunal de grande instance de Paris.
Monsieur Laurent X... demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la faute grave n'était pas avérée et en ce qu'il a condamné la société au paiement des sommes ci-dessus mentionnées,
- infirmer le jugement pour le surplus, dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la SNC GRAND HOTEL INTER CONTINENTAL PARIS à lui payer les sommes suivantes :-162 512 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et circonstances vexatoires,-20 000 ¿ à titre de préjudice moral et de réputation,- sur les heures supplémentaires : * à titre principal : 177 226, 07 ¿ pour les heures supplémentaires non payées et congés payés afférents sur la période 1er mars 2006 au 15 mai 2009, * à titre subsidiaire : ordonner une mesure d'expertise aux fins d'examiner la fiabilité et l'intégrité de la pointeuse dont sont issues les pièces adverses 38 et 38 bis,-40 626 ¿ à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,-3000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner la société à la publication de l'arrêt dans deux revues professionnelles de référence.
La SNC GRAND HOTEL INTER CONTINENTAL PARIS demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et en ce que les demandes de Monsieur Laurent X... au titre des heures supplémentaires étaient injustifiées,
- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave,
- par conséquent, débouter Monsieur Laurent X... de l'intégralité de ses demandes,
- le condamner au paiement d'une somme de 3 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.
Sur le licenciement :
Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à Monsieur Laurent X... d'avoir créé une société de services, dénommée MODEL FOOD, adossée au Grand Hôtel avec pour raison sociale des relations commerciales avec les fournisseurs de la société, lesquels reversaient des sommes d'argent en contrepartie de fiches techniques réalisées par MODEL FOOD qui utilisait les moyens humains et techniques appartenant au Grand Hôtel, sans aucune autorisation de la direction, notamment en faisant participer plusieurs des cuisiniers salariés du Grand Hôtel, pendant leur temps de travail, dans les cuisines de l'hôtel. Il lui est en outre fait grief d'avoir mis à profit les facilités de son emploi et abusé de la confiance de la société pour se livrer pour son propre compte pendant son temps de travail à des activités extérieures à son emploi.
Ces éléments ont été mis en lumière, toujours selon la lettre de licenciement, par une enquête menée par la direction régionale des achats suite à l'intervention d'un fournisseur qui se serait plaint de ne pas avoir été retenu comme prestataire du Grand Hôtel, au motif qu'il aurait refusé de signer une convention avec la société MODEL FOOD pour la réalisation des fiches techniques.
Autrement dit, il est reproché d'avoir détourné les moyens, les fournisseurs, et le matériel de l'entreprise pour son profit personnel et dans l'intérêt de sa société, plus grave d'avoir imposé aux fournisseurs de l'hôtel sous peine de les écarter, d'accepter une convention avec sa société pour la fourniture de fiches techniques éditées par sa société.
Une plainte a été déposée par la direction du Grand Hôtel d'une part pour abus de confiance, pour avoir orienté les fournisseurs du Grand Hôtel vers la société MODEL FOOD dans laquelle il a des intérêts et d'autre part pour corruption passive pour avoir profité de sa fonction pour obtenir des avantages dans l'intérêt de sa propre société et au détriment de son employeur ; Des poursuites ont été engagées contre Monsieur Laurent X... qui ont abouti à un jugement de relaxe qui est définitif.
En ce qui concerne l'abus de confiance, le jugement énonce que les fournisseurs ne constituant pas des biens incorporels, ils ne peuvent faire l'objet d'un détournement. En outre, les fournisseurs en cause, la société METZGER et la société HALLES MANDAR, n'ont pas été orientées vers la société MODEL FOOD en qualité de fournisseurs de cette dernière mais sont au contraire devenus clients tout en restant fournisseurs du Grand Hôtel.
En ce qui concerne le délit de corruption passive, le Tribunal relève, pour écarter l'infraction qu'aucun pacte de corruption, passé antérieurement aux paiements effectués par les fournisseurs à la société MODEL FOOD, entre Monsieur Laurent X... et les dirigeants des deux sociétés susvisées ; Il n'a pas davantage été démontré que la facturation de la société MODEL FOOD ait été répercutée sur les comptes de la SNC GRAND HOTEL INTER CONTINENTAL PARIS.
Il est vrai, comme le soutient l'employeur, que lorsqu'un salarié a commis une faute qui peut être poursuivie au pénal, la décision du juge pénal ne s'impose aux juridictions civiles qu'en ce qui concerne la réalité des faits et leur imputabilité au salarié.
Or, la SNC GRAND HOTEL INTER CONTINENTAL PARIS reproche également à Monsieur Laurent X... d'avoir pour son activité au sein de la société MODEL FOOD utilisé les moyens de l'entreprise tant en matériel qu'en équipes, activité qu'il a au surplus exercée sur son temps de travail et sur le temps de travail de ses collaborateurs.
L'enquête diligentée par la brigade de répression de la délinquance astucieuse au cours de laquelle ont été entendus les associés minoritaires de la société MODEL FOOD et également les cuisiniers et collaborateurs de Monsieur Laurent X... au Grand Hôtel et au Café de la Paix, révèle effectivement l'implication de savoir-faire et l'utilisation des locaux professionnels pour l'élaboration de fiches techniques éditées par MODEL FOOD. Messieurs Y...et Z...ont reconnu dans des fiches techniques de MODEL FOOD les recettes développées pour le Grand Hôtel et le Café de la Paix ; M. A...a indiqué quand à lui que les recettes ont été travaillées dans les cuisines du Café de la Paix.
Il est donc établi que Monsieur Laurent X... a utilisé des moyens matériels et humains de la société qui l'emploie pour créer ses fiches techniques, peu important que lui-même comme il le soutient dans ses écritures, n'avait nullement besoin de créer ces dernières pendant son temps de travail dès lors que son expérience et sa culture culinaire lui permettent de connaître les associations et mélanges de saveurs sans avoir besoin de les mettre en oeuvre pour en connaître le résultat.
Ces faits ajoutés à la constitution d'une société qui a essentiellement pour clientèle des fournisseurs du Grand Hôtel et du Café de Paris, à défaut d'avoir informé la SNC GRAND HOTEL INTER CONTINENTAL PARIS constituent alors par leur absence de transparence, des actes de déloyauté à l'égard de son employeur qui rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise caractérisant ainsi une faute grave.
Le licenciement pour faute grave exclut le versement de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de licenciement et du salaire de la mise à pied.
Le licenciement étant fondé sur une faute grave, la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation liée à la rupture du contrat de travail et la demande de publication ne sont pas justifiées.
Sur les heures supplémentaires
Monsieur Laurent X... prétend qu'il a travaillé a minima de 8h00 à 21h00 avec en tout et pour tout une pause systématiquement décomptée de 45 minutes le midi, pause qu'il ne pouvait pas prendre en plein coup de feu, que par ailleurs nombreuses ont été les soirées au cours desquelles il a dû rester après 21h00 pour assurer le service du soir ou prendre son service plus tôt pour aller à Rungis. Il réclame le paiement de 3 088 heures supplémentaires, soit au total 177 226, 07 ¿, outre les congés payés afférents.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Monsieur Laurent X... produit les attestations de cuisiniers qui font état de journées de travail « s'étendant sur 10 heures en moyenne et plus pendant les jours de forte activité », de sa présence le matin dès 7h30, et aussi à 17h00 lors de la débauche des cuisiniers, de l'importance des créneaux horaires effectués de 7h30 à 23h00 parfois plus tard lors des banquets au Café de la Paix.
Pour apprécier le nombre d'heures supplémentaires effectuées par Monsieur Laurent X..., il ne sera pas tenu compte des éléments fournis par la pointeuse dès lors que les cadres ne devaient pointer qu'une fois par jour de travail ; Les relevés de pointage sont inexploitables dans la mesure où l'heure de fin de travail n'est pas mentionnée ; La demande d'expertise tendant à examiner la pointeuse sera donc rejetée.
Au vu des éléments produits de part et d'autre, il est démontré que Monsieur Laurent X... a effectué des heures supplémentaires cependant pas dans la proportion demandée ; La Cour dispose d'éléments suffisants, au regard de la fluctuation de l'activité du salarié et du temps distrait pour sa propre société, pour fixer le montant des heures supplémentaires à la somme de 50 000 ¿ outre la somme de 5 000 ¿ au titre des congés payés afférents.
La demande formée par Monsieur Laurent X... au titre du travail dissimulé par omission par l'employeur de mentionner les heures supplémentaires sur le bulletin de paie n'est pas fondée faute d'établir que l'employeur qui n'a jamais été sollicité à ce titre, a de manière intentionnelle mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Sur les frais irrépétibles
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice des parties.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Monsieur Laurent X... repose sur une faute grave,
Déboute Monsieur Laurent X... de toutes ses demandes liées à la rupture du contrat de travail,
Condamne la SNC GRAND HOTEL INTER CONTINENTAL PARIS à payer à Monsieur Laurent X... les sommes suivantes :-50 000 ¿ au titre des heures supplémentaires,-5 000 ¿ au titre des congés payés afférents,

Déboute Monsieur Laurent X... de sa demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé,
Déboute Monsieur Laurent X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et de réputation,
Déboute Monsieur Laurent X... de sa demande de publication,
Déboute Monsieur Laurent X... et la SNC GRAND HOTEL INTER CONTINENTAL PARIS de leur demande d'indemnité de procédure,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/04107
Date de la décision : 13/05/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2014-05-13;12.04107 ?
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