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09/04/2014 | FRANCE | N°12/08679

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 09 avril 2014, 12/08679


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 09 AVRIL 2014



(n° ,10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/08679



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2012 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny - RG n° 09/16417





APPELANTES



SAS BOUCHERIE DE LA REPUBLIQUE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adress

e 2]

[Localité 3]



SCP MOYRAND BALLY, prise en la personne de Maître [H] [K], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société BOUCHERIE DE LA REPUBLIQUE

Intervenante forcée

[Adresse...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 09 AVRIL 2014

(n° ,10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/08679

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2012 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny - RG n° 09/16417

APPELANTES

SAS BOUCHERIE DE LA REPUBLIQUE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]

SCP MOYRAND BALLY, prise en la personne de Maître [H] [K], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société BOUCHERIE DE LA REPUBLIQUE

Intervenante forcée

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentées par Me Nathalie HERSCOVICI de la SELARL 2H Avocats à la cour, toque : L0056, avocat postulant

Assistées de Me Aurélie HATTAB-TAYET, avocat au barreau de PARIS, toque A 235 plaidant pour Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocat au barreau de PARIS, toque A 235

INTIMÉE

SCI ADAM prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046, avocat postulant

Assistée de Me François NORDMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0249, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente

Madame Odile BLUM, conseillère

Monsieur Christian BYK, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier : lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière à laquellela minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

********

EXPOSE DU LITIGE

M et Mme [V] aux droits desquels est venue la société Fleur de One, ont consenti à la société Au poisson Bleu, aux droits de laquelle vient la société Boucherie de la République, un bail en renouvellement en date du 16 février 1998, pour une durée de 9 ans à effet du 1er janvier 1998, portant sur des locaux situés à [Adresse 2], pour y exploiter l'activité de « poissonnerie-boucherie et accessoires à l'exception de toutes autres », moyennant le paiement d'un loyer annuel de 98 000 francs, révisable à l'expiration de chaque période triennale.

La SCI Adam a acquis les lieux de la société Fleur de One suivant acte notarié du 29 mars 2007.

La SCI Adam a fait délivrer le 6 mai 2008 à la société Boucherie de la République un commandement visant la clause résolutoire pour avoir paiement de la somme de 24 651, 42 € au titre des loyers échus du 2ème trimestre 2007 au 2ème trimestre 2008 ;

Saisi par la société Boucherie de la République, le juge des référés par ordonnance du 28 juillet 2008, a dit n'y avoir lieu à annulation du commandement mais a suspendu les effets de la clause résolutoire en donnant à la société Boucherie de la République un délai de deux mois pour se libérer de l'arriéré des loyers, en sus du loyer courant ; la société Boucherie de la République s'est libérée dans le délai fixé .

Après avoir fait mandater un huissier pour effectuer à deux reprises des constatations concernant la nature des marchandises vendues dans la boutique, la SCI Adam a fait délivrer à la locataire un commandement du 29 décembre 2008 visant la clause résolutoire la sommant de payer la somme de 1309,65 euros et d'avoir à cesser l'activité de volailler et d'épicier telle que constatée par huissier .

Par ordonnance du 20 juillet 2009, le juge des référés a dit n'y avoir lieu de constater la résiliation du bail .

Après avoir interjeté appel, la SCI Adam s'est désistée de son appel .

Par acte du 17 novembre 2009, la SCI Adam a fait assigner la société Boucherie de la République en constatation de la clause résolutoire, et subsidiairement en prononcé de la résiliation judiciaire du bail.

Par jugement du 18 avril 2012, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

-dit la SCI Adam recevable dans ses demandes,

-dit que la clause résolutoire du bail n'était pas acquise,

-prononcé la résiliation judiciaire du contrat de bail commercial liant les parties, à compter du jugement,

-ordonné l'expulsion de la société Boucherie de la République et de tous occupants de son chef, des locaux loués sis [Adresse 2]), avec le concours de la force publique, à défaut de libération des lieux dans un délai d'un mois suivant la signification du jugement

-autorisé, le cas échéant, la séquestration du mobilier garnissant les lieux loués dans un garde-meubles, aux frais et risques de la locataire, en garantie des sommes éventuellement dues au bailleur

-fixé l'indemnité mensuelle d'occupation due jusqu'à la libération effective des lieux, au montant du loyer et des charges antérieurs,

-débouté les parties de leurs autres demandes,

-condamné la société Boucherie de la République à payer à la SCI Adam la somme de 1.500 € au titre des frais non répétibles,

-ordonné l'exécution provisoire,

-condamné la société Boucherie de la République aux dépens comprenant le coût du commandement de payer, des deux procès-verbaux de constat et de l'acte de congé.

La société Boucherie de la République a relevé appel du jugement ; elle a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire du tribunal de commerce de Bobigny du 19 septembre 2012 ; elle a fait l'objet d'une expulsion et été placée en liquidation judiciaire par jugement du 5 décembre 2012, Me [K] étant désigné comme mandataire liquidateur .

Par ses dernières conclusions du 21 janvier 2014, Me [K] ès-qualités demande à la Cour de :

Le recevoir en son intervention,

Dire et juger que l'instance a été interrompue le 19 septembre 2012 par la mise en redressement judiciaire de la société Boucherie de la République en application de l'article 369 du code de procédure civile

Dire et juger qu'elle a repris par la signification des conclusions de Me [K] dans l'état où elle se trouvait au jour de l'interruption de l'instance,

En conséquence :

Déclarer irrecevables les conclusions de la SCI Adam du 10 octobre 2012 en tant que dirigées  à l'encontre  de la  seule  société  Boucherie de la République

Infirmant le jugement déféré à la Cour en ses dispositions faisant grief à la société Boucherie de la République, et déclarant Me [K] ès-qualités recevable en ses demandes notamment en vertu des articles 564 du code de procédure civile et L 145-60 du code de commerce

 Statuant à nouveau,

Infirmer le jugement en ce qu'il a considéré la SCI Adam recevable à agir en vertu du commandement/sommation du 29 décembre 2008,

Confirmer le jugement en ce qu'il a considéré ne pas y avoir lieu à acquisition de la clause résolutoire,

En tant que de besoin, juger  nuls et de nul effet les commandements/sommations  des 29 décembre 2008 et 14 janvier 2009,

Infirmer le jugement  en toutes ses autres dispositions,

Ordonner la réintégration de la société Boucherie de la République dans les lieux loués,

Juger nul, en tout cas de nul effet, le congé du 2 février 2010 pour le 1er octobre 2010,

Subsidiairement,  le juger non fondé ni justifié sur des motifs suffisamment graves et légitimes au sens de l'article L 145-17 du code de commerce

En conséquence :

Dire  que la société  Boucherie de la République doit bénéficier d'une indemnité d'éviction et condamner la SCI Adam à son paiement,

Ordonner pour son évaluation une expertise aux frais avancés de la SCI Adam

 En tout état de cause :

Débouter  la SCI Adam de toutes ses demandes  fins et conclusions  contraires aux présentes

Condamner la SCI Adam à payer à Me [K] ès-qualités une somme de 50.000 € à titre de dommages intérêts, et une somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SCI ADAM, par ses dernières conclusions du 28 janvier 2014, demande à la Cour de :

Déclarer recevable et bien fondée la SCI Adam en son appel incident et en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la SCI Adam en sa demande d'acquisition de la clause résolutoire du bail consenti à la société Boucherie de la République ,

Et sur appel incident de la SCI Adam, l'infirmer en ce qu'il a déclaré non acquise la clause résolutoire du bail,

 Statuant à nouveau,

Déclarer acquise au profit de la SCI Adam la clause résolutoire du bail consenti à la société Boucherie de la République à la date du 30 janvier 2009,

Subsidiairement,

Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du bail consenti à la société Boucherie de la République, à compter dudit jugement 

Très subsidiairement,

Valider le congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction du 2 février 2010, à compter du 1er octobre 2010

Déclarer   l'appelante   irrecevable   en   ses   demandes   en   nullité  dudit congé et subsidiairement en paiement d'une indemnité d'éviction

 En conséquence et en tout état de cause,

Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Bobigny du 18 avril 2012 en ce qu'il a :

- ordonné l'expulsion de la société Boucherie de la République et celle de tous occupants de son chef, des locaux loués sis [Adresse 2]), avec le concours de la force publique, à défaut de libération des lieux dans un délai d'un mois suivant la signification du jugement,

- autorisé, le cas échéant, la séquestration du mobilier garnissant les lieux loués dans un garde-meubles, aux frais et risques de la locataire, en garantie des sommes éventuellement dues au bailleur.

En tout état de cause,

Débouter  la  société  Boucherie de la République  de  l'ensemble  de  ses demandes, fins et conclusions

Et sur l'appel incident de la SCI Adam,

Fixer l'indemnité d'occupation à la charge de la société Boucherie de la République depuis la date d'acquisition de la clause résolutoire le 30 janvier 2009, et subsidiairement depuis la date d'effet du congé le 1er octobre 2010, à 30.000 € par an, hors taxes et hors charges

En conséquence,

Fixer  la  créance  correspondante  de  la  SCI  Adam  au  passif  de  la  société Boucherie de la République à :

-  134.550,00 € TTC depuis le 30 septembre 2009 ou subsidiairement,

-   74.750,00 € TTC depuis le 1er octobre 2010,

 Condamner Me [K] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Boucherie de la République à payer à la SCI Adam une somme de 6.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, en ce compris le coût des commandements de payer et sommation, procès-verbaux de constat et congé de Me [C], Huissier de Justice, pour la somme de 1.673,01 €, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile

SUR CE

Sur la recevabilité des conclusions signifiées par la SCI Adam le 10 octobre 2012 et la régularité de la reprise d'instance :

Me [K] ès-qualités tout en demandant de dire son intervention régulière demande de dire irrégulières les conclusions signifiées le 10 octobre 2012 en reprise d'instance après que l'instance d'appel a été interrompue à la suite du jugement de redressement judiciaire de la société du 19 septembre 2012, aux motifs que la SCI Adam a repris l'instance en n'ayant pris de conclusions le 10 octobre 2012 qu'à l'égard de la seule société Boucherie de la République sans mettre en cause le mandataire judiciaire désigné.

Or la SCI Adam fait observer qu'elle a déclaré sa créance entre les mains de Me [K] ès-qualités de mandataire judiciaire le 4 décembre 2012, qu'elle l'a assigné ensuite en intervention forcée le 20 décembre 2012 et que par ce même acte, elle lui a dénoncé les conclusions prises à l'encontre de la société Boucherie de la République le 10 octobre 2012.

La procédure après interruption est donc régulière et la demande de la société Boucherie de la République représentée par son mandataire liquidateur tendant à voir dire irrecevables les conclusions de la SCI Adam du 10 octobre 2012 en ce qu'elles auraient été dirigées contre la seule société en redressement judiciaire sera rejetée .

Sur la demande de résiliation du bail :

La société Boucherie de la République fait valoir que la SCI Adam en se désistant de son appel de l'ordonnance de référé du 20 juillet 2009 a acquiescé à la décision qui la déboutait de sa demande de constatation de la résiliation du bail, que l'acquiescement emporte soumission aux chefs du jugement, que la SCI Adam ne peut réitérer sa demande et se trouve dépourvue du droit  d'agir, que le commandement du 29 décembre 2008 n'indique pas que le bailleur entend se prévaloir de la clause résolutoire dans quelque délai que ce soit, que le jugement qui a refusé de donner effet au commandement du 29 décembre  2008 doit donc être confirmé, que la bailleresse a d'ailleurs délivré un nouveau commandement 'annulant et remplaçant le précédent le 14 janvier 2009", que l'huissier a indiqué dans ce nouvel acte que la personne présente dont l'identité n'a pas été précisée a refusé de recevoir l'acte, que cet acte ne saurait au surplus avoir effet alors qu'il a été délivré de mauvaise foi dans le seul but d'évincer la locataire;

En vertu de l'article 488 du code de procédure civile,  l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée et elle ne s'impose pas au juge du fond saisi aux mêmes fins ;

Le fait pour la SCI Adam de s'être désistée de son appel de l'ordonnance de référé du 20 juillet 2009, ce qui emportait extinction de l'instance d'appel et conférait un caractère irrévocable à l'ordonnance, ne privait cependant pas la SCI d'agir au fond pour demander de constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le commandement de payer .

C'est à tort au surplus que la locataire soutient que la clause résolutoire ne pouvait être invoquée pour les infractions autres que le paiement du loyer ; en effet, la bail prévoit qu' à défaut de paiement du loyer à son échéance comme d'exécution d'une seule des conditions du bail, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter demeurés sans effet, le bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur.

Quant à la validité du commandement de payer du 29 décembre 2008, il est sans intérêt d'examiner les moyens de la société Boucherie de la République auxquels a répondu la SCI Adam, tirés de la nullité de cet acte dès lors que la SCI Adam a fait délivrer les 13 et 14 janvier 2009 un nouveau commandement visant la clause résolutoire ' sur et aux fins d'un acte en date du 29 décembre 2008 qu'il annule et remplace ';

Le commandement en date des 13 et 14 janvier 2009 annule en conséquence le commandement précédent dont la SCI Adam ne peut se prévaloir .

La société Boucherie de la République soutient que le commandement délivré le 14 janvier 2009 est lui-même nul en ce qu'il n'a pas été délivré à personne dénommée.

Or l'huissier après avoir vérifié l'exactitude du domicile de la société a tenté de remettre l'acte à la personne présente qui a refusé de le recevoir ; l'huissier a indiqué avoir alors procédé conformément aux dispositions des articles 656 et suivants du code de procédure civile, laissé un avis de passage dans la boîte aux lettres et adressé la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile avec copie de l'acte .

Ce commandement est en conséquence régulier en la forme. A ce commandement était annexé la copie d'un procès- verbal d'huissier du 28 novembre 2008 contenant description par l'huissier des marchandises vendues et vues depuis l'extérieur de la boutique et faisant sommation à la société Boucherie de la République de cesser les activités de volailler et d'épicier exercées en violation des dispositions du bail et ce, sous peine pour le bailleur de faire jouer la clause résolutoire rappelée dans le commandement.

La société Boucherie de la République représentée par son mandataire liquidateur, après avoir indiqué que la somme visée dans le commandement a été payée dans le délai d'un mois de l'acte et que la bailleresse  n'a jamais au surplus établi les nuisances sonores auxquelles elle a demandé de mettre un terme, n'ayant pas joint la notification de la commune de Saint Denis dont elle entendait faire état, soutient que les activités qui lui sont reprochées sont connexes et complémentaires à celle de boucherie et restent accessoires par rapport à l'activité principale, ce qui est conforme aux dispositions du bail et à l'évolution des usages du métier de boucherie.  

La SCI Adam fait valoir que le bail n'autorise formellement que les commerces de poissonnerie et de boucherie, cette dernière activité consistant à acheter des animaux entiers ou en morceaux, en vue de la découpe et de la revente au détail au consommateur et que l'indication dans le bail « et accessoires » signifie que les ventes de produits autres que de poissons ou viandes ne peuvent être que secondaires et en appoint des activités principales autorisées, qu'elles doivent demeurer limitées en quantité et  ne sauraient tenir une place prépondérante dans le commerce exploité.

La destination du bail est celle de poissonnerie, boucherie et accessoires à l'exception de tous autres .

Les constatations faites par l' huissier de justice le 28 novembre 2008 depuis l'extérieur de la boutique révèlent la présence d'une rôtissoire procédant à la cuisson de plusieurs poulets, d'un 'important stock' de bouteilles de coca- cola, d'un assortiment d'autres boissons, du lait, des boites de conserve, un rayon surgelés avec la présence de pizzas et autres produits congelés, un rayon épicerie/charcuterie sous vide, un autre de salaisons, ou sont mis en vente des olives, l'huissier indiquant que le rayon épicerie occupe les 2/3 de la surface de la boutique .

La bailleresse produit d'autres constats d'huissier également faits depuis l'extérieur de la boutique les 7 avril 2009 et 22 avril 2010 dont il résulte la présence d'une rôtisserie, d'un stock d'oeufs, de boissons, de charcuterie, olives, fruits secs, d'un rayon épicerie et d'une vitrine qui sert de la viande à la coupe, l'huissier ayant indiqué le 22 avril 2010 que les 3/4 de la surface exploitée concerne d'autres produits que la viande.

Il ne peut être tiré tout d'abord aucune renonciation de la société locataire à se prévaloir du caractère accessoire des produits autres que la viande ni aucun acquiescement à la demande dans le fait d'avoir déposé une demande de déspécialisation partielle en même temps qu'elle protestait contre le commandement du 29 décembre 2008 .

La vente de volailles reprochée à la société locataire est en réalité incluse dans celle de boucherie et il ne peut dès lors être fait grief à la locataire de vendre des volailles rôties, sous réserve de respecter les dispositions sanitaires applicables .

S'agissant des autres produits d'épicerie, dont la société Boucherie de la République ne conteste pas la présence attestée par les constatations qu'elle a fait elle-même diligenter, les seules constatations faites par l'huissier requis par la bailleresse depuis l'extérieur de la boutique sur le trottoir, à une distance de la boutique qu'il n'indique pas, sont impropres à décrire l'importance prise dans le commerce par ces autres produits; les procès-verbaux manquent en effet de précision et ne peuvent être considérés, en l'absence de toute constatation à l'intérieur de la boutique, voire d'investigation sur les livres de compte faites par l'huissier requis par la bailleresse, comme suffisants pour combattre les indications chiffrées données par le mandataire liquidateur concernant la proportion des 'autres achats' qui ne représentent en moyenne au cours des cinq dernières années qu' à peine 15% des achats de viande ; cette indication chiffrée est corroborée par les constatations faites à la diligence de la locataire à l'intérieur des lieux loués qui laissent apparaître l'importance prise par le billot de découpe et le comptoir de vente de viande par rapport à l'ensemble de la boutique et dont les huissiers ayant procédé à des constats depuis l'extérieur ne font pas précisément état .

Dans ces conditions, la vente de boissons ou de conserves en quantités limitées, peut être considérée comme accessoire à la celle de viande et volailles et ne peut être considérée comme une infraction à la clause destination du bail .

La bailleresse produit par ailleurs la mise en demeure adressée le 27 février 2009 par les services de l'hygiène de la ville de Saint Denis à la société Boucherie de la République concernant d'abord le manque total de propreté et d'entretien des locaux et du matériel, et dans une moindre mesure l'existence de nuisances sonores du fait de l'installation des éléments réfrigérés en caves et prescrivant l'arrêt de l'exploitation jusqu'au constat par l'autorité sanitaire du respect des textes en vigueur concernant notamment l'hygiène des aliments remis au consommateur ;

Si elle justifie avoir mis elle -même sa locataire en demeure de se mettre en conformité avec les règlements applicables en ce qui concerne les nuisances sonores le 14 janvier 2009, la bailleresse ne produit aucune constatation concernant les nuisances invoquées, n'alléguant ni ne prouvant que la société Boucherie de la République n'aurait pas déféré de manière générale à la sommation administrative qui lui a été adressée et plus spécialement aux nuisances créées par les éléments réfrigérés.

Il n'y a lieu en conséquence ni au constat de la résiliation du bail ni davantage au prononcé de la résiliation judiciaire du bail en l'absence de démonstration de l'importance et de la gravité des nuisances invoquées.

Sur la contestation du congé, la demande de réintégration et subsidiairement le paiement d'une indemnité d'éviction :

Le mandataire liquidateur conteste la validité du congé au motif qu'il ne respecte pas les prescriptions de l'article L 145-9 du code de commerce; il demande la réintégration de la société et sollicite à titre subsidiaire l'allocation d'une indemnité d'éviction.

La SCI Adam fait plaider que la demande en contestation du congé présentée plus de deux ans après la date d'effet dudit congé est prescrite et que le mandataire est irrecevable pour les mêmes motifs en sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction, l'interruption de l'action pour cause de procédure collective n'ayant pas eu pour effet de faire courir un nouveau délai.

Or un congé en refus de renouvellement a été délivré par la SCI Adam à la société Boucherie de la République le 2 février 2010 à effet du 1er octobre 2010 ; l'action en contestation du congé a été interrompue et non suspendue par l'effet du jugement plaçant la société en redressement judiciaire le 19 septembre 2012 jusqu'à la reprise d'instance le 20 décembre 2012 en application de l'article 370 du code de procédure civile ; à la date de l'interruption, l'action en contestation du congé n'était pas prescrite ; un délai de deux ans a donc recommencé à courir le 20 décembre 2012 de sorte qu'à la date de la contestation par le mandataire soit le 23 janvier 2013, l'action en contestation du congé n'était pas prescrite.

Le mandataire liquidateur fait observer que l'absence de reproduction dans le congé de l'alinéa 5 de l'article L 145-9 du code de commerce dans sa version en vigueur à la date d'effet du congé rend celui-ci nul et de nul effet .

Or le fait d'avoir laissé subsister dans le rappel du texte de l'article L 145-9 les termes 'à peine de forclusion' qui ont été supprimés par la loi du 4 août 2008 ne constitue qu'un vice de forme qui pour entraîner la nullité du congé requiert la démonstration d'un grief dont le mandataire ne justifie pas.

Il n'y a donc pas lieu à annulation du congé .

Le mandataire liquidateur est également recevable à solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction, la demande en paiement n'étant pas prescrite pour les mêmes motifs que l'action en contestation du congé.

Les motifs allégués dans le congé pour voir refuser le paiement de toute indemnité d'éviction sont les mêmes que ceux invoqués au soutien de la demande de résiliation du bail, à savoir l'exercice dans les lieux d'activés contraires à la destination du bail. Ces motifs ne sont pour les raisons visées précédemment, ni graves ni légitimes pour fonder un refus de paiement d'une indemnité d'éviction et une opposition au maintien dans les lieux.

Le mandataire liquidateur ne s'explique cependant pas sur l'intérêt de voir réintégrer dans les lieux la société Boucherie de la République alors que celle-ci a été placée en liquidation judiciaire depuis le 5 décembre 2012, sauf l'intérêt pour lui de pouvoir disposer du fonds, ce qu'il peut faire sans qu'il y ait lieu à réintégration effective de la société;

Il est fondé à solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction et ce alors qu'à date d'effet du congé, la société Boucherie de la République était in bonis et qu'elle n'a été placée en liquidation judiciaire qu'après avoir été expulsée des locaux . Cette indemnité sera évaluée au terme d'une expertise faute d'élément d'appréciation suffisant .

La SCI Adam sollicite le paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun destiné à compenser le préjudice résultant selon elle de l'occupation des lieux sans droit ni titre jusqu'à l'éviction ; or la société Boucherie de la République a droit au maintien dans les lieux moyennant le paiement d'une indemnité d'occupation de nature statutaire qui sera également déterminée après expertise.

Sur les autres demandes :

Il n'y a pas lieu à se stade et avant toute évaluation de l'indemnité d'éviction de statuer sur la demande en dommages intérêts présentée par le mandataire liquidateur de la société Boucherie de la République à l'encontre de la SCI Adam.

La SCI Adam supportera les dépens déjà exposés en première instance et en appel et paiera à Me [K] ès-qualités une somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

Rejette l'exception d'irrecevabilité des conclusions de la SCI Adam en reprise d'instance après l'interruption consécutive au jugement de redressement judiciaire de la société Boucherie de la République,

Dit qu'après interruption, l'instance a été reprise régulièrement,

Réformant le jugement déféré,

Dit que le commandement délivré le 29 décembre 2008 a été annulé par celui du 14 janvier 2009 et qu'il est en conséquence sans effet, ,

Dit que le commandement en date des 13 et 14 janvier 2009 est régulier,

Déboute la SCI Adam de ses demandes en résiliation du bail la liant à la société Boucherie de la République,

Recevant Me [K] ès-qualités en son action tant en contestation du congé refus de renouvellement délivré par la SCI Adam le 2 février 2010 à effet du 1er octobre 2010 qu'en paiement d'une indemnité d'éviction,

Dit que le congé est régulier et qu'il a mis fin au bail à la date du 1er octobre 2010,

Dit que la société Boucherie de la République avait droit au maintien dans les lieux,

Dit n'y avoir lieu à réintégration de la société Boucherie de la République qui est en liquidation judiciaire, dans les lieux,

Dit qu'elle peut prétendre au bénéfice d'une indemnité d'éviction,

Déboute la SCI Adam de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun,

Avant dire droit au fond sur le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigne en qualité d'expert :

Mme [E] [F]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Tel [XXXXXXXX01]

[XXXXXXXX02]

[Courriel 1]

avec mission, les parties ayant été convoquées et dans le respect du principe du contradictoire :

*de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

* visiter les lieux, les décrire, dresser le cas échéant la liste du personnel employé par le locataire,

* rechercher, en tenant compte de la nature des activités autorisées par le bail, de la situation et de l'état des locaux, tous éléments permettant :

1 ) de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction et notamment d'apprécier tous éléments du préjudice subi ,

3 ) de déterminer le montant de l'indemnité due par le locataire pour l'occupation des lieux, objet du bail depuis le 1er octobre 2010 jusqu'à leur libération effective, sur les bases utilisés en matière de fixation des loyers de renouvellement,

Dit que l'expert effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du nouveau code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de la chambre 5-3 avant le 29 octobre 2014 ;

Fixe à la somme de 3000 € la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par Me [K] ès-qualités à la Régie de la cour d'appel avant le 21 mai 2014,

Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,

Désigne Mme [I] ou l'un des magistrat de la chambre comme délégué au contrôle de cette expertise,

Renvoie l'affaire à la mise en état du 28 mai 2014 pour vérifier le versement de la consignation et ensuite à celle du 5 novembre 2014 pour vérifier le dépôt du rapport de l'expert,

Sursoit à statuer sur la demande en dommages intérêts formée par Me [K] jusqu'à ce qu'il soit statué sur le tout .

Condamne la SCI Adam aux dépens de première instance et à ceux d'appel déjà exposés et à payer à Me [K] ès-qualités une somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/08679
Date de la décision : 09/04/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°12/08679 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-09;12.08679 ?
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