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26/03/2014 | FRANCE | N°12/12536

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 26 mars 2014, 12/12536


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 26 MARS 2014



(n° 103 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/12536



Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 25 Juin 2012 par le Tribunal de Commerce de PARIS - 5ème Chambre - RG n° 2012023020







APPELANTE



LA SOCIÉTÉ LEROY MERLIN FRANCE prise en la personne de son représentant léga

l domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING-DURAND- LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 26 MARS 2014

(n° 103 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/12536

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 25 Juin 2012 par le Tribunal de Commerce de PARIS - 5ème Chambre - RG n° 2012023020

APPELANTE

LA SOCIÉTÉ LEROY MERLIN FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING-DURAND- LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Lucile GRUSON, plaidant pour le Cabinet ADEKWA, subsituant Me Philippe SIMONEAU, avocat au barreau de LILLE.

INTIMÉES

LA SCP [M] prise en la personne de Maître [M] [M] agissant en sa qualité d'Administrateur au redressement judiciaire de la société GIRARD SUDRON

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS,

toque : E1719

LA SOCIÉTÉ GIRARD SUDRON agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Benoît DESCOURS, plaidant pour le cabinet d'avocats JEANTET Associés - AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T 04

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 février 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Irène LUC, faisant fonction de Président, chargée d'instruire l'affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Irène LUC, faisant fonction de Président, rédacteur

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseiller

Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène LUC faisant fonction de Président et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

******

Vu le jugement du 25 juin 2012, assorti de l'exécution provisoire, par lequel le tribunal de commerce de Paris a retenu sa compétence pour connaître du présent litige, débouté la société Leroy Merlin France de sa fin de non recevoir, donné acte à la société Girard Sudron de son intervention volontaire dans la procédure, dit la société Leroy Merlin France mal fondée en son exception de sursis à statuer, débouté la société Leroy Merlin France de l'ensemble de ses demandes et prétentions, et condamné la société Leroy Merlin France à verser à la SCP [M], prise en la personne de Maître [M], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Girard Sudron, et pour le compte de celle-ci, la somme de 704.888,67'€, augmentée des intérêts au taux de trois fois l'intérêt légal par application de l'article L. 441-6 du code de commerce à compter du 16'février'2012, ainsi que celle de 5.000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 6 février 2012 par la société Leroy Merlin France et ses conclusions du 13 décembre 2013, dans lesquelles elle demande à la cour de juger que la SCP [M], prise en la personne de Maître [M], ès qualités et la société Girard Sudron n'ont pas qualité à agir pour intenter une action en paiement à l'encontre de la société Leroy Merlin France et sont irrecevables en leur action sur le fondement de l'article 4 du code de procédure civile et débouter la société Girard Sudron et la SCP [M], ès qualités, de toutes leurs demandes, à titre subsidiaire, les juger mal fondées dans leur demande en paiement à concurrence de la somme de 704.888,67'€, en toutes hypothèses, condamner solidairement la SCP [M], ès qualités, et la société Girard Sudron à payer à la société Leroy Merlin la somme de 20.000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de la procédure d'appel';

Vu les conclusions du 6 décembre 2013 par lesquelles la SCP Valliot-Le Guernevé-Abitbol, prise en la personne de Maître [M], ès qualités, demande à la cour de juger que la société Girard Sudron a qualité pour agir sur le fondement desdites créances, que la règle de l'immutabilité de l'objet du litige est en l'espèce inapplicable, en conséquence dire la société Leroy Merlin France mal fondée en son moyen d'irrecevabilité tiré de l'article 4 du code de procédure civile, juger que la société Leroy Merlin France n'a pu compenser avant le jugement de redressement judiciaire de la société Girard Sudron les remises tubes et RFA pour la période du 1er janvier au 21 septembre 2011, faute de liquidité et d'exigibilité desdites créances et que la société Leroy Merlin France, en déclarant sa créance pour un montant de 517.622,44'€, a fait l'aveu judiciaire à hauteur de ce montant : d'une part de l'absence de compensation de plein droit avant le jugement d'ouverture de sa créance au titre des remises tubes et RFA, d'autre part de l'existence, au jour du jugement d'ouverture, d'une créance non compensée de 517.622,44'€, juger que la société Leroy Merlin France ne peut, dès lors, se prévaloir de la compensation pour créances connexes, en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 juin 2012, sauf à préciser que les condamnations prononcées doivent l'être au profit de la société Girard Sudron, condamner la société Leroy Merlin à payer à la société Girard Sudron, à titre principal, la somme de 704.888,67'€, à titre subsidiaire, la somme de 517.622,44'€, lesdites sommes augmentées des intérêts au taux de trois fois l'intérêt légal par application de l'article L.'441-6 du code de commerce à compter de la mise en demeure du 16 février 2012, dire la société Leroy Merlin France mal fondée en l'ensemble de ses demandes, condamner la société Leroy Merlin France à payer à la SCP [M], en la personne de Maître [M], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Girard Sudron, la somme de 5.000'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile';

Vu les conclusions du 4 décembre 2012 de la société Girard Sudron, dans lesquelles elle demande à la cour de la juger recevable à agir, en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Leroy Merlin France et dit la SCP [M] et la société Girard Sudron recevables en leurs demandes, constater que la société Leroy Merlin France a déclaré hors délai sa créance compensable au titre des RFA au titre de l'année 2011, que le montant des RFA indûment compensées sur la période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Girard Sudron, le 21 septembre 2011, comme au 31 janvier 2012 s'élève à la somme totale de 704.888,67'€ en principal, dès lors, juger que la société Leroy Merlin France ne pouvait pas se prévaloir de la compensation pour créances connexes qu'elle a indûment opérée, en conséquence, confirmer le jugement sauf à ce que les sommes soient attribuées à la société Girard Sudron, revenue in bonis et titulaire de la créance sur la société Leroy Merlin France, à titre subsidiaire, constater l'aveu judiciaire de la société Leroy Merlin France résultant de sa déclaration de créance en date du 21 février 2012 et consistant en l'absence de compensation de plein droit, avant le jugement d'ouverture, de sa créance au titre des RFA et en l'existence, au jour du jugement d'ouverture, d'une créance non compensée s'élevant à la somme de 517.622,44'€, en conséquence, la condamner à verser à la société Girard Sudron la somme de 517.622,44'€, avec application des intérêts dans les mêmes conditions que ci-dessus, en toute hypothèse, juger la société Leroy Merlin France mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en conséquence, l'en débouter et condamner la société Leroy Merlin à verser à la société Girard Sudron la somme de 5.000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants':

La société Girard Sudron a pour objet social la création et la distribution de lampes décoratives et composants pour l'éclairage. Depuis plusieurs années, elle est liée avec la société Leroy Merlin France (ci-après «Leroy Merlin») par des contrats annuels définissant leurs relations commerciales.

Par jugement en date du 22 septembre 2011, le tribunal de commerce de Paris a prononcé le redressement judiciaire de la société Girard Sudron et a nommé la SCP [M] prise en la personne de Maître [M], en qualité d'administrateur judiciaire.

Aux termes d'un contrat d'affacturage conclu le 16 novembre 2011 entre la société Girard Sudron et la société HSBC Factoring, cette dernière a été subrogée dans les droits de la société Girard Sudron relativement aux créances détenues sur la société Leroy Merlin.

En 2011, la société Girard Sudron a réalisé avec la société Leroy Merlin un chiffre d'affaires d'environ 2.000.000'€.

La société Leroy Merlin a compensé des factures de la société Girard Sudron avec les remises de fin d'année que lui devait la société Girard Sudron, qui atteignaient, au jour du jugement déclaratif, une somme de 703.690,57'€.

La société Leroy Merlin a compensé des remises tout au long de l'année, mais la partie la plus importante de celles-ci a été payée sur une échéance du 31'janvier 2012. A cette date, la société Girard Sudron devait recevoir à la banque HSBC Factoring, son factor, une échéance de 1'030'252,03 euros, représentant les factures de la société Leroy Merlin. Or, celle-ci a compensé ce montant avec le solde des remises et RFA lui restant dûes et s'élevant à 510'280 euros, pour ne payer qu'une somme de 519'971, 77 euros.

Estimant cette compensation irrégulière, la SCP [M], ès qualités d'administrateur du redressement judiciaire de la société Girard Sudron, a, par acte du 21 février 2012, assigné la société Leroy Merlin devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, sur le fondement de l'article L.622-4 du code de commerce, aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 703'690, 57 euros, dans les mains du factor, la société HSBC Factoring.

Le 21 février 2012, la société Leroy Merlin a déclaré sa créance au passif de la société Girard Sudron, pour un montant de 517'622,44 euros et a, le même jour, déposé une requête en relevé de forclusion.

Le 12 mars 2012, la société HSBC Factoring a rétrocédé les créances de la société Girard Sudron à celle-ci, à hauteur de 547'241,32 euros.

Par ordonnance de référé prononcée le 21 mars 2012, le président du tribunal de commerce de Paris a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé l'affaire au fond.

Dans le jugement présentement déféré, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Leroy Merlin France à verser à la SCP [M], prise en la personne de Maître [M], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Girard Sudron, et pour le compte de celle-ci, la somme de 704.888,67'€, augmentée des intérêts au taux de trois fois l'intérêt légal par application de l'article L. 441-6 du code de commerce à compter du 16'février'2012.

Par jugement du 15 novembre 2012, le tribunal de commerce de Paris a arrêté et homologué un plan de redressement de la société Girard Sudron, pour une durée de dix années et a nommé 'la SCP [M], prise en la personne de Maître [M], commissaire à l'exécution du plan.

Sur la recevabilité

Considérant que la société Leroy Merlin expose que Maître [M], ès qualités, et la société Girard Sudron n'établissent pas leur qualité à agir, de sorte que leur demande en paiement est irrecevable';

Considérant qu'elle soutient en premier lieu que l'action de l'administrateur judiciaire fondée sur l'article L. 622-4 du code de commerce n'est qu'une mission d'assistance et qu'il ne peut agir que dans le cadre d'une défaillance du débiteur à agir, en l'espèce non démontrée'; qu'il n'avait au surplus pas qualité à agir en paiement pour le factor, le mandat de gestion et de recouvrement de la société Girard Sudron n'étant qu'un mandat de recouvrement amiable et non en justice';

Considérant que l'article'L. 622-4 du code de commerce dispose': «'Dès son entrée en fonction, l'administrateur est tenu de requérir du débiteur ou, selon le cas, de faire lui-même tous actes nécessaires à la conservation des droits de l'entreprise contre les débiteurs de celle-ci et à la préservation des capacités de production'»'; qu'agissant en urgence, l'administrateur ne pouvait être déclaré irrecevable devant le juge des référés, faute de faire la preuve d'avoir préalablement requis le débiteur'; qu'ainsi l'assignation en référé était recevable et l'action a été régularisée devant le juge du fond par l'intervention volontaire de la société Girard Sudron, ayant qualité à agir avec l'assistance de son administrateur'; que nonobstant l'absence de versement aux débats du mandat de gestion et de recouvrement confié à la société Girard Sudron par le factor HSBC Factoring, l'intérêt à agir des deux intimées ne peut être contesté, la compensation litigieuse opérée par la société Leroy Merlin privant la société Girard Sudron du recouvrement de ses créances par le factor';

Considérant que la société appelante soutient également que les intimées ne peuvent réclamer le paiement des sommes sollicitées, la SCP [M], prise en la personne de Maître [M], ès qualités et la société Girard Sudron ne rapportant pas la preuve de la réalité de la rétrocession des créances de la société HSBC Factoring à la société Girard Sudron ;

Mais considérant qu'il résulte d'un courrier, adressé le 15 mars 2012 par le factor à la SCP [M], que la banque a procédé, à la demande de l'administrateur, «'à la rétrocession au profit de la société Girard Sudron des créances et déductions sur règlement au titre de RFA concernant le débiteur Leroy Merlin, en l'occurrence créances 2'083, 67 euros et déductions de RFA': 547'241,32 euros'», cette dernière somme correspondant au montant compensé par Leroy Merlin avec le solde des RFA restant dû sur le versement de janvier 2012, outre des pénalités'; que cette «'opération a pour effet de restituer la propriété desdites créances à la société Girard Sudron'»'; que redevenue propriétaire des créances, la société Girard Sudron, revenue in bonis, a bien qualité pour demander le paiement de ses créances';

Considérant que la société Leroy Merlin expose qu'à supposer même cette rétrocession démontrée, elle aurait été effectuée au mépris du droit de la procédure collective, la société HSBC Factoring n'ayant pas déclaré sa créance avant la contrepassation';

Mais considérant que l'opération de rétrocession a été effectuée après l'ouverture de la procédure collective et il ne s'agit pas d'une créance antérieure'; que ce moyen sera donc également écarté';

Considérant que si l'appelante soutient encore que la rétrocession des créances de la société HSBC Factoring à la société Girard Sudron n'a pas pu intervenir en raison de l'extinction préalable de la créance par paiement de la société Leroy Merlin le 31 janvier 2012, ce moyen ne peut prospérer ce paiement étant précisément contesté dans la présente instance ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de déclarer recevables les demandes des intimées'et de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Sur la violation de l'article 4 du code de procédure civile

Considérant que la société Leroy Merlin soutient que les demandeurs ont violé le principe d'immutabilité de l'objet du litige, consacré à l'article 4 du code de procédure civile, en modifiant devant la cour leurs prétentions principales'; que les intimées font valoir que le principe d'immutabilité du litige n'est pas absolu, de sorte qu'une modification de la qualité des parties est admise';

Considérant que, selon l'article 4 précité, «'L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant'»'; que si les demandes des intimées ont été modifiées, sollicitant le paiement des créances non plus dans les mains de la société HSBC Factoring, comme en première instance, mais directement au profit de la société Girard Sudron, cette évolution s'explique par l'évolution du litige, la société Girard Sudron étant revenue in bonis et étant, à présent, titulaire des créances réclamées'; qu'aucune violation de l'article 4 ne saurait donc en résulter';

Sur la compensation

Considérant que la société Leroy Merlin soutient que la société Girard Sudron et Maître [M], ès qualités, ne justifient pas le montant des créances qui leur seraient dues, le montant réclamé, 704 888,67 euros, n'étant justifié par aucune pièce comptable, ni aucun décompte'; qu'elle expose ensuite que la compensation de certaines créances est intervenue de plein droit avant l'ouverture du redressement judiciaire, les autres, postérieures, échappant à la règle de l'interdiction des paiements et à l'obligation de déclaration au passif';

Considérant que les intimées prétendent donner un décompte suffisamment précis des créances, non utilement critiqué par la société Leroy Merlin'; qu'elles soutiennent que la société Leroy Merlin a déclaré hors délai sa créance compensable au titre des remises tubes et RFA 2011 et ne justifie pas avoir été relevée de la forclusion par elle encourue ; que la société Girard Sudron soutient également que la société Leroy Merlin a indûment procédé à la compensation entre sa dette relative aux factures dues et les remises de fin d'année susceptibles d'être accordées par la société Girard Sudron, en violation de l'obligation de déclaration des créances, de l'interdiction de procéder au paiement d'une dette antérieure au jugement d'ouverture, ainsi que du principe d'égalité entre les créanciers';

Considérant que l'article L.622-7'du code de commerce dispose que «le Jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes»'; que, toutefois, le paiement par compensation d'une créance connexe antérieure au redressement judiciaire suppose sa déclaration au passif'de la société en redressement ;

Considérant qu'il résulte de l'analyse de l'expert comptable de la société Girard Sudron, non utilement contestée sur ce point par l'appelante, qui serait pourtant en mesure d'apporter la contradiction, étant en possession des factures et avoirs émis à ce titre, que les remises tubes et RFA dues par la société Girard Sudron à la société Leroy Merlin, calculées au 21 septembre 2011, s'élevaient à la somme de 704'888,67 euros'(466'000 au titre des remises tubes et 239'000 au titre des remises hors tubes) ;

Considérant que la société Leroy Merlin reconnaît qu'elle a compensé des acomptes relatifs à ces remises tout au long de l'année 2011 et le solde au 31 janvier 2012';

Considérant qu'elle soutient, de première part, qu'avant le jugement de redressement judiciaire, le jeu de la compensation légale avait déjà joué entre les acomptes versés au titre des remises et RFA et les factures de la société Girard Sudron'; qu'elle explique en effet que le plan d'affaires conclu entre les deux parties lui permettait de prélever des acomptes mensuels tout au long de l'année, le solde étant réglé au 31 janvier 2012';

Considérant qu'il résulte du plan d'affaires au titre des remises tubes fluorescents que le versement de dix acomptes mensuels, d'un montant unitaire global de 41'800 euros HT, était convenu entre les parties, à valoir sur les remises consenties par le fournisseur à Leroy Merlin'; que le plan d'affaires relatif aux ristournes hors tubes prévoyait, quant à lui, le versement de dix acomptes mensuels d'un montant unitaire global de 15'800 euros HT'; que l'article 10 de l'accord permanent de partenariat signé entre les deux parties autorisait «'chaque partie à opérer compensation au titre du paiement des créances réciproques, certaines, liquides et exigibles, et ce, dans le respect des échéances des dettes et des créances'»';'«'qu'en dehors des cas de compensation légale, les parties (ont convenu) d'appliquer entre elles tous les mécanismes de la compensation conventionnelle'» et de compenser «'les sommes dues au titre des acomptes dus par le fournisseur et prévus par les contrats'», Leroy Merlin pouvant «'en cas de non paiement à l'échéance'», «'de plein droit minorer les paiements dus par lui-même (') au fournisseur'»';

Considérant qu'il résulte de l'analyse de l'expert comptable de la société Girard Sudron qu'à la date du redressement, Leroy Merlin avait déduit de ses propres factures, au titre des remises tubes, sept acomptes de 41'800 euros, soit la somme de 292'600 euros HT (349'949 TTC), et, au titre des remises hors tubes, sept acomptes de 15'800 euros, soit 110'600 HT (132'277,60 TTC)';

Considérant que la compensation prévue au contrat a donc joué de plein droit entre les créances des deux parties, celles-ci satisfaisant par ailleurs aux critères de la compensation légale, étant certaines, fongibles, liquides, et exigibles; que la créance de 482'226 euros de la société Girard Sudron sur la société Leroy Merlin est donc éteinte ;

Considérant, de seconde part, que la société Leroy Merlin a compensé le solde des remises et RFA de 2011 sur une échéance au 31'janvier 2012'; qu'en effet, au 31 janvier 2012, la société Girard Sudron devait recevoir à la banque HSBC, son factor, une échéance de 1'030'252,03 euros représentant les factures de la société Leroy Merlin'; que celle-ci a compensé ce montant avec le solde des remises et RFA restant dû et s'élevant à 510'280 euros pour ne payer qu'une somme de 519'971, 77 euros'; qu'une part de ces remises tubes et RFA portait sur la période antérieure au 22 septembre 2011, soit la différence entre 704'888,67 et 482'226 euros, 222'662 euros'; que pour cette part, la compensation ne pouvait jouer qu'à la condition que la société Leroy Merlin ait déclaré sa créance entre les mains de Maître [V], ès qualités';

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la société appelante n'a pas déclaré sa créance compensable antérieure dans les deux mois de la publication au Bodacc du jugement de redressement judiciaire et ne justifie pas avoir bénéficié d'un relevé de forclusion'; qu'elle ne peut donc se prévaloir de la compensation pour créances connexes de l'article L.622-7'du code de commerce au titre des remises et RFA d'un montant de 222'662 euros et doit donc restituer à la société Girard Sudron cette somme indûment retenue sous la forme du solde du 31 janvier 2012';

Considérant que l'argument de la société Leroy Merlin prétendant que les sommes compensées le 31 janvier 2012 étaient relatives à des créances postérieures au jugement de redressement n'est étayé par aucun indice'et ne sera donc pas retenu ;

Considérant que le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;

PAR CES MOTIFS :

- Donne acte à la SCP [M] en la personne de Maître [M] ès qualités de son intervention en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Girard Sudron,

- Rejette le moyen tiré de la violation de l'article 4 du code de procédure civile,

-Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les demandes des intimées, et sur les dépens,

Et, statuant à nouveau,'

- Condamne la société Leroy Merlin à payer à la société Girard Sudron la somme de 222'662 euros augmentée des intérêts au taux de trois fois l'intérêt légal à compter du 16 février 2012,

- Condamne la société Girard Sudron aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/12536
Date de la décision : 26/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°12/12536 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-26;12.12536 ?
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