RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 10 Avril 2014
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09062
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 08-02447
APPELANTE
SA PFIZER HOLDING FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Bernard André GENESTE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIMEE
URSSAF 75 - PARIS/REGION PARISIENNE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
représentée par Mme [I] en vertu d'un pouvoir spécial
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Localité 1]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Marion MELISSON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
*************
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Pfizer Holding France d'un jugement rendu le 28 juin 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à l'URSSAF de Paris-région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile de France ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que la société Pfizer Holding France est assujettie à la contribution sociale assise sur les dépenses de promotion de spécialités pharmaceutiques, prévue aux articles L 245-1 et L 245-2 du code de la sécurité sociale ; qu'estimant avoir acquitté à ce titre des contributions supérieures à celles réellement dues au titre des exercices 2004, 2005 et 2006, la société a demandé à l'URSSAF la restitution de la somme de 10 788 135 € ; qu'en l'absence de remboursement, la société Pfizer Holding France a saisi la commission de recours amiable, puis la juridiction des affaires de sécurité sociale ;
Par jugement du 28 juin 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a débouté la société Pfizer Holding France de sa demande de remboursement.
La société Pfizer Holding France fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles il est demandé à la Cour d'annuler le jugement et de faire droit à sa demande de restitution afférente à la fraction de cotisation versée à tort au titre des années 2004, 2005 et 2006 pour un montant total de 10 788 135 €, augmentée des intérêts légaux à compter du 25 février 2008, date de la saisine de la commission de recours amiable et de la capitalisation des intérêts, dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil.
A titre subsidiaire, il est demandé à la Cour de juger que l'assiette taxable telle que définie au 1°) du I de l'article L 245-2 du code de la sécurité sociale s'entend de la population visée au premier alinéa de l'article L 5122-11 du code de la santé publique ainsi que de celle visée au 2°) de l'article L 5122-12, à l'exclusion de celle visée au 1°) de cet article et renvoyer le laboratoire devant l'URSSAF pour que le périmètre taxable soit déterminé conjointement par les parties. Encore plus subsidiairement, la société demande à la Cour d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur l'interprétation de l'article 8 de la directive 92/28/CEE du 31 mars 1992 au regard des dispositions du 1°) de l'article L 5122-12 du code de la santé publique et de surseoir à statuer jusqu'à la réponse à cette question.
En tout état de cause, la société conclut à la condamnation de l'URSSAF aux entiers dépens, augmentés d'une indemnité de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, la société Pfizer Holding France s'oppose à l'interprétation de l'article L 245-2- I- 1°) donnée par l'URSSAF et estime que seuls les visiteurs médicaux diplômés appartenant à la catégorie visée à l'article L 5122-11 du code de la santé publique sont concernées par la contribution à l'exclusion de ceux visés à l'article L 5122-12. Elle rappelle en effet qu'avant le 1er janvier 2003, les dispositions de l'article L 245-2 s'appliquaient aux réseaux de visiteurs médicaux, sans distinction selon le diplôme ou l'expérience et que cette distinction résulte des nouvelles conditions d'exercice de la profession de visiteur médical définies par les articles L 5122-11 d'une part et L 5122-12 d'autre part. Selon elle, le législateur a entendu donné un caractère exhaustif à la nouvelle définition de l'assiette qui vise uniquement le premier alinéa de l'article L 5122-11. Elle soutient ensuite que l'article L 5122-12, issu de la loi du 18 janvier 1994 transposant en droit français les obligations imposées par la directive 92/28/CEE du 31 mars 1992 concernant la publicité faite à l'égard des médicaments à usage humain, méconnaît en réalité l'exigence de formation des délégués médicaux instaurée par le texte communautaire. Elle en déduit que la réglementation nationale qui assimile les anciens visiteurs médicaux non formés à ceux qui sont dorénavant titulaires des diplômes requis pour le démarchage et la prospection concernant les médicaments ne lui est pas opposable et que la rémunération versée à ces personnes échappe à la contribution. En cas de doute, il est suggéré à la Cour de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en interprétation.
L'URSSAF d'Ile de France fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions tendant à confirmer le jugement attaqué et à condamner in solidum les sociétés Pfizer Holding et Pfizer à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle estime qu'il convient de raisonner en termes de 'réseau' de visite médicale, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les différentes catégories de visiteurs médicaux. Selon l'URSSAF, c'est l'ensemble des rémunérations versées aux visiteurs médicaux qui est soumise à la contribution, indépendamment de la détention d'un diplôme et cet assujettissement n'est pas contraire à la directive n° 92/28/CEE dont le domaine d'application est étranger au présent litige. Elle rappelle en effet que cette directive vise uniquement l'harmonisation des mesures relatives à la publicité faite à l'égard des médicaments à usage humain et ne concerne pas les cotisations sociales dont sont redevables les laboratoires pharmaceutiques. Elle précise d'ailleurs que les régimes de sécurité sociale ne font pas l'objet d'une harmonisation au niveau de l'Union européenne et que chaque Etat membre est seul compétent pour fixer les règles applicables en matière de sécurité sociale et notamment celle concernant l'assiette d'une contribution sociale. En tout état de cause, elle considère que l'article L 5122-12 du code de la santé publique ne méconnaît aucunement la directive européenne qui n'impose pas la détention par les visiteurs médicaux d'un diplôme spécifique pour l'exercice de leur activité mais prévoit une formation et des connaissances scientifiques, lesquelles peuvent être suffisamment assurées par l'expérience professionnelle acquise par les intéressés. Elle ajoute que tous les visiteurs médicaux sont soumis au même statut collectif qui comporte une évaluation de leurs connaissances et savoir-faire scientifiques ainsi qu'au code de l'EFPIA qui prévoit expressément leur formation.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Motifs :
Considérant qu'il résulte de l'article L 245-2- I-1°) du code de la sécurité sociale que la contribution des entreprises est assise sur les charges comptabilisées au titre des rémunérations de toutes natures des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L 5122-11 du code de la santé publique ;
Considérant que ce texte fait donc référence à l'article L 5122-11 qui encadre l'activité des personnes qui font de l'information par démarchage ou de la prospection pour des médicaments ;
Considérant que, de son côté, l'article L 5122-12 du même code ne définit pas d'autres catégories professionnelles que celle des visiteurs médicaux mais prévoit seulement des dérogations permettant à ceux qui exerçaient cette activité avant le 19 janvier 1994 de la poursuivre sans posséder les qualifications exigées à partir de cette date ;
Considérant qu'il n'existe en réalité qu'une seule profession intervenant auprès des professionnels ou établissements de santé aux fins de promouvoir ou de vendre des spécialités pharmaceutiques ;
Considérant qu'ainsi la référence opérée par l'article L 245-2-I-1°) concerne l'ensemble des personnes qui font de l'information ou de la prospection pour les médicaments, sans distinguer selon qu'elles sont ou non titulaires des diplômes dorénavant requis pour l'exercice de cette même activité ;
Considérant que pour limiter sa contribution aux seules charges salariales inhérentes aux visiteurs diplômés, la société Pfizer Holding France ne peut utilement soutenir que les dispositions de l'article L 5122-12 du code de la santé publique seraient contraires à la directive n° 92/28/ CEE du 31 mars 1992 au motif que cette directive prévoit une obligation de formation des visiteurs médicaux ;
Considérant qu'en effet, cette directive a uniquement pour objet d'harmoniser les mesures relatives à la publicité des médicaments à usage humain et est donc totalement étrangère à la question de l'assiette des contributions incombant aux employeurs en matière de sécurité sociale ;
Considérant que l'URSSAF fait d'ailleurs remarquer à juste titre qu'il n'existe aucune uniformisation européenne des régimes de sécurité sociale et que les Etats membres sont en ce domaine seuls compétents pour déterminer les règles de contributions aux charges de sécurité sociale ;
Considérant qu'enfin, il convient également de relever que les dispositions de la directive invoquées par la société Pfizer Holding n'excluent pas l'exercice de la profession de visiteurs médicaux par des personnes non diplômées si leurs connaissances scientifiques sont adéquates pour donner des renseignements précis et aussi complets que possible sur les médicaments ; que ce texte n'interdit donc pas la dérogation prévue par l'article L5122-12 en faveur des visiteurs médicaux qui exerçaient leurs activités pendant au moins trois ans dans les dix années précédant le 19 janvier 1994 ;
Considérant qu'au demeurant, l'ensemble des visiteurs médicaux est soumis à un même statut collectif qui prévoit une obligation de formation et une évaluation de leurs compétences ;
Considérant qu'ainsi, la contestation élevée par la société Pfizer est dépourvue de sérieux et la Cour est en mesure de l'écarter sans qu'il soit nécessaire d'interroger au préalable la Cour de justice de l'Union européenne sur la question de la compatibilité entre les dispositions de l'article L 5122-2 du code de la santé publique et la directive 92/ 28/CEE du 31 mars 1992 ;
Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que les rémunérations versées aux visiteurs médicaux non-diplômés n'avaient pas à être soustraites de l'assiette de cotisation de la contribution litigieuse et ont débouté la société Pfizer Holding France de sa demande en restitution ;
Que leur jugement sera confirmé ;
Considérant que la société Pfizer Holding France, qui succombe en appel, sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles ; qu'au regard de la situation respective des parties, elle sera, au contraire, tenue de verser à l'URSSAF la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en l'absence de jonction des différentes instances concernant le groupe Pfizer, la condamnation ne peut être prononcée in solidum avec la société Pfizer Holding qui n'est pas partie à la présente procédure ;
Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;
Par ces motifs :
Déclare la société Pfizer Holding France recevable mais mal fondée en son appel ;
Dit n'y avoir lieu à question préjudicielle auprès de la Cour de justice de l'union européenne;
Confirme le jugement entrepris ;
Condamne la société Pfizer Holding France à payer à l'URSSAF d'Ile de France la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande à ce titre ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;
Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3 et la condamne au paiement de ce droit ;
Le Greffier,Le Président,