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29/04/2014 | FRANCE | N°12/03865

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 29 avril 2014, 12/03865


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 29 Avril 2014

(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03865



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section industrie RG n° F10/00950





APPELANT

Monsieur [G] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne

assisté de Me Nat

halie PANOSSIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2033







INTIMÉE

SAS GUARD INDUSTRIE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Karine MIGNON-LOUVET, avocat au barreau de P...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 29 Avril 2014

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03865

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Février 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section industrie RG n° F10/00950

APPELANT

Monsieur [G] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne

assisté de Me Nathalie PANOSSIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2033

INTIMÉE

SAS GUARD INDUSTRIE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Karine MIGNON-LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0111

en présence de M. Barnabé WAYSER président

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine PORCHER, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claudine PORCHER, présidente

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 10 décembre 2013

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudine PORCHER, présidente et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [G] [R], engagé suivant contrat à durée indéterminée du 1er octobre 1995 en qualité de directeur des ventes du produit « Protect Guard » a été convoqué le 31 décembre 2009 par la société GUARD INDUSTRIE à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 12 janvier 2010 et mis à pied à titre conservatoire.

Le 10 février 2010, il a été licencié pour faute grave au motif de carences professionnelles et de manquements à ses obligations contractuelles, notamment de loyauté et de fidélité.

Contestant le bien fondé de cette mesure, Monsieur [G] [R] a saisi, le 11 mars 2010, le conseil de prud'hommes de BOBIGNY qui, par jugement rendu le 8 février 2012, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Le 16 avril 2012, Monsieur [G] [R] a interjeté appel de cette décision.

Il soutient que la procédure de licenciement fait écho à son refus de signer un avenant modifiant le périmètre de ses fonctions et sa rémunération et a été orchestré de toutes pièces par l'employeur qui n'a pas hésité à télécharger des fichiers pornographiques et zoophiles sur son ordinateur, qu'aucun des griefs visés dans la lettre de licenciement et qui s'inscrivent sur une période de deux ans, n'est fondé et justifié et invoque le préjudice important subi du fait de la rupture abusive, brutale et vexatoire de son contrat de travail.

Il fait valoir qu'il n'a jamais été réglé de son droit à commissions fixé par le contrat de travail, qu'il a respecté la clause de non concurrence, illicite faute de contrepartie financière, incluse dans celui-ci et n'a pas été remboursé de ses frais de décembre 2009.

Il sollicite l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de la société GUARD INDUSTRIE à lui payer :

41 751 € d'indemnité compensatrice de préavis et 4 175 € de congés payés afférents

35 924,81 € d'indemnité légale de licenciement

18 610 € de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 1 816,10 € de congés payés afférents.

10 000 € de dommages et intérêts pour procédure de licenciement brutal et vexatoire

35 000 € de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté

350 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

267 544 € de rappel de salaire pour les années 2005 à 2009 et 26 754 € de congés payés afférents

36 000 € de dommages et intérêts au titre de la clause de non concurrence

4 384,82 € de remboursement de frais.

A titre subsidiaire, si la cour considérait le rappel de commissions non fondé, il demande 22 050 € et 2 205 € au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, 18 973 € pour l'indemnité légale de licenciement, 9 800 € et 980 € de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de congés payés afférents.

En tout état de cause, il sollicite le débouté de la SAS GUARD INDUSTRIE de ses demandes reconventionnelles, les intérêts au taux légal capitalisés à compter de la convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes à caractère de salaire et du prononcé de la décision pour celles à caractère indemnitaire ainsi qu'une somme de 7 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GUARD INDUSTRIE fait valoir que le projet d'avenant a été proposé à Monsieur [R] dans un but de le remotiver face à son absence de résultat qui s'est avérée due à ses activités parallèles découvertes lors de l'intervention d'un huissier de justice, que chacun des 12 griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, tous démontrés, peut constituer une faute grave et qu'aucune des demandes de ce dernier n'est justifiée.

Elle sollicite la confirmation de la décision déférée, le débouté de Monsieur [R] de l'intégralité de ses prétentions, à titre subsidiaire, sa condamnation à lui rembourser un trop perçu à hauteur de 202 341,93 € et, en tout état de cause, à lui verser 30 000 € en réparation de son préjudice, aux dépens comprenant les frais d'huissier et à une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits et de la procédure, des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées à l'audience des débats.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande en rappel de salaire

Le contrat de travail conclu le 1er octobre 1995 prévoit, en son article 6 ' REMUNERATION, qu'en contrepartie de ses fonctions, Monsieur [R] percevra une rémunération exclusivement composée de commissions sur le chiffre d'affaires réalisé par la société au titre de la vente du produit PROTECT GUARD, autre que celle des grandes surfaces de bricolage et marchés spécifiques.

Il fixe ce droit à commissions à 10% de ce chiffre d'affaires net H.T encaissé ( déduction faite de toutes remises, avoirs escomptes, remises fin d'année etc...) lequel ne sera définitivement acquis qu'après règlement des factures correspondantes.

Il précise que les commissions seront versées chaque fin de mois sur le chiffre d'affaires encaissé du mois précédent.

Les bulletins de paie versés aux débats de 2005 à 2009 mentionnent le versement d'un salaire de base fixe, en dernier lieu de 3 510,70 €, et de commissions.

Ces modalités de rémunération qui ne correspondent pas aux stipulations du contrat de travail et qui auraient été appliquées pendant 15 ans soit depuis le début de la relation de travail n'ont fait l'objet d'aucune contestation avant la proposition d'avenant refusé par Monsieur [R].

Même en l'absence d'avenant, il y a lieu de considérer que cette modification qui porte sur un élément essentiel du contrat de travail, a été librement convenu entre les parties et accepté par Monsieur [R], apte de par ses fonctions à en mesurer la portée et qui ne peut, 15 ans plus tard, venir valablement soutenir qu'elle lui aurait été imposée.

En tout état de cause, l'interprétation littérale de la clause rémunération de son contrat ne permet pas une extension de son droit à commission sur des produits autres que le produit PROTECT GUARD.

Par ailleurs, outre l'absence d'éléments permettant de considérer que les applicateurs agréés et les industriels ne relevaient pas du cadre des marchés spécifiques, ceux-ci n'entraient pas dans le champ contractuel en 1995 puisque Monsieur [R] indique que ces professionnels ont commencé à être démarchés en 2002/20003.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré qui a débouté Monsieur [R] de sa demande de rappel de salaires non justifiée en son principe ni en son montant, la demande en remboursement d'un trop perçu à hauteur de 202 341,93 € formée, à titre subsidiaire, par la société GUARD INDUSTRIE devant ainsi sans objet.

Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis et, l'employeur qui l'invoque pour licencier, doit en apporter la preuve.

Le délai de deux mois de la prescription des faits fautifs édictée par l'article L 1332-3 du code du travail et, qui ne concerne pas le licenciement pour insuffisances professionnelles, ne court que du jour où l'employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés soit, en l'espèce, à la suite des constats d'huissier des 28 janvier et 4 février 2010.

Il n'y a donc pas lieu d'accueillir le moyen tiré de la prescription des faits fautifs évoqué par Monsieur [R].

Les griefs énumérés dans la lettre de licenciement reposant sur les carences professionnelles de Monsieur [R] à savoir, sa démotivation, son refus de communication de son emploi du temps et de remise de compte rendus d'activités, ses objectifs non tenus, un comportement désinvolte dans ses rapports avec les autres salariés, une divergence de vue concernant ses fonctions et son incapacité à développer de nouveaux clients sont étroitement liés aux manquements aux obligations de loyauté et de fidélité qui lui sont reprochés par la société GUARD INDUSTRIE sur la base des constats d'huissier.

Ces manquements du salarié qui trouvent leur source dans son actionnariat ou sa participation dans trois entreprises situées au LUXEMBOURG et en SUISSE ayant un objet social similaire, connexe ou concurrent, constituées, le 5 juin 2008 pour la société ARADA LUXEMBOURG, le 18 juin 2008 pour la société HYDROMMAGE et le 24 août 2007 pour la société CARO'CIMENT sont établis par les pièces versées aux débats et notamment les statuts des sociétés et les mails contenus dans l'ordinateur de celui-ci.

Ces documents démontrent en effet que Monsieur [R] a utilisé son temps de travail, les moyens en matériel et en personnel de la société GUARD INDUSTRIE et les chantiers de cette dernière au profit de ces sociétés.

De tels faits constituent à eux seuls une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le licenciement de Monsieur [R] reposait sur une faute grave et l'a débouté des ses demandes en rappel de salaires relatif à la mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure de licenciement brutale et vexatoire

En l'état de manquements reprochés à Monsieur [R] suite à la découverte de ses participations dans d'autres sociétés, il n'est aucunement établi que la cause de la rupture de son contrat réside en son refus de signer l'avenant proposé par son employeur.

Les opérations de constat, mesures d'instruction légalement admissibles, ordonnées par le juge des requêtes et par conséquent justifiées au regard de l'article 145 du code de procédure civile par l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ne peuvent caractérisées un licenciement brutal et vexatoire.

Il convient de confirmer le jugement déféré qui a débouté Monsieur [R] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté

Monsieur [R] motivant cette demande par le fait que l'employeur ne lui a pas réglé le salaire convenu en lui faisant miroiter une prise de capital à hauteur de 5%, non établi en l'espèce, il convient de l'en débouter.

Sur la clause de non-concurrence

Cette demande, nouvelle en cause d'appel, dérivant du même contrat de travail est recevable en application des dispositions de l'article R1452-7 du code du travail.

La clause d'interdiction de concurrence pendant une durée de 18 mois à compter de la rupture, insérée au contrat de travail ne comportant pas de contrepartie est, par conséquent, nulle étant par ailleurs observé que celle-ci n'était pas exigée à l'époque de sa rédaction.

La société GUARD INDUSTRIE démontre par la production d'un extrait KBIS, de la publication des demandes d'enregistrement, du contrat d'apporteur d'affaire conclu avec Monsieur [W] et d'une attestation de l'un de ses applicateurs agrée, Monsieur [E], que Monsieur [R] est le Président de la SAS GLISSGRIP immatriculée le 25 février 2011 dont l'objet social est la conception, fabrication, commercialisation de produits destinés à rendre antidérapantes les surfaces glissantes quel que soit le support et, qu'elle même, a créé et déposé, le 7 août 2002, la marque GLISSGUARD présentant les mêmes spécificités, qu'il a constitué cette société avec l'apporteur d'affaires de GUARD INDUSTRIE pour la Russie et a démarché en avril 2011 l'un de ses applicateurs agréé.

Ces éléments établissent l'absence de respect par Monsieur [R] de la clause de non concurrence et de fondement de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

Sur le remboursement de frais

Monsieur [R] produit une note de frais pour le mois de décembre 2009 d'un montant de 4 384,82 € et des extraits de son compte.

La demande en paiement de cette somme n'étant pas sérieusement contestée ni en son principe ni en son montant par la société GUARD INDUSTRIE, il y a lieu d'y faire droit.

Sur la demande reconventionnelle de la société GUARD INDUSTRIE

La société GUARD INDUSTRIE ne produisant aucune pièce justifiant du montant du préjudice subi du fait des manquements de Monsieur [R], il convient de confirmer le jugement déféré qui l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme partiellement le jugement déféré

Condamne la société GUARD INDUSTRIE à payer à Monsieur [G] [R] la somme de 4 384,82 € en remboursement de frais.

Confirme le jugement déféré pour le surplus.

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [R] de sa demande de dommages et intérêts pour respect de la clause de non concurrence illicite.

Dit que chacune des parties supportera ses dépens d'appel.

Dit n'y avoir lieu à allocation de somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 12/03865
Date de la décision : 29/04/2014

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°12/03865 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-29;12.03865 ?
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