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07/05/2014 | FRANCE | N°12/02712

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 07 mai 2014, 12/02712


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 07 Mai 2014



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02712



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 07/11770





APPELANT

Monsieur [E] [Q]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Chrystèle RAUM

EL-DEMIER, avocate au barreau de PARIS, J094





INTIMÉE

FONDATION ARMÉE DU SALUT

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, D1665 substitué p...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 07 Mai 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/02712

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 07/11770

APPELANT

Monsieur [E] [Q]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Chrystèle RAUMEL-DEMIER, avocate au barreau de PARIS, J094

INTIMÉE

FONDATION ARMÉE DU SALUT

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, D1665 substitué par Me Emmanuel JOB, avocat au barreau de PARIS, D1665

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Mars 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 13 décembre 2011 ayant :

- condamné la FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à régler à M. [E] [Q] les sommes suivantes :

17 616 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis et 1 762 € d'incidence congés payés

29 360 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

avec intérêts au taux légal partant du 9 novembre 2007

2 300 € d'indemnité pour défaut d'information sur le Droit Individuel à la Formation (DIF) avec intérêts au taux légal à compter de son prononcé

550 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté M. [E] [Q] se ses autres demandes

- condamné la FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel de M. [E] [Q] reçue au greffe de la cour le 14 mars 2012 ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 12 mars 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [E] [Q] qui demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris

- statuant à nouveau,

de juger nul ses licenciements lui ayant été notifiés successivement les 23 mars et 30 juillet 2007

de fixer la moyenne de ses salaires à la somme de 2 936 € bruts mensuels

de condamner la FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à lui payer la somme indemnitaire de 237 816 € pour violation du statut protecteur et, subsidiairement, dire que son licenciement notifié le 23 mars 2007 est dépourvu de cause réelle et sérieuse

en tout état de cause, de condamner la FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT à lui verser les sommes suivantes :

105 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

17 616 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis et 1 762 € de congés payés afférents

52 848 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

2 936 € d'indemnité pour violation de l'obligation d'information sur le DIF

3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 12 mars 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT qui demande à la cour d'infirmer la décision déférée en ses chefs de condamnation et, statuant à nouveau, de rejeter l'ensemble des réclamations de M. [E] [Q] qui sera condamné à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

La FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT a embauché M. [E] [Q] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 18 mars 1997 en qualité de chef d'équipe, ouvrier polyvalent du groupe III - coefficient 370 de la convention collective nationale des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, moyennant un salaire de 8 724, 21 francs bruts mensuels.

Aux termes d'un dernier avenant du 13 janvier 2006, M. [E] [Q] a été nommé chef de service au sein de la [Adresse 3] située dans le [Localité 1] avec le statut de cadre.

Par lettre du 5 mars 2007, l'intimée a convoqué M. [E] [Q] à un entretien préalable prévu le 13 mars avec mise à pied conservatoire, à l'issue duquel elle lui a notifié le 23 mars 2007 son licenciement pour faute grave au motif que depuis l'arrivée de M. [M] aux fonctions de directeur adjoint, il avait montré «une opposition quasi systématique aux décisions émanant de (sa) hiérarchie ' (d'avoir) fait délibérément de l'obstruction à sa prise de fonction», situation constitutive d'une insubordination de sa part («Votre conduite, pour le moins peu coopérative et réitérée tant à l'égard de votre nouveau supérieur hiérarchique que moi-même, met incontestablement en cause la bonne marche de l'établissement et ne permet pas de vous maintenir plus longtemps au poste de responsabilité qui est le vôtre»).

Le syndicat CFE CGC de la Fédération française de la santé, de la médecine et de l'action sociale a adressé un courrier le 9 mai 2007 à l'inspection du travail en ces termes : «' Monsieur [E] [Q] ' est élu membre du CE ' et ne peut donc pas être licencié du fait du principe immunitaire lié à son mandat ' la Directrice de cet établissement non seulement a passé outre ce principe fondamental de droit, mais de surcroît, inflige le licenciement à un salarié protégé sans même vous consulter et demander votre autorisation '»).

Cette même organisation syndicale a multiplié les courriers ultérieurement aux fins d'obtenir la «réintégration immédiate» au sein de la fondation de M. [E] [Q], ce qui a conduit l'employeur à reprendre la procédure en convoquant le 15 mai 2007 le comité d'entreprise à une réunion prévue le 25 mai en vue de recueillir son avis sur la mesure de licenciement envisagée à l'encontre de ce dernier, convocation suivie d'une saisine le 30 mai de l'inspection du travail aux fins d'obtenir une autorisation de licenciement qui a été donnée à l'issue d'une enquête contradictoire par une décision du 24 juillet, avant qu'il ne soit procédé à la notification à l'intéressé le 30 juillet d'un deuxième licenciement pour faute grave reposant sur les mêmes griefs.

L'autorisation de licenciement de l'inspection du travail du 24 juillet a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juillet 2009, confirmé par la cour administrative d'appel de Paris ayant rejeté le 25 novembre 2010 la requête en annulation à l'initiative de la FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT.

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, l'appelant percevait un salaire moyen de 2 936 € bruts mensuels.

Sur le licenciement

Au soutien de sa demande aux fins de voir juger nul son licenciement du 23 mars 2007, M. [E] [Q] rappelle qu'il a été élu le 6 novembre 2005 membre suppléant au sein du comité d'établissement - collège cadre - regroupant trois sites distincts (le centre d'accueil et d'hébergement d'urgence de la [Adresse 5]), que la fondation ayant décidé de fermer le site de la rue Duranton où il était jusque-là affecté, il a été muté à compter du 1er janvier 2006 à la [Adresse 3] ([Adresse 4]) comme chef de service, que dès lors il convenait d'appliquer l'article L.2324-26 du code du travail prévoyant la poursuite de son mandat d'élu du personnel jusqu'à son terme en l'absence de protocole conclu avec les organisations syndicales ou de décision juridictionnelle contraire, et qu'en conséquence ce licenciement est nul faute d'avoir été précédé d'une autorisation administrative requise par l'article L.2411-8 du même code.

En réponse, l'intimée considère que M. [E] [Q] a perdu l'exercice de son mandat de représentant du personnel au comité d'établissement regroupant les trois sites précités dès l'instant où il a été muté à compter du 1er janvier 2006 sur un site autre - la Maison du Partage - ne relevant pas du périmètre du comité d'établissement au sein duquel il avait été élu en novembre 2005, et qu'il est constant que si le salarié accepte une mutation par voie d'avenant, comme en l'espèce, dans une structure ne dépendant pas du périmètre de l'institution représentative au sein de laquelle il a été élu, son mandat prend fin avec perte définitive du bénéfice de son statut protecteur six mois plus tard en application de l'article L.2411-8 du code du travail.

Si par principe l'existence d'un mandat électif est inséparable du périmètre dans lequel celui-ci est appelé à s'exercer, ce qui pose la question de sa durée et des causes possibles de cessation anticipée, il convient de considérer que la mutation d'un site à un autre au sein de l'entreprise entraine nécessairement la caducité dudit mandat dès lors que son titulaire est de fait rattaché au périmètre d'un autre comité d'établissement différent de celui correspondant à son élection.

Cette caducité a eu pour effet en l'espèce la disparition du mandat de membre élu suppléant de l'appelant au sein du comité d'établissement regroupant les sites précités des 13ème, 15ème et 20ème arrondissements parisiens, du seul fait de la survenance de sa mutation non provisoire dans une autre structure du 19ème arrondissement qu'il a acceptée par un avenant daté du 13 janvier 2006 pour prendre effet au 1er janvier.

Dans sa décision précitée du 25 novembre 2010, la cour administrative de [Localité 1], tout en confirmant le jugement déféré qui relevait l'incompétence de l'inspection du travail lors de sa décision du 24 juillet 2007 puisque le contrat de travail devait être considéré comme rompu à la date du 30 mai 2007, ne manquait pas elle-même de se poser la question du statut protecteur présentement invoqué («à supposer que (M. [Q]) ait pu être regardé comme ne bénéficiant plus du statut de salarié protégé à la date de la décision litigieuse, l'inspecteur du travail était incompétent pour se prononcer sur son licenciement»).

Il en résulte que M. [E] [Q] ne pouvait plus se prévaloir d'un statut protecteur de membre élu suppléant du personnel à compter du 1er juillet 2006 - date de prise d'effet de sa mutation à la [Adresse 3] le 1er janvier 2006 + 6 mois -, situation exclusive de toute application de l'article L.2324-26 du code du travail dont il se prévaut à tort puisque traitant de l'hypothèse autre d'une modification dans la situation juridique de l'entreprise au sens de l'article L.1224-1 du même code.

Contrairement en outre à ce que prétend l'appelant (ses conclusions, page 15), les juridictions administratives saisies n'ont pas déclaré nul son licenciement notifié le 23 mars 2007.

Dès lors que M. [E] [Q] ne pouvait légalement se prévaloir d'aucun statut de salarié élu protégé courant mars 2007, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ses demandes en nullité du licenciement notifié le 23 mars et en paiement d'une indemnité pour «violation du statut protecteur».

Nonobstant ce que soutient encore l'appelant, la cour administrative d'appel de [Localité 1] n'a pas davantage dans sa décision du 25 novembre 2010 «invalidé» la deuxième lettre de licenciement du 30 juillet 2007.

Cette deuxième lettre s'inscrit dans le cadre de la procédure que la FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT a cru bon devoir reprendre le 30 mai 2007 - demande à l'inspecteur du travail aux fins d'autorisation de licenciement -, ce dont elle n'était pas tenue en l'absence de statut protecteur comme précédemment rappelé, autorisation obtenue de l'inspection du travail par une décision du 24 juillet à propos de laquelle le juge administratif a relevé son incompétence dès lors que le contrat de travail entre les parties était déjà rompu à la date de sa saisine, décision administrative en toute hypothèse dépourvue d'effet puisque postérieure à la première lettre de licenciement du 23 mars 2007, seule à prendre en compte quant à l'appréciation du bien fondé de la rupture et des droits du salarié au titre de l'indemnisation de son préjudice.

Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave notifié le 23 mars 2007 à M. [E] [Q], la FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT produit des témoignages (ses pièces 7-8-9) de collègues de travail en poste à la Maison du Partage indiquant qu'il a de fait très mal pris la nomination de M. [M] au poste de directeur adjoint, en adoptant à son égard une attitude négative peu propice au développement d'un climat de travail harmonieux au sein de la structure, ce que ce dernier confirme lui-même dans une autre attestation (pièce 10), avec plus généralement un comportement d'opposition vis-à-vis de sa hiérarchie.

M. [E] [Q] se contente d'affirmer que l'arrivée de M. [M] comme directeur adjoint à la [Adresse 3], en plus de ses fonctions de même nature sur le site de Saint Martin, «n'avait pas été appréciée de l'ensemble des salariés» - ses conclusions, page 22 - et, au soutien de sa contestation, ne produit lui-même aux débats qu'un courrier de la secrétaire du CHSCT sur un problème de désamiantage et un tract du syndicat CGT hostile à cette nomination qualifiée d'«inopportune» (ses pièces 21-22), ce qui relève pourtant du pouvoir de direction de l'employeur sous la seule réserve d'un abus.

Au vu de ces éléments, il apparait une faute de la part de l'appelant qui, en tant que chef de service, se devait de coopérer loyalement avec sa hiérarchie, ce dont il s'est manifestement abstenu.

La décision querellée sera ainsi confirmée en ce qu'elle a jugé que si le licenciement pour motif disciplinaire de M. [E] [Q] repose sur une cause réelle et sérieuse, le déboutant de sa demande indemnitaire à ce titre (105 000 €), il ne peut être retenu la qualification de faute grave ayant nécessité son départ immédiat de la fondation, sans préavis, avec privation des indemnités de rupture.

La décision critiquée sera en conséquence tout autant confirmée en ses dispositions relatives aux indemnités conventionnelles de rupture revenant à l'appelant, soit les sommes de :

- 17 616 € d'indemnité compensatrice de préavis (article 3.14, 2 936 € x 6 mois) et 1 762 € d'incidence congés payés ;

- 29 360 € d'indemnité de licenciement (article 3.15, pour une ancienneté cumulée de 10 années, 2 936 € x 10) ;

avec intérêts au taux légal partant du 9 novembre 2007, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation.

Sur le Droit Individuel à la Formation (DIF)

Dès lors que l'article L.933-6 du code du travail ancien, tel qu'applicable lors de la notification du licenciement par une lettre du 23 mars 2007, excluait toute information sur le DIF en cas de faute grave, le jugement déféré sera infirmé sur ce point et M. [E] [Q] verra rejetée sa demande indemnitaire de ce chef (2 936 €).

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Aucune circonstance d'équité ne commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'intimée sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions sur le Droit Individuel à la Formation (DIF) ;

Statuant à nouveau sur ce chef de demande,

REJETTE la réclamation indemnitaire de M. [E] [Q] au titre du DIF ;

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la FONDATION DE L'ARMEE DU SALUT aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/02712
Date de la décision : 07/05/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°12/02712 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-07;12.02712 ?
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