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03/04/2014 | FRANCE | N°13/03780

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 03 avril 2014, 13/03780


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 03 AVRIL 2014



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/03780



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°



APPELANTE



SAS FINANCIERE TEYCHENE représentée par son Président

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représe

ntée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée de Me Simon COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué par Me Jacques GAUTHIER-GAUJOU...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 03 AVRIL 2014

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/03780

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°

APPELANTE

SAS FINANCIERE TEYCHENE représentée par son Président

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée de Me Simon COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué par Me Jacques GAUTHIER-GAUJOUX, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SA SOCIETE GENERALE PRISE EN LA PERSONNE DE SES REPRESENTANTS LEGAUX DOMICILIES EN CETTE QUALITE AU DIT SIEGE

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Nathalie HERSCOVICI de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée de Me Stéphane WOOG et Me Julien FISZLEIBER de la SCP WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0283

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

La société FINANCIERE TEYCHENE, qui a pour activité l'acquisition de droits immobiliers en vue de les louer, est engagée dans le cadre de son activité d'investissement immobilier, dans de nombreux contrats de crédit bail immobilier stipulant des loyers à taux variables en fonction de l'EURIBOR 3 mois et, au vu des solutions de couvertures proposées par la SOCIETE GENERALE, elle a choisi la solution d'un 'swap annulable' contre l'EURIBOR 3 mois.

Le 2 octobre 2008, la SOCIETE GENERALE lui a adressé la 'pré-confirmation' du swap mis en place, qui sera signée par la société FINANCIERE TEYCHENE le 3 octobre 2008. Le document confirmatif a été adressé par la banque le 10 octobre 2008 et il annonçait la signature d'une convention définitive dans la forme de la convention cadre FBF.

Les documents contractuels stipulent la couverture d'un 'notionnel' d'un montant de 110.000.000 euros, avec échange d'un taux EURIBOR 3 mois payé par la banque, contre un taux fixe de 3,78% payé par la société FINANCIERE TEYCHENE, avec un paiement trimestriel par compensation à compter du 6 octobre 2008 jusqu'au 6 octobre 2011 et une faculté d'annulation à compter du 6 janvier 2009 au profit de la seule SOCIETE GENERALE, outre la faculté de sortie anticipée par rachat ouverte à la société FINANCIERE TEYCHENE, avec paiement de part ou d'autre d'une soulte en fonction de la valeur de marché de l'opération.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 juin 2009, la société FINANCIERE TEYCHENE, constatant la baisse du taux couvert de 5,291% au 1er octobre 2008 pour atteindre un taux moyen de 1,483% au 2ème trimestre 2009, a demandé à la SOCIETE GENERALE de suspendre l'opération.

Par acte d'huissier du 10 juillet 2009, la société FINANCIERE TEYCHENE a assigné la SOCIETE GENERALE devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 7 février 2013, le tribunal de commerce de Paris a:

- débouté la société FINANCIERE TEYCHENE de sa demande de communication de pièces,

- débouté la société FINANCIERE TEYCHENE de ses demandes tendant à la nullité ou caducité du contrat du 3 octobre 2008, ou plus généralement tendant à voir remettre en cause la validité de l'opération,

- débouté la société FINANCIERE TEYCHENE de sa demande de résiliation sans indemnité de l'opération du 1er juillet 2009,

- débouté la société FINANCIERE TEYCHENE de ses demandes de dommages et intérêts,

- condamné la société FINANCIERE TEYCHENE à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la société FINANCIERE TEYCHENE aux dépens.

Par déclaration remise au greffe de la Cour le25 février 2013, la société FINANCIERE TEYCHENE a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 31 janvier 2014, la société FINANCIERE TEYCHENE demande à la Cour :

- de réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- de dire que l'opération résultant des documents signés le 2 et le 10 octobre 2008 est caduque et, en toute hypothèse, nulle et de nul effet et de condamner la SOCIETE GENERALE à lui payer les sommes réglées dans le cadre de ladite opération, avec intérêts au taux légal à compter du jour où elles ont été payées, outre 150.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- à défaut, d'annuler ladite opération et de condamner la SOCIETE GENERALE à restituer, avec intérêts au taux légal à compter du jour où elles ont été payées, toutes les sommes perçues par elle en exécution de l'opération, outre 150.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- en toute hypothèse,

- de dire que la SOCIETE GENERALE a manqué à son devoir de mise en garde, de conseil et d'information loyale et transparente et d'exécution de bonne foi et de la condamner à lui payer, à titre de dommages et intérêts :

- dans l'hypothèse où l'opération serait déclarée nulle ou serait annulée, la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts,

- dans l'hypothèse où l'opération ne serait pas annulée, une somme égale au total des sommes payées à la SOCIETE GENERALE, soit 7.526.917,16 euros, outre la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires,

- de condamner la SOCIETE GENERALE à payer la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Dans ses dernières écritures signifiées le 29 janvier 2014, la SOCIETE GENERALE demande à la Cour :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de débouter la société FINANCIERE TEYCHENE de ses demandes,

- de condamner la société FINANCIERE TEYCHENE à payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

SUR CE

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE expose que, sur incitation de la SOCIETE GENERALE, un rendez-vous a été organisé le 18 septembre 2008, que la SOCIETE GENERALE a créé un contexte d'urgence et de pression, qu'elle n'a jamais proposé la convention définitive qu'elle s'était engagée à signer, qu'elle n'a pas envoyé la convention-cadre et qu'en l'absence de ces documents, les acte de pré-confirmation et de confirmation sont nuls ; qu'elle indique qu'elle était profane en matière de swap et qu'elle ne peut être considérée comme un client professionnel en matière de finance ; qu'elle invoque la nullité de la convention en prétendant que la banque savait que les taux s'orienteraient à la baisse et que cette information essentielle lui a été cachée, alors que la cause déterminante de son engagement était la certitude de la hausse des taux ; qu'elle estime que le dol par réticence justifie l'annulation du swap et qu'il y a également eu une erreur dans le consentement donné par téléphone et dans la précipitation, entraînant la nullité en application de l'article 1110 du Code civil ; qu'elle allègue aussi que le contrat est nul, comme étant dépourvu de cause en l'absence d'aléa, qu'en outre la SOCIETE GENERALE disposait seule de la faculté de résiliation et que cette clause potestative rend la convention nulle ; qu'à titre subsidiaire, elle affirme que le pré-accord doit être interprété comme ouvrant à chaque partie une faculté de résiliation sans indemnité, qu'à défaut il doit être annulé et qu'elle a exercé légitimement son droit de sortie anticipée par lettre du 24 juin 2009 ; qu'elle ajoute que la banque a manqué à son obligation d'exécuter la convention de bonne foi, qu'elle a manqué à son devoir de conseil, qu'elle devait éclairer sa cliente sur les risques de l'opération, que le swap a été conclu oralement le 2 octobre 2008 pour un taux fixe de 3,78% au lieu du taux EURIBOR 3 M de 5,33% et que dès le 14 octobre 2008, le taux euribor entamait sa chute ; qu'elle mentionne que le swap ne lui aura profiter que pendant deux mois sur les 36 mois contractuels et que l'exigence de bonne foi imposait à la SOCIETE GENERALE une obligation de renégocier le contrat ou à tout le moins lui conseiller de rompre le contrat par anticipation en payant la soulte ; qu'elle considère en outre que la SOCIETE GENERALE ne l'a pas mise en mesure d'apprécier le coût implicite de la mise en place du contrat de swap ; qu'elle souligne qu'en l'espèce la convention-cadre n'a jamais été transmise et que les usages en matière de conclusion de contrats d'instruments financiers n'ont pas été respectés ;

Considérant qu'en réponse, la SOCIETE GENERALE fait valoir que, même si la cour considère que la société FINANCIERE TEYCHENE n'était pas familière du mécanisme de swap de taux, elle en avait bien compris le fonctionnement au regard des explication données, que l'absence d'envoi de la convention-cadre n'est pas de nature à vicier le contrat puisque aucun texte ne prévoit de sanction et que la confirmation du 10 octobre 2008 se réfère très précisément à cette convention-cadre, en indiquant qu'elle s'appliquera comme si elle avait été signée ; qu'elle affirme que la société FINANCIERE TEYCHENE a eu connaissance de la convention-cadre FBF par un contrat de swap conclu avec la BNP PARIBAS, qu'au surplus la société FINANCIERE TEYCHENE est un client professionnel et que la banque n'avait en ce cas pas l'obligation de lui adresser cette convention-cadre ; qu'elle souligne que le contrat de swap n'est pas une opération spéculative, puisqu'il a pour effet de supprimer le risque d'emprunt à taux variable et qu'elle n'est pas débiteur d'un devoir de mise en garde ; que sur le dol allégué, elle rétorque que la société FINANCIERE TEYCHENE ne rapporte pas la preuve que la banque avait des informations radicalement inverses à celles fournies, que les documents remis mentionnaient les caractéristiques les moins favorables ; que sur l'erreur, elle soutient que la société FINANCIERE TEYCHENE était informée des conséquences d'une sortie anticipée du contrat et que le montant de l'indemnité prévue ne pouvait être calculée au stade de la signature du contrat ; que sur l'absence de cause pour défaut d'aléa, elle fait observer que la cause s'apprécie à la date de conclusion du contrat et que la cause de l'obligation des parties réside dans le risque supporté par chaque partie dans l'opération, la seule inconnue de l'opération étant l'évolution du taux variable de référence ; que sur les manquements allégués à ses obligations, elle estime qu'elle a exécuté le contrat de bonne foi, que la société FINANCIERE TEYCHENE avait connaissance des modalités de sortie du contrat moyennant paiement d'une soulte, qu'elle n'a pas manqué au devoir de conseil qui s'apprécie au regard des compétences et des connaissances du client en matière de produits financiers, qu'elle a fourni une information complète et détaillée sur les caractéristiques de l'opération envisagée et sur les risques et que le devoir de mise en garde est limité aux seules opérations à caractère spéculatif ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE se prévaut en premier lieu de la nullité des acte de pré-confirmation et de confirmation, à défaut de signature de la convention définitive et de l'envoi de la convention cadre ;

Considérant que le 3 octobre 2008, la société FINANCIERE TEYCHENE a signé la 'pré-confirmation de la stratégie de taux', mentionnant les éléments de l'opération de swap annulable au gré de la SOCIETE GENERALE dès le troisième mois (nominal de 110.000 euros, période du 06/10/2008 eu 06/10/2011, la société FINANCIERE TEYCHENE recevant un taux de EURIBOR 3 mois et payant un taux de 3,78%, tous les trois mois) et la possibilité de sortie anticipée de l'opération, moyennant le paiement ou la réception d'une soulte correspondant au coût d'annulation des échanges à venir prévus par le swap ;

Considérant que le document confirmatif adressé par la banque le 10 octobre 2008 a été retourné signé par la société FINANCIERE TEYCHENE ; qu'il est indiqué dans ce document qu'il a pour objet de confirmer les modalités applicables à l'opération d'échange des conditions d'intérêts conclue le 2 octobre 2008, que les parties s'engagent à conclure une convention définitive dans la forme de la convention cadre FBF, que jusqu'à la signature de la convention définitive, l'opération sera néanmoins réglée et complétée par les termes de la convention cadre FBF, qu'en cas de contradiction entre les stipulations de la présente confirmation et de celle de la convention ou de la convention définitive, les stipulations de la présente convention prévaudront ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les parties n'ont pas signé de convention définitive, mais qu'il a été prévu que, dans ce cas, l'opération serait réglée par la confirmation et la convention cadre ; que cette convention définitive n'était donc pas indispensable à la validité du contrat et qu'à défaut de stipulation contraire, la nullité ne peut être encourue pour ce motif ;

Considérant que les conditions essentielles de l'opération figurent dans la confirmation signée le 10 octobre 2008, notamment la possibilité de sortie du swap par la société FINANCIERE TEYCHENE ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE indique que la SOCIETE GENERALE ne lui a pas adressé la convention cadre, mais qu'elle ne conteste pas l'affirmation de la SOCIETE GENERALE, selon laquelle elle a eu connaissance de cette convention cadre, par la conclusion d'un autre contrat de swap avec la BNP PARIBAS ;

Considérant en outre que la société FINANCIERE TEYCHENE a été classée par la SOCIETE GENERALE dans la catégorie des clients professionnels, selon des critères tenant compte de son bilan, de ses effectifs et de son chiffre d'affaires ; qu'elle prétend qu'elle n'est pas un client averti, mais qu'en raison de son expérience professionnelle dans l'immobilier, de sa situation financière, de la compétence de ses responsables, notamment de Madame [R] [Q], 'directrice financements et relations notariales', elle possède manifestement l'expérience, les connaissances et la compétence nécessaire pour prendre ses décisions d'investissement et apprécier les risques encourus par l'opération, qui ne présente en l'espèce aucune complexité particulière ;

Considérant dans ces conditions que l'absence d'envoi en l'espèce de la convention-cadre ne peut constituer une cause de nullité du contrat de swap, étant souligné que l'envoi de ce document n'était pas mentionné à peine de nullité ou de caducité de la convention et qu'au surplus le contrat a été exécuté jusqu'à son terme ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE doit dès lors être déboutée de sa demande de nullité ou de caducité des actes de pré-confirmation et de confirmation pour ce motif ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE invoque en second lieu la nullité de la convention pour fraude, en prétendant qu'avant même la signature du document de pré-confirmation du 3 octobre 2008, la SOCIETE GENERALE savait que les taux s'orienteraient à la baisse ;

Qu'elle se prévaut d'une page numérotée 45, issue d'un document de la 'SOCIETE GENERALE CROSS ASSET RESEARCH', daté du 3 octobre 2008, sur les prévisions des taux directeurs des banques centrales, ainsi que de la conférence de presse de Monsieur [S] du 2 octobre 2008 ;

Considérant que le premier document, tiré d'une note d'analyse mensuelle établie par les analystes de la SOCIETE GENERALE, présente des tableaux de l'évolution prévue des taux directeurs des banques centrales, qui s'orientent à la baisse à compter du mois d'octobre 2008, sans que ces prévisions soient toutes systématiquement à la baisse, pour ce qui concerne la fin de l'année 2008 notamment ;

Considérant qu'il est établi par ailleurs que le 2 octobre 2008, il a été décidé de maintenir le taux directeur de la BCE et que le taux de refinancement est resté à 4,25% ;

Considérant que ces deux éléments ne peuvent dès lors être considérés comme démontrant que la SOCIETE GENERALE savait à cette date qu'il y aurait une baisse certaine et prolongée des taux ;

Considérant qu'il ressort des transcriptions des échanges téléphoniques entre les parties que la SOCIETE GENERALE excluait une baisse des taux jusqu'à la fin de l'année 2008 et qu'elle mentionnait notamment 'on pense que les taux vont rester relativement hauts sur les EURIBORS' et 'le marché est désormais persuadé que la première baisse des taux aura lieu en mars 2009" ;

Considérant qu'il ressort de ces échanges téléphoniques que la société FINANCIERE TEYCHENE s'est renseignée sur les taux et leur évolution et qu'elle était avisée de l'éventuelle baisse de ces taux ;

Considérant que les informations fournies par la SOCIETE GENERALE à la société FINANCIERE TEYCHENE, en l'état des données connues du marché à cette date, ne peuvent être appréciées au regard des faits survenus ultérieurement ;

Considérant qu'au vu des éléments versés aux débats, la société FINANCIERE TEYCHENE ne démontre pas que la SOCIETE GENERALE avait connaissance d'une baisse certaine et durable des taux à la date de conclusion du contrat et qu'elle lui a fait croire à une hausse inéluctable de ces taux ;

Considérant en conséquence que la société FINANCIERE TEYCHENE ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'un dol commis par la SOCIETE GENERALE;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE soutient également que le contrat souscrit par téléphone dans la précipitation doit être annulé, en application de l'article 1110 du Code civil, en raison de l'erreur concernant le coût en cas de sortie du contrat ;

Considérant qu'il ressort de la 'pré-confirmation' adressée le 2 octobre 2008 et signée le 3 octobre 2008 par la société FINANCIERE TEYCHENE, qu'il est mentionné que 'la sortie anticipée de l'opération est possible. Dans ce cas, vous pourriez être amené à payer ou recevoir une soulte correspondant à la valeur de marché de l'opération. Dans le cas d'un swap de taux d'intérêt, cette soulte est égale au coût d'annulation des échanges à venir prévus par le swap. Elle est calculée en faisant la différence entre le taux fixe du swap et le taux fixe sur le marché pour une dette de mêmes caractéristiques résiduelles à la date d'annulation. (...)' ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE était ainsi informée des conséquences d'une sortie anticipée du contrat et qu'il est constant que la soulte ne pouvait être calculée à ce stade des relations contractuelles ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE ne justifie donc pas l'existence d'une erreur ayant vicié son consentement et qu'elle doit être déboutée de sa demande de nullité de ce chef ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE allègue aussi que le contrat est nul, comme étant dépourvu de cause, en l'absence d'aléa ;

Considérant que le contrat de swap de taux d'intérêt est une opération d'échange des conditions d'intérêts prévoyant l'obligation, incombant à l'une ou l'autre des parties, de payer la différence entre le taux fixe et le taux variable, pendant la durée du contrat ;

Considérant que l'aléa résulte de l'impossibilité de connaître le taux d'intérêt variable applicable dans le futur et que la société FINANCIERE TEYCHENE ne peut soutenir qu'il n'y avait pas d'aléa sur l'évolution de l'euribor ; qu'elle reconnaît en outre avoir fait un gain entre le 2 octobre 2008 et le 2 janvier 2009 ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE affirme encore qu'en raison de la faculté de résiliation unilatérale de la SOCIETE GENERALE tous les trois mois, l'aléa est inexistant ;

Considérant cependant que la faculté pour la banque d'annuler seule le contrat tous les trois mois, ne fait pas disparaître l'aléa pendant la période d'exécution du contrat et qu'au surplus, la société FINANCIERE TEYCHENE a eu, en contrepartie, une baisse du taux conventionnel d'intérêt, par rapport à la solution d'un swap non annulable, qui avait également été proposé par la SOCIETE GENERALE ;

Considérant par ailleurs que la faculté de résiliation unilatérale de la SOCIETE GENERALE ne constitue pas une condition de l'exécution même du contrat et que cette clause, si elle peut être considérée comme potestative, est susceptible d'être réputée non écrite, ce qui n'est pas demandé et qu'elle ne peut en revanche entraîner l'annulation du contrat ;

Considérant qu'à titre subsidiaire, la société FINANCIERE TEYCHENE affirme que le pré-accord doit être interprété comme ouvrant à chaque partie une faculté de résiliation sans indemnité et qu'elle a exercé légitimement son droit de sortie anticipée par lettre du 24 juin 2009 ;

Considérant que le contrat précisait clairement que le droit de résiliation de la SOCIETE GENERALE était unilatérale et qu'en cas de sortie anticipée de la société FINANCIERE TEYCHENE, cette dernière serait redevable ou bénéficiaire d'une soulte; que la société FINANCIERE TEYCHENE avait parfaitement connaissance des clauses relatives à la rupture anticipée du contrat de swap et qu'elle est ainsi mal fondée à prétendre avoir exercé son droit de sortie anticipée sans indemnité en juin 2009 ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE invoque également un manquement de la SOCIETE GENERALE à son obligation d'exécuter la convention de bonne foi et à son devoir de conseil ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE, s'est engagée en connaissance de cause et sans que des pressions n'aient été exercées pour l'inciter à signer le contrat ; que le tribunal a justement relevé sur ce point que la précipitation des derniers jours, avant la conclusion du contrat, était exclusivement imputable à la société FINANCIERE TEYCHENE ; que cette dernière ne démontre pas que la SOCIETE GENERALE a violé les règles de bonne foi et de loyauté en refusant de renégocier le contrat ou de le résilier de manière anticipée ;

Considérant qu'elle était informée par les clauses du contrat de la possibilité de sortie anticipée moyennant une soulte ; qu'il ressort de l'attestation de Madame [Q] que, dès le 14 novembre 2008, elle a contacté la SOCIETE GENERALE pour lui demander de calculer le coût de rupture de la couverture et les solutions de restructuration et que depuis cette date, la société FINANCIERE TEYCHENE a étudié diverses solutions qui se sont révélées, selon elle, inadaptées ou inintéressantes ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE ne peut ainsi reprocher à la banque de ne pas lui avoir conseillé une sortie anticipée qu'elle a elle-même envisagée et qu'elle n'a pas souhaiter choisir ;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE soutient enfin que la SOCIETE GENERALE a manqué à son obligation d'information et de mise en garde ;

Considérant qu'il ressort des éléments exposés ci-dessus que la société FINANCIERE TEYCHENE était en mesure d'apprécier l'économie de l'opération et qu'elle s'est engagée en connaissance de cause, pour se couvrir des risques de fluctuation du taux EURIBOR, taux qu'elle avait l'habitude d'utiliser dans le cadre de son activité ;

Considérant qu'elle prétend qu'elle n'a pas été en mesure d'apprécier le coût implicite du contrat de swap et qu'elle demande qu'il soit fait sommation à la SOCIETE GENERALE d'informer la Cour de son mode de rémunération ;

Considérant que cette dernière prétention sur le mode de rémunération, qui ne figure pas au dispositif de ses conclusions est irrecevable ;

Considérant que devant le tribunal de commerce, la société FINANCIERE TEYCHENE n'avait pas invoqué une absence d'information sur le coût du contrat de swap; qu'à l'appui de ce nouveau grief, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'elle ne disposait pas des informations nécessaires et suffisantes les 2 et 20 octobre 2008, pour contracter en connaissance de cause ; que cet argument est dès lors dénué de pertinence et ne permet pas de justifier en l'espèce un manquement de la SOCIETE GENERALE à son obligation d'information ;

Considérant que s'agissant du devoir de mise en garde reproché à la banque, il convient de rappeler que le contrat de swap conclu entre les parties consiste à échanger des taux d'intérêts et à permettre à la société FINANCIERE TEYCHENE de bénéficier d'un taux fixe au lieu du taux variable ; que l'aléa réside dans l'évolution du taux EURIBOR, choisi comme taux de référence ; que le seul risque pour la société FINANCIERE TEYCHENE était de payer le taux fixe de 3,78% pendant la durée du contrat et qu'il ne s'agit donc pas d'une opération à caractère spéculatif ;

Considérant en conséquence que la SOCIETE GENERALE n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de la société FINANCIERE TEYCHENE ;

Considérant dans ces conditions que la société FINANCIERE TEYCHENE doit être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts ;

Considérant que le jugement doit dès lors être confirmé en toutes ses dispositions;

Considérant que la société FINANCIERE TEYCHENE, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SOCIETE GENERALE les frais non compris dans les dépens, exposés en appel et qu'il convient de condamner la société FINANCIERE TEYCHENE à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la société FINANCIERE TEYCHENE à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute les parties de toutes autres demandes.

Condamne la société FINANCIERE TEYCHENE aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/03780
Date de la décision : 03/04/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°13/03780 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-03;13.03780 ?
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