Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 10 AVRIL 2014
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/04644
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 janvier 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - PREMIÈRE CHAMBRE A - RG n° 2011031634
APPELANTE
SOCIÉTÉ IVOIRIENNE DE RAFFINAGE (SIR) SA de droit ivoirien, dont le siège social est [Adresse 3], immatriculée en Côte d'Ivoire sous le N°CI-ABJ-1962-B-2603
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
élisant domicile chez Maître Xavier DELPLANQUE, Avocat
ayant son siège social [Adresse 2]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Représentée par Me Xavier DELPLANQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0202
INTIMÉE
Société ADDAX ENERGY
ayant son siège social [Adresse 1]
Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque: L0044
Représentée par Me Sylvie MORABIA de l'AARPI BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : T12
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 janvier 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport et Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère
Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Madame Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Le 23 août 2010, la société Ivoirienne de raffinage (la société SIR) a lancé un appel d'offres pour acheter une certaine quantité de barils de pétrole brut qui devaient être livrés entre le 15 et le 20 octobre 2010.
Par un courrier électronique du 26 août 2010, elle a fait savoir à la société de droit suisse Addax Energy (la société Addax), que son offre était retenue en lui précisant les éléments de fixation du prix.
Le 8 septembre 2010, la société Addax a confirmé l'accord intervenu entre elles le 27 août et a adressé à la société SIR un contrat.
Le 30 septembre 2010, la société SIR a envoyé un engagement de payer à la banque BNP Paribas (la BNP) qui a émis une garantie de couvrir 90% des paiements du pétrole brut livré par la société Addax.
À la suite de la livraison, qui a eu lieu le 23 octobre 2010, la société Addax a émis sa facture le 1er décembre 2010 pour un montant de 83 235 138,05 dollars correspondant au prix convenu augmenté des intérêts au taux contractuel, soit du 20 novembre au 19 janvier 2011, date d'exigibilité des paiements.
Le 14 janvier 2011, le Conseil de l'Union Européenne a adopté le règlement 25/2011 décidant le gel sur le territoire des États membres de tous les avoirs de certaines personnes morales, dont la société SIR, comme contribuant à l'administration du chef de l'État Ivoirien [E] [M].
Le 21 janvier 2011, la société Addax a fait pratiquer des saisies conservatoires sur les avoirs gelés de la société SIR pour le montant de sa créance.
Le 23 mars 2011, saisi en référé, le président du tribunal de commerce de Paris a condamné la société SIR à payer une provision de 83 605 257,11 dollars correspondant à la somme due entre le 30ème et le 90ème jour, mais a considéré que ne relevait pas du pouvoir du juge des référés le paiement des intérêts au delà du 90ème jour.
A la suite de cette décision, la société Addax a fait assigner la société SIR en paiement des intérêts de retard pour la période comprise entre le 20 janvier et le 14 avril 2011 au taux contractuel de 4,21 %, soit la somme de 820 891,96 dollars, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation. La société SIR a contesté devoir cette somme en soutenant ne pas avoir signé le contrat dont se prévalait la société Addax et en invoquant la force majeure qui l'aurait empêchée de procéder au paiement convenu, ainsi que diverses fautes commises par la société Addax.
Par jugement rendu le 31 janvier 2012, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société SIR à payer à la société Addax la somme de 519 452,06 € au titre des intérêts pour la période comprise entre le 20 janvier et 14 avril 2011, majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2011 ;
- condamné la SIR à payer à la société Addax la somme de 15 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, la déboutant pour le surplus de ses demandes.
Vu l'appel interjeté le 12 mars 2012 par la société SIR contre cette décision
Vu les dernières conclusions signifiées par la société SIR le 5 décembre 2012, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- annuler à titre principal en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 janvier 2012 par le tribunal de commerce de Paris pour violation manifeste des droits de la défense par l'arbitraire d'une décision rendue sans préciser le droit applicable.
Subsidiairement,
- infirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 31 janvier 2012 par le tribunal de commerce de Paris,
- débouter la société Addax de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- donner acte à la société SIR qu'elle a donné des instructions de paiement conformes aux instructions de la société Addax, sans toutefois reconnaître l'opposabilité des termes du prétendu contrat que celle-ci tente de lui opposer ;
- dire en conséquence que le défaut de paiement n'est pas lié à une prétendue inexécution de la société SIR ;
- condamner la société Addax au paiement de la somme de 80 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SIR expose qu'elle n'a pas accepté les termes du contrat du 8 septembre 2010 sur lequel est fondé le calcul des intérêts de retard dont le paiement est revendiqué par la société Addax. Elle conteste que son attitude puisse être interprétée comme une acceptation de ce contrat, sur lequel elle n'a pas apposé sa signature. Elle ajoute que la société Addax ne rapporte pas la preuve d'un quelconque accord sur les clauses de ce contrat prévoyant les pénalités contractuelles de retard et excluant la force majeure pour le défaut de paiement.
Elle soutient qu'elle a parfaitement exécuté ses obligations de paiement, avant qu'intervienne le gel de ses avoirs, qui constitue un événement de force majeure, puisqu'elle a validé un ordre de paiement irrévocable auprès de la BNP le 22 octobre 2011 et qu'il incombait alors à la société Addax de présenter sa demande en paiement à cette banque dès la livraison de la marchandise de manière à ce que celle-ci bloque une provision qui aurait été payée au terme convenu. Elle fait valoir que le retard d'encaissement du paiement a été causé et aggravé par la société Addax puisqu'elle n'a pas présenté des documents conformes à la BNP lors de sa demande en paiement, qu'elle n'a pas pris en compte l'imminence des sanctions économiques de l'Union Européenne qui étaient pourtant prévisibles et qu'elle a procédé à une saisie conservatoire anéantissant tout déblocage possible de la situation.
Elle énonce enfin que dans la mesure où elle n'a pas accepté le prétendu contrat du 8 octobre 2010, si un taux d'intérêt au delà du 90ème jour devait lui être appliqué ce serait celui accepté dans le contrat du 27 août 2010, celui du taux Libor de 2,4%.
Vu les dernières conclusions signifiées le 8 octobre 2012 par la société Addax, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il reconnaît la validité et l'opposabilité à la SIR du contrat du 8 septembre 2010, ainsi que le bien-fondé de la créance d'intérêts de retard de la société Addax ;
- réformer ledit jugement en ce qu'il écarte les taux d'intérêts de 4,21625% contractuellement prévu au motif qu'il serait partiellement indemnitaire, retient un taux de 2,668% et en déduit une somme de 519 452,06$ au titre des intérêts de retard dont est redevable la SIR ;
- dire et juger que le seul taux applicable en vertu du contrat du 8 septembre 2010 est celui de 4,21625% stipulé dans le contrat du 8 septembre 2010 permettant de déduire le montant réel des indemnités de retard à savoir 820 891,96 $ ;
- condamner en conséquence la SIR à payer à la société Addax, au titre des intérêts contractuels de retard pour la période comprise entre le 19 janvier 2011 et le 14 avril 2011, calculés au taux contractuel de 4,21625%, la somme de 820 891,96$, majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2011, date de l'assignation de la société Addax en première instance ;
- débouter la SIR de toutes ses prétentions, l'y disant mal-fondée ;
- condamner la SIR à verser à la société Addax, la somme de 80 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Addax affirme que le jugement entrepris est parfaitement motivé s'agissant du droit applicable puisqu'il a exactement visé l'article 455 du code de procédure civile et qu'en déclarant les parties régies par le contrat du 8 septembre 2010, il s'est nécessairement prononcé sur le droit applicable en l'espèce, le droit anglais.
Elle expose que les parties sont bien liées par le contrat du 8 septembre 2010 puisque bien que ne l'ayant ni paraphé, ni signé, la société SIR a implicitement accepté ce contrat en l'exécutant et en n'émettant aucune protestation à réception de la facture calculée selon les termes du contrat litigieux.
La société Addax indique que si la société SIR a émis un engagement de payer auprès de la BNP le 22 octobre 2010, cet engagement ne constitue pas une instruction de payer, puisqu'il ne s'agissait pas d'un crédit documentaire et que le paiement n'est réellement intervenu que le 14 avril 2011 à la suite de la conversion en saisies-attribution des saisies-conservatoires.
Elle soutient qu'aucune faute ne peut lui être imputée puisqu'au cours de leurs échanges, la société SIR avait demandé à faire usage de la possibilité de ne procéder au paiement que 90 jours après l'émission des connaissements et qu'à compter du 15 janvier 2011, il lui était devenu impossible de demander le paiement aux banques à la suite du gel décidé par l'Union Européenne.
En outre, l'intimée expose que le contrat prévoyait expressément dans son article 17 que l'obligation de paiement ne pouvait être exonérée par la force majeure et elle précise que le paiement n'a effectivement pu être réceptionné qu'à la date à laquelle la SIR a acquiescé par écrit à la conversion des saisies-conservatoires, c'est à dire le 14 avril 2011.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la demande de nullité du jugement
La société SIR reproche aux premiers juges de ne pas avoir précisé le droit applicable au litige et de ne pas avoir motivé sa décision sur ce point. Elle soutient que ce défaut doit entraîner la nullité du jugement.
Il ressort toutefois de la retranscription du dispositif des conclusions de la société SIR, en page 4 du jugement, que celle-ci n'a pas formé de demande au tribunal tendant à ce que celui-ci se prononce expressément sur le droit applicable. Par ailleurs, le jugement a fondé sa décision en retenant que le contrat adressé par la société Addax à la société SIR le 8 septembre 2010 avait été accepté par celle-ci et qu'il était applicable en dépit de l'absence de signature du représentant de la société SIR. Il s'en déduit que pour autant que cela ait été nécessaire à la suite de son raisonnement, le tribunal a nécessairement considéré que le droit applicable était le droit anglais ainsi que le prévoyait l'article 14 du contrat litigieux.
Il n'y a donc pas lieu d'annuler le jugement dont la motivation permet aux parties de connaître les termes du raisonnement ayant conduit à son prononcé et par voie de conséquence, de les contester devant la Cour d'appel.
Sur la conclusion du contrat du 8 septembre 2010
Le litige des parties portant à titre liminaire sur la question de savoir si le contrat de vente de pétrole du 8 septembre 2008 a bien été conclu entre les parties conduit à trancher cette question au regard de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, à laquelle la Suisse, dont la société Addax est ressortissante, a adhéré.
En application de cette convention, le droit applicable à un contrat est, à défaut d'accord exprès entre les parties, le droit du lieu de livraison des marchandises. Or celles-ci ayant été livrées en Côte d'Ivoire, il y a lieu d'appliquer le droit ivoirien. Ce droit ayant fait sien les principes du droit français, la question de savoir si le contrat a été conclu entre les parties sera examinée, ainsi que le revendique la société SIR, au regard du droit français.
Selon les dispositions de l'article 1101 du code civil, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou ne pas faire quelque chose. Si le silence d'une partie ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation.
En l'espèce, la société SIR ne conteste pas avoir reçu le contrat que lui a adressé la société Addax le 8 septembre 2010, elle n'en a contesté aucune des dispositions et l'a exécuté à plusieurs occasions. En effet, elle a, en application de l'article 7B de cette convention, adressé à la BNP l'engagement de paiement désigné comme « Purchase Undertaking » ou « PU » en reprenant les termes précis du modèle de lettre de garantie figurant dans cette disposition, lesquels reprenaient les conditions de paiement prévues au contrat, de même que le principe selon lequel ce paiement devrait intervenir dans les 90 jours. Elle a, par ailleurs, après avoir reçu le contrat, indiqué à la société Addax toutes les modalités de livraison du pétrole et lui a, notamment, précisé par un courrier électronique du 15 octobre 2010 qu'en raison du sabotage du terminal de Forcados, elle se trouvait dans l'obligation de réduire de 4,5 % la quantité à livrer et qu'elle prendrait « cela en compte dans le pricing Euros/dollars de la cargaison (désormais 70 % euros de 955'000 bbls) ». Elle a ensuite pris livraison des barils le 22 octobre 2010 et, le même jour, a adressé à la BNP le « PU » (Pce SIR n° 13) ainsi que sa copie à M. [Z] de la société Addax. Enfin, elle n'a émis aucune protestation à réception de la facture émise et adressée par la société Addax et, par lettre du 14 février 2011, son conseil a précisé à l'avocat de la société Addax « Je vous confirme l'acceptation de ma cliente pour voir soumettre le litige qui l'oppose à la société Addax au tribunal de commerce de Paris en lieu et place de la High Court de Londres ». Or la compétence de la High Court de Londres était énoncée à l'article 14 du contrat du 8 septembre 2010. Ces termes confirment, s'il en était besoin, que la société SIR considérait que ce contrat était applicable, ce dont il se déduit qu'elle l'avait bien accepté.
Il est sans effet, au regard de cet ensemble de circonstances, que le contrat n'ait été ni paraphé, ni signé par les parties, ou que la société SIR n'en ait pas fait mention dans des échanges ultérieurs avec la société Addax, ou même qu'elle l'ait renvoyé à la société SIR le 30 septembre 2010, dés lors que le document, objet de ce second envoi, est rédigé dans des termes strictement identiques à ceux du contrat adressé le 8 septembre précédent. Est encore sans effet à démentir la conclusion du contrat entre les parties, la précision de la clé de paiement du montant de la facture par courrier électronique du 30 septembre, puisque l'article 7 du contrat énonçait précisément que l'acheteur préciserait avant le 23 décembre 2010 la répartition en pourcentage entre l'Euro et le dollars exposée à l'alinéa précédent. En outre, le fait que le « Purchase Undertaking » adressé par la société SIR à la BNP le 22 octobre 2010, précise que l'engagement en cause était pris en application du contrat d'achat de barils « qui est soumis à acceptation définitive » est une déclaration unilatérale de la société SIR envers un tiers au contrat et n'est pas susceptible de rapporter la preuve contraire à son acceptation démontrée par le faisceau d'éléments relevés précédemment. Enfin, le fait que la garantie accordée par la BNP à la société Addax en vertu du « Purchase Undertaking » mentionne un contrat conclu entre les sociétés SIR et Addax le 27 août 2010, et non le 8 septembre 2010, ne démontre pas que le contrat litigieux n'aurait pas fait l'objet d'un accord puisque cette référence à la date de l'attribution du marché à la société Addax, n'est pas contradictoire avec la conclusion d'un contrat entre les parties le 8 septembre 2010.
Il convient donc au regard de l'ensemble de ces éléments de considérer que la société SIR a bien approuvé le contrat du 8 septembre 2010, que celui-ci fait donc la loi des parties et que les clauses 7 et 17 du contrat prévoyant, pour le premier, les intérêts de retard au delà du 90ème jour après la date du connaissement, et pour le second, que l'effet exonératoire de la force majeure ne sera pas applicable au défaut de paiement, sont opposables à la société SIR. En tant que de besoin les désaccords entre les parties devront être examinés au regard du droit anglais, expressément retenu par les parties pour régir leurs relations, à l'article 14 du contrat.
À ce sujet, il convient de relever que les termes de l'article 17 qui précisent à l'alinéa 1er que « Ni le vendeur, ni l'acheteur ne saurait être tenu pour responsable à raison de dommages-intérêts ou autre pour tout manquement ou retard ou pour l'exécution de toute obligation mentionnée dans le présent contrat autre que l'obligation de procéder au paiement ou pour l'acheteur de prendre livraison du matériel (...) » est parfaitement clair en ce qu'il exclut le bénéfice des effets exonératoires de responsabilité de la force majeure et ne nécessite aucune interprétation, contrairement à ce que soutient la société SIR. Il est donc inutile de s'interroger sur le point de savoir si la société SIR peut prétendre à la non application des intérêts prévus dans le cas d'un défaut de paiement au delà de 90 jours en raison de l'évènement de force majeure qu'a pu constituer le gel de ses avoirs par l'Union européenne.
Sur les fautes commises par la société Addax
La société SIR soutient que dès le dépôt à la BNP du « purchase undertaking » par ses soins le 22 octobre 2010, la société Addax aurait pu bénéficier du paiement de sa facture auprès de cette banque à condition de produire ce document ainsi que le jeu complet des originaux des connaissements accompagné des documents de chargement originaux. Or, selon elle, la société Addax a délibérément retardé l'émission de sa facture au 1er décembre 2010 et n'a pas pu, pour des raisons qui lui sont propres, présenter les originaux des connaissements. Elle estime que dans ces conditions, la société Addax qui ne pouvait ignorer le risque imminent du gel de ses avoirs, a commis une faute et s'est seule rendue responsable du dépassement du délai de 90 jours pour le paiement, ce qui ne lui permet pas de revendiquer le paiement des intérêts de retard à compter de ce moment.
Il résulte cependant du « purchase undertaking » adressé par la société SIR à la BNP qu'à la suite de l'engagement de paiement pris par la société, elle a précisé que « Un tel paiement sera effectué à 90 jours de la date des connaissements (La date des connaissements devant être considérée comme le jour 0 de ce délai) selon les termes de l'accord ». En conséquence, et quand bien même la facture de la société Addax et les connaissements auraient ils été établis à la date de la livraison des barils, celle-ci n'aurait pu prétendre à son paiement que 90 jours après, soit le 23 janvier, ou même le 19 janvier 2011, comme le prévoyait la facture du 1er décembre 2010. Or les avoirs de la société SIR ont été gelés par décision du Conseil de l'Union Européenne du 14 janvier 2011. Il s'en déduit que la date à laquelle la société Addax pouvait réclamer son paiement à la BNP était, quelle que soit sa réactivité à le faire, postérieure à la date du gel des avoirs et qu'elle ne peut, dans ces conditions et sans qu'importe qu'elle ait pu dans ses échanges avec la banque ou l'Administration se comporter comme propriétaire des fonds, ce qu'elle n'était en tout état de cause pas, être considérée pour responsable du dépassement du délai de 90 jours. Par ailleurs, il n'est nullement démontré que les saisies pratiquées par la société Addax sur les fonds ainsi garantis à son paiement aient eu pour objet ou pour effet de retarder celui-ci.
Sur le taux d'intérêts applicable
Compte tenu de l'acceptation du contrat du 8 septembre 2010 par la société SIR, ainsi qu'il a été précédemment retenu, le taux d'intérêts applicable pour la période postérieure au 90ème jour de la date des connaissements est bien celui prévu par l'article 7 soit le taux libor + 3,95 %, le jugement qui a retenu un taux de + 2,4 % doit donc être réformé sur ce point et le taux d'intérêt doit être fixé à 4,21625 % comme le soutient la société Addax sans être contestée sur ce montant par la société SIR.
Par ailleurs, dans la mesure où le fait de faire procéder à une saisie conservatoire des fonds objet du gel des avoirs ne constitue pas une faute de la part de la société Addax qui avait intérêt à faire bloquer les fonds devant lui revenir et qui demeuraient la propriété de la société SIR, il convient de retenir que la date du paiement n'est pas celle de la saisie conservatoire le 24 mars 2011, mais celle de l'acquiescement de la société SIR à la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution le 14 avril 2011 qui eu pour effet de rendre possible le versement des fonds à la société Addax, d'autant qu'il n'est en rien démontré que celle-ci aurait intentionnellement tardé à recevoir son paiement. En conséquence, la période de calcul des intérêts de retard s'étend, comme le soutient la société Addax du 19 janvier 2011 au 14 avril 2011.
En conséquence de ce qui précède, le jugement doit être réformé et la société SIR doit être condamnée à verser à la société Addax la somme de 820 891, 96 dollars US majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2011, date de l'assignation.
Sur les frais irrépétibles
Compte tenu de ce qui précède, il est justifié de ne pas laisser à la charge de la société Addax l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer pour défendre ses droits. En conséquence, la société SIR doit être condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
REJETTE la demande de nullité du jugement de la société SIR ;
INFIRME le jugement attaqué en ce qu'il a fixé à 519 452,06 euros la somme due à la société Addax par la société SIR au titre des intérêts échus postérieurement au 90ème jour de la date des connaissements ;
Statuant à nouveau,
DIT qu'en application du contrat du 8 septembre 2010, qu'elle a accepté, la société SIR est redevable envers la société Addax des intérêts de retard pour la période du 19 janvier au 14 avril 2011 au taux de 4,21625 % ;
CONDAMNE la société SIR à payer à la société Addax la somme de 820 891, 96 dollars US majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2011, date de l'assignation ;
CONDAMNE la société SIR à verser à la société Addax la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute demande des parties autre, plus ample ou contraire ;
CONDAMNE la société SIR aux dépens d'instance qui seront recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Presidente
E.DAMAREY C.PERRIN