RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 25 Mars 2014
(n° 12 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03610
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/07147
APPELANT
Monsieur [P] [R]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparant en personne,
assisté de Me Myriam ANOUARI, avocat au barreau de PARIS, toque : K 100
INTIMEE
L'ASSOCIATION UNAPEI
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Pierre NAITALI, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente
Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller
Madame Caroline PARANT, Conseillère
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [P] [R] du jugement rendu le 28 novembre 2011 par le Conseil des Prud'hommes de Paris l'ayant débouté de l'intégralité des demandes qu'il formulait contre l'association UNAPEI auprès de laquelle il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail le 19 avril 2010.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 2 juillet 2001 M. [P] [R] a été engagé par l'association UNAPEI en qualité de 'responsable du service prévoyance - patrimoine' moyennant une rémunération brute mensuelle de 20.841,15 F soit 3.177,21 €.
Le 18 mars 2010 M. [P] [R] a été convoqué à un entretien préalable en vue de licenciement, entretien fixé au 30 mars suivant. Aux termes de la même lettre M. [P] [R] se voyait notifier une mise à pied conservatoire.
Le même jour, soit le 18 mars 2010, les délégués du personnel faisaient usage de leur droit d'alerte et sollicitaient une enquête 'afin d'éclaircir la situation au sein du service de M. [R]'. La lettre précisait : 'afin d'éviter toute atteinte quant à la santé physique et mentale de mlle [L] [D] le temps de l'enquête, nous vous demandons également de la soustraire temporairement de son service et de la placer directement sous l'autorité de sa directrice de pôle, Mme [S]'.
L'entretien préalable prévu au 30 mars 2010 ne se tenait pas et M. [P] [R] ne faisait donc pas l'objet d'une mesure de licenciement, seule lui étant notifiée, le 10 avril 2010, une mise à pied disciplinaire de 3 jours.
A réception de sa mise à pied disciplinaire M. [P] [R] prenait acte, par lettre du 19 avril 2010, de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Il saisissait la Conseil des Prud'hommes le 28 mai 2010 aux fins d'entendre juger que sa prise d'acte s'analysait en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences financières afférentes, contexte dans lequel est intervenu le jugement dont appel qui a retenu que la prise d'acte de M. [P] [R] s'analysait en démission.
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M. [P] [R] poursuit l'infirmation du jugement en réitérant devant la cour ses prétentions et demandes de première instance à savoir :
- dire que la prise d'acte est aux torts de l'employeur,
- annuler la mise à pied disciplinaire,
- condamner l'association UNAPEI à payer :
* 726, 42 € au titre du salaire dû durant la mise à pied,
* 28.993,68 € au titre du préavis et, subsidiairement, 19.329,12 €,
* 2.899,36 € pour les congés payés afférents,
* 43.831,00 € au titre de l'indemnité de licenciement,
* 60.684,00 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10.000 € pour procédure vexatoire,
* 1.000 € pour perte de chance du DIF,
* 13.900 € à titre d'indemnité au titre des congés supplémentaires et, subsidiairement, 6.950 €,
* 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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L'association UNAPEI conclut, au principal, à la confirmation du jugement et requiert la condamnation de M. [P] [R] à lui payer 9.664,56 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, non effectué par le salarié.
Subsidiairement, l'association UNAPEI demande de constater que l'indemnité compensatrice de préavis ne peut être supérieure à 4 mois de salaire. Elle conclut au rejet de toutes les autres demandes de M. [P] [R] et à sa condamnation à lui payer 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la prise d'acte de rupture :
Considérant que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail ;
Que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient ( lesquels faits doivent être suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail), soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'il appartient au juge de fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié à l'appui de la prise d'acte, rappel étant fait de ce que, contrairement à la lettre de licenciement, la lettre de prise d'acte ne fixe pas les limites du litige ;
Considérant que, dans le cas présent, une procédure de licenciement a été initiée par l'association UNAPEI contre M. [P] [R], ceci d'une manière que la cour qualifie d'erratique ; qu'en effet, la lettre de convocation à l'entretien préalable, notifiant également une mise à pied conservatoire, soit une mesure lourde de sens, fait état de 'la gravité des agissements reprochés ' lesquels n'ont, à aucun moment, été qualifiés ou caractérisés, ce qui explique, selon toute vraisemblance, que l'entretien préalable n'ait pas eu lieu dans les faits ; que la cour observe plus précisément, que, le 7 avril 2010, les délégués du personnel émettaient l'avis suivant :
' Suite à nos entretiens avec les collaboratrices du service assurances et droit patrimonial, il apparaît clairement que [O] [J], qui partage le même bureau que Mlle [D], ne reproche aucun agissement de nature à mettre en cause son responsable hiérarchique, M. [P] [R].
Quant à [L] [D], elle évoque des difficultés pour remplir ses missions. L'un des facteurs potentiel serait les difficultés dont elle nous a fait part lors de notre rencontre du 22 mars et lors d'entrevues moins formelles. Selon ses propos, elle se retrouverait en porte à faux entre le service au sein duquel elle exerce son emploi et le pôle auquel son service est rattaché. Elle n'a cependant pas qualifié ni la fréquence, ni le ton utilisé par M. [R] lors de leurs échanges qui auraient en partie contribué à ses difficultés .' ;
Considérant que malgré cet avis qui, force est de le constater, ne met en évidence aucune erreur ou pression managériale de M. [P] [R] susceptible d'être constitutive de harcèlement moral envers l'une ou l'autre de ses collaboratrices, l'employeur, sans prendre la précaution, d'une part, de l'entendre contradictoirement en le confrontant aux autres salariés, d'autre part, sans l'informer, par la suite, de ce qu'il abandonnait la procédure de licenciement intiée contre lui, prononçait une mise à pied disciplinaire de 3 jours, ceci, sans explication et sans justification ;
Que l'ensemble de ces faits et actes ne pouvaient que conduire M. [P] [R] à prendre acte de la rupture de son contrat de travail ;
Considérant que, infirmant le jugement, la cour juge que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par M. [P] [R] s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences financières du licenciement :
Considérant qu'en raison de la requalification de la prise d'acte de rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse la cour condamne l'association UNAPEI à payer à M. [P] [R] les sommes suivantes :
- 726,42 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied disciplinaire,
- 19.329,12 € au titre de l'indemnité de préavis et 1.932,91 € pour les congés payés afférents,
- 43.831 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 30.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure vexatoire, M. [P] [R] ayant été invité à quitter les locaux dans lesquels il travaillait devant ses collègues de manière humiliante,
- 1.000 € au titre de la perte de chance du DIF,
- 6.950 € au titre des congés payés supplémentaires (annexe 6- article 17 de la convention collective) ;
Que l'équité commande, par ailleurs, que l'association UNAPEI soit condamnée à payer à M. [P] [R] 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement dont appel,
Requalifie la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par M. [P] [R] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne l'association UNAPEI à payer à M. [P] [R] :
- 726,42 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied disciplinaire,
- 19.329,12 € au titre de l'indemnité de préavis et 1.932,91 € pour les congés payés afférents,
- 43.831 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 30.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure vexatoire,
- 1.000 € au titre de la perte de chance du DIF,
- 6.950 € au titre des congés payés supplémentaires (annexe 6- article 17 de la convention collective),
- 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'association UNAPEI aux éventuels dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE