RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 06 Mai 2014
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10650
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Août 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/00024
APPELANTS
Monsieur [N], [S], [L] [X] [T]
ès qualités d'ayant droit de Monsieur [O] [F] [X] [T], décédé
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Stéphane JOFFROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2073
Madame [J], [A], [K] [X] [T]
ès qualités d'ayant droit de Monsieur [O] [F] [X] [T], décédé
[Adresse 4]
[Localité 1]
comparante en personne,
assistée de Me Stéphane JOFFROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2073
Monsieur [G], [W], [Y] [X] [T]
ès qualités d'ayant droit de Monsieur [O] [F] [X] [T], décédé
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Stéphane JOFFROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2073
INTIMEE
SAS AUREL BGC venant aux droits de la société AUREL LEVEN SECURITIES, elle même venant aux droits de la société LEVEN SA
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Valérie SPIGUELAIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0291
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente, et Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente
Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller
Madame Caroline PARANT, Conseillère
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Par jugement du 31 août 2011 le Conseil des Prud'HOMMES de Paris a dans une instance opposant M. [O] [X] [T] à la société AUREL BGC, son ancien employeur, déclaré la demande irrecevable au visa de l'article 1384 alinéa 5 du code civil lequel, selon le Conseil des Prud'HOMMES, ne prévoit pas que le préposé responsable d'un dommage puisse exercer un recours contre son commettant.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 6 septembre 1995 M. [O] [X] [T] a été engagé par la société LEVEN SA (société de bourse), devenue AUREL BGC, pour assurer la fonction de président directeur général de sa filiale, la société LEVEN GESTION SA, ceci moyennant une rémunération mensuelle de 50.000 francs.
Le 21 juillet 1997 M. [O] [X] [T] a été licencié aux motifs, notamment, d'une insuffisance de performance et de son désaccord quant à une modification de son périmètre d'activité.
Le 4 décembre 1997 M. [O] [X] [T] a saisi le Conseil des Prud'HOMMES pour contester la mesure de licenciement dont il avait fait l'objet et par jugement du 2 février 1999 (départage) il a été débouté de sa demande.
M. [O] [X] [T] a interjeté appel du jugement de débouté puis s'est désisté de cet appel en concluant en juillet 2000 avec la société AUREL LEVEN une transaction aux termes de laquelle il recevait la somme de 1.200.000 francs à titre de dommages intérêts et s'engageait à ne plus formuler de réclamation en relation avec le contrat de travail.
A la suite de diverses plaintes de clients de la société M. [O] [X] [T] était déféré, avec plusieurs autres salariés de la société, devant le tribunal correctionnel de Paris qui, le 17 septembre 2004, déclarait tous les prévenus, à l'exception de M. [O] [X] [T], coupables de divers délits financiers, et relaxait ce dernier des chefs de complicité de fourniture habituelle de services d'investissement à des tiers et de recel de bien provenant d'un délit. Le ministère public n'interjetait pas appel a minima non plus que M. [O] [X] [T] dès lors que le jugement lui était favorable.
Appel était cependant interjeté par M. [R] et par les parties civiles et par arrêt du 20 septembre 2006 la cour de ce siège condamnait solidairement M. [O] [X] [T] avec MM. [D], [Q] et [R] à payer 586.247 € à [H] [I] et [P] [B] et 45.664 € à [M] [I] outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de cette condamnation concernant M. [O] [X] [T], la cour écrivait :
'Considérant que s'agissant de M. [O] [X] [T], prévenu, définitivement relaxé au pénal, la cour estime que les premiers juges ont fait une inexacte appréciation de sa responsabilité et que, contrairement à ce qu'ils ont jugé, il s'est rendu coupable à l'instar de [Z] [R], du délit de complicité de gestion de portefeuilles.
.....................................................................
Considérant qu'en l'état de ces constatations, il est établi que M. [O] [X] [T] a, en connaissance de cause, apporté à la société BGC son aide et son assistance pour exercer une activité irrégulière'.
Le pourvoi en cassation formé par M. [O] [X] [T] et par M. [R] a été rejeté.
M. [O] [X] [T] réglait la somme de 456.942,07 € en suite de l'arrêt du 20 septembre 2006.
M. [O] [X] [T], qui avait interjeté appel du jugement rendu le 31 août 2011 par le Conseil des Prud'HOMMES, est décédé le [Date décès 1] 2013, laissant pour héritiers ses 3 enfants, [N], [J] et [G] [X] [T], lesquels reprennent la procédure engagée par leur père et sollicitent l'infirmation du jugement sus cité et la condamnation de la société AUREL BGC à leur payer la somme de 486.942,07 € à titre de dommages intérêts outre une indemnité de 8.000 € en application de l' article 700 du Code de Procédure Civile.
Les consorts [T] exposent que lorsque leur père a signé la transaction (avant juillet 2000 dès lors que les dommages intérêts étaient payables avant le 1er juillet 2000) il ignorait qu'il allait faire l'objet de poursuites pénales, sa première audition et sa mise sous contrôle judiciaire datant du 13 septembre 2000. Ils ajoutent que la transaction mettait fin à un litige employeur/salarié et ne pouvait couvrir les conséquences d'une procédure pénale dont les parties ignoraient tout. Ils considèrent donc que leur demande (de garantie) est recevable.
Ils font valoir que leur père a agi dans le cadre de son contrat de travail et que sa responsabilité n'est pas exclusive de celle de l'employeur.
Si la cour faisait une interprétation restrictive de l'article 1384 alinéa 5 du code civil, ils arguent de l'article 1135 du même code en faisant valoir que leur père n'a pas commis de faute lourde.
°°°
La société AUREL BGC conclut à la confirmation du jugement dont appel et à l'irrecevabilité des demandes formulées par les consorts [T]
Elle met en avant :
- l'autorité de la transaction,
- la règle de l'unicité de l'instance et le fait que M. [O] [X] [T] se soit désisté de son appel en septembre 2000,
- l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 20 septembre 2006.
Elle fait valoir, par ailleurs, que elle ne peut être tenue à garantie dès lors que M. [O] [X] [T] a agi hors son contrat de travail en sa qualité de président de LEVEN GESTION et non comme subordonné de AUREL BGC (ex LEVEN SA).
En droit, elle rappelle que les dispositions de l'article 1384 alinéa 5 interdisent tout recours au préposé contre son commettant et que l'article 1135 ne prévoit pas la garantie de l'employeur.
Elle conteste, à titre subsidiaire, le montant réclamé par les consorts [T] qu'elle estime non justifiés par les éléments produits.
La société AUREL BGC réclame 5.000 € en application de l' article 700 du Code de Procédure Civile.
SUR CE,
Considérant que le rappel des faits dans leur chronologie était indispensable à la compréhension du litige ;
Considérant qu'il est constant que M. [O] [X] [T] a réglé un certain nombre de sommes à des parties civiles en application de l'arrêt de la cour de ce siège du 20 septembre 2006 (définitif) dans le cadre duquel son employeur, la société LEVEN SA devenue AUREL BGC, n'a pas été mise en cause et dont il sollicite la garantie ;
Considérant que le préposé reconnu responsable d'un dommage ne peut exercer un recours contre son commettant sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil qui s'applique seulement en faveur des victimes aux fins que celles- ci soient garanties en cas d'insolvabilité de l'auteur du dommage ;
Considérant que pour ce seul motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens développés par les parties, la demande des consorts [X] [T] doit être déclarée irrecevable au regard de l'article précité ;
Que le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a retenu cette analyse ;
Considérant que l'article 1135 auquel les consorts [X] [T] font également référence, il ne prévoit aucune garantie de l'employeur envers son préposé ;
Considérant que les consorts [X] [T] seront, en conséquence, déboutés de leurs demandes ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application au profit de l'une ou l'autre partie des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement dont appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne les consorts [X] [T] aux dépens éventuels.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE