Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 30 AVRIL 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/02959
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/14553
APPELANTES
SARL [Adresse 3] prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 1]
SELAFA MJA, en la personne de Me [T] [Q], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [Adresse 3]
Intervenante volontaire
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentées par Me Jean-philippe AUTIER de la SCP AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, avocat postulant
Assistées de Me Damien CANALI, avocat au barreau de PARIS, toque : P030, substituant Me Yves ROUX de la SCP LERNER FRIGGERI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0253, avocat plaidant
INTIMES
Monsieur [A] [X]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Madame [P] [W] divorcée [X]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentés par Me Sarah KHIARI de la SELARL GK LAW & COUNSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0578
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Odile BLUM, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente
Madame Odile BLUM, conseillère
Monsieur Christian BYK, conseiller
Greffier : lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********
Par acte du 10 juin 2005, M. et Mme [X] ont donné à bail commercial à la société [Adresse 3], pour une durée de neuf années à compter du 15 juin 2005, des locaux dépendant de l'immeuble en copropriété du [Adresse 1], à destination de restauration de type traditionnel, restauration rapide, bar, cave à vin.
Par acte extrajudiciaire du 17 août 2010 visant la clause résolutoire du bail, M. et Mme [X], reprochant à leur locataire d'avoir, sans leur autorisation, effectué des extensions de la surface du sous-sol en détruisant un mur et en annexant une cave appartenant à un autre copropriétaire ainsi que des parties communes, lui ont fait commandement de procéder à la remise en état des lieux et à la restitution de la partie privative et des parties communes annexées.
Par ordonnance en date du 27 janvier 2011, confirmée en appel par arrêt du 20 septembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a, entre autres dispositions, constaté l'acquisition de la clause résolutoire et ordonné l'expulsion de la société [Adresse 3] faute pour elle de libérer les lieux dans le mois de la signification.
Le 24 septembre 2011, la société [Adresse 3] a assigné M. et Mme [X] pour voir annuler le commandement du 27 janvier 2011, ordonner sa réintégration dans les lieux et condamner M. et Mme [X] au paiement de diverses sommes.
Par jugement en date du 31 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit n'y avoir lieu de prononcer l'annulation du commandement du 10 août 2010 visant la clause résolutoire,
- dit que M. [X] et Mme [W] sont bien fondés à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail à l'issue d'un délai d'un mois suivant le commandement du 10 août 2010,
- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [Adresse 3] aux dépens.
La SARL [Adresse 3] a relevé appel de cette décision le 16 février 2012. Sa liquidation judiciaire ayant été prononcée par jugement du 21 février 2012, la SELAFA MJA, prise en la personne de Mme [T] [Q], est intervenue volontairement à l'instance, par conclusions du 15 mai 2012, en qualité de liquidateur judiciaire.
Par ses dernières conclusions du 3 décembre 2013, la SELAFA MJA ès-qualités demande à la cour de lui donner acte de son intervention, d'infirmer le jugement et de :
- annuler le commandement visant la clause résolutoire du 10 août 2010 et les actes extrajudiciaires subséquents relatifs à l'expulsion,
- dire que la société [Adresse 3] occupait la surface qui lui a été donnée à bail, qu'elle ne s'est livrée à aucune annexion de la cave n° 12 et/ou des parties communes, qu'elle a fait l'objet d'une expulsion injustifiée et que M. [X] et Mme [W] sont responsables de la disparition de son fonds de commerce,
- les condamner à payer à la SELAFA MJA ès-qualités la somme de 462.676 € à titre de dommages et intérêts, celle de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. [A] [X] et Mme [P] [W] (M. et Mme [X]), par leurs dernières conclusions du 19 janvier 2014, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement,
- subsidiairement, dire acquise la résiliation du bail en raison de l'annexion du lot n° 12 du règlement de copropriété et de 1,5 m² des parties communes de l'immeuble, de la réalisation de travaux de démolition, de percements et d'ouverture d'un mur porteur et de deux trémies dans la salle de restaurant afin de créer un monte-plat et un monte-charge avec ascenseur, dans les locaux loués, sans leur consentement exprès et par écrit, ni l'accord du syndicat des copropriétaires,
- débouter la société [Adresse 3] et la SELAFA MJA ès-qualités de l'ensemble de leurs demandes,
- fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens dont distraction.
SUR CE,
Considérant que pour conclure à l'infirmation du jugement, la société [Adresse 3] soutient en premier lieu que le commandement du 17 août 2010 vise des infractions non prévues au bail et que la clause résolutoire n'a donc pu jouer ;
Que la société [Adresse 3] soutient ensuite que les premiers juges, comme le juge des référés, ont ignoré les éléments de faits reposant sur les pièces qui leur étaient soumises et qui sont à présent confortées par les nouvelles pièces qu'elle produit en appel ; qu'elle fait valoir que par l'avenant au bail du 15 juin 2005, elle a été expressément autorisée à réaliser les très importants travaux nécessaires à l'exercice de son activité et à la conformité des locaux à la destination du bail, que la cave litigieuse n° 12, comme le m² de parties communes, faisaient partie de la surface locative, les cloisons de cette cave ayant été détruites avant qu'elle n'entre dans les lieux loués ainsi que le prouvent, notamment, l'avenant au bail du 12 avril 2010, le certificat de superficie du 10 mars 2010, les plans de la société Bati-confort, les attestations de M. [Y], son architecte, de M. [M], entrepreneur du bâtiment et de M. [B] [J], occupant de l'appartement du 1er étage, et la lettre en date du 29 septembre 2010 de Mme [Z] [L], propriétaire de la cave n° 12 ;
Qu'elle prétend qu'usant de divers artifices, M. et Mme [X] ont construit, sur le mensonge et la tromperie, un véritable scénario pour obtenir l'expulsion de leur locataire, qu'elle prouve cependant que M. [X] avait suivi l'avancement des travaux réalisés par [Adresse 3] et visité régulièrement les lieux tant dans un cadre informel qu'à l'occasion d'une expertise judiciaire diligentée de juin 2006 à juillet 2010, que pour donner corps à leur stratagème et dissimuler les véritables accords passés avec Mme [L], alors propriétaire de la cave n° 12, ils ont "concocté" avec celle-ci un acte de résiliation fictif daté du 30 juillet 2005, qu'ils sont devenus, de surcroît, propriétaire de la cave litigieuse dont ils ont en réalité toujours eu la jouissance ;
Mais considérant que les premiers juges ont exactement rappelé que l'article 9 du contrat de bail stipule notamment que "le preneur ne pourra opérer aucun changement, démolition, percement de murs ou de cloisons etc., sans le consentement exprès et par écrit du bailleur" ; que par ailleurs, aux termes de la clause résolutoire du contrat de bail, "il est expressément convenu qu'à défaut ... d'exécution de l'une ou l'autre des conditions du présent bail, et un mois après un simple commandement ... d'exécuter demeuré infructueux, le présent bail sera résilié ..." ;
Considérant que le commandement du 17 août 2010 incrimine expressément le fait que la société [Adresse 3], qui avait été autorisée à aménager les locaux loués mais non à les modifier, "a effectué des extensions de la surface du sous-sol en détruisant un mur et en annexant une cave appartenant à un autre copropriétaire, ainsi que des parties communes" ; que par cet acte visant la clause résolutoire, M. et Mme [X] ont sommé leur locataire de procéder dans le mois à la remise en état des lieux et à la restitution de la partie privative et des parties communes annexées ; que contrairement à ce qu'elle prétend, la société [Adresse 3] n'a pu se tromper ni sur l'infraction reprochée ni sur les moyens d'y mettre fin, ce qu'elle n'a pas fait dans le mois ;
Considérant pour le surplus qu'il suffit de relever que le contrat de bail désigne les locaux loués comme formant les lots n° 2, 11 et 19 du règlement de copropriété ; que le lot n° 12, clairement matérialisé sur les plans du sous-sol en annexe du règlement de copropriété et constituant à l'époque la cave d'un autre copropriétaire, Mme [L], n'était donc pas compris dans l'assiette du bail ;
Considérant que la société [Adresse 3], qui a la charge de cette preuve, échoue à démontrer qu'elle a été trompée sur la consistance du sous-sol des locaux et que le lot n° 12 était en réalité matériellement réuni avec le lot 19 lors de son entrée dans les lieux ; qu'en effet les travaux envisagés par les bailleurs avant son entrée dans les lieux ne tenaient qu'à un renforcement de structure au rez-de-chaussée en raison des désordres affectant le 1er étage de l'immeuble ; que sur les plans d'architecte soumis pour ce faire par les bailleurs au bureau de contrôle Veritas qui a donné son avis favorable le 1er juin 2005, figure expressément la "limite de propriété" avec le lot n°12, parfaitement délimité ;
Que la société [Adresse 3] ne nie pas avoir elle-même fait procéder à d'importants travaux, ce qui a donné lieu à l'avenant du 15 juin 2005 ; que son architecte, maître d'oeuvre desdits travaux, et l'artisan en charge de ceux-ci ne font qu'attester de l'absence de cloisons séparatives entre les lots 19 et 12, dont les sols ont été mis à niveau, lors la réalisation des travaux entre le 20 juillet 2005 et le 28 février 2006 ; que rien ne permet donc d'imputer la destruction de la cloison séparative aux bailleurs eux-mêmes, le bail étant à effet du 15 juin 2005 ; que le témoignage de M. [J], occupant du premier étage affecté de désordres, avec lequel M. et Mme [X] ont été en litige, n'a pas force probante suffisante ; que Mme [L] alors propriétaire du lot n°12 est revenue sur l'attestation qu'elle a donnée au gérant de la société [Adresse 3], indiquant l'avoir faite à sa demande et sous sa dictée alors qu'elle était "souffrante et très faible" et précisant que "cette cave n'avait jamais été louée pour être intégrée au restaurant" ;
Considérant que la société [Adresse 3] ne justifie pas avoir reçu des bailleurs leur consentement exprès et par écrit pour la démolition des cloisons séparatives et l'annexion du lot n° 12; que ni l'avenant au bail daté du 12 avril 2010, au surplus non signé des bailleurs, que la société [Adresse 3] verse aux débats ni les attestations qu'elle produit ne permettent de pallier cette carence de preuve, ce d'autant que l'éventuelle tolérance du bailleur ne vaut pas consentement, au surplus exprès et par écrit ;
Considérant que pour ces motifs et ceux des premiers juges, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions et la SELAFA MJA ès-qualités déboutée de l'intégralité de ses demandes ; que la demande formée à titre subsidiaire par les intimés devient sans objet ;
Considérant que la SELAFA MJA ès-qualités qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, les demandes à ce titre seront rejetées ;
PAR CES MOTIFS
Prend acte de l'intervention volontaire de la SELAFA MJA ès-qualités ;
Confirme le jugement ;
Déboute la SELAFA MJA ès-qualités de toutes ses demandes ;
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SELAFA MJA ès-qualités aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE