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29/04/2014 | FRANCE | N°12/01006

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 29 avril 2014, 12/01006


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 4
ARRÊT DU 29 Avril 2014
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 01006
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Décembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de CRETEIL section activités diverses RG no 09/ 02413

APPELANTE
Madame Elisabeth X... épouse Y... demeurant...-94120 FONTENAY SOUS BOIS comparante en personne
Assistée de Me Yolande DE SENNEVILLE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 326, bÃ

©néficiant d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 008536 du 24/ 02/ 2014 accordée par l...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 6- Chambre 4
ARRÊT DU 29 Avril 2014
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 01006
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Décembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de CRETEIL section activités diverses RG no 09/ 02413

APPELANTE
Madame Elisabeth X... épouse Y... demeurant...-94120 FONTENAY SOUS BOIS comparante en personne
Assistée de Me Yolande DE SENNEVILLE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 326, bénéficiant d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 008536 du 24/ 02/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS.

INTIMÉE
SAS SOCIÉTÉ SARJEL Prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 78, Rue Garibaldi-94100 SAINT MAUR DES FOSSES
Représentée par Me Marc SPORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0023

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Nora YOUSFI, lors des débats
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Madame Mélanie RAMON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour est saisie de l'appel interjeté par Elisabeth X... épouse Y... du jugement du conseil de prud'hommes de Créteil, section activités diverses, rendu le 1er décembre 2011 qui a dit que le licenciement pour faute grave d'Elisabeth X... épouse Y... est fondé, qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et qui l'a condamnée à payer à la SA SARJEL la somme de 900 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Elisabeth X... épouse Y... a été engagée à compter du 18 décembre 2000 en contrat à durée indéterminée en qualité d'aide comptable par la SA SARJEL qui emploie plus de 11 salariés.
À la date du licenciement, Elisabeth X... épouse Y... avait la qualification de comptable et sa rémunération mensuelle s'élevait à 1 620 ¿.
Le 22 décembre 2008, la SA SARJEL lui a notifié une mise à pied disciplinaire de trois jours.
Le 18 mars 2009, Elisabeth Y... a été convoquée à un entretien préalable fixé au 31 mars 2009 et une mise à pied conservatoire lui a été notifiée.
Le 10 avril 2009, elle a été licenciée pour faute grave.
Madame Elisabeth X... épouse Y... demande à la Cour de :
- réformer le jugement,
- annuler la mise à pied du 22 décembre 2008 et de condamner la SA SARJEL à lui payer la somme de 256, 34 ¿ à titre de salaire et 25, 63 ¿ au titre des congés payés afférents,
- annuler la mise à pied du 18 mars 2009 et de condamner la SA SARJEL à lui payer la somme de 1246, 17 ¿ à titre de salaire et 124, 61 ¿ au titre des congés payés afférents,
À titre principal
-annuler le licenciement,
- en conséquence, condamner la SA SARJEL à lui payer les sommes suivantes :
19 440 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3 240 ¿ à titre de préavis, 324 ¿ au titre des congés payés afférents, 2 698, 60 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement,
À titre subsidiaire
-dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, condamner la SA SARJEL à lui payer les sommes suivantes : 19 440 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3 240 ¿ à titre de préavis, 324 ¿ au titre des congés payés afférents, 2 698, 60 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement,
À titre infiniment subsidiaire
-constater l'absence de faute grave,
en conséquence, condamner la SA SARJEL à lui payer les sommes suivantes :
3240 ¿ à titre de préavis, 324 ¿ au titre des congés payés afférents, 2698, 60 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement,- ordonner la remise sous astreinte des documents conformes,
- condamner la SA SARJEL à lui payer la somme de 15 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- condamner la SA SARJEL à lui payer la somme de 3 000 ¿ au titre des frais irrépétibles.
La SA SARJEL demande à la Cour de confirmer le jugement et de condamner Elisabeth X... épouse Y... à lui payer la somme de 5 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 2 500 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur la mise à pied disciplinaire du 22 décembre 2008
La sanction disciplinaire repose sur les faits suivants :
«... Le lundi 1er décembre 2008 vers 16 H 50, vous traitez Monsieur T. Z... de " gros connard ", en employant un ton si élevé que bon nombre d'autres salariés entendent et en sont choqués. De tels écarts de langage sont d'autant plus graves qu'ils ne constituent pas un cas isolé. En effet, le 5 novembre 2008 vers 14 heures, alors que vous vous trouvez en salle de pause et au prétexte que vos collègues ne partagent pas votre point de vue, vous manifestez votre colère et les traitez de " lèche-cul " et de " cons ", vous auriez également tenu en leur présence des propos à caractère antisémite... ».
Ces faits sont attestés par plusieurs collègues de l'intéressée. Tous font état des propos injurieux, déplacés et méchants tenus par Elisabeth X... épouse Y... créant une mauvaise ambiance au sein de l'entreprise. Une pétition a été signée le 5 novembre 2008 par 9 de ses collègues qui en appellent la direction de l'entreprise pour faire cesser le comportement inacceptable d'Elisabeth X... épouse Y... qui par ses remarques désobligeantes à l'égard du personnel installe un climat peu propice à un travail d'équipe serein et efficace.
Par courrier du 28 janvier 2009, Elisabeth X... épouse Y... a contesté la sanction disciplinaire en faisant valoir que quand bien même elle aurait eu une attitude inadaptée à l'égard de ses collègues, elle est liée aux faits qu'elle avait dénoncés et à la dégradation de son état psychologique subséquent.
Il ne ressort des attestations de collègues de travail de l'intéressée aucune volonté de lui nuire suite à la dénonciation de faits d'agression sexuelle qu'elle a dirigée contre l'un d'eux mais au contraire le souci de rétablir au sein de l'entreprise des conditions de travail sereines et apaisées.
L'employeur qui est tenu à l'égard de son personnel d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et la sécurité des travailleurs conformément à l'article L. 4121-1 du Code Travail, a pris une mesure adaptée de nature à faire cesser le comportement perturbateur d'Elisabeth X... épouse Y... en lui infligeant une sanction disciplinaire de mise à pied durant trois jours, sanction proportionnée à l'importance du trouble généré dans l'entreprise et nécessitant son éloignement temporaire.
La demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire notifié le 22 décembre 2008 sera rejetée.
Sur le licenciement et la mise à pied conservatoire du 18 mars 2009
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige fait état des éléments suivants :
- «... Le 11 novembre 2008, vous déposez plainte à l'encontre de M. Thierry Z..., un de vos collègues de travail, pour agression sexuelle ; cette plainte a fait l'objet d'un classement sans suite le 24 février 2009, classement dont nous avons été informés le 18 mars 2009 par M. Thierry Z..., au motif que l'infraction n'était pas caractérisée. Ce classement sans suite ne fait que confirmer les conclusions de l'enquête menée en interne dans le cadre de nos obligations en matière de protection de la santé physique et morale de nos salariés. Vous avez accusé à tort Monsieur Thierry Z... pour justifier l'altercation purement professionnelle que vous avez eue avec ce dernier en date du 4 novembre 2008. Votre plainte... a installé au sein de l'entreprise un climat de suspicion et une ambiance délétère, peu favorable aux conditions de travail... ».
- «... Par ailleurs, force est de constater que vous n'avez tenu aucun compte de notre courrier RAR du 22 décembre 2008 vous notifiant une mise à pied disciplinaire de trois jours au motif de votre comportement intolérable et incompatible avec des relations normales de travail. Vous persistez en effet, sans retenue, à critiquer tout et tout le monde, dénigrer la société et ses dirigeants, proférer des insultes ; lors de l'entretien du 31 mars dernier, vous avez reconnu lesdits faits, déclarant pour les justifier " je dis ce que je pense "... Vos écarts de conduite et de langage, répétés, votre attitude pour le moins incontrôlable, incompatibles avec des relations normales de travail, pèsent sur le climat social, perturbent gravement le fonctionnement du service et rendent impossible votre maintien dans l'entreprise, y compris pendant votre préavis... ».
Deux griefs sont retenus à l'encontre de Elisabeth X... épouse Y.... Il lui est reproché :- d'avoir accusé à tort son collègue de faits d'agression sexuelle,- d'avoir persisté dans ses écarts de conduite et dans son comportement agressif à l'égard de ses collègues.
Le 11 novembre 2008, Elisabeth X... épouse Y... a déposé plainte au commissariat de Fontenay-sous-Bois contre son collègue de travail Thierry Z... pour des faits d'agression sexuelle commis sur son lieu de travail depuis le début du mois de septembre de la même année. Cette plainte a été classée sans suite le 24 février 2009 pour le motif « infraction non caractérisée ».
Au terme de articles L. 1152-1 et suivants du Code du Travail, l'employeur ne peut ni sanctionner ou licencier ni discriminer un salarié victime ou témoin de faits de harcèlement qu'il a relatés, à peine de nullité du licenciement, sauf à démontrer que le salarié a agi de mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par l'intéressé de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits énoncés ne sont pas établis.
L'employeur prétend, sans le démontrer, qu'Elisabeth X... épouse Y... a déposé une plainte pour agression sexuelle à l'encontre de l'un de ses collègues avec lequel elle venait d'avoir une altercation au sujet de directives qu'elle avait données à tort, et ce dans l'unique optique de se venger.
S'il est vrai qu'Elisabeth X... épouse Y... est présentée comme très critique à l'égard de ses collègues se laissant aller à tenir des propos déplacés voire même à des insultes à leur encontre, il ne résulte ni des déclarations recueillies lors de l'enquête interne effectuée par la direction auprès des salariés concernés, ni de l'enquête de police, qu'Elisabeth X... épouse Y... ait manifesté un désir de vengeance en déposant plainte contre son collègue.
La mauvaise foi est d'autant moins établie qu'en l'état elle n'a pas fait l'objet d'une condamnation pour dénonciation calomnieuse suite à la plainte déposée le 5 novembre 2010 par Thierry Z....
La plainte pour harcèlement sexuel déposée par Elisabeth X... épouse Y... ne peut fonder en soi le licenciement si ce n'est qu'après la mise à pied du 22 décembre 2008, de nouveaux faits reprochés à Elisabeth X... épouse Y... ont été portés à la connaissance de la SA SARJEL par plusieurs salariés du service comptabilité par une pétition du 25 février 2009 qui dénonce le comportement d'Elisabeth X... épouse Y... qui ne cesse de critiquer tout le monde, en dénigrant la société et ses dirigeants, en proférant des insultes. De nouvelles attestations sont versés aux débats relatant le comportement agressif et insultant de la salariée qui est incompatible avec des relations normales de travail, perturbant le fonctionnement du service et rendant impossible le maintien d'Elisabeth X... épouse Y... dans l'entreprise. Est en effet constitutif d'une faute grave le comportement réitéré, vexatoire et insultant envers d'autres salariés.
L'attitude perturbatrice manifestée par Elisabeth X... épouse Y... dans le fonctionnement de l'entreprise justifie le prononcé d'une mesure de mise à pied à titre conservatoire étant rappelée que la mise à pied conservatoire concomitante au déclenchement d'une procédure de licenciement fondée sur une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise n'est pas une sanction disciplinaire. La demande formée par Elisabeth X... épouse Y... tendant annuler la mise à pied conservatoire sera rejetée.
La faute grave étant privative de l'indemnité de préavis et de licenciement, Elisabeth X... épouse Y... sera déboutée des demandes qu'elle formule à ce titre ainsi que de la demande de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et de congés payés afférents.

Sur le harcèlement moral
L'article L. 1154-1 du Code de Travail prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Elisabeth X... épouse Y... invoque les faits suivants : multiplication des sanctions, afflux d'attestations à la limite de l'injure et de la calomnie, parti pris de l'employeur contre elle et mise en place d'une cabale pour se débarrasser d'elle par tous moyens. Elle ne produit aucun élément de nature à étayer des faits de harcèlement. Elle n'en a pas fait état dans ses différentes correspondances adressées à son employeur ni au médecin du travail lors de la visite de reprise le 12 janvier 2009. Par ailleurs, la seule sanction de mise à pied disciplinaire notifiée le 22 décembre 2008, ci-dessus déclarée fondée, ne saurait s'analyser comme des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral ni même résulter d'un parti pris de l'employeur contre elle.
Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur les demandes incidentes de la SA SARJEL
La SA SARJEL prétend que la procédure engagée contre elle par Elisabeth X... épouse Y... n'a vocation qu'à lui nuire. Le fait pour le salariée de contester un licenciement pour faute grave ne constitue pas en soi une procédure abusive. La SA SARJEL sera déboutée de la demande formée à ce titre.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de la SA SARJEL.

PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Déboute Elisabeth X... épouse Y... de l'ensemble de ses demandes,
Déboute la SA SARJEL de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande d'indemnité de procédure,
Condamne Elisabeth X... épouse Y... aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/01006
Date de la décision : 29/04/2014
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2014-04-29;12.01006 ?
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