La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2014 | FRANCE | N°11/08112

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 02 avril 2014, 11/08112


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 02 Avril 2014

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08112-MPDL



Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation partielle rendu le 6 juillet 2011 par la chambre sociale de la Cour de cassation sur pourvoi d'un arrêt rendu le 1er juillet 2009 par la cour d'appel de PARIS 18ème chambre section D, rectifié par arrêt rendu le 6 octobre 2009 par le Pôle 6 Chambre

3 de la même Cour, sur appel d'un jugement rendu le 01 Août 2006 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 02 Avril 2014

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08112-MPDL

Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation partielle rendu le 6 juillet 2011 par la chambre sociale de la Cour de cassation sur pourvoi d'un arrêt rendu le 1er juillet 2009 par la cour d'appel de PARIS 18ème chambre section D, rectifié par arrêt rendu le 6 octobre 2009 par le Pôle 6 Chambre 3 de la même Cour, sur appel d'un jugement rendu le 01 Août 2006 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 06/06639

APPELANTES

SAS PUBLICIS DIALOG

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223 substitué par Me Elisabeth GAUTIER HUGON, avocat au barreau de PARIS, toque : G0396

SAS GLOBAL EVENT MANAGEMENT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223 substitué par Me Elisabeth GAUTIER HUGON, avocat au barreau de PARIS, toque : G0396

INTIMEE

Madame [C] [Q]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

comparante en personne, assistée de Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Bruno REITZER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits et la procédure :

La cour d'appel de Paris, chambre 6/6 est saisie, dans le cadre d'un renvoi après arrêt de Cassation, du 6 juillet 2011, de la procédure opposant Mme [C] [Q] à la SAS PUBLICIS DIALOG et à la SAS GLOBAL EVENT Management, toutes deux appartenant au groupe PUBLICIS.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement chambre 5, en date du 1er août 2006, qui a notamment :

- requalifié le contrat de travail de Mme [C] [Q] en contrat à durée indéterminée, en qualité de journaliste, avec application de la convention collective des journalistes.

- condamné solidairement les sociétés SYNTHESE, PUBLICIS DIALOG et GLOBAL EVENT Management à lui payer :

15 207 € à titre de rappel de 13e mois,

16 475 € d'indemnité de licenciement,

9885,50 € d'indemnité de préavis, congés payés de 10 % en sus,

6000 € d'indemnité pour préjudice de précarité/ requalification,

60 000 € pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

450 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 1er juillet 2009 et celui portant rectification d'erreur matérielle du 6 octobre 2009, qui, déboutant Mme [C] [Q] de ses demandes dirigées contre la société SYNTHESE, a :

- dit que Mme [C] [Q] était titulaire depuis le 9 novembre 2000 d'un contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi de journaliste soumis à la convention collective nationale des journalistes,

- dit que ce contrat a été rompu en décembre 2005 et que cette rupture s'analyse comme un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- condamné in solidum la SAS PUBLICIS DIALOG et la SAS GLOBAL EVENT Management à payer à Mme [C] [Q] les sommes suivantes :

11 060 € de rappel de salaire pour les mois de mai à août 2005, congés payés afférents en sus ;

15 207 € de rappel de 13e mois,

8986,25 euros d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents de 10 % en sus,

14.977 euros d'indemnité de licenciement,

6000 € d'indemnité de requalification au titre du préjudice de précarité,

60 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 6 juillet 2011, qui a joint les pourvois formés par la SAS PUBLICIS DIALOG et par la SAS GLOBAL EVENT Management, puis cassé et annulé les arrêts susvisés de la cour d'appel de Paris,

- mais seulement en ce qu'ils ont décidé que Mme [C] [Q] était titulaire d'un emploi de journaliste et que la convention collective des journalistes était applicable aux relations de travail.

- et en ce qu'ils ont condamné in solidum les sociétés GLOBAL EVENT Management et PUBLICIS DIALOG à lui payer diverses sommes sur ces fondements, remettant, sur ces différents points, la cause entre les parties dans l'état où elle se trouvait avant lesdits arrêts et renvoyant devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

La société PUBLICIS EVENTS, venue aux droits de la SAS GLOBAL EVENT Management, elle-même venue aux droits de SYNTHESE, et la SAS PUBLICIS DIALOG demandent à la cour d'appel dans sa formation de renvoi, de :

- juger les sociétés PUBLICIS EVENTS et PUBLICIS DIALOG recevables et bien

fondées en leur appel,

-infirmer le jugement entrepris en ses condamnations prononcées solidairement et en application de la convention collective du journalisme.

Statuant à nouveau,

Vu le statut des sociétés appelantes, et leurs activités, et l'activité réellement exercée par Madame [Q],

- dire et juger que la convention collective des journalistes n'est pas applicable,

- constater que Madame [Q] ne peut pas revendiquer la qualité de journaliste,

En conséquence :

- dire que Madame [Q] n'avait pas le statut de journaliste au sein des sociétés appelantes,

- constater que la convention collective de la production cinématographique ne

comporte aucune disposition relative à un 13 ème mois, et débouter Madame [Q] de sa demande de condamnation à ce titre.

- constater l'irrecevabilité des demandes formulées solidairement à rencontre des sociétés PUBLICIS DIALOG et PUBLICIS EVENTS,

-subsidiairement, recevoir la société PUBLICIS DIALOG et la société PUBLICIS

EVENTS en leurs observations subsidiaires sur le quantum des demandes de Madame [Q].

Concernant la société PUBLICIS DIALOG :

' Dire et juger que l'indemnité compensatrice de préavis ne saurait être fixée à une somme supérieure à 4402 €, outre les congés payés afférents soit 440 €,

' encore plus subsidiairement , si la Cour devait par extraordinaire reconnaître la qualité de journaliste à Madame [Q], il conviendra de dire et juger :

- que le treizième mois doit être fixé à 4402,00 €.

- qu'au regard de l'article L.7112-2 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis ne peut être que d'un mois soit 4402,00 €, outre les congés payés afférents soit 440,00€.

- que l'indemnité de licenciement ne saurait être supérieure à 4402,00 x 11/12 = 4035,16 €.

' Constater l'absence de préjudice lié à la rupture du contrat de travail de Madame [Q] et limiter l'indemnisation afférente,

Concernant la société PUBLICIS EVENTS :

' fixer les indemnités dues au titre de la rupture du contrat de travail par la société PUBLICIS EVENTS venue aux droits de la société SYNTHESE aux sommes suivantes :

- à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 4575,00 € brut outre les congés payés afférents de 457,50 € brut.

- à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement : 4.280,16 € net.

Enfin et encore plus subsidiairement, si la Cour devait par extraordinaire reconnaître la qualité de journaliste à Madame [Q], il conviendra de dire et juger :

' que le treizième mois doit être fixé à 1525,00 €.

' qu'au regard de l'article L.7112-2 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis ne peut être que de deux mois soit 3050,00 € outre les congés payés afférents soit 305€.

' que l'indemnité de licenciement ne saurait être supérieure à la SAS PUBLICIS DIALOG et la société Global Event Management x 4,21 = 6420,25€.

' Fixer l'indemnité de requalification à la somme de 1525,00 €.

' rapporter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à de plus justes proportions au regard de l'absence d'éléments permettant d'établir un préjudice supérieur aux six mois fixés par l'article L 1235-3du code du travail.

- condamner Madame [Q] à verser à la Société PUBLICIS EVENTS et à la société PUBLICIS DIALOG la somme de 1.500,00 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Devant la formation de renvoi de la cour d'appel, Mme [C] [Q], faisant appel incident, demande :

sur le statut de journaliste

- de dire que la SAS PUBLICIS DIALOG et la SAS GLOBAL EVENT Management lui ont fait une attribution volontaire du statut de journaliste.

- de confirmer en conséquence la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes de Paris le 1er août 2006 au titre du rappel sur 13e mois, soit 15 207 € et au titre de l'indemnité de licenciement des journalistes soit 16 475 €.

sur la solidarité des condamnations

à titre principal

- de dire que la SAS PUBLICIS DIALOG et la SAS GLOBAL EVENT Management sont co-employeurs de Mme [C] [Q].

- dire qu'en conséquence ils devront solidairement supporter les condamnations prononcées

à titre subsidiaire,

- dire que la SAS GLOBAL EVENT Management a employé Mme [C] [Q] du mois d'octobre 2001 au mois de décembre 2005 et que la rupture de la collaboration lui est imputable,

- dire que la SAS GLOBAL EVENT Management devra donc supporter l'ensemble des condamnations prononcées.

Sur la révision du quantum des condamnations

à titre principal :

- juger irrecevable les deux sociétés en leur demande de révision des condamnations fixées souverainement aux termes des arrêts de la cour d'appel de Paris du 1er juillet et 6 octobre 2009 au titre de rappel de salaire, congés payés afférents, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité de requalification des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

À titre subsidiaire

- condamner la SAS PUBLICIS DIALOG à payer à Mme [C] [Q] :

4402 € d'indemnité de requalification.

4402 € d'indemnité compensatrice de préavis assortie de 440 € de congés payés sur préavis.

27 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

- condamner la SAS GLOBAL EVENT Management à payer à Mme [C] [Q] :

11 060 € de rappel de salaire, congés payés de 10 % en sus.

6000 € d'indemnité de requalification.

8295 € d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés de 10 % en sus.

9217 € d'indemnité conventionnelle de licenciement.

60 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Les motifs de la Cour :

In limine litis

Les sociétés appelantes ayant demandé la remise des pièces sept et huit communiquées par la salariée (un DVD et une cassette Video VHS appartenant à la SAS PUBLICIS DIALOG) pour en faire dresser constat par un huissier, la salariée, tout en soulevant le caractère fort tardif de cette demande a déclaré à la cour, retirer des débats ces deux pièces litigieuses (pièces 7 et 8) qui avaient, cependant, déjà été produites devant la cour d'appel en 2009.

Sur le contexte

Mme [C] [Q] a été employée entre novembre 2000 et décembre 2005 pour des périodes à durée déterminée :

- à compter du 9 novembre 2000 jusqu'en septembre 2001 par la société Global Event System, aux droits de laquelle vient désormais la SAS PUBLICIS DIALOG.

- à compter du 1er octobre 2001 et jusqu'en décembre 2005 par la société Synthèse, aux droits de laquelle est ensuite venue la société Global Event Management, aux droits de laquelle vient désormais la société PUBLICIS EVENTS.

Le 6 juin 2006 Mme [C] [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant, notamment, à requalification des relations de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée depuis l'origine, à la reconnaissance de son statut de journaliste et au paiement d'un 13e mois ainsi que de diverses indemnités consécutives à un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

La Cour de Cassation dans son arrêt du 6 juillet 2011, a cassé et annulé les deux arrêts rendus par la cour d'appel de Paris à la suite de la décision du conseil de prud'hommes, mais seulement, la requalification en contrat à durée indéterminée étant acquise :

- en ce qu'ils ont décidé que Mme [C] [Q] était titulaire d'un emploi de journaliste et que la convention collective des journalistes était applicable aux relations de travail.

- et en ce qu'ils ont condamné in solidum les sociétés GLOBAL EVENT Management et PUBLICIS DIALOG à lui payer diverses sommes sur ces fondements.

La cour d'appel de renvoi n'est donc saisie que de ces deux questions et de leurs conséquences.

Sur la nature de l'emploi occupé par Mme [C] [Q]

Entre-temps, toutefois, il ressort du dossier et des débats que la société Global Event Management, est, à son tour substituée par la société PUBLICIS EVENTS.

Mme [C] [Q] soutient qu'elle exerçait un emploi de journaliste relevant en tant que telle de la convention collective applicable aux journalistes. Elle plaide, sans être utilement contredite :

- que l'emploi qu'elle exerçait, succédait à de précédentes fonctions en qualité de journaliste, auprès de différents médias tels que France télévisions, RTL le Figaro'

- qu'elle détenait la carte de journaliste depuis 1998.

- qu'elle avait d'ailleurs été recrutée par Global Event System parce qu'elle était journaliste (P 10 et 11) et apparaissait sur les plannings de travail comme « journaliste »(P9).

- que ce statut de journaliste, lui avait été attribué conventionnellement, et avait été porté par son premier employeur pendant une année sur ses bulletins de salaire.

- qu'elle était présentée en tant que journaliste par ses deux employeurs successifs.

Les employeurs contestent cette revendication en indiquant qu'en fait elle était « intermittente du spectacle», relevait de la convention collective de la production cinématographique, et n'a invoqué son statut de journaliste qu'au moment où a éclaté le conflit pour obtenir des indemnités plus avantageuses. L'employeur, après avoir porté la mention de « journaliste » sur les bulletins de salaire, a ensuite usé de la qualification de « réalisateur ».

Les deux sociétés employeurs soutiennent en effet que Mme [C] [Q] était investie de missions de réalisatrice et non pas de journaliste, travaillait sur des briefs donnés par les clients, se bornant à mettre en forme ce que le client lui demandait, ses fonctions n'étant pas des fonctions de journaliste mais visant à la promotion et la publicité d'un produit ou d'une entreprise.

Le conseil de prud'hommes, tout comme la cour d'appel qui l'a confirmé sur ce point, a jugé que Mme [C] [Q] exerçait un emploi de journaliste et relevait à ce titre de la convention collective nationale des journalistes.

La Cour de Cassation, visant les articles L 7111-3 du code du travail, et l'article 93 de la loi du 29 juillet 1982 portant sur la communication audiovisuelle, a cassé cette décision au motif qu'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une des plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques, agence de presse et en tire le principal de ses ressources et qu'il résulte du second texte visé que les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle ont la qualité de journaliste au même titre que leurs confrères de la presse écrite.

Or en l'espèce, s'il est établi que la collaboration de Mme [C] [Q], successivement avec les deux sociétés susvisées, constituait son activité principale, voire en l'espèce exclusive, régulière et rétribuée, et que les deux sociétés successives pour lesquelles elle a travaillé étaient des entreprises de communication audiovisuelle, auxquelles s'appliquent les mêmes règles qu'en matière de presse écrite pour la reconnaissance du statut de journaliste professionnel, pour autant, la reconnaissance de ce statut de journaliste à Mme [C] [Q] est critiquée par la Cour de Cassation.

Rappelant que l'objet social des deux entreprises qui l'ont successivement employée, est pour la société Global Event System, aux droits de laquelle vient la SAS PUBLICIS DIALOG, la publicité et la gestion de budgets publicitaires et qu'elle a une activité de production de films publicitaires, alors que l'objet social de la société Synthèse, aux droits de laquelle vient la société Global Event Management, avait pour objet la conception de tout support de formation et d'information, la réalisation de campagnes de publicité ou de relations publiques, la conception et la réalisation de tout document audiovisuel ; qu'elle avait pour activité la réalisation et la production de films institutionnels et publicitaires, la Cour de Cassation en déduit que l'activité principale des sociétés était donc la publicité, ce qui selon elle ne permettait pas à Mme [C] [Q] de revendiquer la qualité de journaliste.

Pour la présente juridiction, aux termes de l'article L7111-2 du code du travail « est nulle toute convention contraire aux dispositions du présent chapitre, du chapitre deux ainsi qu'à celle de l'article L7113-1 ».

Il en résulte que, ni la mention de « journaliste » portée sur les bulletins de salaire de Mme [C] [Q], pendant toute la première période de collaboration de celle-ci avec ses employeurs sus nommés, ni le fait qu'elle apparaisse comme journaliste sur les plannings établis par son employeur, ni le fait que le groupe PUBLICIS auquel appartenaient et appartiennent les différentes sociétés concernées par la présente procédure garantisse à ses clients de mettre à leur disposition des « équipes d'éditorialistes et de journalistes » (P 11 site Internet, P 10 brochures de la SAS PUBLICIS DIALOG), ne suffisent à établir que Mme [C] [Q] relevait conventionnellement du statut de journaliste, ceci même si, de manière évidente, ces deux employeurs successifs, qui en tant que sociétés de communication audiovisuelle en avaient le droit, l'ont manifestement recrutée à cause de son statut de journaliste, et si elle-même a pris ces fonctions en considérant qu'il s'agissait d'activités de journaliste.

Il s'agit, en effet, d'un statut d'ordre public auquel il ne peut être dérogé par de simples conventions.

En revanche, l'article L7111-3 dispose que « est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

La rédaction de l'article sus visé, qui après avoir évoqué des « entreprises de presse », et avant de parler d' « agence de presse », évoque « des publications quotidiennes et périodiques » sans autre précision quant au type d'entreprise assurant ces publications, et sans préciser davantage le type de contenu desdites publications, doit en revanche amener la cour à considérer, sous cet angle, la revendication du statut de journaliste de Mme [C] [Q], au regard des fonctions qu'elle exerçait véritablement au sein des sociétés du groupe PUBLICIS qui l'ont successivement employée.

Or, au sein de PUBLICIS, Mme [C] [Q] s'est, manifestement, trouvée en charge du contenu éditorial d'une série de magazines d'information institutionnelle d'entreprises telles que Renault, Sanofi-Avantis, SNCF, RCI banque, Usinor, MMA...pour lesquelles elle assurait l'ensemble des taches habituellement dévolues à un journaliste, de la recherche et collecte des informations sur le sujet à traiter, à la mise au point des interventions des participants et la préparation des interviews, la rédaction de la proposition de structure du magazine et la coordination des interventions des différents professionnels y contribuant, jusqu'à l'enregistrement du magazine et la rédaction de la jaquette.

S'agissant, par exemple, de la prestation fournie par PUBLICIS au client Renault, les fonctions de Mme [C] [Q] étaient décrites par PUBLICIS, comme suit (P10) : « le journaliste-rédacteur'est responsable de la ligne éditoriale et du contenu des émissions. Il rédige: le contenu des émissions, les commentaires des sujets, les questions des interviews en respectant le cahier des charges qui lui a été exposé. Il joue également un rôle de conseil sur le parti pris éditorial et le traitement de l'information Renault dans les émissions.' et a un rôle de veille, de recherche continue et d'information sur Renault et sur le monde automobile en général ».

Cette description de tâches, qui n'est pas contestée, exigeait bien évidemment de la part de Mme [C] [Q] qu'elle apporte une contribution intellectuelle et de création à l'entreprise à laquelle il lui était demandé d'apporter son concours.

D'autre part, s'il s'agit, ce qui n'est pas discuté, de « communication institutionnelle », il ne s'agissait pas de travail exclusivement pour des revues internes à destination des seuls salariés et donc de « communication interne », les émissions et différentes « publications » de nature audiovisuelle, produites grâce à l'intervention de Mme [C] [Q] étant destinées à un public auquel elles sont supposées apporter des « informations », peu important qu'elles soient diffusées gratuitement ou aient un contenu à visée publicitaire.

Ce faisant, Mme [C] [Q] exécutait bien des prestations relevant du « journalisme », étant en charge de « publications quotidiennes et/ou périodiques », assurant une « communication institutionnelle », notion qui déborde celles de la « communication interne » mais aussi de simple « publicité », et peu important que l'entreprise qui la salariait soit une agence de publicité.

Il est précisé que, par ailleurs, l'employeur pour la production des magazines d'information auxquels était affectée Mme [C] [Q], recourait également à un « réalisateur », comme cela ressort des plannings (P9), et que Mme [C] [Q] n'est pas utilement contredite quand elle affirme qu'elle n'a jamais reçu aucun droit d'auteur, pourtant légalement dû par tout employeur sollicitant les services d'un réalisateur. Elle n'était donc pas « réalisateur » en dépit de la mention portée sur ses bulletins de salaire dans un second temps.

Il en résulte que Mme [C] [Q], salariée de filiales de PUBLICIS, sociétés de communication audiovisuelle, qu'aucune disposition n'empêche d'employer des journalistes, sociétés qui l'avaient recrutée pour son savoir-faire de journaliste et que ses employeurs successifs mettaient en avant pour leur propre publicité à destination de leurs clients, a effectivement exercé au nom de chacune de ces deux sociétés, filiales de PUBLICIS, et pour le compte des entreprises auprès desquelles elle était missionnée des fonctions de journaliste.

Elle peut en conséquence prétendre à ce statut et à l'application de la convention collective des journalistes.

La cour confirmera donc sur ce premier point la décision du conseil de prud'hommes de Paris, d'ailleurs reprise par la cour d'appel de Paris dans son premier arrêt.

Sur la condamnation in solidum les sociétés GLOBAL EVENT Management et PUBLICIS DIALOG

Mme [C] [Q] soutient à l'appui de son argumentation quant à la solidarité entre les deux sociétés qui l'ont successivement employée, qu'elle a exercé les mêmes fonctions et que, dès lors, ses relations de travail contractuelles doivent entraîner une solidarité à l'encontre des deux entreprises dans la mesure où elles seraient par ailleurs toutes les deux filiales du groupe PUBLICIS.

L'arrêt de la cour d'appel de Paris, cassé partiellement par la Cour de Cassation, mettant hors de cause la société Synthèse, avait condamné in solidum les sociétés Publicis Dialog et Global Event Management à un ensemble de sommes dues pour requalification du contrat de travail, en exécution puis à la suite de la rupture de celui-ci.

La cour d'appel fondait sa décision sur le fait que ces deux sociétés avaient, selon elle, la qualité de co- employeurs comme appartenant au même groupe, la salariée y ayant accompli les mêmes tâches pour les mêmes clients avec les mêmes interlocuteurs et les relations avec la seconde société Global Event Management ayant immédiatement succédé à celles avec

la première, les changements de raison sociale des sociétés et la proximité de leur dénomination démontrant l'imbrication étroite entre celles-ci, qui, pour la cour d'appel dans l'arrêt partiellement cassé, constituaient un seul et unique employeur.

La Cour de Cassation a toutefois jugé qu'en se déterminant ainsi par des motifs ne permettant pas de caractériser une confusion d'intérêts, d'activité et de direction, la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision.

Cependant, devant la formation de renvoi, la salariée étaye sa thèse relative à une confusion d'intérêts, d'activité et de direction :

- confusion d'intérêts : les deux sociétés sont des filiales à 100 % du groupe PUBLICIS, leurs intérêts en termes de développement sont donc étroitement intriqués avec ceux du groupe, mais également nécessairement impactés par les succès ou les échecs des différentes filiales du groupe,

- confusion d'activité :

* l'objet de Global Event System était « la publicité, gestion du budget publicitaire de toute industrie, activités de production de films publicitaires »

* l'objet de la société Synthèse était «la conception de tout support de formation et d'information, la réalisation de campagnes de publicité, de relations publiques, la conception et la réalisation de films institutionnels »

* l'objet de la société Global Event Management est « la création et la production pour tous médias et supports, l'édition et l'utilisation de productions publicitaires, conception et réalisation de tous documents audiovisuels ainsi que tous supports de formation et d'information, conseil en publicité, communication et relations publiques.'

La cour relèvera d'ailleurs au vu de ces différents objets sociaux que ceux-ci confirment l'hypothèse d'une production à caractère journalistique confiée à Mme [C] [Q].

Au-delà, les objets sociaux de ces différentes sociétés démontrent une évidente confusion d'activité à tout le moins pour une partie de celles-ci, étant en particulier indiqué que ces différentes sociétés ont en réalité eu un certain nombre de clients communs, notamment Renault, auprès de qui Mme [C] [Q] est intervenue à plusieurs titres.

- confusion de direction, la confusion à ce niveau est établie par plusieurs éléments précis :

M. [Z] [X] a dirigé tout à la fois, ou successivement, Global Event System comme président et membre du directoire (premier employeur de Mme [C] [Q] ) puis a été le dirigeant de la société Global Event Management, dernier employeur de Mme [C] [Q] (Kbis P4).

M.[U] [L] a été membre du directoire de Global Event System, et à ce titre supérieur hiérarchique direct de Mme [C] [Q] chez son premier employeur, et président-directeur général de la société Synthèse, qui, à partir de l'année 2001, a signé les contrats à durée déterminée avec Mme [C] [Q], avant d'être absorbée par la société Global Event Management ;

La société PUBLICIS Conseil, était membre du conseil de surveillance de Global Event System (P3).

En sus des convergences déjà relevées par la cour d'appel de Paris dans sa première formation, ces trois critères de confusion sont, tout à la fois, la cause et l'effet des modifications successives des raisons sociales des différentes sociétés du groupe. Ces modifications successives ont abouti à ce que, en quatre ans, Mme [C] [Q] ait successivement, de CDD en CDD, eu deux employeurs initiaux aux droits desquels viennent désormais les deux sociétés SAS PUBLICIS DIALOG et Global Event Management, elle-même entre-temps devenue Publicis Events.

Cette succession de contrats à durée déterminée, ayant été, de manière définitive, requalifiée ab initio en contrat à durée indéterminée, Mme [C] [Q] ayant dépendu, dans un lien de subordination qui n'est pas discuté, de ces différentes sociétés, amèneront la cour à prononcer in solidum, vis-à-vis les deux sociétés qui subsistent, - société Global Event Management, devenue Publicis Events et la SAS PUBLICIS DIALOG- les condamnations à verser diverses sommes à Mme [C] [Q] en exécution de son contrat de travail puis du fait de la rupture de celui-ci.

Sur les diverses sommes sollicitées par Mme [C] [Q] en exécution et du fait de la rupture de son contrat de travail.

La plupart des sommes allouées par les premiers juges et confirmées, par la cour d'appel dans sa décision partiellement cassée du 1er juillet 2009, l'ont été de manière indépendante par rapport au statut de journaliste de la salariée.

Elles n'ont pas été remises en cause dans leur quantum par la décision de la Cour de Cassation et seront donc purement et simplement confirmées, étant rappelé que la cour d'appel dans sa première formation avait, mettant hors de cause la société Synthèse, aux droits de laquelle venait la société Global Event Management, retenu la moyenne mensuelle de référence des salaires de Mme [C] [Q] de 2765 € bruts, moyenne calculée, avant la baisse unilatérale de rémunération imposée à Mme [C] [Q], quelques mois avant l'interruption de la collaboration.

Rappel de salaire de mai 2004 à août 2005, avec congés payés afférents, indemnité de préavis avec congés payés afférents, indemnité de requalification et indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse sont donc acquis définitivement.

En revanche, ont été annulées par la Cour de Cassation les condamnations découlant du statut de journaliste, en l'espèce rappel de 13e mois et indemnité de licenciement

Cependant, le statut de journaliste est reconnu au bénéfice de Mme [C] [Q] par la présente décision.

Il en découle que doivent être octroyées à Mme [C] [Q], en application des dispositions de la convention collective applicable à la profession :

-la somme de 15 207 € octroyée par les premiers juges et confirmée par la cour d'appel dans sa décision du 1er juillet 2009 à titre de rappel de 13e mois, droit reconnu aux journalistes, cette somme sera donc confirmée

- s'agissant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, en l'absence de tout motif explicatif développé devant la cour de renvoi par la salariée pour justifier la somme qu'elle sollicite, la cour, modifiant le montant alloué par les premiers juges, fixera conformément à la décision de la cour d'appel rectifiée par arrêt du 6 octobre 2009 et en application de l'article L 7112-3 et D7112-1 du code du travail et de l'alinéa 2 de la convention collective nationale des journalistes, à la somme de 14 977 € l'indemnité de licenciement due à la salariée.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par Mme [C] [Q] la totalité des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer. Chacune des sociétés, la SAS PUBLICIS DIALOG et la société Global Event Management, devront donc régler à Mme [C] [Q] une somme de 4000 € pour l'ensemble de la procédure.

Ces deux sociétés la SAS Publicis Dialog et la société Global Event, devenue la société Publicis Events seront tenues in solidum au paiement des entiers dépens.

Décision de la Cour :

En conséquence, la Cour,

Confirme la décision du Conseil de prud'hommes de Paris en date du 1er août 2006, en ce qu'il a reconnu le statut de journaliste avec application de la convention collective des journalistes à Mme [C] [Q].

Dit que, la société Synthèse étant mise hors de cause, les deux sociétés, -la SAS PUBLICIS DIALOG et la société Global Event Management aux droits de qui vient désormais la société Publicis Events-, sont tenues in solidum au versement à la salariée de l'ensemble des sommes qui lui sont octroyées,

En conséquence,

Les condamne, in solidum à verser à Mme [C] [Q], outre les sommes d'ores et déjà allouées par les premiers juges et non remises en cause par la décision de la Cour de Cassation, les sommes suivantes :

* 15 207 € au titre du rappel de 13ème mois.

* 14 977 € à titre d'indemnité de licenciement.

Ces sommes avec intérêts au taux légal depuis le 1er août 2006.

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Condamne les deux sociétés, -SAS PUBLICIS DIALOG et société Global Event Management, devenue la société Publicis Events -, à payer, chacune, à Mme [C] [Q] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

Les condamne in solidum aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/08112
Date de la décision : 02/04/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°11/08112 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-02;11.08112 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award