Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 02 AVRIL 2014
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/12619
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 10/05766
APPELANTE
Société ED ayant pour nouvelle dénomination DIA FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Catherine BELFAYOL BROQUET de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042, avocat postulant
Assistée de Me Christian FEDDAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1624, avocat plaidant
INTIMÉE
SCI ROSNY GALLIENI prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant
Assistée de Me Corinne VALLERY MASSON du Cabinet VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Odile BLUM, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente
Madame Odile BLUM, conseillère
Monsieur Christian BYK, conseiller
Greffier : lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********
Vu le jugement rendu le 20 mars 2012 par le tribunal de grande instance de Bobigny qui a :
- fixé à la somme de 202.000 € l'indemnité d'éviction revenant à la SA ED, outre frais de licenciement sur justificatifs,
- fixé à la somme de 91.800 € par an l'indemnité d'occupation due par la SA ED à la SCI Rosny Gallieni à compter du 1er janvier 2009 et jusqu'à son départ effectif des lieux loués,
- ordonné la compensation entre les dettes respectives des parties,
- condamné la SCI Rosny Gallieni aux dépens y incluant les frais d'expertise qui seront augmentés de la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Vu l'appel relevé le 6 juillet 2012 par la société ED actuellement dénommée Dia France et ses conclusions du 29 janvier 2013 par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- fixer l'indemnité d'éviction à 1.200.000 € sauf à parfaire,
- condamner la société Rosny Gallieni, en tant que de besoin, à lui verser cette somme avec intérêt à compter de la demande,
- fixer l'indemnité d'occupation à 43.575 € par an,
- débouter la société Rosny Gallieni de toutes ses demandes,
- condamner la SCI Rosny Gallieni à lui payer la somme de 5.300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions du 29 novembre 2012 par lesquelles la SCI Rosny Gallieni demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :
- condamner la société Dia France à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ainsi que la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile augmentée des dépens qui comprendront les frais d'expertise ;
Vu l'ordonnance de clôture du 8 janvier 2014 ;
SUR CE,
Considérant que la société Dia France a notifié de nouvelles conclusions et communiqué quatre nouvelles pièces le 8 janvier 2014 après le prononcé de l'ordonnance de clôture et l'envoi par le greffe du message aux avocats, dont ils ont accusé réception, avec copie de l'ordonnance jointe ;
Considérant que par ses conclusions de procédure en date des 9 et 27 janvier 2014, la société Dia France demande la révocation de l'ordonnance de clôture ce à quoi la SCI Rosny Gallieni s'oppose ; qu'à l'appui de sa demande, la société Dia France fait valoir que "par suite d'un incident matériel, les documents n'ont pu être adressés à la cour qu'après que l'ordonnance ait été rendue", que de plus sa demande est justifiée par l'éloignement de la date de plaidoirie fixée au 4 mars 2014 et la nécessité pour le juge d'apprécier l'indemnité d'éviction à la date la plus proche possible de celle à laquelle il statue, qu'en l'espèce elle a fait tous ses efforts pour permettre à la cour d'avoir tous les éléments objectifs pour apprécier le montant de l'indemnité à la date la plus proche de son audience en sollicitant de ses expert-comptable et commissaire aux comptes son dernier bilan 2013 qu'elle a communiqué sans retard ;
Mais considérant qu'après avoir demandé à deux reprises, le 21 février et le 25 mars 2013, après réception des conclusions adverses, la fixation des dates de clôture et de plaidoiries, au motif que "cette affaire est parfaitement en état", la société Dia France a été dûment avisée par bulletin du 18 avril 2013 de ce que la date de clôture était fixée au 8 janvier 2014 et celle des plaidoiries au 4 mars suivant, étant souligné la proximité de ces deux dates séparées de moins de deux mois ; que la société Dia France n'a jamais demandé à voir reporter la date ainsi fixée pour la clôture de l'instruction de l'affaire ; que par ailleurs elle n'indique pas quel "incident matériel" l'aurait empêchée de conclure à nouveau et de communiquer ses nouvelles pièces en temps utile ; que par ailleurs elle ne justifie d'aucune cause grave survenue depuis que l'ordonnance de clôture a été rendue ; que sa demande de révocation n'est pas justifiée et sera rejetée ;
Considérant que par application de l'article 783 du code de procédure civile, les conclusions et pièces communiquées par la société Dia France, après l'ordonnance de clôture, sont irrecevables ;
Considérant qu'à titre liminaire, il sera rappelé que la société ED devenue Dia France a pris à bail commercial, pour neuf années à compter du 1er janvier 2000, des locaux situés dans l'ensemble immobilier "[1]", [Adresse 3] à destination de supermarché moyennant un loyer annuel, assorti d'une clause d'échelle mobile, de 264.000 F (40.246,54 €) hors taxes, en principal ; que par acte extrajudiciaire du 30 juin 2008, la SCI Rosny Gallieni, bailleresse, lui a donné congé pour le 31 décembre 2008 avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction ; que Mme [X], désignée en référé comme expert pour l'appréciation du montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation, n'a pas pu obtenir les comptes de résultats et soldes intermédiaires de gestion ou la comptabilité analytique du magasin qu'elle a vainement réclamés à plusieurs reprises au conseil de la société ED ou à son comptable ; qu'elle a été autorisée à déposer son rapport en l'état de la persistance de la société ED à ne pas lui communiquer les éléments demandés ; qu'en conclusion de ce rapport en date du 30 décembre 2010, Mme [X] estime à 200.000 € l'indemnité d'éviction due, plus les éventuelles indemnités de licenciement sur justificatif et à 70.000 € ou 102.000 € l'indemnité d'occupation due à compter du 1er janvier 2009 ;
Qu'il sera également indiqué qu'il ressort des constatations contradictoirement faites par l'expert que les locaux concernés dépendent qu'un grand ensemble immobilier des années 1970 et sont implantés au rez-de-chaussée d'un des bâtiments donnant à l'avant, avec 10,80 m de façade vitrée, sur la [Adresse 3] ; que cette rue est une courte voie, animée et commerçante, du centre ville dont la circulation est à sens unique et qui est desservie par la station du RER [Localité 1] à environ 300 m des locaux ; que l'emplacement est qualifié par l'expert de "très bonne commercialité, dans un environnement à forte densité de population" et de "très bonne qualité pour l'activité exercée" ; que la superficie réelle des locaux est de 470 m² divisés en une zone de 407 m² accessible à la clientèle aménagée en supérette avec trois caisses à l'entrée et des annexes à l'arrière avec portes sur les parties communes et sur la cour arrière ; que la pondération de la surface à 289 m² n'est pas critiquée ;
Considérant que la société Dia France n'indique pas en quoi l'expert judiciaire qui relate dans son rapport toutes les étapes de ses opérations, aurait méconnu le principe de la contradiction ;
Considérant que s'agissant de l'indemnité d'éviction, la société Dia France se borne à faire valoir que l'expert a à tort jugé insuffisantes l'attestation de son chiffre d'affaires et "les valeurs nettes comptables des immobilisations incorporelles et corporelles" alors que selon elle jurisprudence et doctrine s'accordent à admettre ces pièces comme suffisantes s'agissant d'une société à succursales multiples, que l'expert n'a pas "craint non plus d'écarter le calcul de cette indemnité fondée sur la perte du droit au bail", que "s'agissant d'un commerce de proximité, l'évaluation doit se faire sur la base de la perte du fonds, sauf au bailleur à prouver l'absence de perte du fonds", que cette preuve incombe au bailleur et que "l'expert n'a pas, sans motif, à pallier la carence du bailleur dans l'administration de cette preuve" ;
Mais considérant qu'il est acquis qu'en l'espèce, l'éviction entraîne la perte du fonds s'agissant d'un commerce de proximité dont la clientèle est liée à l'emplacement et le bailleur n'ayant proposé aucun locaux de remplacement où la société Dia France pourrait se réinstaller ; que contrairement à ce que soutient la société Dia France, l'avis de l'expert judiciaire est du reste sans ambiguïté en ce sens ;
Considérant que les premiers juges ont indiqué à juste titre que l'indemnité principale d'éviction doit correspondre à la valeur vénale du fonds de commerce ou à la valeur du droit au bail si celle-ci est supérieure ;
Considérant que la société Dia France s'est obstinément abstenue de fournir à l'expert les éléments probants de son chiffre d'affaires, se contentant de lui produire, outre le montant "des valeurs nettes comptables des immobilisations incorporelles et corporelles au 30 juin 2009", les simples attestations de son directeur comptable qui si elles sont certifiées par le commissaire aux comptes, ne sont corroborées par aucun autre document comptable qui permettrait de dégager les bénéfices réalisés et la rentabilité du fonds ; que ces éléments ne sont pas plus fournis à la cour ; qu'en cet état, force est de s'en remettre à la valeur du droit au bail pour dégager l'indemnité principale d'éviction;
Considérant que contrairement à ce que soutient la société Dia France, l'expert judiciaire a recherché dans le secteur les éléments de comparaison pertinents permettant de dégager les valeurs de marché et de renouvellement ; que la valeur locative de marché estimée par l'expert à 240 €/m² de surface réelle ou à 350 € /m² de surface boutique soit en l'espèce, en chiffres arrondis, à 102.000 € sera retenue ; que par ailleurs, il n'est pas contesté qu'en raison de la modification notable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré, 496 nouveaux logements s'étant construits dans le secteur concerné, le loyer aurait été déplafonné si le bail avait été renouvelé au 1er janvier 2009; qu'au vu des références données, notamment un bail consenti en renouvellement au 1er janvier 2009, dans le même immeuble, à la société Picard Surgelés pour 330 m² de surface de vente et 76 m² de surface annexe au prix de 180 €/m² de surface utile et de 282 €/m² de surface pondérée, l'expert judiciaire a exactement estimé la valeur locative de renouvellement des locaux à 70.000 € en tenant compte à juste titre de l'avantage retiré d'une autorisation de sous-location et de la charge de l'impôt foncier transféré contractuellement sur le preneur ; que le coefficient de situation estimé par l'expert à 5,75 n'est pas non plus critiqué ;
Considérant que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont fixé la valeur du droit au bail correspondant à l'indemnité principale à la somme de 184.000 € ([102.000 € - 70.000 ] x 5,75) ;
Considérant que le jugement qui n'est pas critiqué sur les indemnités accessoires, sera en conséquence confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité globale d'éviction à la somme de 202.000 € ;
Considérant s'agissant de l'indemnité d'occupation, que la société Dia France, outre qu'elle critique, par des généralités sans portée, les références données par l'expert alors qu'elle n'en fournit aucune autre, prétend que "l'expert judiciaire s'affranchit de tout abattement pour précarité alors qu'il tient compte d'une majoration de 3 % pour sous-location pourtant prévue par le bail et que celle-ci est réduite et soumise à condition"; qu'elle soutient qu'il y a lieu de retenir le loyer qu'elle paye "soit 53.795 € diminué d'un abattement de 10 % pour charges exorbitantes de droit commun soit 48.416 € diminué de 10 % pour précarité soit 43.575 € par an" ;
Que la SCI Rosny Gallieni réplique que les valeurs retenues par l'expert prennent en compte l'impôt foncier, qu'aucun abattement supplémentaire ne saurait être appliqué notamment pour charges exorbitantes de droit commun et que la valeur locative de marché doit être prise en considération ;
Mais considérant qu'aux termes de l'article L 145-28 du code de commerce, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation ; qu'elle correspond donc à la valeur locative, non pas de marché mais de renouvellement, dans des conditions exclusives de tout plafonnement ;
Qu'il a été vu que la valeur locative de renouvellement a été exactement fixée à 70.000 € en tenant compte de l'avantage tiré de l'autorisation de sous-location et de la charge exorbitante du droit commun constituée par le transfert de l'impôt foncier sur le locataire ; que la société Dia France, locataire évincée, est par ailleurs fondée à voir appliquer à son profit l'abattement de précarité d'usage de 10 % ; que l'indemnité d'occupation dont la société Dia France est débitrice à compter du 1er janvier 2009 s'établit en conséquence à la somme de 63.000 € par an, outre les taxes et charges ; que le jugement sera infirmé sur ce chef ;
Considérant que la société Dia France bénéficiant du maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, la demande d'expulsion n'est pas fondée et sera rejetée ;
Considérant que la SCI Rosny Gallieni qui ne justifie pas de l'abus par la société Dia France de son droit d'appel sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;
Considérant que la SCI Rosny Gallieni, succombant partiellement sur le recours, sera condamnée aux dépens d'appel ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement sur ce chef seront confirmées et les demandes formées à ce titre en appel rejetées ;
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;
Déclare irrecevables les conclusions et pièces communiquées par la société Dia France le 8 janvier 2014 après clôture de l'instruction de l'affaire ;
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 91.800 € par an l'indemnité d'occupation due par la SA ED à la SCI Rosny Gallieni à compter du 1er janvier 2009 ;
Statuant à nouveau sur ce seul chef,
Fixe à la somme de 63.000 € par an, taxes et charges en sus, l'indemnité d'occupation due par la société Dia France à la SCI Rosny Gallieni à compter du 1er janvier 2009 jusqu'à son départ effectif des lieux ;
Déboute la société Dia France du surplus de sa demande ;
Déboute la SCI Rosny Gallieni de sa demande d'expulsion ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Rejette les demandes formées devant la cour au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Rosny Gallieni aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE