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06/05/2014 | FRANCE | N°13/14748

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 06 mai 2014, 13/14748


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 06 MAI 2014



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14748



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juin 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 10/005369





APPELANTS



Monsieur [S] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Frédéric LALLEM

ENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480



Maître [B] [V] Commissaire à l'exécution du Plan de la SARL AQUITAINE SECURITE PREVENTION, nommé par jugement du Trib...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 06 MAI 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14748

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juin 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 10/005369

APPELANTS

Monsieur [S] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Maître [B] [V] Commissaire à l'exécution du Plan de la SARL AQUITAINE SECURITE PREVENTION, nommé par jugement du Tribunal de Commerce de BORDEAUX en date du 5 octobre 2011

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

SARL AQUITAINE SECURITE PREVENTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Me Jacques-Brice MOMNOUBIN, avocat au barreau de BORDEAUX

SELARL SELARL CHRISTOPHE MANDON prise en la personne de son représentant légale domiciliés en cette qualité audit siège

représentant des créanciers

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

INTIMEE

SA BNP PARIBAS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée par Me Brigitte GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement rendu le 1er juin 2010 par le tribunal de commerce de Paris qui a débouté Monsieur [S] [Y] et la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, et les a condamnés, in solidum, à payer à la BNP PARIBAS la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION et par Monsieur [S] [Y] à l'encontre de cette décision ;

Vu les interventions volontaires de Maître [B] [V] et de la SELARL Christohe MANDON, pris en leur qualité respective d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers de la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION ;

Vu la demande des parties et l'ordonnance de retrait du rôle rendue le 15 mai 2012 par le magistrat de la mise en état ;

Vu la réinscription au rôle effectuée par la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION, Monsieur [S] [Y], Maître [B] [V], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION et la SELARL [E] [N] en sa qualité de représentant des créanciers ;

Vu les conclusions signifiées le 18 février 2014 par la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION,(ASP) et Monsieur [S] [Y], en présence de Maître [V], commissaire à l'exécution du plan de la société, qui demandent à la cour , 'vu les articles 547, 552, 562, 563, 564, 565 et 566 et suivants du code de procédure civile, vu les articles L131-2 et 131-15 du Code Monétaire et Financier, vu L561-10-2, II du Code Monétaire et financier, vu le règlement du Comité de la Réglementation Bancaire et financière n° 2001- 04 du 29 octobre 2001 et l'arrêté du 17 décembre 2001, vu l'instruction n° 02-002-K1-P-R du 9 Janvier 2002 du Ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie, Direction Générale de la Compatibilité Publique, 7ème Sous-direction Bureau 7C, 5ème sous-direction-Bureau 5A, vu les articles 10, 1134, 1147 et 1382 du code civil, vu l'article 110-4 du code de commerce, vu l'article 3.1 des conditions particulières du compte courant, vu l'article 4 des conditions générales de banque chez BNP, vu la jurisprudence de la Cour de Cassation, vu les sommations infructueuses n°l de communiquer signifiée à la BNP le 05 Avril 2012 et n°2 de communiquer signifiée à la BNP le 25 Avril 2012, vu la demande de délai de la banque pour effectuer les recherches des documents objet des sommations, vu le défaut de diligence de la banque, vu le délai raisonnable accordé à la banque pour la production desdites pièces, vu notamment l'attestation du 29 novembre 2013 de la banque, vu les pièces, de les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel, de donner acte à Maître [V], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de ASP et de la SELARL Christophe MANDON, ès qualités de représentant des créanciers, de ce qu'ils s'en remettent aux écritures, de réformer en totalité le jugement (déféré) et statuant à nouveau, de constater la carence de la banque BNP PARIBAS au regard des sommations de communiquer et de l'itérative sommation délivrées dans le cadre de la présente instance, ce faisant de constater la violation d'une obligation de résultat pesant sur la banque BNP PARIBAS, de constater qu'ils doivent tirer tous avantages de droit et de fait de l'attestation du 29 novembre 2013 de la BNP, de constater que la banque BNP PARIBAS a commis des fautes relevant d'une mauvaise tenue du compte-chèques de la société ASP et du paiement de chèques irréguliers, de constater que la banque a commis des manquements à son devoir de vigilance, de surveillance dans le fonctionnement du Compte Chèques de la société ASP et de diligence, de constater que ces manquements ont entraîné des préjudices (à leur) détriment, qui se sont traduits par une procédure de redressement fiscal et de sauvegarde de justice, de constater la violation de l'article 4 relatif au spécimen des conditions générales de banque chez BNP, de constater la violation de l'article 3.1 des conditions particulières de la convention de compte de la société ASP, de constater que le préjudice qu'ils supportent doit être déterminé dans le cadre d'une expertise judiciaire, de constater le lien de causalité entre ces manquements et la matérialité du préjudice, de constater que les fautes reprochées à la banque sont distinctes de celles reprochées à M. [A], de constater que les préjudices sont distincts et doivent être réparés, en conséquence, de dire et juger que la banque BNP PARIBAS a engagé sa responsabilité ( à leur égard), de condamner la banque BNP PARIBAS à payer à la société ASP la somme de 700.000,00 euros au titre de la réparation du préjudice financier, (...celle de ) 50.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral , de condamner la banque BNP PARIBAS à payer à Monsieur [Y] une somme d'un montant de 100.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice à déterminer, et de condamner la banque BNP PARIBAS à leur payer la somme de 30.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile , outre les entiers dépens';

Vu les conclusions signifiées le 25 février 2014 par la BNP PARIBAS qui demande à la cour de l'accueillir en ses conclusions, et les déclarer recevables et bien fondées, en conséquence, de débouter la société AQUITAINE PREVENTION (ASP), Monsieur [S] [Y], Maître [B] [V], es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL AQUITAINE SECURITE PREVENTION et la SELARL CHRISTOPHE MANDON, ès qualités de représentant des créanciers de l'intégralité de leur argumentation et de leurs demandes, et plus généralement de leur appel, comme étant irrecevables et subsidiairement mal fondés, de dire et juger que sa responsabilité n'est pas engagée, de rejeter toute demande de provision et de demande d'expertise, de confirmer le jugement déféré, le complétant de condamner les appelants in solidum à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et celle de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens tant de première instance que d'appel ;

SUR CE

Considérant que la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION est une entreprise de sécurité qui a pour activité principale la surveillance des bâtiments professionnels et administratifs ; qu'elle a été créée en 1997 entre une SARL Holding ABL (700 parts) et Monsieur [C] [A] ( 300 parts) sous forme d'une SARL avec un capital de 100.000FF divisé en 100 parts de 100FF ; que le capital, porté à 30.000 euros en 2001, a été ramené à 15.245 euros en 2002 ( 1000 parts de 15,245 euros) ; que Monsieur [A] est devenu associé majoritaire à partir de 2001; qu'il a été le premier gérant de la société ;

Considérant que par courrier du 12 septembre 2003, le préfet de la Gironde a informé Monsieur [A] qu'au vu d'une condamnation portée sur l'extrait n° 2 de son casier judiciaire, il ne remplissait plus les conditions de moralité exigées dans l'article 5 de la loi n°83-629 du 12/7/1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage, et de transport de fonds modifié par l'article 5 de la loi n° 2003-239 du 18/3/2003 pour la sécurité intérieure, et qu'en conséquence l'autorisation administrative de fonctionnement délivrée à la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION était retirée ; qu'il l'a mis en demeure de présenter de nouveaux statuts dans lesquels son nom ne devait plus apparaître et le procès verbal d'assemblée générale nommant le nouveau gérant ;

Considérant que par actes du 18 septembre 2003, et du 29 octobre 2003, Monsieur [S] [Y], embauché en septembre 2003 en qualité de directeur général, a acquis 300 parts de la société TELGA, gérée par Monsieur [M], puis 300 parts de Madame [J] épouse [F], moyennant le paiement du prix de 6.900 euros chaque fois ; qu'il est ainsi devenu associé majoritaire, les 400 autres parts étant détenues respectivement à raison de 300 parts par Madame [H] [A], épouse de Monsieur [A] et à raison de 100 parts par Madame [U] [A], sa mère ;

Considérant qu'aux termes d'une assemblée générale tenue le 19 septembre 2003, Monsieur [S] [Y] a été désigné en qualité de gérant ;

Considérant que le 12 août 2005, l'administration fiscale, qui avait contrôlé la comptabilité de la société pour la période du 1er janvier 2002 ou 31 décembre 2003, a notifié un redressement de 301.577 euros au titre de la TVA, de l'impôt sur les sociétés, des pénalités, ayant relevé, d'une part, parmi les irrégularités majeures mises en lumière, d'importants retraits de trésorerie espèces qui n'étaient pas justifiés par des factures de dépenses ou qui étaient justifiées par des fausses factures, les prestations facturées étant fictives, d'autre part que 'l'absence de factures et l'absence répétées de fausses factures établies au nom de sociétés réelles ou an difficulté, la présentation des chèques correspondants à la banque par le gérant de la société, à l'époque, seul détenteur de la signature bancaire afin d'obtenir en contrepartie la remise d'espèces importantes au guichet dans le but de détourner la trésorerie de l'entreprise à des fins personnelles (constituaient) des actes graves, conscients et volontaires'et des manoeuvres frauduleuses justifiant que les droits soient assortis outre de l'intérêt de retard, d'une majoration de 80 % ;

Considérant que le 4 novembre 2005, la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION a porté plainte et s'est constituée partie civile devant le Doyen des juges d'instruction de BORDEAUX contre Monsieur [C] [A] et Monsieur [R] [M] et touts autres des chefs d'abus de confiance, d'abus de biens sociaux, escroquerie faux et usage de faux, en exposant qu'elle avait été 'victime d'un véritable pillage de la part de Monsieur [A], lorsqu'il exerçait son mandat social de gérant, puis en tant qu'associé, et par Monsieur [M], dirigeant de multiples sociétés ayant bénéficié d'un emploi fictif', faits qui avait été découverts, par son nouveau gérant, Monsieur [Y], par le nouveau comptable qui avaient été désigné à compter du 1er janvier 2004 et par l'administration fiscale ; que parmi ces faits figuraient l'établissement répété de fausses factures au nom de différentes sociétés dont Monsieur [M] était le dirigeant ou au nom de sociétés qui n'avaient plus d'activités, la présentation de chèques à la BNP PARIBAS par Monsieur [A] seul détenteur de la signature bancaire, afin d'obtenir en contrepartie la remise d'espèces importantes au guichet dans le but de détourner la trésorerie de l'entreprise à des fins personnelles, la passation d'écritures fictives ;

Considérant que par jugement rendu le 19 janvier 2012, le tribunal correctionnel de BORDEAUX a déclaré Monsieur [A] coupable d'avoir détourné du matériel informatique, d'avoir commis des abus de biens sociaux au préjudice de la société ASP en faisant financer par celle-ci l'installation d'une alarme à son domicile, en procédant à des retraits d'espèces injustifiés et en se faisant rembourser des frais fictifs, établi des fausses factures et d'en avoir fait usage au préjudice de la société ASP, en effectuant des facturations croisées avec AGIS et SECURITE PREVENTION, ou en facturant des prestations inexistantes et en émettant des chèques de règlement qu'il présentait à la BNP laquelle lui remettait le montant en espèces, ces sommes servant à régler le salaire de personnes non déclarées ou des heures supplémentaires, quand Monsieur [A] ne se les appropriait pas ou n'en faisait pas bénéficié Monsieur [M] et la société TELGA; que Monsieur [M] a été déclaré coupable de recel d'abus de confiance ; qu'un expert-comptable, Monsieur [T], dont le tribunal a retenu qu'il avait rédigé le contrat de travail de Monsieur [M], expliqué à Monsieur [A] l'utilisation de fausses factures et inscrit en comptabilité les détournements de Monsieur [A] sous forme d'avoirs, de salaires ou de factures, a été condamné pour complicité d'abus de biens sociaux commis par Monsieur [A] ;

Considérant que la cour d'appel de BORDEAUX a, par arrêt du 10 septembre 2013, infirmé partiellement le jugement en relaxant Monsieur [C] [A] pour l'abus de biens sociaux portant sur les sommes versées au titre de salaires et de frais en contrepartie d'un contrat de travail fictif, a renvoyé Messieurs [M] et [T] des fins de la poursuite, confirmé le jugement en ses autres dispositions, ainsi que sur la peine (18 mois d'emprisonnement avec sursis), prononcé en outre la peine d'interdiction définitive de gérer une entreprise ;

Considérant que sur l'action civile la cour a confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Monsieur [Y] à titre personnel, qui n'était victime d'aucune des infractions retenues, et celle de la société ASP en ce qu'elle était dirigée contre Monsieur [T], les demandes ayant été portées devant la juridiction civile, a infirmé le jugement pour le surplus, débouté la société ASP des demandes dirigées contre Monsieur [M], qui était relaxé, et condamné Monsieur [A] à payer à la société ASP la somme de 330.889,90 euros à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que cette décision n'a pas été frappée de pourvoi en cassation ;

Considérant que le 21 novembre 2007, le tribunal de commerce de BORDEAUX a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION, a désigné Maître [B] [V] en qualité d'administrateur avec mission d'assistance et la SELARL [E] [N] en qualité de mandataire judiciaire ; que cette décision a été prise sur demande de Monsieur [Y] agissant avec ' conviction... et colère (provoquée par les) individus qui ont pillé sans vergogne cette entreprise et leurs accompagnants : experts comptables validant ce que certains ont refusé de faire, banquier remettant sans scrupule des sommes inconsidérées à leur guichet sans se poser de questions', et précisant qu'il était contraint à cette démarche, non seulement à cause de la dette fiscale mais par ce que le banquier ' celui là même qui remettait à l'ancien gérant des sommes folles en liquide, (venait) de dénoncer le seul concours (de l'entreprise)' ;

Considérant que le 9 juillet 2008, la même juridiction a arrêté le plan de sauvegarde de la société et nommé maître [V] en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Considérant que par jugement du 11 août 2010, le tribunal de commerce de BORDEAUX a constaté l'état de cessation des paiements de la société, prononcé la résolution du plan de sauvegarde, ouvert une procédure de redressement judiciaire, désigné Maître [V] en qualité d'administrateur avec mission d'assistance, et la SELARL MANDON en qualité d'administrateur ;

Considérant que le 5 octobre 2011, la même juridiction a arrêté le plan de redressement de la société et nommé Maître [V] en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Considérant que par assignation à bref délai du 15 janvier 2010, la société ASP et Monsieur [S] [Y] ont assigné la BNP PARIBAS devant le tribunal de commerce de Paris aux fins essentielles de la voir condamner à payer, à titre de provision, 400.000 euros à la société et 100.000 euros à Monsieur [Y], et de désigner un expert pour chiffrer les préjudices subis consécutifs 'aux retraits d'espèces injustifiés et cautionnés par le banquier' ; que c'est dans ces circonstances et conditions qu'est intervenu le jugement déféré ; que les premiers juges ont constaté que les retraits d'espèces avaient été effectués de façon étalée sur toute l'année 2002 à hauteur de 270.482 euros et 2003 à hauteur de 110.548 euros, qu'ils étaient faits contre remise de chèques régulièrement signés par le gérant de la société ; que ces retraits ne représentaient pas des opérations inhabituelles de complexité ; qu'ils ont dit que le principe de non ingérence de la banque dans les affaires de son client n'autorisait pas la banque à s'opposer aux demandes de retraits d'espèce qui étaient réguliers et formés par le gérant lui même qui était seul à avoir la signature sur le compte ; qu'il n'était pas de la responsabilité de la banque de vérifier la comptabilité de ses clients et la réalité des factures, ni l'utilisation des sommes régulièrement retirées du compte de ses clients ; que les règles concernant la lutte contre le blanchiment n'étaient pas applicables en l'espèce ; qu'ils ont conclu que la responsabilité de la banque ne pouvait être engagée en l'espèce ;

Considérant que la banque ne développe aucun moyen, aucun argument à l'appui de sa prétention tendant à voir déclarer irrecevables les demandes des appelants et même leur appel ; qu'il n'en existe aucun que la cour devrait soulever d'office ; que la BNP Paribas sera déboutée de cette demande ;

Considérant que la société ASP était titulaire d'un compte n° [XXXXXXXXXX01] dans l'agence [Localité 5] de la BNP PARIBAS ; qu'il n'est pas contesté que la BNP Paribas était la seule banque de la société ;

Considérant que par arrêt du 10 septembre 2013, il a été définitivement, irrévocablement, nécessairement et certainement jugé que Monsieur [A], gérant de la société ASP, qui disposait de la signature sur le compte bancaire, avait effectué des prélèvements à hauteur de 373.224 euros (270.482 euros en 2002 et 102.742 euros en 2003) en émettant des chèques à l'ordre de la BNP, qui lui remettait des espèces en contrepartie, qu'il intégrait en comptabilité en établissant des fausses factures ; qu'il résulte des énonciations de la décision que ces faits ont été révélés par le contrôle fiscal et que Monsieur [A] les a intégralement reconnus ; qu'il est constant que les retraits se sont effectués au guichet de l'agence qui tenait le compte de la société ;

Considérant en conséquence que les développements des appelants sur la production du specimen de signature de Monsieur [A], sur l'allégation de l'existence de signatures différentes, sur le règlement d'un chèque non signé (mais endossé par Monsieur [A]), sur l'existence de doubles signatures (étant à préciser que la banque a simplement mis une griffe sur le chèque aux côtés de la signature de Monsieur [A]), sur l'absence de désignation du bénéficiaire du chèque, sur l'absence de production par la banque des chèques n° 8396454, d'un montant de 31.909,28 euros et 84594062 d'un montant de 2282,38 euros (étant relevé, ainsi que cela résulte du tableau communiqué en pièce 12 bis, que le premier de ces chèques, n'a pas été décaissé en espèces et que le second est comptabilisé dans les détournements de 2003), sur le non respect des stipulations de la convention de compte relative au retrait d'espèces dans les agences bancaires autres que celle où le compte est tenu, sont dépourvus d'intérêt et de toute pertinence ;

Considérant s'agissant des chèques ' [X] [L]' que BNP n'a pas, comme l'indiquent les appelants, réglé des chèques établis à un porteur distinct du bénéficiaire, cette analyse relevant d'une erreur de compréhension des termes du rapport établi par l'administration fiscale ;

Que l'inspecteur des impôts a, en effet, écrit ceci ' il est à noter que deux factures AGIS ' en votre aimable règlement par chèque bancaire à l'ordre de [X] [L]' ont été en fait encaissés par le gérant de la société ASP en espèces avec des chèques BNP libellés à l'ordre de la BNP :

facture AGIS du 30/3/2002 montant TTC 29.354,98 montant HT 24.544,30€ :

encaissement de deux chèques BNP en espèces du 19/4/2002 18.506,40 et du 10/4/2002 10848,58 total 29354,98

facture AGIS du 31/12/2002 Montant TTC 13.286,42 Montant HT 11109,05€

encaissement de deux chèques BNP en espèces du 14/1/2003 4952,06 et du 8/1/2003 8334,26 total 13286,32,

Par ailleurs d'autres factures présentées émanant du même fournisseur société AGIS portent également la même mention ' en votre aimable règlement par chèque bancaire, à l'ordre de [X] [L]' mais les chèques BNP sont libellés à l'ordre de [X] [L]' ;

Qu'il s'évince de ce qui précède que les deux factures du 30 mars 2012 et du 31 décembre 2002 sont des fausses factures, les 4 chèques, censés les acquitter, ayant été tirés par Monsieur [A] sur le compte de la société, émis à l'ordre de la BNP et retirés en espèces et que les autres chèques émis à l'ordre de Madame [X] ont été, régulièrement encaissés par la bénéficiaire des chèques ;

Considérant que l'article L 561-10-2 du code monétaire et financier n'est pas applicable aux faits de l'espèce, compte tenu de leur date ; que les appelants ne peuvent invoquer la violation de l'obligation de vigilance imposée aux organismes financiers en application des articles L 562 ( ancien) et suivants, qui n'ont pour finalité que la détection de transactions portant sur des sommes en provenance du trafic de stupéfiants ou d'activités criminelles organisées, et dont la méconnaissance est sanctionnée disciplinairement ou administrativement, pour obtenir la condamnation de l'établissement financier à des dommages-intérêts ;

Considérant que l'action de la société s'inscrit dans le cadre des relations contractuelles d'un client et d'une banque et que la référence aux dispositions de l'article 1382 du code civil n'est pas pertinente ;

Considérant que la question posée à la cour est celle de savoir si la banque a commis une faute vis à vis de la société ASP, qui était son client, au visa de l'article 1147 du code civil, en procédant à des décaissements d'espèces au bénéfice de son gérant dans les conditions qui ont été précisées plus haut ;

Considérant que la banque soutient qu'elle n'était pas en droit de s'opposer aux demandes de prélèvement en espèces qui lui étaient présentés par le gérant de la société cliente ou un représentant habilité pour ce faire, qu'il lui est interdit de s'immiscer dans les affaires de son client, qu'elle n'avait pas accès aux factures, vraies ou fausses et qu'elle ne tenait pas la comptabilité ;

Considérant que l'examen des photocopies des chèques litigieux qui sont versés au dossier fait apparaître, comme suit leur date et leur montant : 8 janvier 2002 19.056,13 euros, 7 février 2002 29.138 euros, 13 février 2002 19.537,87 euros, 9 avril 2002 18.506,40 euros, 10 avril 2002 10. 848,58 euros , 10 mai 2002 19.795,46 euros, 7 juin 2002  22.867,35 euros, 11 juin 2002 13.720,41 euros, 19 juin 2002 7.622,45 euros, 12 juillet 2002 25.010 euros, 14 août 2002 21.342,86 euros, 16 août 2002 3.354,95 euros, 12 septembre 2002 12.195,92 eurps, 8 octobre 2002 7.400,45 euros, 7 novembre 2002 8.384,70 euros, 11 décembre 2002 13.401,18 euros, 8 janvier 2003 8.334,26 euros, 14 janvier 2003 4.952,06 euros, 13 février 2003 10.488,29 euros, 13 mars 2003 2.995 euros, 9 avril 2003 9.703,15 euros, 11 avril 2003 7.616,61 euros, 15 mai 2003 12.708,94 euros, 13 juin 2003 14.508,83 euros, 9 juillet 2003 11.442,02 euros, 14 août 2003 7.622,45 euros, 18 septembre 2003 3.887,93 euros; qu'il démontre l'intensité et la densité de leur émission pour des montants importants et met en évidence la particularité de leurs montants qui n'étaient pas 'ronds' mais étaient tous affectés de décimales ;

Considérant que le tribunal de commerce a calculé que les retrais en espèces représentaient 20 % des mouvements bancaires en 2002 et 11,5 % en 2003, ce dernier chiffre devant être corrigé du fait que la quasi totalité des détournements sont intervenus antérieurement au mois de septembre 2003 ;

Considérant que l'agence qui gérait le compte de la société ne pouvait que s'apercevoir, en se livrant à une analyse qui ne dépassait pas l'examen formel des chèques, et en constatant leur fréquence, non seulement, que Monsieur [A], dans le cadre d'une pratique habituelle, se livrait à des actes anormaux de gestion mais qu'il commettait des infractions, les chèques ne pouvant, compte tenu de leur montant, que correspondre au montant de factures, et qu'il spoliait la société dont elle tenait le compte ; qu'il sera relevé que la banque avait nécessairement son attention attirée par ces retraits puisqu'il résulte de la convention de compte qui lie les parties que le client devait prévenir 48 heures à l'avance quand il souhaitait effectuer un retrait d'espèces d'au moins 5.000 euros ;

Considérant qu'aucune conséquence juridique ne peut être tirée, dans l'intérêt de la banque, de ce que Monsieur [A] a été condamné pénalement et civilement pour les abus de biens sociaux commis, et de ce que l'information pénale ne s'est pas attachée à rechercher sa responsabilité pénale ;

Considérant qu'en procédant aux décaissements d'espèces ci-dessus décrits qui étaient des opérations anormales par leur nombre et leur montant, et en ne procédant pas à la clôture du compte, la banque a commis une faute vis à vis de sa cliente dont elle assurait la tenue du compte et qui a été privé ainsi de sa trésorerie ;

Considérant que le préjudice subi par la société ASP est égal au montant des chèques décaissés ; qu'une expertise n'est pas nécessaire pour le chiffrer ; qu'aucun autre des préjudices invoqués n'est en lien avec la faute telle qu'elle vient d'être caractérisée hormis le préjudice moral que la cour estime devoir indemniser à hauteur de 10.000 euros;

Considérant que les demandes indemnitaires formées par Monsieur [Y] ne peuvent être accueillies en l'absence de faute commise par la banque qui lui soit préjudiciable ; qu'il doit donc être débouté de toutes ses demandes ;

Considérant que compte tenu du sort réservé au recours , la procédure engagée par les appelants ne peut être qualifiée d'abusive ;

Considérant que la BNP PARIBAS, qui succombe et sera condamnée aux dépens, ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande au contraire qu'elle soit condamnée à verser à ce titre la somme de 5.000 euros à la société ASP ;

PAR CES MOTIFS

Déboute la BNP PARIBAS de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes des appelants ainsi que leur appel,

Confirme le jugement déféré uniquement en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] de ses demandes, l'infirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la BNP PARIBAS à payer à la société AQUITAINE SECURITE PREVENTION la somme de 383.224 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne BNP PARIBAS aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ces derniers, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/14748
Date de la décision : 06/05/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°13/14748 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-06;13.14748 ?
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