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26/03/2014 | FRANCE | N°11/05077

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 26 mars 2014, 11/05077


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 26 Mars 2014



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05077



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 avril 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 10/01452





APPELANTE

S.A. LA CAISSE D'EPARGNE ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurélien WULVERY

CK, avocat au barreau de PARIS, C16





INTIMÉS

Monsieur [Z] [Y] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Rachel SAADA, avocate au barreau de PARIS, W04



LE SYND...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 26 Mars 2014

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05077

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 avril 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 10/01452

APPELANTE

S.A. LA CAISSE D'EPARGNE ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, C16

INTIMÉS

Monsieur [Z] [Y] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Rachel SAADA, avocate au barreau de PARIS, W04

LE SYNDICAT CGT CEIDEP

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par M. Catherine VINET-LARIE, déléguée syndical ouvrier dûment mandatée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 janvier 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [Z] [Y] [W] a été engagé par la SA Caisse d'Épargne Île de France en qualité d'agent de guichet par contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 1982. Il occupe depuis plusieurs années la fonction de conseiller financier.

La convention collective applicable dans l'entreprise est celle des caisses d'épargne.

A la suite de la mise en oeuvre de la procédure d'alerte prévue à l'article L.2313-2 du code du travail par la déléguée du personnel qui avait signalé à l'employeur le harcèlement dont il était victime, M. [Z] [W] a saisi sur le fondement de cet article le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 29 avril 2011, a constaté que des atteintes avaient été portées par la Caisse d'Épargne Île de France à ses droits et à sa santé, a dit et jugé qu'il devait être affecté à l'agence de [Localité 2] sur le poste de conseiller financier à 4/5ème de temps jusqu'à ce qu'il formule une autre demande, a condamné la Caisse d'Épargne Île de France à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et la somme de1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire de la décision sur le fondement des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile, a rejeté l'ensemble des autres demandes formées par les parties, et notamment celle du syndicat CGT Caisse d'Épargne Île de France, intervenant volontaire à l'instance, et a condamné la Caisse d'Épargne Île de France aux dépens de l' instance.

La Caisse d'Épargne Île de France a régulièrement relevé appel de cette décision, et à l'audience du 22 janvier 2014, développant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 29 avril 2011, et, statuant à nouveau de:

à titre principal,

débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes

à titre subsidiaire,

juger que M. [W] ne peut solliciter son affectation à l'agence de [Localité 2] et le débouter de cette demande

à titre très subsidiaire,

juger que M [W] ne justifie d'aucun préjudice et réduire l'indemnité sollicitée à de plus justes proportions

en tout état de cause,

condamner M. [W] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [Z] [W] a repris oralement à l'audience ses écritures visées par le greffier et demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf à accueillir l'appel incident et ses demandes nouvelles et de condamner la Caisse d'Épargne Île de France à lui verser les sommes suivantes :

- 97 800 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériel, moral et de santé

- 56 784 € en réparation de son préjudice lié au harcèlement et à la perte de promotion professionnelle du fait des agissements de l'employeur ou de ses préposés (demande nouvelle)

- 16 528 € à titre de rappel de prime (demande nouvelle)

de dire que le jour non travaillé dans le cadre du temps partiel sollicité en dernier lieu le 22 octobre 2013, sera le samedi (demande nouvelle)

de dire que les condamnations s'entendent nettes de CSG et de CRDS ainsi que de toutes cotisations sociales

de condamner la Caisse d'Épargne Île de France à lui payer une indemnité complémentaire de 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

Le syndicat CGT des agents de la Caisse d'Épargne Île de France a repris oralement à l'audience ses écritures visées par le greffier et demande à la cour de condamner la Caisse d'Épargne Île de France à lui verser 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice porté à la profession et 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Selon l'article L. 2313-2 du code du travail, si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale qui ne serait pas justifiée par la tâche à accomplir, ni proportionnée au but de recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de formation, de rémunération, d'affectation, de classification, de qualification, de mutation, de promotion professionnelle, de sanction ou de licenciement. L'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.

En l'espèce, la saisine du conseil de prud'hommes sur le fondement de l'article L. 2313-2 du code du travail est intervenue dans les circonstances suivantes :

M. [W] alors qu'il était affecté à l'agence de [Localité 4] s'est trouvé en arrêt de travail entre le 10 juillet 2007 et le 13 avril 2009. A compter de cette date, il a repris son travail en mi-temps thérapeutique à l'agence de [Localité 3]- [Localité 5] puis à l'agence de [Localité 3] -[Localité 6] ;

Il avait saisi Mme [U], déléguée du personnel du réseau, peu de temps avant sa reprise d'activité en lui signalant le harcèlement dont il disait avoir été victime à l'agence de [Localité 4]. Mme [U] a alors décidé début février 2009 de mettre en oeuvre l'ouverture d'une enquête sur le fondement des dispositions de l'article précité en prenant contact avec l'employeur qui a fixé au 28 mai 2009 les premières auditions, puis repoussé celles-ci en juin. En octobre 2009, l'enquête n'ayant pas progressé et l'état de santé de M. [W] affecté dans une agence éloignée de son domicile à un poste d'accueil ne correspondant pas à sa classification se dégradant, Mme [U] a relancé l'employeur qui ne lui a pas répondu. Face à cette carence, M. [W] a saisi le bureau de jugement du conseil de prud'hommes statuant en référé comme le prévoit l'alinéa 3 de l'article L. 2313 du code du travail.

Par la suite, le 8 juillet 2010, après avoir été déclaré apte par le médecin du travail à reprendre son travail à temps plein sous réserve d'une diminution de trajet, M. [W] a été nommé le 1er octobre 2010 à l'agence de [Localité 2] au poste de conseiller financier.

En février 2011, l'employeur l'a informé de son intention de le muter à l'agence d'[Localité 1] et Mme [U] a alerté l'employeur à deux reprises sur le risque grave encouru par le salarié en cas de nouveau changement d'affectation.

En exécution du jugement du conseil de prud'hommes, la Caisse d'Épargne Île de France, par courrier du 20 mai 2011, informait M. [W] qu'il était affecté provisoirement à compter du 30 mai 2011 à l'agence de [Localité 2]. Sa demande de temps partiel de façon à pouvoir disposer de la journée du samedi n'étant pas satisfaite, celui-ci maintenait son activité à temps complet.

Sans avoir soulevé formellement ce moyen avant tout débat au fond, la Caisse d'Épargne Île de France soutient que la saisine directe du bureau de jugement dans le cadre de l'article L. 2313-2 du code du travail, ne permet pas au juge de trancher une demande indemnitaire.

Le principe d'unicité de l'instance posé par l'article R.1452-6 du code du travail impose cependant aux parties de vider l'ensemble du litige dans le cadre d'une unique procédure lorsque les fondements de la demande sont nés et connus au moment où la procédure intervient.

Les demandes indemnitaires formées devant le bureau de jugement étaient donc recevables, comme le sont les demandes nouvelles formées en cause d'appel.

Sur les atteintes portées aux droits et à la santé du salarié

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [W] fait valoir qu'il a été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique au sein de l'agence de [Localité 4] ; que l'employeur a entravé le déroulement de l'enquête demandée par la déléguée du personnel et n'a pris aucune mesure pour remédier à sa situation ; qu'à son retour dans l'entreprise après son arrêt maladie, il a été affecté dans une agence éloignée de son domicile et de surplus en sureffectif ce qui a eu pour effet de le priver de tout poste de travail, puis à compter du 1er décembre 2009, à l'agence de [Localité 3]-[Localité 6] dans laquelle il a continué à exercer des fonctions d'agent d'accueil débutant ; qu'à la fin de son mi-temps thérapeutique, il a demandé en vain d'être affecté à l'agence de [Localité 4], plus proche de son domicile, le médecin du travail ayant recommandé une diminution du temps de trajet ; que le 21 septembre 2010, le médecin du travail a confirmé cet avis rendu deux mois avant mais que l'employeur a attendu le 1er octobre 2010 pour le muter à l'agence de [Localité 2] ; qu'enfin, en février 2011, l'employeur l'a informé qu'il était affecté à compter du mois de mars à l'agence d'[Localité 1] où une enquête était en cours pour des faits de harcèlement moral.

M. [W] souligne les conséquences que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ont entraînés sur sa santé puique depuis juin 2007, il souffre d' un syndrome dépressif réactionnel et est toujours sous traitement antidépresseur.

Il soutient encore avoir subi un préjudice de carrière, perdant une chance de devenir chef d'agence, promotion à laquelle le destinaient son expérience et ses aptitudes alors qu'il avait été versé dans le vivier des chefs d'agence depuis 2002 et avait exercé ces fonctions en remplacement pendant l'année 2004.

Pour étayer ses affirmations, M. [W], outre les certificats médicaux établis par son médecin traitant et par le médecin du travail, produit notamment des attestations de ses collègues de travail dans les agences au sein desquelles il a travaillé, celle d'un client, ainsi que l'attestation de Mme [U] qui l'a accompagné tout au long de la procédure d'enquête, les messages et courriers que lui a adressés l'employeur pour lui signifier des refus d'accéder à ses demandes d'affectation et de travail à temps partiel. Il justifie par les pièces versées aux débats des méthode de management anxiogènes mises en place dans l'agence de [Localité 4], de la man'uvre opérée par le directeur de cette agence pour l'évincer, des mutations successives qui lui ont été imposées sans raison, de l'inadaptation de son poste de travail à sa qualification au sein des agences de [Localité 3], et du non respect par l'employeur des recommandations du médecin du travail.

Il établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

L'employeur, pour contester les faits de harcèlement moral invoqués par l'intimé, se borne à relever de prétendues contradictions dans les pièces sur lesquelles celui-ci fonde sa prétention, critique les attestations produites, soutient avoir diligenté l'enquête demandée par la déléguée du personnel alors que les nombreux messages électroniques que cette dernière lui a envoyés montrent qu'il s'est abstenu de répondre à ses relances qui avaient pour fin la reprise de l'enquête limitée jusque là à l'audition de trois témoins. Il souligne enfin que M. [W] n'a jamais rejoint le poste qui lui était affecté à [Localité 1] car il était en arrêt maladie pendant cette période.

Pour établir que M. [W] avait une activité commerciale à l'agence de [Localité 3], il verse aux débats l'attestation du directeur de l'agence. Il justifie par ailleurs des formations suivies en 2009,2010 et 2011 par le salarié.

Comme relevé dans le jugement entrepris, ces éléments sont insuffsants à démontrer que les faits matériellement établis par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'examen de l' ensemble des pièces produites au dossier, la cour considère que les agissements répétés de l'employeur caractérisent un harcèlement moral ayant eu pour effet la dégradation des conditions de travail de M. [W] et de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale.

Le jugement critiqué sera confirmé sur ce point et, par conséquent, en ce qu'il a ordonné l'affectation de M. [W] à l'agence de [Localité 2] en qualité de conseiller financier.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eues pour M. [W] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies et notamment de la perte de rémunération due à son arrêt de travail prolongé, de la perte du bénéfice de l'assurance qu'il avait souscrite avec son prêt, du préjudice moral et familial qu'il subi du fait de son état de santé invalidant pendant plusieurs années et des séquelles dont il continue de souffrir, étant précisé que le statut de travailleur handicapé lui a été reconnu, le préjudice en résultant pour celui-ci doit être réparé par l'allocation de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement étant infirmé sur le montant de l'indemnité allouée.

En revanche, étant observé qu'il n'est pas démontré qu'au regard de sa date d'entrée dans l'entreprise, de sa classification et de la rémunération qu'il perçoit, M. [W] ait subi une discrimination dans l'évolution de sa carrière et les éléments qu'il produit ne permettant pas de considérer qu'il devait nécessairement devenir chef d'agence, sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre n'est pas fondée. Il en sera débouté.

Sur la demande relative au temps partiel

Il ressort du courrier daté du 20 janvier 2014 adressé par l'employeur à M. [W] qu'il a été fait droit à sa demande de passage à 4/5ème de temps partiel, le samedi étant son jour non travaillé et qu'a été soumis à sa signature un projet d'avenant à son contrat de travail en ce sens. Il en sera donné acte à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance d'Île de France.

Sur la demande du Syndicat CGT des agents de la Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France

Le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il déclaré bien fondée l'intervention du syndicat mais infirmé en ce qu'il a débouté celui-ci de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice porté à la profession alors que le fait pour l'employeur de ne pas satisfaire à son obligation de protection de la santé du salarié et en particulier d'avoir empêché que l'enquête initiée par le délégué du personnel soit menée à son terme, cause un préjudice certain non seulement au salarié concerné mais aussi à l'ensemble de la collectivité de l'entreprise.

Ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 2 000 €.

Sur le rappel de primes

M. [W] expose que l'accord collectif national sur la classification des emplois et des établissements conclu le 19 décembre 1985 en application de la loi du 1er juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne et de prévoyance, mettant en place une rémunération globale garantie mensuelle par niveau d'emploi ainsi que des primes, de durée d'expérience (remplaçant les échelons d'ancienneté statutaire), familiale (remplaçant l'indemnité de résidence familiale et l'indemnité de résidence célibataire statutaire) et de vacances, a été dénoncé par le Centre national des Caisses d'Epargne et de Prévoyance (CNCEP) le 20 juillet 2001 ; que des accords de substitution signés le 28 juin 2002 par des organisations syndicales ont été frappés d'opposition par les organisations majoritaires ; que malgré ces oppositions, toutes les caisses d'épargne ont procédé à l'intégration au salaire de base des primes de durée d'expérience, familiale, de vacances et de l'ancienneté acquise ; qu'à compter du mois de janvier 2004, les différentes caisses d'épargne ont appliqué les accords nationaux des 30 septembre et 11 décembre 2003 mais au lieu de faire apparaître distinctement d'une part le salaire de base égal au minimum au salaire garanti du coefficient et, d'autre part, les avantages acquis, elles ont laissé inchangés les bulletins de paie des salariés dont les avantages acquis avaient été fusionnés dans une rémunération globale en 2002 et ce, jusqu'au 1er janvier 2010, date à laquelle les trois primes ont été rétablies sur les bulletins de paie, la situation sur les bulletins de paie antérieurs n'ayant cependant pas été régularisée.

M. [W] fait valoir que cette incorporation des primes au salaire de base a modifié la structure de sa rémunération ; que ces primes constituaient à la date de la dénonciation de l'accord collectif du 19 décembre 1985 un avantage individuel acquis et donc incorporé à son contrat de travail ; que l'employeur ne pouvait modifier la structure de sa rémunération sans son accord ; que les éléments de rémunération qui s'étaient intégrés à son contrat de travail doivent donc être rétablis ; qu'il apparaît que l'employeur lui a versé la prime de durée d'expérience et la prime familiale au prorata du temps effectif de travail correspondant à son mi-temps thérapeutique de janvier 2008 à janvier 2010 alors que ces primes, aux termes de l'accord du 19 décembre 1985, ont un caractère forfaitaire ; qu' en conséquence, il lui reste dû à ce titre la somme de 16 528 euros.

La Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France soutient que cette demande est mal fondée au motif que les primes résultant de l'accord collectif du 19 décembre 1985 ont toujours été fonction de la durée effective du travail pour les salariés à temps partiel ; qu' en effet, cet accord ne prévoyant pas le paiement intégral des primes familiales et de durée d'expérience pour les salariés travaillant à temps partiel, il convient, à défaut de dispositions conventionnelles spécifiques, de calculer le montant de ces primes en fonction du temps de travail effectif.

Elle fait valoir que ces deux primes sont versées sous forme d'attribution de points supplémentaires, la valeur du point étant déterminée par l'article 13 de l'accord qui prévoit que la rémunération globale garantie correspondant à la durée hebdomadaire du travail affichée dans l'entreprise est exprimée en points et comprend un barème de rémunération pour les salariés à temps complet ; que ce barème doit donc être appliqué au prorata du temps de travail aux salariés à temps partiel ; qu'au surplus la fiche technique éditée en 1988 et qui n'a jamais été contestée rappelle que la prime de durée d'expérience rémunére l'expérience acquise et indique que celle-ci est modulable en fonction de la durée du travail du salarié.

L'article L. 3123-10 du code du travail dispose que « compte tenu de la durée de son travail et de son ancienneté dans l'entreprise, la rémunération du salarié à temps partiel est proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale, occupe à temps complet un emploi équivalent dans l'établissement ou l'entreprise ».

Aux termes de l'article L.3123-11 du code du travail, « le salarié à temps partiel bénéficie des droits reconnus au salarié à temps complet par la loi, les conventions et les accords collectifs d'entreprise ou d'établissement sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels, de modalités spécifiques prévues par une convention ou un accord collectif de travail. ».

En l'espèce, les articles 15 et 18 de l'accord collectif national du 19 décembre 1985 portant sur la prime de durée d'expérience et sur la prime familiale visent, le premier, « les salariés ayant au moins 3 ans d'ancienneté » et le second, « chaque salarié du réseau chef de famille». Eu égard aux dispositions légales précitées et en l'absence de modalités spécifiques prévues pour les salariés à temps partiel, il s'en déduit que ces deux primes ont un caractère forfaitaire, peu important les termes des accords sur le travail à temps partiel intervenus postérieurement qui précisent que ces primes doivent être calculées au prorata du temps de travail effectif pour les salariés à temps partiel mais qui ne peuvent s'appliquer à M. [W] pour qui les primes telles que définies par l'accord collectif du 15 décembre 1985 constituent un avantage individuel acquis.

C'est donc à tort que l'employeur a considéré que le barème défini à l'article 13 de cet accord devait s'appliquer au prorata du temps de travail effectif de M. [W] sur la période s'étendant de janvier 2008 à janvier 2010.

La Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France ne critiquant pas les modalités de calcul retenues par le salarié dans son tableau figurant à la suite de ses écritures, elle devra verser à M. [W] la somme de 16 528 € à titre de rappel de primes et congés payés incidents.

La Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France sera condamnée aux dépens et versera en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à M. [W] la somme de 3 000 € et celle de 500 € au Syndicat CGT des agents de la Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France à verser à M. [Z] [W] la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral et l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur,

CONDAMNE la Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France à verser au Syndicat CGT des agents de la Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,

CONFIRME le jugement pour le surplus et y ajoutant,

DONNE acte à la Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France de ce qu'elle a fait droit à la demande de M. [W] de travailler à 4/5ème de temps, le samedi étant le jour non travaillé,

DÉBOUTE M. [W] de sa demande de dommages et intérêts formée au titre du préjudice lié à une perte de promotion professionnelle,

CONDAMNE la Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France à verser à M. [Z] [W] la la somme de 16 528 € à titre de rappel de primes et congés payés incidents,

CONDAMNE la Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France à verser en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à M. [W] la somme de 3 000 € et celle de 500 € au Syndicat CGT des agents de la Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France,

CONDAMNE la Caisse d' Epargne et de Prévoyance d'Ile de France aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/05077
Date de la décision : 26/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/05077 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-26;11.05077 ?
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