RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 4
ARRÊT DU 06 Mai 2014
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 04335
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mars 2012 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'EVRY, section encadrement RG no 11/ 00109
APPELANT
Monsieur Nicolas X... Demeurant ...-78100 SAINT-GERMAIN EN LAYE
Représenté par Me Céline BRUNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0363
INTIMÉE
SA MOULINS SOUFFLET Prise en la personne de ses représentants légaux Sise 7 quai de l'apport-91100 CORBEIL ESSONNES
Représentée par Me Hervé MORAS, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Julie VALLEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Madame Mélanie RAMON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur Nicolas X... du jugement du Conseil des Prud'hommes de EVRY, section Encadrement, rendu le 27 Mars 2012 qui l'a déclaré irrecevable en ses demandes et a rejeté l'ensemble de ses prétentions.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
Monsieur Nicolas X..., né au mois d'octobre 1975, a été engagé le 2 Mars 2004 par les Malteries Soufflet (SA) appartenant au groupe SOUFFLET en qualité de cadre technique statut cadre coefficient 400 au salaire forfaitaire annuel brut de 39 000 ¿ incluant la prime annuelle égale à un 13ème mois ; Le 21 Mai 2007, il a été muté dans la société MOULINS DE SOUFFLET appartenant au même groupe pour prendre les fonctions de directeur opérationnel coefficient 450 à compter du 1er Septembre 2006 au salaire annuel forfaitaire brut de 70 000 ¿ incluant le 13ème mois ;
Le contrat signé par les parties, soumis à la convention collective de la meunerie comporte une clause de non concurrence de «... deux ans à compter de la cessation du présent contrat de travail quelle qu'en soit la cause originelle » et stipule « Dans le cas d'un départ volontaire ou dans les cas d'un départ à l'initiative du Groupe SOUFFLET pour faute grave ou lourde, l'interdiction indiquée ci-dessus sera compensée par une indemnité égale à 2, 4 mois de salaire de base. Dans le cas d'un départ, par la volonté du Groupe SOUFFLET sans faute grave ou lourde, l'interdiction sera compensée par une indemnité égale à 7, 2 mois de salaire de base. Le groupe SOUFFLET se réserve le droit de renoncer à la présente clause de non concurrence à tout moment de l'exécution du présent contrat ainsi que dans le mois qui suivra la date à laquelle la rupture du présent contrat aura été notifiée par l'une des parties à l'autre » ;
Les parties ayant envisagé une rupture conventionnelle du contrat de travail de Monsieur Nicolas X..., à l'issue de plusieurs entretiens dont le premier a eu lieu le 12 juillet 2010, elles ont signé une rupture conventionnelle le 26 Août 2010, sur la base d'une rémunération brute mensuelle moyenne de 7 286, 83 ¿ moyennant le versement d'une indemnité spécifique de rupture conventionnelle de 95 000 ¿ + tout placement (sic) ;
La date de rétractation était fixée au 10 Septembre 2010 et la date envisagée de la rupture du contrat de travail au 30 Septembre 2010 ; La convention de rupture a été homologuée par la DDTEFP de l'Essonne le 16 Septembre 2010 ;
Le dernier jour de travail de Monsieur Nicolas X... est le 30 septembre 2010, date prévue par la convention de rupture conventionnelle ;
Par lettre recommandée datée du 15 octobre 2010, postée le 19 octobre 2010, présentée et reçue par Monsieur Nicolas X... le 22 octobre 2010, la SA MOULINS SOUFFLET a indiqué que suite à son départ de la société, elle le déliait de la clause de non concurrence stipulée dans son contrat de travail daté du 21 Mai 2007 ;
Le 8 décembre 2010, l'avocat de Monsieur Nicolas X... a adressé un courrier à la SA MOULINS SOUFFLET pour solliciter l'indemnisation de son client en invoquant la non conformité de la clause de non concurrence du contrat de travail avec la convention collective applicable tant en ce qui concerne la rémunération à prendre en considération pour le calcul de la contrepartie financière, qu'en ce qui concerne le délai de mise en ¿ uvre de la levée de la clause résolutoire par l'employeur, enfin la libération tardive et hors délai de Monsieur Nicolas X... de la clause de non concurrence ;
Monsieur Nicolas X... a saisi le Conseil des Prud'hommes le 4 février 2011 ;
Monsieur Nicolas X... demande l'infirmation du jugement, de dire que la clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail ne respecte pas les dispositions de la convention collective et qu'il en a été délié tardivement et en conséquence de condamner la SA MOULINS SOUFFLET à lui payer les sommes de : 52 465 ¿ au titre de la contrepartie financière prévue à la convention collective plus les congés payés afférents, 52 465 ¿ à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi, les intérêts légaux de ces sommes à compter du 8 décembre 2010 avec capitalisation, 2 000 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SA MOULINS SOUFFLET demande de dire Monsieur Nicolas X... irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes, de confirmer le jugement et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 3 000 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.
Au soutien de ses demandes, Monsieur Nicolas X... fait valoir que la convention de rupture conventionnelle n'a pas entraîné la révocation de la clause de non concurrence prévue à son contrat de travail, qu'il a été libéré tardivement de ladite clause et qu'en tout état de cause, la clause de non concurrence prévue à son contrat de travail était illicite en raison de son absence de conformité aux dispositions de l'article 47-1 de la convention collective de la meunerie ;
La SA MOULINS SOUFFLET s'oppose notamment aux prétentions de l'appelant aux motifs que :- la convention de rupture conventionnelle a entraîné la révocation des obligations souscrites dans le contrat de travail et a replacé les parties dans le même état que si les obligations du contrat n'avaient pas été souscrites de sorte que la clause de non concurrence est réputée ne plus exister,- la rupture conventionnelle a anéanti la relation de travail ce qui rend sans effet pour l'avenir la clause de non concurrence,- l'indemnité de licenciement aurait été de 15 500 ¿ alors que l'indemnité de rupture conventionnelle a été de 95 000 ¿,- les parties n'ont pas prévu dans le cadre de la rupture conventionnelle, la survivance de la clause de non concurrence, de sorte qu'elles ont tacitement mais nécessairement manifesté l'intention de s'en tenir aux conséquences légalement acquises de la rupture conventionnelle (sic),- Subsidiairement, que le salarié a été délié de la clause de non concurrence dans le délai d'un mois contractuel suivant la date de la rupture du contrat, qu'il reconnaît devoir être fixée au 30 Septembre 2010,- en toute hypothèse, le délai de 15 jours ouvrables prévu par la convention collective a été respecté en l'espèce puisqu'il démarrait le 1er octobre 2010, que le samedi n'étant pas un jour travaillé collectivement au sein de l'entreprise, le délai pour lever la clause de non concurrence expirait le vendredi 22 octobre 2010,- en tout état de cause le salarié n'a pas transmis les justificatifs de sa situation professionnelle dans les conditions prévues par la convention collective pour pouvoir prétendre au versement des indemnités de non concurrence,- sur le quantum des demandes, il conteste l'acquisition d'une indemnité compensatrice de congés payés sur le montant de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence laquelle ne correspond pas à un travail effectif,
- Monsieur Nicolas X... ne peut valablement invoquer l'incertitude dans laquelle il se serait trouvé quant à sa liberté de travailler en raison de la stipulation contractuelle de la faculté pour l'employeur de renoncer à tout moment à la clause de non concurrence.
Aux termes de l'article L. 1237-13 du Code du Travail la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 du Code du Travail ;
En l'espèce, la convention de rupture homologuée fait état sur un imprimé, que les parties conviennent des conditions de la rupture du contrat de travail « droits afférents à la rupture du contrat, versement d'une indemnité de rupture, de la date envisagée (...) ». Aucune mention n'est faite de la clause de non concurrence, laquelle par sa nature a vocation à s'appliquer après la rupture du contrat, en effet, c'est à tort que la SA MOULINS SOUFFLET soutient que la rupture conventionnelle replace les parties dans le même état que si les obligations du contrat de travail n'avaient pas été souscrites, la rupture conventionnelle n'ayant pas les effets d'une résolution du contrat de travail ;
Les parties n'ont donc pas réglé dans le cadre de la convention de rupture le sort et les droits découlant de l'existence de la clause de non concurrence, la SA MOULINS SOUFFLET se prévalant de façon inopérante d'une renonciation tacite de Monsieur Nicolas X..., la renonciation à un droit ne pouvant être qu'expresse et non équivoque ;
La clause de non concurrence insérée au contrat de travail de Monsieur Nicolas X... avait donc vocation à poursuivre ses effets et à limiter la liberté de travailler du salarié postérieurement à la date de la rupture du contrat de travail que les parties s'accordent à fixer au 30 Septembre 2010 à défaut pour l'employeur d'en libérer le salarié ;
En l'espèce, l'employeur a effectivement levé la clause de non concurrence le 19 octobre 2010, date d'envoi de la lettre datée du 15 octobre 2010 ;
La convention collective applicable (article 47-1) stipule que l'employeur peut libérer l'intéressé de l'obligation de non concurrence convenue ou en réduire la durée à condition de prévenir ce dernier par lettre recommandée ou par courrier remis en main propre contre décharge adressée avant l'expiration d'un délai de 15 jours ouvrables commençant à courir le lendemain du jour de la notification de la rupture du contrat de travail ;
Le délai de notification de la libération par l'employeur tel que fixé dans le contrat de travail de Monsieur Nicolas X... était d'un mois suivant la date de la rupture ; Ce délai défavorable au salarié ne rend pas la clause de non concurrence illicite et nulle mais ce sont les dispositions les plus favorables au salarié qui s'imposent et doivent s'appliquer de sorte qu'en l'espèce, le délai de 15 jours ouvrables à compter du lendemain du 30 Septembre 2010 doit s'appliquer ; Il s'ensuit que le 1er octobre étant un vendredi, que la semaine comporte 6 jours ouvrables, la SA MOULINS SOUFFLET avait jusqu'au lundi 18 octobre 2010 à 24 heures pour exercer dans le délai sa faculté de renonciation à la clause résolutoire ; Sa renonciation est donc tardive puisqu'exercée seulement le 19 octobre 2010 par l'envoi postal ;
L'employeur ne justifie pas que Monsieur Nicolas X... n'aurait pas respecté la clause résolutoire postérieurement au 30 Septembre 2010, Monsieur Nicolas X... justifie en revanche qu'il était inscrit à Pôle emploi à compter du 1er octobre 2010 ;
Il s'ensuit, au regard de ce qui précède, que le jugement doit être infirmé et Monsieur Nicolas X... rétabli dans ses droits ;
Il y a lieu d'allouer à Monsieur Nicolas X... la contrepartie financière de la clause de non concurrence prévue conventionnellement et justement calculée par celui-ci soit compte tenu du salaire de référence fixé à 7 286, 83 ¿, la somme de 52 465 ¿ plus les congés payés afférents eu égard à la nature salariale de la contrepartie financière de la clause de non concurrence ;
La non conformité de la clause de non concurrence stipulée dans le contrat de travail avec les dispositions plus favorables de la convention collective cause nécessairement un préjudice au salarié qui a été induit en erreur quant à ses droits, il est approprié au regard des faits et pièces versées aux débats de réparer ce préjudice en lui allouant la somme de 1 500 ¿ à titre de dommages intérêts ;
Il y a lieu de condamner la SA MOULINS SOUFFLET à payer à Monsieur Nicolas X... la somme de 2 000 ¿ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et elle conservera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement,
et statuant à nouveau
Condamne la SA MOULINS SOUFFLET à payer à Monsieur Nicolas X... la somme de 52 465 ¿ à titre de contrepartie financière de la clause de non concurrence plus 5 246, 50 ¿ pour congés payés afférents,
Condamne la SA MOULINS SOUFFLET à payer à Monsieur Nicolas X... la somme de 1 500 ¿ à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour non conformité de la clause de non concurrence avec les dispositions de la convention collective,
Dit que les intérêts légaux courront à compter de l'arrêt avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil,
Rejette les autres demandes,
Condamne la SA MOULINS SOUFFLET aux entiers dépens et à payer à Monsieur Nicolas X... la somme de 2 000 ¿ au titre des frais irrépétibles.