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06/05/2014 | FRANCE | N°13/02602

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 06 mai 2014, 13/02602


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 06 Mai 2014

(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/02602



Décision déférée à la Cour : sur requête à l'encontre d'un arrêt rendu le 18 Septembre 2012 par la Cour d'Appel de PARIS chambre 10 pôle 6 RG n° 10/01902







DEMANDEUR A LA REQUETE

Monsieur [F] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

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assisté de Me Karim BOURAHLA, avocat au barreau de PARIS, toque : R210







DÉFENDEUR A LA REQUETE

SAS LA CORBEILLE BLEUE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Julien DUFFOUR, avoca...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 06 Mai 2014

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/02602

Décision déférée à la Cour : sur requête à l'encontre d'un arrêt rendu le 18 Septembre 2012 par la Cour d'Appel de PARIS chambre 10 pôle 6 RG n° 10/01902

DEMANDEUR A LA REQUETE

Monsieur [F] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne

assisté de Me Karim BOURAHLA, avocat au barreau de PARIS, toque : R210

DÉFENDEUR A LA REQUETE

SAS LA CORBEILLE BLEUE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Julien DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0470

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Claudine PORCHER, présidente

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 10 décembre 2013

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudine PORCHER, présidente et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [F] [U] a été engagé par contrat à durée déterminée en date du 1er juillet 2003 par la société LA CORBEILLE BLEUE, en qualité de chauffeur véhicule léger, manutentionnaire polyvalent, position ouvrier, coefficient 150, niveau I de la convention collective nationale des industries et commerces de la récupération et du recyclage.

Aux termes d'un contrat en date du 1er février 2006, il a été promu chauffeur poids lourds, position ouvrier, coefficient 175, niveau II de la même convention collective.

Le 21 octobre 2008, il a été licencié pour faute grave.

Saisi par le salarié, le conseil de prud'hommes de Paris, par jugement du 4 septembre 2009, rejetant la notion de faute grave, avait condamné la société LA CORBEILLE BLEUE à verser à Monsieur [U] 890 € au titre du salaire de la mise à pied conservatoire, les congés payés afférents, 4 136,72 € au titre de l'indemnité de préavis, 413,67 € au titre des congés payés afférents ainsi que 750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [U] a interjeté appel de cette décision.

Suivant arrêt prononcé le 18 septembre 2012, la présente cour a infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, ordonné la réintégration de Monsieur [U] au sein de la société LA CORBEILLE BLEUE dans son emploi de "chauffeur poids lourd" selon les conditions prévues par le contrat de travail, sans préjudice des droits afférents à son ancienneté, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt. La cour a encore renvoyé les parties à calculer le montant du préjudice financier subi par Monsieur [U] depuis son licenciement et jusqu'à sa réintégration effective et dit qu'en cas de difficulté, l'une ou l'autre des parties pourrait saisir la cour par simple requête. Les parties ont été déboutées du surplus de leurs demandes et l'employeur a été condamné aux dépens.

Les parties n'ayant pu déterminer ensemble le montant du préjudice financier subi par le salarié, Monsieur [U] a saisi la cour, lui demandant d'en fixer le montant entre la date de la mise à pied à titre conservatoire prononcée à son encontre le 7 octobre 2008 et la date de sa réintégration intervenue le 30 octobre 2012. Il précise avoir fait l'objet d'un licenciement pour faute grave le 19 juillet 2013, soit moins de neuf mois après sa réintégration, annonçant la prochaine saisine du conseil de prud'hommes de Paris pour contester cette sanction.

Monsieur [U] demande à la cour de juger que la société LA CORBEILLE BLEUE doit lui payer une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre la date de son éviction de la société et la date de réintégration, sans qu'il soit procédé à la déduction des revenus de remplacement perçus pendant cette période et sollicite le paiement d'une provision de 117 428,32 € dans l'attente des conclusions de l'expert judiciaire dont il sollicite la désignation aux frais avancés de l'employeur et qui devrait recevoir mission, au vu de la rémunération perçue par les salariés recrutés à une date similaire ou postérieure à la sienne et justifiant, au jour du recrutement, d'une qualification et d'une expérience professionnelle équivalent, en prenant en compte le nombre et la nature des augmentations et primes individuelles et de promotions professionnelles entre le 7 octobre 2008 et le 30 octobre 2012, l'évolution de leur classification et de leur coefficient depuis le 7 octobre 2008, de manière à reconstituer le niveau de rémunération à laquelle il aurait pu prétendre, en reconstituant son positionnement hiérarchique (classification, coefficient).

En tout état de cause, Monsieur [U] réclame une somme de 10 000 € fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

La société LA CORBEILLE BLEUE prie, pour sa part, la cour de faire sommation à Monsieur [U] de produire l'intégralité des justificatifs de revenus perçus depuis son licenciement, lesquels devraient être déduits des salaires lui revenant, de manière à permettre la détermination des sommes à lui devoir.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la déduction des revenus de remplacement perçus par Monsieur [U]

Monsieur [U] soutient que le licenciement prononcé à son encontre constituait « une mesure de rétorsion de la part de l'employeur visant à sanctionner sa participation à un mouvement de grève », de sorte qu'il revendique le droit accordé au salarié gréviste victime d'un licenciement nul, en cas de réintégration dans l'entreprise, de percevoir le paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période.

La société LA CORBEILLE BLEUE conteste cette interprétation des faits dont elle estime qu'elle dénature l'arrêt du 18 septembre 2012. Elle indique qu'il appartenait à Monsieur [U] de former un pourvoi en cassation contre cette décision s'il entendait obtenir une indemnisation supérieure à celle accordée par cette décision, à savoir le paiement des salaires perdus, déduction faite des revenus perçus au cours de la période considérée, dès lors que la cour n'aurait pas jugé que le licenciement prononcé était la conséquence directe de la participation de Monsieur [U] à un mouvement de grève, ne tenant compte des circonstances de l'espèce que pour procéder à l'analyse du comportement du salarié.

Considérant que, lorsque la nullité du licenciement résulte de la violation d'un principe de valeur constitutionnelle, tel le droit de grève, le salarié a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû recevoir entre son éviction et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non perçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période ;

Considérant que la nullité du licenciement d'un salarié n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais qu'elle s'étend à tout licenciement prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde ;

Considérant que, dans les cas où la nullité du licenciement ne résulte pas de la violation d'un principe de valeur constitutionnelle, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ;

Considérant que la présente cour a rappelé, dans sa décision du 18 septembre 2012 :

- que la lettre de licenciement fixe les limites du litige,

- que la société LA CORBEILLE BLEUE y dénonçait les propos insultants et le comportement agressif et irrespectueux du salarié à l'encontre du service planning et en particulier de l'assistante planning en traitant notamment les collaborateurs de "fils de pute" et de "faux culs" alors que des clients étaient au téléphone et des salariés présents dans les bureaux,

- que la preuve de ce que ces propos insultants avaient bien été tenus le 3 octobre 2008 envers les membres du service planning était rapportée, de sorte que le motif énoncé du licenciement était bien réel ;

Considérant que la cour a ensuite relevé que l'employeur avait eu tort de supprimer à Monsieur [U] une tournée supplémentaire le samedi 4 octobre 2008, provoquant ainsi une modification du planning qui aurait nécessité un délai de prévenance du salarié d'autant qu'elle privait l'intéressé d'un supplément de rémunération important, dès lors que la société LA CORBEILLE BLEUE ne justifiait pas objectivement les raisons de la suppression de cette tournée ;

Considérant que la cour a estimé que les éléments du dossier accréditaient l'affirmation du salarié selon laquelle la suppression de la tournée supplémentaire du samedi constituait une mesure de rétorsion à son encontre par suite de son soutien au délégué syndical qui s'était manifesté par la participation à un mouvement de grève les 23 et 24 juillet 2008 ; qu'elle a estimé que, dans ces circonstances, les propos et l'attitude agressive et irrespectueuse du salarié - qui eussent été inadmissibles hors d'un tel contexte - ne justifiaient pas le licenciement du salarié, fût-ce pour une cause réelle et sérieuse ; qu'elle a déclaré nul le licenciement de Monsieur [U] à raison de ce que le comportement reproché avait été la conséquence directe d'une mesure discriminatoire de l'employeur ayant pour effet de retirer au salarié une part substantielle de travail ;

Considérant que la nullité du licenciement de Monsieur [U] n'est pas liée de manière directe ni suffisante à sa participation à un mouvement de grève, ni en raison de faits commis au cours de celui-ci ' intervenu au demeurant deux mois et demi plus tôt ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de sanctionner l'employeur par la condamnation au paiement d'une indemnité forfaitaire sans déduction possible des revenus de substitution perçus par le salarié durant la période litigieuse ;

Considérant que Monsieur [U] ne bénéficiait d'aucune protection spécifique ; que si la mesure jugée discriminatoire qui est apparue être consécutive à la participation à un mouvement de grève légitimait que fût prononcée la nullité du licenciement, Monsieur [U] ne peut prétendre au paiement d'une indemnité forfaitaire dès lors que son licenciement ne résulte pas de la violation d'un principe de valeur constitutionnelle ;

Considérant qu'il y a lieu, dans ces conditions, de déduire des salaires dont Monsieur [U] a été privé du fait de son licenciement, les revenus par lui perçus au cours de la période du 7 octobre 2008 au 30 octobre 2012 ;

Sur la détermination du préjudice subi par Monsieur [U]

Monsieur [U] sollicite une mesure d'expertise pour reconstituer son positionnement hiérarchique et sa rémunération.

La société LA CORBEILLE BLEUE estime une telle mesure injustifiée, dès lors que la cour, reprenant une « formulation strictement identique à celle employée par la Cour de cassation lorsque le salarié réintégré a droit au bénéficie des salaires perdus, déduction faite des revenus perçus au cours de la période considérée », n'aurait qu'invité les parties à « calculer le montant des rappels de salaire » dûs à Monsieur [U].

Considérant qu'ainsi que le souligne l'employeur, Monsieur [U] avait demandé à la cour, dans ses conclusions d'appelant, de prononcer sa réintégration, de « fixer le montant de son salaire brut mensuel à la somme de 2 178,43 € » et de condamner la société au paiement des rappels de salaires dus depuis la date de la décision prononçant la mise à pied à titre conservatoire intervenue le 7 octobre 2008 et des congés payés afférents » ; qu'il avait ajouté qu'il s'engageait à déduire des sommes ainsi calculées l'intégralité des allocations chômage et des salaires perçus depuis son licenciement, en cas d'annulation de ce dernier ;

Considérant que la requête de Monsieur [U] tendant à la fixation par la cour d'un préjudice que les parties n'ont pu établir d'un commun accord, ne permet pas au salarié de modifier ses prétentions, l'arrêt prononcé le 18 septembre 2012 ayant acquis autorité de chose jugée sans qu'ait été envisagée une reconstitution de carrière de Monsieur [U] qui ne l'avait au demeurant pas sollicitée ;

Considérant que, sur les bases mêmes des indications données par le salarié, non contestées par l'employeur, et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, il y a lieu de fixer le montant des salaires dus à Monsieur [U], avant déduction de ses revenus de remplacement sur la période du 7 octobre 2008 au 1er novembre 2012, à la somme de 104 020,03 € (soit 2 178,43 € x 47 mois et 3 semaines) ;

Considérant que la cour ne dispose pas en revanche des éléments lui permettant de chiffrer les revenus de remplacement perçus par Monsieur [U] durant la période considérée, le salarié n'ayant pas communiqué les « justificatifs des allocations chômage et salaires perçus pendant la période concernée » annoncés pourtant « en pièces jointes » dans sa lettre à l'employeur du 5 novembre 2012 ; que ces documents n'ont pas davantage été produits devant la cour, en dépit de la demande formulée par une lettre officielle adressée par son conseil le 10 février 2014 et par ses conclusions tendant à ce qu'il soit fait injonction au salarié de communiquer ces justificatifs ;

Considérant qu'il y a lieu, dans ces conditions, afin de déterminer le montant des revenus de substitution devant être déduits des salaires dont Monsieur [U] a été privé, d'ordonner à Monsieur [F] [U] de produire aux débats et de communiquer contradictoirement à la société LA CORBEILLE BLEUE, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt par le greffe, et sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai, ce pendant soixante jours :

- l'intégralité des justificatifs des revenus perçus sur la période du 7 octobre 2008 au 1er novembre 2012,

- les déclarations de revenus et avis d'imposition de Monsieur [F] [U] pour les années 2008 à 2012 ;

Considérant qu'à défaut d'accomplissement de ces diligences la cour en tirera toutes conséquences envers la partie défaillante ; que l'affaire est renvoyée pour reprise des débats à l'audience indiquée dans le dispositif de la présente décision ;

Considérant que la demande de provision présentée par Monsieur [U] est rejetée, aucun élément ne permettant d'apprécier l'importance des sommes à déduire des salaires perdus, cette situation résultant de surcroît de la défaillance du salarié.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l'arrêt prononcé par cette cour le 18 septembre 2012,

FIXE à la somme de 104 020,03 € le montant des salaires dont Monsieur [F] [U] a été privé pour la période du 7 octobre 2008 au 1er novembre 2012 ;

DIT qu'il y aura lieu de déduire de cette somme les revenus (allocations chômage et salaires) perçus pendant la période du 7 octobre 2008 au 1er novembre 2012 ;

ORDONNE à Monsieur [F] [U] de produire aux débats et de communiquer contradictoirement à la société LA CORBEILLE BLEUE, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt par le greffe, et sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai, ce pendant soixante jours :

- l'intégralité des justificatifs des revenus perçus sur la période du 7 octobre 2008 au 1er novembre 2012,

- les déclarations de revenus et avis d'imposition de Monsieur [F] [U] pour les années 2008 à 2012 ;

Renvoie l'affaire pour reprise des débats à l'audience collégiale du mardi 09 septembre 2014, à 9 heures, salle [B] [Q] (406), escalier R, 4ème étage

Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties ;

Dit qu'à défaut d'accomplissement des diligences prescrites ci-dessus, l'affaire pourra être radiée ou plaidée sans nouvel avis ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société LA CORBEILLE BLEUE aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 13/02602
Date de la décision : 06/05/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°13/02602 : Réouverture des débats


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-06;13.02602 ?
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