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26/03/2014 | FRANCE | N°12/07362

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 26 mars 2014, 12/07362


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 26 Mars 2014

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07362-CB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juin 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY commerce RG n° 08/03635





APPELANTE

SOCIETE AURTAL

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Christine RONCIN, avocat au barreau d

e MEAUX, toque : PC279







INTIME

Monsieur [F] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Isabelle SAMAMA SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196 s...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 26 Mars 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07362-CB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juin 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY commerce RG n° 08/03635

APPELANTE

SOCIETE AURTAL

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Christine RONCIN, avocat au barreau de MEAUX, toque : PC279

INTIME

Monsieur [F] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Isabelle SAMAMA SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196 substitué par Me Paméla AZOULAY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 196

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller

Greffier : Monsieur Bruno REITZER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur [F] [L] a été engagé par la société AURTAL par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1999 en qualité de manutentionnaire.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de commerce de gros.

La société AURTAL occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Monsieur [F] [L] a été victime d'un accident du travail le 5 juin 2007 et il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 17 février 2008.

Par courrier en date du 2 janvier 2008, la CPAM des Yvelines a porté à sa connaissance que ses lésions seraient considérées comme consolidées à compter du 11 janvier 2008, cette consolidation mettant un terme à la prise en charge de son indemnisation dans le cadre de la législation relative aux accidents du travail.

Le 30 janvier 2008, la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse a notifié à monsieur [L] l'attribution de sa retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail d'un montant de 223,21 euros.

Monsieur [L] indique qu'il a sollicité le bénéfice de cette retraite.

Il a bénéficié de deux examens médicaux par le médecin du travail dans le cadre d'une visite de reprise. A u terme du second examen en date du 7 novembre 2008, le médecin du travail a conclu à une inaptitude « à la reprise au poste occupé précédemment. Apte à un poste sans efforts physiques du dos et des membres inférieurs, sans station debout prolongée, type travail au bureau avec siège adapté ».

Par lettre en date du 17 novembre, monsieur [L] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 27 novembre 2008.

Par lettre en date du 5 décembre 2008, il a été licencié aux motifs de son inaptitude et de l'impossibilité de le reclasser.

Contestant notamment son licenciement, monsieur [F] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de BOBIGNY qui, par jugement en date du 5 juin 2012 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- Dit que le licenciement de M. [F] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamné la S.A.R.L. AURTAL à payer à M. [F] [L] les sommes suivantes :

* 20.000 euros à titre de rappel de salaires,

* 2.000 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaires,

* 4.190 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 419 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

* 3.838,42 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement,

* 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- ordonné à la S.A.R.L. AURTAL de remettre à M. [F] [L] des bulletins de salaire et une attestation POLE EMPLOI rectifiés dans le mois de la notification du présent jugement ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné la S.A.R.L. AURTAL à payer à M. [F] [L] la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la S.A.R.L. AURTAL aux dépens de l'instance,

- rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du Code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre ainsi que celles ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14 du Code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne des trois derniers mois est fixée à la somme de 2095€,

- rappelé que les créances dont le principe et le montant résultent de la loi ou du contrat portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par le défendeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 23 septembre 2008, et les créances à caractère indemnitaire à compter du jour du prononcé du présent jugement.

La société AURTAL a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 17 juillet 2012.

La société AURTAL soutient que :

- la relation contractuelle était rompue par le départ à la retraite de monsieur [L] de sorte que le licenciement postérieur est sans objet ;

- subsidiairement, l'état de santé de monsieur [L] a été considéré comme consolidé et elle n'a plus eu de ses nouvelles, jusqu'à la saisine du conseil de prud'hommes en résiliation du contrat de travail ;

- privée d'informations, elle a pensé que, finalement, il n'était pas à la retraite et en accord avec lui, a organisé la visite de reprise ;

- elle a recherché un reclassement inexistant dans cette entreprise employant seulement 5 personnes outre la gérante,

- l'inaptitude constatée n'était pas en lien avec l'accident du travail, monsieur [L] n'étant plus indemnisé à ce titre depuis le 11 janvier 2008.

En conséquence, elle sollicite :

A titre principal, l'infirmation du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes et la condamnation de Monsieur [L] à lui payer la somme de 16,008,69 € qu'il a perçue au titre de l'exécution provisoire ordonnée par le conseil de prud'hommes de Bobigny ainsi que tous les frais droits et dépens accessoires avec intérêts au taux légal à compter de ce jugement,

A titre subsidiaire, l'infirmation du jugement entrepris et le débouté de Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes.

En réponse, monsieur [F] [L] fait valoir que :

- la suspension de son contrat de travail perdurait tant que la visite de reprise n'avait pas eu lieu,

- les règles de la retraite concernent la relation entre le salarié et la CNAV uniquement,

- l'employeur a manqué à son obligation en n'organisant pas la visite de reprise alors qu'il a été informé de la consolidation de son état de santé,

- il a dû prendre sa retraite en raison du manquement de l'employeur à ses obligations,

- son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, la société n'ayant pas rempli son obligation de reclassement et ne lui ayant pas notifié par écrit ses recherches de reclassement,

- subsidiairement, son départ à la retraite doit être analysé en une prise d'acte de rupture, l'employeur ne l'ayant pas convoqué à la visite médicale de reprise et n'ayant pas procédé à son licenciement.

En conséquence, il sollicite à titre principal, la confirmation du jugement entrepris sur l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement, son infirmation sur le montant de l'indemnité alloué et la condamnation de la société AURTAL au paiement d'une somme de 37 710,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire, il demande à la cour de :

- dire que sa prise de retraite s'analyse comme une prise d'acte de rupture,

- condamner la Société AURTAL au paiement d'un somme de 37 710,00 euros à titre de dommage et intérêts,

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué un complément d'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférent et le complément d'indemnité de licenciement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 20 000,00 euros à titre de rappel de salaires et 2 000,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaires,

A titre subsidiaire, sollicite :

- la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme de 22 000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

Y RAJOUTANT,

- la condamnation de la société AURTAL au paiement d'une somme de :

* 5 000,00 euros pour ne pas avoir organisé des visites médicales régulières et manquement à l'obligation de sécurité,

* 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- la remise des documents sociaux rectifiés en fonction de l'arrêt sous astreinte de

100,00 euros par jour de retard,

outre la condamnation de la société AURTAL au paiement d'une somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la rupture des relations contractuelles

Il résulte de la lettre en date du 30 janvier 2008 adressée par la caisse nationale d'assurance vieillesse à monsieur [L] que celui-ci a été placé à sa demande en retraite à compter du 1er janvier 2008. Cette retraite est une retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail comme indiqué par la Caisse et répond à des conditions particulières. Conformément aux dispositions de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, elle permet à des salariés qui n'ont pas la durée d'assurance requise (monsieur [L] n'avait acquis que 40 trimestres) ni l'âge de 65 ans de bénéficier d'une retraite calculée au taux plein c'est à dire 50% alors que ce taux n'est atteint habituellement que si l'assuré a acquis l'intégralité de ses trimestres. Cette retraite peut être accordée aux salariés inaptes au travail dans les conditions fixées par l'article L 351-7 du même code. L'inaptitude au travail prise en compte par l'assurance vieillesse correspond au défaut d'aptitude au poste de travail pour lequel l'assuré a été embauché et n'est pas celle évaluée dans le cadre d'une visite de reprise. Elle est reconnue par le médecin-conseil de la caisse.

D'une part, monsieur [L] a effectué une démarche volontaire afin de bénéficier de cette retraite particulière dérogatoire des conditions générales d'octroi d'une retraite en considération de l'état de santé du salarié. Il a été notamment nécessaire qu'il obtienne un avis médical. Cette démarche a été nécessairement antérieure au 1er janvier 2008, date à laquelle la liquidation de sa retraite a débuté.

D'autre part, le départ à la retraite constitue un mode de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié. Comme la démission, il doit résulter d'une volonté claire et non-équivoque et peut intervenir au cours des période de suspension du contrat de travail. Afin de solliciter l'analyse de cette démission en un licenciement, le salarié ne vise pas comme grief une absence de suivi médical antérieur à l'accident du travail, aucun lien de cause à effet ne pouvant en outre être fait en l'état entre l'absence de suivi et l'accident survenu. Il fait seulement valoir dans le cadre de ses écritures que sa décision à ce titre « visait simplement à faire face à une situation dramatique où il se retrouvait sans aucun revenu du fait des carences de l'employeur qui n'avait pas convoqué à la visite médicale de reprise le salarié ni même procédé à son licenciement ». Mais au moment où monsieur [L] a sollicité son départ en retraite, l'employeur n'avait pas l'obligation d'organiser une visite médicale de reprise, celle-ci n'étant née qu'à la consolidation de l'état de santé du salarié consécutivement à son accident du travail dont il a informé la société par courrier recommandé reçu le 17 janvier 2008. Il n'avait pas non plus l'obligation de payer les salaires, le contrat de travail étant suspendu. Enfin, il ne peut comme il le fait de manière générale, arguer d'un défaut de ressources qui l'aurait conduit à faire valoir ses droits à cette retraite alors qu'aucun élément ne permet de retenir qu'il n'aurait pas perçu les indemnités journalières auxquelles il avait droit et qu'au contraire, celles-ci sont spécifiquement mentionnées dans le courrier lui notifiant la consolidation de son état de santé.

En dernier lieu, la retraite personnelle pour inaptitude au travail permet à l'ancien salarié de reprendre une activité ce qu'il a d'ailleurs fait postérieurement. Aucun élément du dossier ne permet de caractériser le fait que monsieur [L] a sollicité auprès de la société une telle reprise et que la visite médicale organisée l'a été dans ce cadre.

Dès lors, il convient de retenir qu'en sollicitant son départ à la retraite pour inaptitude au travail et en bénéficiant effectivement de celle-ci avant que toute visite de reprise ne doive être organisée, monsieur [L] a rompu le contrat de travail le liant à la société de manière claire et non équivoque.

Il sera donc débouté de ses demandes au titre du licenciement et en rappel de salaire.

La décision des premiers juges sera infirmée.

Sur l'absence de visites médicales régulières et manquement à l'obligation de sécurité

Il résulte des dispositions de l'article R 4624-10 et des articles R 4624-16 et R 4624-17 du code du travail que le salarié doit bénéficier avant l'embauche d'un examen médical et pendant sa période d'emploi au moins tous les 24 mois, d'un examen médical. La société n'a pas réalisé cette visite médicale d'embauche et ne justifie pas avoir mis en place un suivi médical. Cette carence a nécessairement causé à monsieur [L] un préjudice qui sera réparé par l'octroi de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il s'agit d'une demande nouvelle.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

L'issue du litige montre que l'appel de la société n'était pas abusif. Monsieur [L] sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de la société au titre du remboursement des sommes

Il s'évince suffisamment de la présente décision que monsieur [L] devra rembourser les sommes qui lui ont été payées dans le cadre de l'exécution provisoire et il appartiendra aux parties d'établir un compte.

Sur les frais irrépétibles

Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Partie succombante partiellement, la société AURTAL sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la société AURTAL à verser à monsieur [F] [L] la somme de :

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visites médicales régulières et manquement à l'obligation de sécurité,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société AURTAL aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/07362
Date de la décision : 26/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°12/07362 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-26;12.07362 ?
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