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06/05/2014 | FRANCE | N°13/06942

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 06 mai 2014, 13/06942


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 4
ARRÊT DU 06 MAI 2014
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/ 06942
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de FONTAINEBLEAU, section encadrement RG no F12/ 00212

APPELANT
Monsieur Jean-Baptiste X... Demeurant ...-75014 PARIS Comparant en personne
Assisté de Me Audrey LEGUAY, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 218

INTIMÉE
SAS EDITIONS LVA

Prise en la personne de ses représentants légaux Sise Château de la Magdeleine-77920 SAMOIS SUR SEINE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 4
ARRÊT DU 06 MAI 2014
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/ 06942
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de FONTAINEBLEAU, section encadrement RG no F12/ 00212

APPELANT
Monsieur Jean-Baptiste X... Demeurant ...-75014 PARIS Comparant en personne
Assisté de Me Audrey LEGUAY, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 218

INTIMÉE
SAS EDITIONS LVA Prise en la personne de ses représentants légaux Sise Château de la Magdeleine-77920 SAMOIS SUR SEINE
Représentée par Maître Mélanie THOMAS-COTTEAUX, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président, et Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Greffier : Madame Laetitia LE COQ, lors des débats
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Madame Mélanie RAMON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur Jean-Baptiste X... du jugement du conseil de prud'hommes de Fontainebleau, section encadrement, rendu le 28 juin 2013 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Monsieur Jean-Baptiste X... a été engagé par la SAS EDITIONS LVA par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 février 2008 en qualité de secrétaire de rédaction coefficient 110 de la convention collective des journalistes, et affecté au magazine mensuel « Autorétro ». Son temps de travail était décompté selon un forfait annuel en heures, en application de l'accord d'entreprise du 2 juillet 2002. Sa rémunération moyenne mensuelle s'élevait à 2 759, 75 ¿.
Le 18 juillet 2011, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 1er août 2011.
Le 4 août 2011, il a été licencié pour motifs d'ordre disciplinaire. Par lettre du 19 août 2011, l'employeur l'a dispensé d'effectuer son préavis de deux mois.
Monsieur Jean-Baptiste X... demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement,
- de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de condamner la SAS EDITIONS LVA à lui verser les sommes suivantes :
40 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, intérêts légaux, 2 500 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SAS EDITIONS LVA demande à la Cour :
- de confirmer le jugement,
- de débouter Monsieur Jean-Baptiste X... de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire de réduire l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions,
- de le condamner à lui verser la somme de 2 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige fait état des griefs suivants :
1- de ne pas s'être présenté sur son lieu de travail le 5 juillet 2011, d'avoir informé Xavier Y..., son supérieur hiérarchique, de son absence par SMS vers 10h, sans préciser s'il s'agissait d'un simple retard ou d'une absence pour toute la journée et de ne pas avoir fourni le justificatif de son absence ;
2- d'avoir quitté son poste de travail en plein milieu de la matinée le 8 juillet 2011 pour se rendre chez le coiffeur, sans en informer son supérieur hiérarchique direct alors qu'il devait transmettre le fichier Courrier à l'un de ses collègues qui l'attendait afin de poursuivre sa mission ;
3- d'avoir quitté son poste de travail en pleine journée le 1er juillet 2011 pour se rendre chez l'ostéopathe en dehors des horaires habituels de présence, sans en informer son supérieur hiérarchique ; l'ensemble de ces faits intervenant à la suite d'une démarche entreprise par le directeur des rédactions et la DRH en vue de clarifier ses missions et d'optimiser l'organisation de la rédaction ;
4- d'avoir adressé des courriels polémiques et des demandes injustifiées depuis le 4 mai 2011 ;
5- d'avoir refusé de travailler sur le prochain hors-série au prétexte que le montant de la prime était insuffisant alors que, dans le même temps, il se plaignait d'être en sous-charge de travail ;
6- d'avoir fait une fausse déclaration dans la retranscription de son décompte d'heures ;
7- de ne pas avoir envoyé son rapport d'activité pour la période allant du 27 juin 2011 jusqu'au 4 août 2011 ;
8- de n'avoir eu de cesse, à compter du début du mois de mai 2011, que de polémiquer, de tenter de constituer un dossier de harcèlement à charge à l'encontre de l'entreprise et d'adopter une stratégie visant à obtenir la rupture de son contrat de travail, le courriel daté du 11 juillet 2011 caractérisant, selon l'employeur, cette volonté manifeste.

Sur le premier grief
Aux termes de l'article 4 du règlement intérieur « en cas d'absence inopinée, chaque salarié doit informer ou faire informer au plus tôt son supérieur hiérarchique, qui avisera immédiatement la direction des ressources humaines. En outre, il est tenu de fournir une justification de son absence dans les 48 heures, sauf cas de force majeure ». L'article 17 de ce même règlement intérieur intitulé « nature et échelle des sanctions » prévoit que des sanctions pourront être appliquées en cas d'absence injustifiée.
Il est établi que Monsieur Jean-Baptiste X... s'est absenté le 5 juillet 2011 et n'a jamais justifié son absence. Le salarié reconnaît la réalité de ce grief. Il précise qu'il n'a pas pensé le 5 juillet 2011 à demander à son médecin une attestation médicale et qu'il n'a pas pu en obtenir une par la suite, le médecin ayant refusé d'établir une attestation rétroactive. Il ne justifie toutefois d'aucune démarche auprès de ce médecin. Le comportement fautif de Monsieur Jean-Baptiste X... est avéré.

Sur le deuxième grief
Monsieur Jean-Baptiste X... admet qu'il s'est bien absenté de son poste de travail non en plein milieu de la matinée mais seulement de 11h15 à 12h30 pendant la pause déjeuner qu'il avait prise un peu plus tôt ce jour là pour se rendre chez son coiffeur. Il rappelle qu'il bénéficie d'une autonomie dans l'organisation de son temps de travail en raison de l'application d'un forfait annuel en heures.
S'il est vrai que Monsieur Jean-Baptiste X... disposait d'un forfait annuel horaire et ainsi d'une certaine autonomie dans l'organisation de la journée de travail, cela ne le dispense pas pour autant d'informer son supérieur hiérarchique de manière à veiller à ne pas perturber l'organisation de la société par un départ à une heure inhabituelle de son poste de travail d'autant plus que l'absence était prévisible. En avisant son supérieur hiérarchique, il lui aurait permis de prendre les dispositions pour que le courrier en question soit effectivement transmis au plus tôt à son collègue.
En ne prenant pas suffisamment en compte les intérêts de la société qui pendant le temps de travail doivent privilégier ses besoins personnels, Monsieur Jean-Baptiste X... a commis un manquement professionnel.
Sur le troisième grief
Monsieur Jean-Baptiste X... conteste ce grief ; Il ne s'est jamais rendu chez son ostéopathe le 1er juillet 2011, mais le 28 juin 2011 comme le démontre la facture délivrée par son ostéopathe et versée aux débats.
Ce grief ne saurait être retenu. Au-delà de l'erreur de date, l'employeur reproche au salarié de s'être absenté de son poste de travail « en dehors des horaires habituels de présence ». Cette incohérence enlève toute fiabilité au troisième grief.

Sur le quatrième grief
L'employeur prétend que Monsieur Jean-Baptiste X... a adopté une attitude particulièrement désinvolte, polémique et provocatrice envers la direction en raison de ses récriminations permanentes, en persistant à soutenir par écrit et par courriel qu'en lui imposant la rédaction de rapports d'activité, il était victime de discrimination et d'une véritable dégradation de ses conditions de travail.
Si les courriels adressés par le salarié à sa direction traduisent des rapports tendus à la suite des décisions prises après la réunion qui s'est tenue le 4 mai 2011 avec pour objet la définition du poste de Monsieur Jean-Baptiste X..., l'organisation du travail et la définition des objectifs à atteindre, ils sont l'expression d'une discussion, certes vive sur la nouvelle organisation de ses attributions mais ne saurait en soi constituer une faute professionnelle.

Sur le cinquième grief
L'employeur n'entend pas fonder le licenciement sur le refus par le salarié de travailler sur un hors-série. Il ressort clairement de la lettre de licenciement que l'employeur a pris en compte le refus du salarié de collaborer sur le hors-série malgré une charge de travail allégée.
L'employeur a souhaité rappeler que Monsieur Jean-Baptiste X... avait le temps matériel pour s'impliquer davantage et notamment pour exécuter la nouvelle tache qui lui avait été demandée, à savoir établir chaque semaine un rapport d'activité afin d'identifier les besoins ou les lacunes du service en termes d'organisation.

Sur le sixième grief
L'employeur ne fournit aucun élément de nature à démontrer que le salarié a fait une fausse déclaration dans son relevé d'heures.
Monsieur Jean-Baptiste X... indique qu'il ne peut lui être reproché cette différence d'heures entre ses comptes-rendus d'activité et ses relevés d'heures, ces deux documents n'ayant pas le même objet et la même finalité.
L'employeur ne s'explique pas sur la pertinence de comparer les deux documents.
Ce grief ne saurait constituer une faute professionnelle.

Sur le septième grief
Il a été convenu lors de la réunion du 4 mai 2011 que Monsieur Jean-Baptiste X... transmettrait chaque semaine un rapport d'activité. La périodicité hebdomadaire de l'envoi de ce rapport a été confirmée par la directrice des ressources humaines dans un courriel en date du 17 mai 2011. L'employeur reconnaît avoir reçu les rapports d'activité les 18 mai, 27 mai, 20 juin et 24 juin 2011.
Monsieur Jean-Baptiste X... s'est donc conformé aux exigences de son employeur. Les retards dans la transmission des comptes-rendus ne caractérisent pas un refus délibéré de se soumettre aux directives de son employeur.
La SAS EDITIONS LVA lui reproche de ne pas avoir adressé ses comptes-rendus d'activité sur la période allant du 27 juin 2011 jusqu'au 4 août 2011, or le salarié était en arrêt maladie du 12 juillet 2011 jusqu'au 4 août 2011.
Ce grief est insuffisamment caractérisé pour qualifier une insubordination fautive pouvant justifier le licenciement.

Sur le huitième grief
Le 11 juillet 2011, Monsieur Jean-Baptiste X... a échangé plusieurs courriels avec sa direction. Il a interrogé son employeur sur la dégradation des conditions de travail : « en l'espace de deux mois, les conditions de travail se sont largement dégradées, je subis des pressions, je dois tout d'un coup justifier continuellement de mon travail. La situation est proprement insupportable. Je vous le demande par oral, mais à présent je le fais par écrit attendant une réponse du même ordre : je veux savoir ce qu'il se passe ».
Il ne ressort de ces courriels aucune volonté de constituer un dossier de harcèlement, aucune demande de dommages et intérêts à ce titre n'a été formée devant la cour, ni pour tenter d'obtenir la rupture de son contrat de travail.
Une demande d'explications mêmes insistante auprès de son employeur ne saurait caractériser un comportement fautif.
Ainsi la plupart des nombreux griefs invoqués par l'employeur à l'encontre du salarié se sont révélés infondés, seuls subsistent une absence injustifiée pour rester au chevet de son enfant malade et une absence pour accomplir en fin de matinée une tâche personnelle, absences n'ayant, au demeurant entraîné aucun trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise et alors que le salarié bénéficie d'une certaine autonomie dans la gestion de son temps de travail.
Le licenciement prononcé à titre de sanction l'encontre de Monsieur Jean-Baptiste X... est disproportionné aux seuls faits finalement établis qui ne sauraient revêtir le caractère d'une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L. 1232-1 du Code du Travail.
La SAS EDITIONS LVA emploie plus de 11 salariés. À la date du licenciement, Monsieur Jean-Baptiste X... avait 37 ans, bénéficiait d'une ancienneté de 3 ans et demi au sein de l'entreprise, percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2 759, 75 ¿.
Il n'est pas contesté que Monsieur Jean-Baptiste X... n'a retrouvé un emploi qu'un an après son licenciement et a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage. Il convient d'évaluer à la somme de 21 000 ¿ le montant de l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du Code du Travail.
En application de l'article L. 1235-4 du même code, l'employeur sera tenu de rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Jean-Baptiste X... les frais irrépétibles qu'il a exposés. La SAS EDITIONS LVA devra lui verser la somme de 2 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Monsieur Jean-Baptiste X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS EDITIONS LVA à payer à Monsieur Jean-Baptiste X... la somme de 21 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Condamne la SAS EDITIONS LVA à payer à Monsieur Jean-Baptiste X... la somme de 2 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne la SAS EDITIONS LVA aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 13/06942
Date de la décision : 06/05/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2014-05-06;13.06942 ?
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