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30/04/2014 | FRANCE | N°11/10794

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 30 avril 2014, 11/10794


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 30 Avril 2014



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10794



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 juillet 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/01771





APPELANT

Monsieur [T] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Sébas

tien PINARD, avocat au barreau de PARIS, G0029





INTIMÉE

S.A. IMERYS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Tiphaine LE BIHAN, avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE, NAN701





CO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 30 Avril 2014

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10794

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 juillet 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/01771

APPELANT

Monsieur [T] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Sébastien PINARD, avocat au barreau de PARIS, G0029

INTIMÉE

S.A. IMERYS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Tiphaine LE BIHAN, avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE, NAN701

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Février 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 8 juillet 2011 ayant débouté M. [T] [G] de toutes ses demandes et l'ayant condamné aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel de M. [T] [G] reçue au greffe de la cour le 27 octobre 2011 ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 12 février 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [T] [G] qui demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris

- statuant à nouveau,

de dire qu'il a été lié à la SA IMERYS par un contrat de travail

de la condamner en conséquence à lui régler les sommes suivantes :

411 840 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

137 280 € d'indemnité pour travail dissimulé

22 880 € d'indemnité pour licenciement irrégulier

91 520 € d'indemnité conventionnelle de licenciement ou subsidiairement 4 576 € d'indemnité légale de licenciement

20 592,05 € d'indemnité compensatrice de congés payés

45 102,30 € d'indemnité compensatrice de préavis

6 864 € de congés payés afférents au préavis

26 107,20 € de rappel salarial au titre du bonus mensuel

21 756 € de rappel au titre du bonus fidélité

22 880 € de rappel de salaire sur le mois de juin 2009

10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

avec intérêts au taux légal et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 12 février 2014 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SA IMERYS qui demande à la cour :

- de confirmer la décision déférée ayant débouté M. [T] [G] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle

- y ajoutant, de dire que M. [T] [G] a été le salarié de la société DONBASSKERAMIKA devant être mise dans la cause et que seule la loi ukrainienne avait vocation à s'appliquer à leur relation contractuelle de travail

- de condamner M. [T] [G] à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la qualité d'employeur de la Sa IMERYS

M. [T] [G] a été destinataire d'une lettre à l'en-tête IMERYS datée du 2 septembre 2008, signée par M. [K] [D] - «HR Senior manager» -, l'invitant à rejoindre le «groupe IMERYS » à compter du 29 du même mois en qualité de directeur général du secteur céramique Ukraine et de chargé du développement commercial en Europe de l'Est-Russie, ses attributions étant appelées à s'exercer plus précisément au sein de la société de droit ukrainien DONBASSKERAMICA, moyennant un salaire de base de 180 000 $ US nets annuels, outre le versement entre autres accessoires d'un bonus dit de bienvenue - «welcome bonus» - dans la limite de 15 000 $ US après une période d'essai de trois mois, d'un bonus annuel - «yearly bonus» - pouvant représenter 20% du salaire de base et de primes à long terme - «long terme incentives» - sur une base annuelle de 30 000 $ US.

Nonobstant la formulation du premier paragraphe du document précité, aux termes duquel il est précisé qu'un contrat de travail écrit sera formalisé dès que les parties se seront mises d'accord sur les bases de cette collaboration, il est expressément demandé en fin de texte à M. [T] [G] de retourner signée cette lettre d'engagement - «this letter employment» - avec le rappel qu'un contrat de travail viendra ensuite confirmer les stipulations liées à son recrutement et lui sera envoyé pour signature - «A formal contract of employment will then be drafted to confirm the above provisions and send to you for your signature».

Contrairement ainsi à ce que prétend la SA IMERYS, il ne s'agit pas d'une «lettre d'offre destinée à récapituler les éléments essentiels d'un futur engagement», dépourvue de toute valeur contractuelle (ses conclusions, page 5), mais bien déjà d'une lettre ou promesse d'embauche créatrice d'obligations, les parties ayant manifestement dépassé la phase initiale d'entrée en pourparlers, dès lors qu'il y était stipulé de manière non équivoque la date de prise d'effet ou d'entrée en fonction de M. [T] [G], la nature de ses attributions et de son poste de travail, son lieu de travail, tous les éléments de sa rémunération (salaire de base + accessoires), et les avantages liés à son emploi - prise en charge par l'intimée de ses frais de logement en Ukraine ainsi que des frais de scolarité à [Localité 2] de son fils, utilisation d'un véhicule de fonction, abonnement à un club de fitness, mise à disposition d'un téléphone mobile et d'un ordinateur portable.

Comme cela ressort des pièces de la procédure soumises à la cour, ce que ne conteste pas l'intimée dans ses écritures, la société de droit ukrainien DONBASSKERAMICA implantée à [Localité 1] est une composante du groupe IMERYS

C'est dans pareil contexte que le 30 octobre 2008, M. [T] [G] a conclu avec la société DONBASSKERAMICA un contrat de travail ayant pris effet le 1er janvier 2009 pour y occuper les fonctions de directeur général avec une rémunération initiale en devises ukrainiennes de 12 300 UAH bruts mensuels, portée ultérieurement à 12 975 UAH représentant l'équivalent de 2 595 $ USD ou 1 882 €, contrat de droit ukrainien que la SA IMERYS a demandé à l'appelant de signer pour se conformer à la réglementation locale (sa pièce 17).

M. [T] [G] produit aux débats d'autres pièces établissant que la SA IMERYS n'a jamais cessé de rester en lien avec lui après le 1er janvier 2009, date de prise d'effet du contrat de travail distinct conclu avec la société DONBASSKERAMICA pour exercer ses fonctions techniques sur le territoire ukrainien :

- un échange de courriels courant août 2009 avec M. [D], responsable au sein de la SA IMERYS, dont celui du 6 du même mois émanant de ce dernier («[T], La façon dont nous avons organisé notre collaboration a été partagé et convenu ensemble, et même avant que nous vous recrutions, vous avez proposé une solution à cet égard ' », n° 3) ;

- des courriels de M. [D] en janvier, février, mai et juin 2009 suivant de très prés le paiement de sa rémunération qui provenait pour une partie de la société DONBASSKERAMICA et pour l'autre d'un accord conclu entre la société IMERYS MINERAUX BELGIQUE (IMB) et la société BRAIN SOURCE INTERNATIONAL LIMITED chargée en pratique des opérations de virement.

La procédure était rappelée par M. [D] dans un courriel lui ayant été adressé en copie le 11 février 2009 sous l'intitulé «[T] [G] ' paiement des salaires depuis IMB à partir de janvier 2009», laquelle consistait précisément à le rémunérer «depuis l'Angleterre» par l'intermédiaire de la société de services BRAIN SOURCE INTERNATIONAL LIMITED ou BSI UK, titulaire d'un compte ouvert en dollars américains à la BARCLAYS BANK (n° 5-38-39-40-49) ;

- un document à l'en-tête IMERYS de février 2009 le concernant avec l'intitulé «Evaluation de la performance et développement de carrière» (n° 12) ;

- une attestation d'assurance de GMC SERVICES précisant qu'il bénéficie à compter du 29 septembre 2008 de la couverture santé IMERYS (n° 16) ;

- un projet de bail d'habitation en Ukraine avec comme locataire mentionné la SA IMERYS MINERAUX BELGIQUE «pour l'hébergement de [T] [G] et sa femme [J] [G]» (N° 43) ;

- une procuration authentifiée par notaire le 16 février 2009 aux termes de laquelle la SAS IMERYS CERAMICS FRANCE lui donne pouvoir à l'effet de «remplir les fonctions de directeur de bureau de représentation à [Localité 2] (Ukraine), représenter les intérêts de la société ' conclure toutes opérations ' et généralement prendre tous actes dans l'intérêt de la société à [Localité 2] ' » (n° 54) ;

- un projet d'accord de rupture - «Labor contract termination agreement» - du contrat de travail société DONBASSKAREMICA/Ugarov entre les sociétés DONBASSKAREMICA et IMERYS désignées collectivement comme l'«employeur» - «collectively referred to as the Employer» -, d'une part, et M. [T] [G], d'autre part, au visa de l'article 36 du code du travail ukrainien, pour prendre normalement effet le 6 juillet 2009, y étant encore stipulé à son §2 que les parties sont convenues que la lettre d'engagement précitée du 2 septembre 2008 entre ce dernier et la SA IMERYS prendra également fin à la même date, moyennant un préavis de trois mois jusqu'au 6 octobre et une indemnité de 125 300 § US (n° 2).

M. [T] [G] n'a pas entendu signer ce protocole, malgré une nouvelle proposition d'indemnisation portée à 133 600 $ US lui ayant été faite en juillet 2009 par M. [D] (n° 6) qui ne manquait pas de le relancer avec une particulière insistance le mois suivant («Bonjour [T] '. Contrairement à ce que vous dites ou pensez, nous voulons négocier avec vous cette rupture de manière honnête et juste ' Je vous garantis que vos salaires vous seront versés ' jusqu'au 6 octobre ' Quant à l'intégralité de ce que nous vous devons, conformément aux termes de votre contrat, il vous appartient d'accepter notre offre et de signer ou non cet accord amiable de rupture du contrat. En cas de refus, nous vous paierons uniquement ce que nous vous devons conformément à votre contrat», n° 3) ;

-un courrier de M. [D] à l'entête IMERYS du 30 octobre 2009 lui indiquant les conditions de rupture de son contrat de travail s'agissant de sa prise d'effet et des indemnités afférentes («Suite à notre réunion du 6 juillet 2009, durant laquelle nous vous avons remis une notification de résiliation du contrat conclu avec Donbasskaremica ' je vous écris afin de vous confirmer que le préavis de trois mois (tel que spécifié dans votre lettre d'embauche datée du 2 septembre 2008), lequel vous a été payé au lieu d'être effectué, a expiré le 6 octobre 2009 ' », n° 61).

Au vu de l'ensemble de ces éléments factuels, comme le relève avec pertinence M. [T] [G], il ressort que la SA IMERYS l'a recruté par une lettre d'embauche du 2 septembre 2008 pour pourvoir le poste de directeur se rapportant à son activité «céramiques» dans la zone Ukraine-Europe de l'Est-Russie, a organisé son installation sur place en Ukraine notamment au plan matériel, pris les décisions relatives à ses conditions de travail, a suivi constamment le paiement de sa rémunération en donnant toutes instructions utiles à cette fin, proposé de conclure avec lui un accord de rupture auquel se trouvait associée la société DONBASSKERAMICA, et réglé au plan financier les conséquences de son départ forcé courant octobre 2009 à l'expiration d'un préavis de trois mois.

Infirmant la décision déférée, la cour juge en conséquence que M. [T] [G] a été le salarié de la SA IMERYS sur toute sa période d'emploi du 29 septembre 2008 - date de prise d'effet de la promesse d'embauche du 2 septembre - au 6 octobre 2009 - date d'expiration du préavis de trois mois avec dispense d'exécution.

Sur les effets résultant de la qualité d'employeur de la Sa IMERYS :

Au soutien de ses demandes pécuniaires, M. [T] [G] invoque l'article L.1231-5 du code du travail au motif qu'il a été recruté en septembre 2008 par la SA IMERYS qui l'a dès janvier 2009 mis à la disposition de la société DONBASSKERAMICA, filiale ukrainienne du groupe IMERYS, pour y exercer les fonctions de directeur de l'activité Minéraux-Céramiques en Ukraine-Europe de l'Est-Russie, l'exécution sur place de sa mission nécessitant la conclusion avec cette dernière d'un contrat de travail distinct de droit ukrainien.

Selon l'appelant, la SA IMERYS était obligée d'assurer son «rapatriement» à l'expiration du contrat de travail conclu avec la société DONBASSKERAMICA et, en tout état de cause, se devait de rompre le lien contractuel qui les unissait conformément au droit français en application du texte précité à son deuxième alinéa.

Ce texte, à propos duquel la SA IMERYS n'apporte pas la contradiction, peut trouver à s'appliquer dès lors qu'elle s'est comportée de fait comme la société mère française de la société DONBASSKERAMICA, partie intégrante du groupe international IMERYS, en lui ayant apporté une assistance sous la forme d'une mise à disposition de l'appelant chargé de fonctions directoriales techniques sur lesquelles elle a constamment opéré un contrôle, le contrat de travail conclu le 30 octobre 2008 entre M. [T] [G] et la société DONBASSKAREMICA n'étant que la traduction de cette même mise à disposition d'un salarié qu'elle avait recruté un mois plus tôt à cette seule fin si l'on se reporte à la lettre d'embauche du 2 septembre 2008.

Dès lors que la société DONBASSKERAMICA a mis fin de fait au contrat de travail qui la liait à M. [T] [G], quelle qu'en soit la cause, la SA IMERYS était tenue en vertu de l'article précité de procéder à son rapatriement et de lui procurer en son sein un nouvel emploi compatible avec ses précédentes fonctions, ce dont elle s'est manifestement abstenue.

Dans pareil contexte, la rupture doit être considérée en définitive comme imputable à la SA IMERYS et s'analyser en un licenciement abusif à un double titre puisque, contrevenant aux dispositions légales, elle n'a pas assuré le rapatriement d'Ukraine de M. [T] [G] en lui procurant en son sein un emploi comparable, d'une part, et a procédé directement à son licenciement sans l'énoncé d'un motif particulier reposant sur une juste cause, d'autre part, ce qui ressort du courrier du 30 octobre 2009 de M. [D], es-qualités (pièce précitée de l'appelant, n° 61).

Comme le soutient à bon droit l'appelant pour la détermination de son «salaire de référence», doivent être pris en compte le salaire de base et l'ensemble des avantages en nature convenus avec la SA IMERYS

Au vu du calcul présenté dans ses écritures (pages 16-17), la rémunération moyenne de M. [T] [G] sera ainsi fixée à la somme de 22 880 € bruts mensuels.

Infirmant tout autant le jugement critiqué, la SA IMERYS sera en conséquence condamnée à régler à M. [T] [G] les sommes suivantes :

- 115 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail, représentant l'équivalent de 5 mois de salaires eu égard à son ancienneté dans l'entreprise (une année) et à son âge (62 ans) ;

- 10 000 € d'indemnité pour licenciement irrégulier en application du texte précité dès lors qu'aucune procédure légale n'a été menée à cette fin ;

avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

- 45 102,30 € de solde d'indemnité compensatrice contractuelle de préavis correspondant à la différence entre la somme attendue (68 640 € ou 3 x 22 880 €) et ce qu'il a réellement perçu (23 537,70 € virés à son profit le 29 octobre 2009 sur un compte ouvert à la BANK OF CYPRUS PUBLIC CO LTD de Nicosie, pièce 10 de l'intimée), et 6 864 € d'incidence congés payés ;

- 91 520 € d'indemnité contractuelle de licenciement qu'il ne convient pas de réduire en tant que clause pénale, dans la mesure où elle ne présente pas un caractère manifestement excessif eu égard aux circonstances de la rupture ;

- 20 592,05 € d'indemnité compensatrice légale de congés payés ;

- 26 107,20 de rappel au titre du bonus annuel ou «Yearly Bonus» et 21 756 € de rappel au titre du bonus de fidélité ou «Long term incentives», dès lors que son contrat de travail a subsisté jusqu'au 6 octobre 2009, date d'expiration du préavis avec dispense d'exécution, ce qui lui permet ainsi de revendiquer une ancienneté cumulée de plus de douze mois (du 29 septembre 2008 au 6 octobre 2009), seule condition prévue pour pouvoir en bénéficier ;

- 22 880 € de rappel de salaire sur le mois de juin 2009 correspondant à une période d'hospitalisation de l'intéressé comme il en justifie (certificat du docteur [X] [N] du 28 juillet 2009, sa pièce 18), somme qui a fait l'objet d'une retenue abusive alors même que M. [D], es-qualités, dans son courriel du 23 juillet 2009 prenait l'engagement solennel de s'en acquitter («Au sujet de votre absence du mois de juin, je vous confirme notre accord pour vous le payer», pièce 6 de l'appelant) ;

avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2010, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation.

Sur le travail dissimulé

Au soutien de cette demande, M. [T] [G] invoque une situation de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié dans la mesure où la SA IMERYS réglait ses salaires par l'intermédiaire de «sociétés écrans (Acumen et Brain Source International) sous couvert de contrats de prestation de services qui avaient pour objet de masquer la relation de travail existant(e)», ce qui relève selon lui d'«un montage frauduleux mis en place par la Société dans le seul but d'éviter le paiement de charges sociales afférentes à (son) emploi».

Aux termes d'un contrat de prestation conclu le 1er octobre 2008, M. [T] [G] s'engage dans le cadre d'une mission à fournir à la société ukrainienne ACUMEN OUTSOURCING LLC des services-conseil portant sur les capacités de développement du marché de la vente et de l'exploitation minière du kaolin en Ukraine, avec en contrepartie le règlement par celle-ci des services ainsi rendus pour un coût calculé mensuellement sur la base du volume de travail réel (pièce 2 de l'intimée).

Ce montage contractuel a de fait abouti à ce que la SA IMERYS délègue à la société ACUMEN OUTSOURCING LLC, sous couvert de la rémunération d'une prestation de services, le paiement des salaires revenant normalement à M. [T] [G] qui n'a bien évidemment reçu de la part de l'intimée aucun bulletin de salaire durant toute sa période d'emploi.

La société ukrainienne ACUMEN OUTSOURCING LLC a ensuite été remplacée par la société anglaise BRAIN SOURCE INTERNATIONAL LIMITED aux mêmes fins comme le reconnaît l'intimée dans ses conclusions en page 7 («cette rémunération étai réglée à Monsieur [G] ' pour partie par la Société ACUMEN OUTSOURCING LLC ' puis par la Société BRAIN SOURCE INTERNATIONAL ' du fait des prestations qu'il réalisait et facturait pour le compte de ces Sociétés»).

Contrairement à ce que prétend la SA IMERYS, en participant à ce système qu'elle surveillait de près si l'on se reporte aux interventions de M. [D] en la matière (pièces précitées de l'appelant n° 5-38-39-40-49), ce qui caractérise l'élément intentionnel exigé, elle s'est rendue coupable d'une pratique de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié au sens de l'article L.8221-5 du code du travail.

Infirmant la décision querellée, la SA IMERYS sera condamnée à payer à M. [T] [G] la somme indemnitaire forfaitaire à ce titre de 137 280 € représentant six mois de salaires en application de l'article L.8223-1 du même code, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'intimée sera condamnée en équité à payer à M. [T] [G] la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

DIT et juge que la SA IMERYS et M. [T] [G] ont été liés par un contrat de travail durant toute sa période d'emploi ;

En conséquence,

CONDAMNE la SA IMERYS à régler à M. [T] [G] les sommes suivantes :

115 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif

10 000 € d'indemnité pour licenciement irrégulier en l'absence de toute procédure légale menée

137 280 € d'indemnité pour travail dissimulé

avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt

45 102,30 € d'indemnité contractuelle compensatrice de préavis

6 864 € d'incidence congés payés sur préavis

91 520 € d'indemnité contractuelle de licenciement

20 592,05 € d'indemnité compensatrice légale de congés payés

26 107,20 € de rappel de bonus annuel

21 756 € de rappel de bonus de fidélité

22 880 € de rappel de salaire sur le mois de juin 2009

avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2010 ;

Y ajoutant,

ORDONNE la capitalisation des intérêts au taux légal sur les sommes précitées dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

CONDAMNE la SA IMERYS à payer à M. [T] [G] la somme de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA IMERYS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/10794
Date de la décision : 30/04/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/10794 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-30;11.10794 ?
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