RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 10 Avril 2014
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05205
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Avril 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRÉTEIL, RG n° 10-01023
APPELANTE
URSSAF 75 - PARIS/RÉGION PARISIENNE
Service 6012 - Recours Judiciaires
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par M. [N] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉE
SARL LE DAUPHIN NET
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Michel HARROCH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0311
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Adresse 2]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Mélanie RAMON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Marion MELISSON, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société LE DAUPHIN NET dont l'activité est le nettoyage et l'entretien des locaux de parties communes, a son siège social situé dans la zone franche urbaine de [Localité 2], et emploie une cinquantaine de salariés.
A l'occasion d'un contrôle de sa comptabilité au titre de la période du 1er février 2006 au 31 décembre 2008 , l'URSSAF a procédé à un redressement pour un montant de cotisations de 200. 634,00 euros relevé dans la lettre d'observations du 27 octobre 2009 pour les chefs suivants:
1) remise en cause de l'application de l'exonération 'zone franche urbaine'
2) réduction de charges sur les bas salaires dite 'loi Fillon'
3) taux accident du travail,
4) taxe de prévoyance, contribution au fonds de solidarité vieillesse,
5) CSG/CRDS sur la participation au régime de prévoyance complémentaire,
6) rémunérations non déclarées,
7) avantages en nature voyage,
8) frais professionnels non justifiés,
9) bons d'achat,
10) application erronée des allégements TEPA.
Dans ses observations adressées le 26 novembre 2009, la société a contesté le redressement au titre de la zone franche urbaine ainsi que celui afférent aux bons d'achat.
L'URSSAF a maintenu ces redressements et adressé à la société une mise en demeure en date du 12 janvier 2010 pour paiement des cotisations précitées outre 26 268 € de majorations de retard provisoires soit un total de 226 902 €.
La société a saisi la commission de recours amiable d'un recours en annulation du seul chef de redressement n°1 - remise en cause de l'exonération zone franche urbaine - s'élevant à la somme de 418 948 € en cotisations, partiellement compensées par deux réductions Fillon auxquelles l'employeur pouvait désormais prétendre compte tenu de la perte du bénéfice de l'exonération ZFU ; que le montant exigé en cotisations a donc été ramené à la somme de 186 494 €.
La commission de recours amiable ayant rejeté son recours, la société LE DAUPHIN NET a porté le litige devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale qui par jugement en date du 6 avril 2011 a annulé l'intégralité du redressement aux motifs d'une part, que l'absence de déclaration spécifique n'entraîne pas la suppression de avantages zone franche urbaine et d'autre part qu'il n'était pas démontré une absence d'activité au siège social de l'entreprise situé en zone franche urbaine.
La SARL LE DAUPHIN NET a été placée en redressement judiciaire le 8 août 2012 et Maître [C] désigné es qualité de mandataire judiciaire.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
L'URSSAF conclut à l'infirmation du jugement et à la reconnaissance de la validité du redressement opéré pour un montant de 199 611,78 euros montant de la créance qu'elle a déclarée le 18 février 2013 entre les mains de Maître [C]; elle fait valoir que la société ne justifiait pas de deux conditions pour pouvoir prétendre à l'exonération litigieuse à savoir d'une part l'envoi de déclarations d'embauche à la DDTE et à l'URSSAF lors de la nouvelle embauche du salarié ouvrant droit à l'exonération dans un délai maximum de 30 jours à compter de la date d'effet du contrat de travail concerné, d'autre part une condition de localisation géographique de l'emploi, l'activité réelle de la société se situant à [Localité 1] et non en zone franche urbaine.
Enfin, elle fait observer que le tribunal des affaires de la sécurité sociale a annulé l'intégralité du redressement alors que certains chefs n'étaient pas contestés et qu'elle avait réclamé même des chefs non contestés.
La société LE DAUPHIN NET et Me [C] demandent à la cour de :
- confirmer la décision du tribunal aux affaires de la sécurité sociale en ce qu'il a annulé l'intégralité du redressement ;
S'agissant de la demande reconventionnelle, de:
- débouter l'URSSAF de toutes ses demandes fins et conclusions,
- confirmer la décision dont appel,
- dire et juger que l'URSSAF ne justifie pas d'avoir déclaré sa créance notamment s'agissant de la cotisation de 14 143 euros et de sa majoration afférente ;
- condamner l'URSSAF à payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait pour l'essentiel valoir que si elle ne conteste pas avoir omis , par ignorance de transmettre les déclarations spécifiques, elle les a fait toutefois adressées dès réception du courrier de l'URSSAF du 8 décembre 2009 ; qu'elle est donc de bonne foi ; que s'agissant de la seconde condition , celle-ci est également remplie, son activité au sein de son siège social situé zone franche urbaine étant réelle.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 5 février 2014 , conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.
SUR CE, LA COUR
Considérant que la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville a créé un dispositif d'exonération des cotisations sociales patronales en faveur des entreprises de cinquante salariés au plus, implantées ou créées dans les zones franches urbaines remplissant certaines conditions d'activité et ayant un établissement dans une zone franche urbaine ;
Qu'il résulte d'une part, de l'article 12 VI de la loi 96-987 du 14 novembre 1996 modifiée, d'autre part, de l'article 8-1 II et III du décret 97-126 du 12 février 1997 modifié et de l'article 9 II et III du décret 2004-565 du 17 juin 2004 que le droit à l'exonération prévue à l'article 12 I du premier de ces textes n'est pas applicable aux cotisations afférentes aux gains et rémunérations versés au salarié dont la déclaration d'embauche, établie dans les formes fixées par un arrêté du ministre de la sécurité sociale, n'a pas été transmise, dans les trente jours de la prise d'effet du contrat de travail, aux autorités compétentes ;
Qu' ensuite, aux termes de l'article I de la loi dans ses dispositions modifiées applicables, l'exonération des cotisations est ouverte au titre de l'emploi de salariés dont l'activité réelle, régulière et indispensable à l'exécution du contrat de travail s'exerce en tout ou partie dans une zone franche urbaine ;
Que l'article 1er II du décret du 17 juin 2004 pris en application de la loi du 14 novembre 1996 modifiée, dispose qu'ouvrent droit à exonération :
1° le salarié dont l'activité est exercée exclusivement dans l'établissement implanté dans une zone franche urbaine ;
2°le salarié dont l'activité s'exerce en partie dans l'établissement :
a) lorsque l'exécution de son contrat de travail rend indispensable l'utilisation régulière des éléments d'exploitation ou de stocks présents dans l'établissement ;
b) ou, à défaut, lorsque son activité dans cet établissement est réelle, régulière et indispensable à l'exécution de son contrat de travail ;
3° le salarié dont l'activité s'exerce en dehors de cet établissement lorsque son activité dans une zone franche urbaine est réelle, régulière et indispensable à l'exécution de son contrat de travail.
Que la preuve de la régularité de l'activité mentionnée aux 2° et 3° incombe à l'employeur, cette condition étant réputée remplie dès lors que le salarié est présent dans l'établissement ou dans une zone franche urbaine au moins une fois par mois et que cette présence est indispensable à l'exécution de son contrat de travail.
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, que pour bénéficier de l'exonération zone franche urbaine, l'employeur doit avoir respecter deux conditions tenant l'une à la déclaration d'embauche, l'autre à la localisation de l'activité des salarié ;
- sur la condition tenant à la déclaration d'embauche spécifique
Considérant que l'inspecteur du recouvrement a constaté tout d'abord que la société n'avait jamais transmis à l'Urssaf les déclarations spécifiques d'embauche à l'exonération zone franche urbaine qu'il a en vain réclamé ;
Que la société qui ne conteste pas ne pas s'être acquittée de cette obligation, se retranche derrière la tolérance introduite par la circulaire ACOSS de juillet 2006 recommandant aux URSSAF d'inviter les cotisants à régulariser dans les meilleurs délais leur situation ;
Considérant toutefois qu'il résulte des informations apportées par l'inspecteur du recouvrement que celui ci s'est déplacé à 7 reprises au sein de l'établissement et que dès sa première visite, le 25 mai 2009, il a réclamé que lui soient fournies les déclarations d'embauche spécifiques, informant l'employeur, au cours du mois de juin 2009 des conséquences en cas de non fourniture de ces documents et plus tard, dans un courrier du 14 septembre 2009, de la remise en cause envisagée de l'exonération zone franche urbaine;
Que malgré ses divers demandes répétées, force est de constater qu'une seule déclaration d'embauche datée du 26 juin 2009, a été adressée à l'URSSAF, et que si depuis le 30 juin 2009, 78 déclarations uniques d'embauches ont été établies, aucune déclaration d'embauche spécifique à l'exonération zone franche urbaine n'a été adressé à l'Urssaf avant le mois de janvier 2010 ;
Que la société ne peut donc arguer de sa bonne foi étant par ailleurs parfaitement informé tout au cours du contrôle, des obligations déclaratives auxquelles elle devait souscrire ;
Que cette première condition, contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal des affaires de la sécurité sociale, n'est donc pas remplie ;
- sur la condition tenant à la localisation des emplois
Considérant que l'inspecteur du recouvrement a ensuite constaté :
- que l'entreprise Le DAUPHIN NET avait pour activité essentielle le nettoyage de locaux des parties communes d'immeubles gérés par des syndics, tel que LAMY, FONCIA, immeubles et copropriétés sis hors zone franche,
- que le siège social, situé dans la zone franche urbaine de [Localité 2], comportait trois bureaux et deux ordinateurs, ainsi qu'un local où étaient entreposés, quelques produits d'entretien toutefois insuffisants pour une entreprise employant mensuellement une quarantaine de salariés ; qu'aucun panneau ne signalait son adresse ;
- que n'y était entreposée aucune machine, telle que cireuse ou décapeuse, l'employeur indiquant que ces appareils étaient stockés dans le local dont la société disposait [Adresse 3] dans le [Localité 1] et que le nombre des produits au siège social était réduit pour éviter le risque de vol,
- qu'au cours de ses visites, l'inspecteur du recouvrement n'a rencontré aucun agent d'entretien ou chef d'équipe et n'a vu aucun véhicule au logo de la société stationné à proximité du siège,
- que les bons d'interventions remis à chaque salarié n'étaient pas stockés sur place mais à [Localité 1], puisque pour les besoins du contrôle, l'entreprise devait les rapatrier pour les mettre à sa disposition,
- qu'au contraire , l'établissement [Adresse 3] avait "pignon sur rue", qu'il portait l'enseigne de l'entreprise « Dauphin Net » et les numéros de téléphone en façade; que cette adresse était celle qui figurait sur le papier en tête de l'entreprise comme adresse d'exploitation,
- que le personnel administratif travaillait effectivement dans les locaux situés à [Localité 1], trois meubles de bureau, visibles au travers de la vitrine, s'y trouvant; que le seul interlocuteur que l'inspecteur ait eu au téléphone travaillait au local parisien, aucun employé n'ayant répondu au téléphone du siège social,
- que les salariés passaient à l'adresse parisienne chaque semaine pour retirer leurs bons d'intervention hebdomadaires et les produits éventuels, confirmant au cours de leur audition qu'ils ne se rendaient qu'exceptionnellement au siège social de [Localité 2] pour des réunions générales ou pour une procédure de licenciement ;
Considérant que c'est en vain que l'employeur, pour contredire ces constatations circonstanciées, fruit de plusieurs visites, se retranche derrière d'une part des attestations pré-rédigées et stéréotypées signées de salariés évoquant des réunions au siège social tous les lundis et d'autre part , un constat d'huissier qui ne résulte nullement d'un contrôle inopiné mais d'une commande de l'employeur, se constituant ainsi une preuve à lui même;
Qu'à cet égard , pour vérifier la réalité de la présence de salariés et de véhicules sur le site de [Localité 2] chaque lundi comme l'affirmait l'employeur, l'inspecteur du recouvrement accompagné d'un responsable d'inspection s'était déplacé sur le site du siège sociale le lundi 7 décembre 2009 de 7 heures à 7h45 ; que force est de constater qu'il n'a relevé aucune présence de véhicules de la société ou d'activité, personne ne répondant à l'interphone lorsqu'il a voulu accéder aux bureaux ;
Considérant en conséquence que l'établissement de [Localité 2] situé en zone franche urbaine ne disposant pas dans cette zone d'un local affecté à la direction, à la gestion et au fonctionnement technique et n'étant en réalité qu'une boîte aux lettres destinés à obtenir le
bénéfice d'exonérations zone franche urbaine, le redressement opéré est bien fondé et doit être validé ;
Qu'ainsi la créance de l'Urssaf sera fixée à la somme de 199. 611,78 euros pour la période du 1er février 2006 au 31 décembre 2008 ;
Que la société LE DAUPHIN NET sera déboutée de toutes ses demandes et le jugement infirmé ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Valide le redressement opéré par l'Urssaf,
Fixe la créance de l'Urssaf de [Localité 1] région parisienne à la somme de 199. 611,78 euros en cotisations au titre de la période du 1er février 2006 au 31 décembre 2008,
Déboute les parties de toutes autres demandes.
Le Greffier, Le Président,