Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRET DU 20 MARS 2014
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/07550
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2012 -Tribunal de Commerce d'AUXERRE - RG n° 105/2012
APPELANT ET INTIME :
Monsieur [L] [TB]
ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sa EUROCEF
demeurant [Adresse 6]
[Localité 9]
représenté par : Me Vincent RIBAUT de la SCP RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
assisté de : Me Alain THUAULT, avocat au barreau d'AUXERRE et de Maître Patrice VAILLANT, avocat au barreau de MARSEILLE
APPELANT ET INTIME :
Monsieur [VL] [M]
ès qualités de mandataire ad hoc de la Sa EUROCEF
demeurant [Adresse 10]
[Localité 2]
représenté par : Me Vincent RIBAUT de la SCP RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
assisté de Maître Laurent BARTOLOMEI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE ET APPELANTE :
Société CRCAM CHAMPAGNE-BOURGOGNE
(anciennement dénommée CRCAM DE L'YONNE)
ayant son siège [Adresse 3]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
assistée de : Me Silvana MORANDI, avocat au barreau de PARIS, toque : L132
INTIMEE ET APPELANTE :
SARL ICAUNA
ayant son siège [Adresse 2]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
assistée de : Me Silvana MORANDI, avocat au barreau de PARIS, toque : L132
INTIMEE ET APPELANTE :
SA NOVAPARC
ayant son siège [Adresse 4]
[Localité 8]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
assistée de : Me Silvana MORANDI, avocat au barreau de PARIS, toque : L132
INTIMEE ET APPELANTE :
Société CASA (crédit agricole)
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
assistée de : Me Georges TERRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J020 ; substitué par : Me Julien AUGAIS de l'AARPI GATE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0695
INTIMEE :
Société CCA DE LA MARTINIQUE
ayant son siège [Adresse 9]
[Localité 7]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
n'ayant pas constitué avocat
PARTIE INTERVENANTE :
Monsieur [VL] [Y]
né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 17]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par : Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
assisté de : Me Ludovic LANDIVAUX de la SELARL PARDO BOULANGER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0170
PARTIE INTERVENANTE :
Monsieur [QR] [B]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 14]
demeurant [Adresse 8]
[Localité 3]
représenté par : Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
assisté de : Me Ludovic LANDIVAUX de la SELARL PARDO BOULANGER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0170
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur François FRANCHI, Président de chambre
Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller
Madame Michèle PICARD, Conseillère
qui en ont délibéré,
MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public.
Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET
ARRET :
- défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Madame Violaine PERRET, greffier présent lors du prononcé.
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Le présent procès doit trancher un contentieux né il y a dix-neuf années, opposant la SA
EUROCEF puis son Liquidateur judiciaire, à quatre sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE.
*
Par un jugement rendu le 5 mars 2012, le Tribunal de commerce d'Auxerre a débouté les mandataires de l'ensemble de leurs demandes et a fait droit à la demande de la CRAY Champagne-Bourgogne au titre de sa créance de nature indemnitaire au passif d'Eurocef d'un montant de 18.747.755 euros.
Pour le surplus le Tribunal a rejeté les demandes reconventionnelles des mandataires et de la société Crédit Agricole SA, notamment à l'encontre de Monsieur [VL] [Y] et de Monsieur [QR] [B].
Les mandataires d'EUROCEF, MM. [M] et [TB], ont fait appel de la décision.
Les mandataires, ainsi que la société Crédit Agricole SA ont formé un appel provoqué, le 20 juin 2012, à l'encontre de Monsieur [QR] [B] et de Monsieur [VL] [Y].
Les mandataires ont également formé, le 12 septembre 2012, un appel incident à l'encontre du jugement du 18 mai 2009 du Tribunal de commerce d'Auxerre qui les a déboutés de leurs demandes tendant à voir constater la péremption de l'instance.
Le 20 avril 2012, Me [TB] et M. [M] ès-qualités interjetaient appel du jugement susvisé.
Le 20 juin 2012, la CRAY, ICAUNA SARL, la SA NOVAPARC, et CNCA interjetaient à leur tour appel de ce jugement, en assignant à fin d'appel provoqué MM. [Y] et [B] en appel en garantie, mais sans en informer les appelants principaux.
Le 20 juillet 2012, Me [TB] ès qualités de mandataire liquidateur d'EUROCEF et M. [M], mandataire ad'hoc de cette société régularisaient leurs premières conclusions d'appel.
Le 23 août 2012, les premières conclusions des appelés en garantie étaient notifiées aux
intimées.
Le 12 septembre 2012, les sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE déposaient une déclaration d'appel contre le jugement avant dire droit rendu par le tribunal de commerce d'AUXERRE le 18 mai 2009 qui avait écarté leur demande en péremption de l'instance et prononcé la révocation du sursis à statuer ordonné en septembre 1996.
Les 17 et 18 septembre 2012, les sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE adressaient leurs conclusions en réplique à celles de Me [TB] et M. [M] du 20 juillet 2012.
Le 3 octobre 2012, une ordonnance du magistrat de la mise en état joignait les deux instances ouvertes sur les appels respectivement formés le 20 avril et le 12 septembre 2012 (sous le N° unigue RG 12/07550).
Le 15 octobre 2012, les sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE délivraient assignation à Me [TB] et M. [M] ainsi qu'aux appelés en garantie MM. [B] et [Y], en leur communiquant leur déclaration d'appel du 12 septembre 2012, l'ordonnance de jonction du 3 octobre 2012, et le fac-similé de leurs conclusions du 17 et du 18 septembre 2012, mais cette fois-ci sous le N° RG 12/16643.
Le 22 octobre 2012, les sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE, sauf CA SA, notifiaient aux autres parties des conclusions au fond, quasiment identiques à celles du 17 septembre 2012, et ne différant de celles-ci que sur un point introduit dans le 'Par ces motifs', et consistant à demander le rejet des demandes reconventionnelles de MM. [B] et [Y].
Le 16 novembre 2012, MM. [B] et [Y] notifiaient de nouvelles conclusions au fond.
Le 19 novembre 2012, les sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE, signifiaient à l'ensemble des autres parties des conclusions au fond reprenant celles du 17 septembre et du 15 octobre 2012, mais différant, dans le 'Par ces motifs', de celui porté à leurs écritures du 22 octobre 2012.
Le 20 décembre 2012, le Conseiller de la mise en état, statuant sur la demande des intimées tendant au rejet des conclusions des appelés en garantie du 23 août 2012, déclarait recevables les conclusions.
Le 22 janvier 2013, les sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE, notifiaient à l'ensemble des autres parties de nouvelles conclusions au fond.
Les 12 et 13 février 2013, les sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE, notifiaient à l'ensemble des autres parties de nouvelles conclusions au fond.
Le 13 février 2013, MM. [B] et [Y] notifiaient de nouvelles conclusions au fond.
Le 14 février 2013, la clôture n'était pas prononcée, l'audience destinée à statuer sur la demande du Liquidateur Judiciaire d'EUROCEF et de son Mandataire ad'hoc formée le 30 janvier 2013 et tendant à faire constater l'irrecevabilité de l'appel des intimées du 12 septembre 2012 contre le jugement avant dire droit du 18 mai 2009, étant fixée au 28 février 2013.
*
L'objet de l'instance concerne :
les actions en dommages et intérêts lancées par EUROCEF le 17 juin 1994, et reprises par son Liquidateur Judiciaire Me [TB] contre la CNCA devenu CASA, la CRAY devenu CRAM de Bourgogne, la CCA de Martinique, les sociétés ICAUNA et NOVAPARC.
Dans le cadre de cet objet principal, s'inscrivent:
les demandes reconventionnelles des intimées contre EUROCEF.
l'existence et le montant des créances litigieuses déclarées par la CRCAY le 10 octobre 1994 au passif d'EUROCEF pour un montant de 127 MF.
' étant précisé que les demandes reconventionnelles ne peuvent être des créances d'argent dont l'origine serait antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective.
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RAPPEL DES FAITS
La CNCA est l'organe central du réseau des établissements de crédit qui lui sont affiliés.
Chaque membre du réseau du Crédit Agricole, notamment la CNCA et les caisses régionales, est en effet un établissement de crédit juridiquement autonome, disposant d'une personnalité morale propre.
Aux termes de la loi bancaire du 24 janvier 1984,
chaque caisse régionale doit cependant adhérer à un organisme professionnel ou à un organe central affilié à l'Association française des établissements de crédit, au cas particulier, la CNCA.
la CNCA exerce la fonction de caisse centrale et assure l'unité financière du Crédit Agricole. Et elle a notamment pour mission de veiller à la cohésion du réseau Crédit Agricole et de garantir le bon fonctionnement de ces établissements dans le respect des instructions qu'elle donne, et des dispositions législatives et réglementaires.
A cette fin, aux termes de l'article 21 de la loi du 24 janvier 1984, la CNCA exerce un contrôle administratif, technique et financier sur l'ensemble de son réseau et doit prendre toutes mesures nécessaires, notamment afin de garantir la liquidité et la solvabilité de chacun des établissements de crédit affiliés à son réseau, comme de l'ensemble de son réseau.
Dans le cadre de ces compétences, l'article 635 du Code rural donne notamment pouvoir à la CNCA de nommer une commission provisoire de gestion, pouvant se substituer aux organes de gestion d'un des membres affiliés au réseau.
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La CAISSE DE CREDIT AGRICOLE DE L'YONNE (CRCAY) est une société coopérative à capital et personnel variables, régie par le livre V du Code rural, la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et la loi bancaire du 24 janvier 1984. Il s'agit en effet d'un établissement de crédit autonome, affilié au réseau Crédit Agricole : elle relève ainsi de la tutelle de la CNCA, organe central du réseau.
Aux termes des articles 632 et suivants du Code rural, la CRCAY est gérée par un Conseil d'administration, élisant en son sein un Président et nommant un Directeur Général, devant être agréé par la CNCA.
Le Conseil d'administration confère au Président et au Directeur Général des délégations de pouvoirs, afin de leur permettre de remplir leurs fonctions.
Le Directeur Général peut déléguer à des cadres de la Caisse, en fonction de leur domaine de compétence, des pouvoirs limités dans l'octroi de crédit.
Le conseil d'administration constitue un comité des prêts et engagements dont les décisions sont consignées dans un registre spécial.
Jusqu'au 26 février 1993, date de la cessation de ses fonctions, le Directeur Général de la
CRCAY est Monsieur [QR] [B]. Dans cette tâche, il est secondé par un directeur général adjoint et Monsieur [VL] [Y], fondé de pouvoir et responsable des dossiers de promotion immobilière, licencié par la CRCAY, le 16 juillet 1993.
Confrontée à une stagnation inquiétante du compartiment de ses prêts immobiliers, résultant de la saturation du marché icaunais, la CRCAY était au début des années 1990 dans une phase de réorientation stratégique, engagée dans le cadre d'une politique ambitieuse de diversification avec recherche de nouveaux segments de clientèle.
C'est donc sous la direction de Monsieur [B] et notamment avec l'assistance de Monsieur [Y] que les accords litigieux organisant les relations avec une société Eurocef ont été conclus, développés et mis en 'uvre.
Début février 1993, à l'occasion de la présentation des comptes annuels, Monsieur [QR]
[B] annonçait que l'exercice 1992 se soldait pour la CRCAY par une perte de 70 millions de francs, mais que la situation redeviendrait équilibrée au terme de l'exercice 1993.
Le Conseil d'administration de la Caisse constatait cependant le 23 février que les comptes faisaient apparaître une perte de 170 millions de francs et décidait alors de révoquer Monsieur [QR] [B] le 26 février 1993 qui était remplacé par une nouvelle équipe dirigeante qui affichait sa volonté de réorienter complètement la stratégie antérieure pour la recentrer strictement sur son activité territoriale.
Les pertes constatées absorbaient la totalité des réserves de la Caisse et la CNCA se voyait contrainte de procéder à plusieurs abandons de créances successifs, afin d'assurer la liquidité et la solvabilité de la CRCAY et respecter la loi.
La mission d'audit diligentée par la CNCA durant le deuxième trimestre 1993 concluait que Messieurs [B] et [Y] avaient usé de leurs pouvoirs tant au sein de la CRCAY que sa filiale Icauna, à l'insu des organes de contrôle du Crédit Agricole.
La perte finale était arrêtée à 435 millions de francs et le montant des provisions à constituer atteignant 860 millions de francs.
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La société Icauna est une filiale de la CRCAY, constituée le 22 juin 1988, sous forme de
SARL, avec un capital de 1,5 millions de francs, par la suite porté à 31.256.400 francs, dont l'objet est la prise de participations dans des sociétés dont l'activité est en lien avec l'objet social de la Caisse.
Depuis l'origine et jusqu'au départ de celui-ci le 26 février 1993, [S] a eu pour seul gérant Monsieur [QR] [B], lequel était depuis l'origine assisté de Monsieur [VL] [Y], en qualité de fondé de pouvoir ayant la signature sociale jusqu'à son licenciement par la CRCAY, le 28 septembre 1993.
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La société Eurocef, constituée sous forme de SARL, le 13 janvier 1989, par différentes personnes physiques rassemblées autour de Monsieur [D] [U], professeur
de mathématiques à l'Université d'[1], avait un capital social de 51.000 francs, soit à peine plus que le minimum légal alors en vigueur et pour objet l'ingénierie et le conseil financier et patrimonial dans le cadre de programmes immobiliers, principalement à caractère défiscalisant auprès d'une clientèle disséminée en Métropole et dans plusieurs DOM TOM.
Elle a commencé son activité le 29 avril 1989 et intervenait en qualité de sous-traitant de la société CEF, commercialisateur de programmes immobiliers, percevant pour ses prestations une commission.
Confrontée à la nécessité de trouver un partenaire bancaire susceptible de financer les acquisitions de ses clients, et de lui offrir des critères négociés et stables pour l'instruction et l'acceptation des dossiers de ces derniers, EUROCEF entrait en contact à la mi 1989 avec la CRAY par l'intermédiaire de M. [A], professeur à l'lAE d'[Localité 9] et par ailleurs conseil en marketing de la CRCAY qu'il assistait dans sa restructuration.
Son siège social, situé à [Localité 15] au moment de sa création, était alors transféré à [Localité 10] le 1er novembre 1991, afin de répondre aux règles de territorialité en vigueur au sein des caisses de Crédit Agricole. Il sera transféré de nouveau à [Localité 15], le 13 décembre 1993, après le départ des dirigeants de la Caisse mis en cause dans les opérations critiquées.
Après plusieurs mois de collaboration au cours desquels EUROCEF a redirigé tous les dossiers de ses clients vers la CRCAY, les deux sociétés convenaient d'instituer entre elles des relations de partenariat étroites puisque le volet opérationnel de leurs relations commerciales a été remplacé par un partenariat exclusif et s'est doublé d'une entrée du groupe CRCAY au capital d'EUROCEF
Les termes de ce partenariat ont été formalisés dans :
un accord de coopération du 23 novembre 1989 (Pièce 1) conclu entre la CRCAY et EUROCEF pour la recherche et de la réalisation d'opérations de promotion immobilière, de la commercialisation des immeubles objet de ces opérations,
et un protocole du 25 novembre 1989 (Pièce N° 2) passé entre la CRCAY et sa filiale ICAUNA SARL d'une part, et les fondateurs d'EUROCEF d'autre part prévoyant la prise de participation de la CRCAY, au travers de sa filiale Icauna, dans le capital d'Eurocef et une prise de participation directe de Messieurs [B] et [Y] au sein de la société L2B qui sera créée avec Monsieur [U] et un intéressement des intervenants au sein de la Caisse, aux crédits consentis par l'intermédiaire d'Eurocef .
Icauna acquérait une participation de 33,72% dans le capital d'EUROCEF par le biais de :
l'investissement de 4.774.110 francs dans l'une augmentation du capital d'Eurocef,
le rachat de 48 parts aux associés fondateurs d'Eurocef sur la même base de valorisation, soit 23.630 francs la part,
soit la somme totale de 5.553.050 francs.
Parallèlement et concomitamment, les fondateurs d'Eurocef, Messieurs [D] [U], [SQ] [XK], [I] et [OH] [JY], [V] [BF] et Madame [W] [T], épouse de Monsieur [U], constituaient entre eux, le 20 décembre 1989, une société civile holding, dénommée Européenne Financière, qui détient 65,55 % du capital d'Eurocef.
Le capital était fixé à 9.900.000 francs, divisé en 99.000 parts de 100 francs chacune, chaque associé possédant 16.500 parts, soit 16,66 % du capital, en rémunération de leurs apports, selon les modalités suivantes :
-apports en numéraire de 40.000 francs chacun, soit : 240.000 francs
-apports en nature de 77 parts de la société Eurocef valorisées 20.909 francs la part, soit : 9.660.000 francs soit : 9.900.000 francs
Puis Eurocef et Icauna, prenaient une participation dans le capital de l'Européenne Financière, dans les conditions suivantes :
- le 24 novembre 1990, Monsieur [JY] cède à Eurocef 8.000 parts pour la somme de 432.000 francs ; ces mêmes parts seront cédées les 28 février et 31 mars 1993 par Eurocef à Icauna pour la somme de 540.000 francs ;
- le 12 décembre 1990, Monsieur [JY] cède à [S] 8.500 parts pour la somme de 300.000 francs, sachant qu'à l'occasion de cette cession, il rembourse son découvert auprès de la CRCAY, de 144.863 francs.
Monsieur [D] [U], désigné gérant pour toute la durée de vie de la société, est le principal bénéficiaire de la société Européenne Financière.
Enfin, Monsieur [U] se voyait octroyer, par le biais d'une société SCEIG dont il détenait l'intégralité du capital, pour une durée de cinq ans et moyennant une rémunération
mensuelle de 18.000 francs, un contrat d'assistance technique, assorti d'aucun cahier des charges, aux fins de « définir l'environnement informatique de la société et superviser son développement »
*
Jusqu'en 1993, au-delà même des accords conclus en 1989, les relations de la société EUROCEF avec la CRCAY se sont intensifiées avec le montant des engagements assurés par la banque et l'augmentation du nombre des protocoles passés, certains relatifs aux différentes opérations immobilières dans lesquelles les partenaires ont décidé de s'engager, d'autres précisant et complétant les modalités de leur collaboration, ou encore actualisant les accords de fond passés en 1989.
On relève notamment :
un protocole en date des 17 mai et 17 juin 1991 jetait les bases d'une très importante opération de promotion immobilière dénommée NOVAPARC à [Localité 13], à laquelle étaient parties la société EUROCEF, la CRCAY, la société ICAUNA, et la CRCA de la Martinique.
Un pacte d'actionnaires du 16 octobre 1991.
les accords de crédit en OCDT étaient passés le 15 octobre 1992 (4 MF en Dailly)
les accords portés dans la lettre du C.A. du 9 juin 1992 sur l'opération DIAMANTEL.
le protocole du 5 août 1992 sur l'opération LES HAUTS DU DIAMANT.
un protocole en date du 10 novembre 1992 reconduisant la collaboration et le partenariat institués dans les pactes antérieurs.
le protocole de reprise d'EPC devenue Groupe Construire du 11 février 1993.
Fin février 1993, à la suite d'une dégradation de la situation financière de la CRCAY, M. [B], Directeur Général de la caisse était remercié et remplacé par une nouvelle équipe dirigeante qui affichait sa volonté de réorienter complètement la stratégie antérieure pour la recentrer strictement sur son activité territoriale.
Les relations entre la Caisse et EUROCEF se poursuivaient à peu près normalement cependant, en étant toutefois marquées par des anomalies dans le traitement des dossiers provenant de Nouvelle Calédonie, et, selon MM. [M] et [TB], mandataires d'EUROCEF, des difficultés pour EUROCEF à entrer en contact avec la direction de la Caisse.
La poursuite de ces relations d'affaires se retrouvaient dans les actes suivants :
* un accord-cadre est passé le 5 mars 1993 déléguant à EUROCEF la maîtrise d'ouvrage et la commercialisation du programme NOVAPARC.
* un pacte d'actionnaires est passé sur l'opération DIAMANTEL du 19 mars 1993.
* les accords sont inscrits dans les statuts d'EUROCEF-EXPANSION du 9 avril 1993.
* un accord sur les MODALITES DE MISE EN OEUVRE du partenariat date du 12 juin 1993.
* le protocole sur l'opération MOULIN-BASSET est passé le 26 juin 1993
* les accords sont passés le 7 et 8 juillet 1993 sur l'opération ALBARENA.
* des accords sont pris le 6 août 1993 sur le financement des dossiers NOUVELLE-CALEDONIE.
* Le pacte d`actionnaires sur l'opération MOULIN-BASSET date du 7 août 1993.
Par ailleurs,
Plus précisément, le rapport de l'IGA de juin 1993 :
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A l'été 1993, les nouveaux dirigeants de la CRCAY affichaient ouvertement leur détermination à abandonner la politique de diversification conduite avec EUROCEF par l'intermédiaire de MM. [B] et [Y], ce dernier étant licencié en août 1993, pour des motifs d'ailleurs étrangers au dossier EUROCEF.
Et le Conseil d'administration de la CNCA, constatant que la liquidité et la solvabilité de la CRCAY étaient en péril, décidait, dans sa séance du 23 juillet 1993, de mettre en place un plan de sauvetage de la Caisse et, conformément aux dispositions de l'article 635 du Code rural, de nommer une Commission chargée de la gestion provisoire de la CRCAY (la « Commission de Gestion Provisoire ») aux lieu et place de son Conseil d'administration.
Cette Commission composée à la fois de représentants de la CNCA et de sociétaires de la CRCAY entrait en fonction le 28 juillet 1993.
Le plan de sauvetage de la CRCAY impliquait la mise en 'uvre d'un soutien financier de la CRCAY dont la situation financière, fortement compromise, ne lui permettait plus de satisfaire à l'ensemble des normes de gestion règlementaires, et notamment de répondre aux exigences prudentielles édictées par le Comité de règlementation bancaire (ratio de solvabilité européen, ratio de ressources permanentes, ratio de liquidité).
Le redressement de la CRCAY passant par un rapprochement avec d'autres Caisses, dans le cadre soit d'un groupement de moyens, soit d'une fusion, des projets étaient étudiés et n'aboutissaient pas, en raison de la volonté farouche des dirigeants de l'époque de la Caisse de faire en sorte que celle-ci conserve la maîtrise exclusive de ses filiales, notamment Icauna.
En accord avec la Commission bancaire, la CNCA apportait alors à la CRCAY un soutien financier de plusieurs centaines de millions de francs, afin de lui permettre de satisfaire aux normes prudentielles et d'assurer la poursuite de son activité, le maintien de son fonds de commerce et plus généralement son redressement, en sauvegardant la confiance de sa clientèle.
Les relations d'EUROCEF avec la CRCAY se dégradaient alors, les accords conclus entre les parties étant selon les mandataires EUROCEF l'objet de violations de toutes sortes de la part du groupe CREDIT AGRICOLE.
Le changement de stratégie du groupe CNCA dans le dernier trimestre 1993 et le premier trimestre 1994 se traduisait par les faits suivants :
la CRCAY cessait de financer les clients d'EUROCEF et refusait la mobilisation de ses créances ;
la banque ainsi que la SARL ICAUNA et la SA NOVAPARC, n'honoraient plus leurs dettes envers EUROCEF.
EUROCEF mettait en demeure CNCA, CRCAY, ICAUNA et NOVAPARC de respecter leurs engagements, sous peine d'engager contre elles toutes actions en dommages et intérêts.
en décembre 1993, dans le cadre des prérogatives tirées de la loi bancaire, une équipe spécifique était mise en place au sein de la Direction des Relations avec les Caisses Régionales (RCR) de la CNCA dirigée par Monsieur [P], avec pour mission d'assister la Commission de Gestion Provisoire, et il est écrit que c'est ainsi qu'étaient découvertes les relations établies par ses anciens dirigeants, entre la CRCAY et la société Eurocef, et leurs conséquences catastrophiques sur la situation de la Caisse.
en avril 1994, la CNCA suivie peu après par la CRCAY et ICAUNA déposait le 24 mai 1994 une plainte dénonçant une série d'infractions dont l'escroquerie en bande organisée reposant sur des protocoles frauduleux conclus avec la complicité de MM. [B] et [Y], et conçus en vue d'organiser le dépouillement de la CRCAY au profit de la société EUROCEF.
Après une très longue instruction marquée par une multitude d'actes et de nombreuses investigations conduites en Métropole et dans les DOM TOM, la procédure pénale aboutissait :
à un arrêt de la chambre de l'instruction de PARIS rendant un non-lieu le 24 janvier 2006 pour la plupart des infractions poursuivies,
à un arrêt de la Cour d'appel de PARIS en novembre 2008 aujourd'hui définitif, écartant les dernières accusations qui subsistaient après l'arrêt de 2006 et pouvaient encore laisser suspecter une collusion frauduleuse entre les dirigeants d'EUROCEF et ceux de la CRCAY.
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Le 25 mai 1994, la société EUROCEF déclare sa cessation de paiements devant le Tribunal de commerce de MARSEILLE, et demande l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Le 17 juin 1994, la société EUROCEF lançait deux assignations devant le Tribunal de commerce d'AUXERRE, mettant en cause les CR de l'Yonne et de la Martinique, les sociétés ICAUNA et NOVAPARC ainsi que la CNCA, notamment pour avoir violé et dénoncé unilatéralement l'ensemble des contrats qui avaient été conclus entre elle-même et les dites sociétés, bloquant ainsi l'ensemble des opérations en cours et ruinant en même temps toutes les possibilités de son développement alors que celui-ci était en plein essor.
La société EUROCEF demandait réparation des dommages étaient ainsi à hauteur d'environ 120 MF.
Dans ses demandes purement indemnitaires, EUROCEF ne réclamait rien au titre des créances dont elle était déjà titulaire contre le CREDIT AGRICOLE ou les sociétés liées, factures en cours, commissions bancaires dues, rémunérations de divers mandats, etc
Pas plus, EUROCEF ne réclamait l'indemnisation des conséquences liées à la procédure collective la concernant, laquelle ne s'est ouverte que postérieurement à ses assignations du 17 juin 1994, et de façon régulière seulement le 20 juillet 1994 devant la juridiction commerciale de [Localité 16].
La juridiction commerciale sursoyait à statuer à raison de la procédure pénale ouverte.
Le 20 juin 1994, alors que le siège de la société et l'ensemble de sa direction opérationnelle étaient situés à Marseille, sous la pression de la CNCA sur le Parquet d'Auxerre, une procédure collective concernant EUROCEF était ouverte devant le tribunal de commerce d'AUXERRE. (2)
Le 22 juin 1994, la CRCAY et la CNCA passaient un protocole d'abandon de créances détenues par la CNCA sur la CRCAY.
- Le 30 juin 1994, la Cour d'appel d'AlX EN PROVENCE déclarait le Tribunal de commerce de MARSEILLE seul compétent pour connaître de la procédure collective d'EUROCEF.
- Le 20 juillet 1994, le Tribunal de commerce de MARSEILLE ouvrait la procédure collective concernant EUROCEF.
- Le 29 juillet 1994, le Tribunal de commerce d'AUXERRE condamnait la CRCAY et ICAUNA solidairement à payer diverses factures dues à EUROCEF pour un montant de 3.283 KF.
- Le 5 août 1994, le Tribunal de commerce d'AUXERRE prononçait la liquidation d'EUROCEF, alors que les contrats en cours représentaient près de 200 MF d'honoraires sur l'exercice en cours et les deux suivants, et que la société était titulaire de créances très importantes {plus de 18 MF), dont celles en cours et immédiatement exigibles contre le seul groupe CREDIT AGRICOLE, dépassaient déjà la somme de 4 MF,
' Le 22 novembre 1994, la cour d'appel de PARIS confirmait, au titre de l'autorité de la chose jugée par la Cour d'AlX le 30 juin 1994, la compétence du Tribunal de commerce de MARSEILLE pour connaître de la procédure collective EUROCEF.
Le 16 février 1995, la CRAY consentait à la CNCA un « mandat de gestion des dossiers
contentieux de la caisse Régionale» qui concernait l'ensemble des opérations liées au pôle
EUROCEF et consacrait un abandon pur et simple par la CRCAY de ses prérogatives juridiques et financières entre les mains de la CNCA.
Le 20 mars 1995, les sociétés assignées par EUROCEF le 17 juin 1994, à l'exception de NOVAPARC SA. déposaient leurs conclusions reconventionnelles.
Le 24 mars 1995, la Cour d'appel de PARIS condamnait solidairement la CRCAY et ICAUNA à payer à EUROCEF des arriérés de factures pour 2,75 Millions de francs.
Le 1er avril 1995, le journal « Le Monde '' publiait un article de 3/4 de page intitulé « Le Milllard égaré de la banque verte », et dans lequel EUROCEF et ses organes étaient désignés comme le facteur central de pertes énormes subies par la CRAY.
Le 1er avril 1995, MM [B] et [Y] respectivement directeur Général de la CRCAY et fondé de pouvoir de cette Caisse et d'[S], étaient mis en examen à [Localité 11] par le juge [C] et placés en détention provisoire.
Le 4 avril 1995, MM [K] et [U] respectivement président du Directoire et président du Conseil de surveillance d'EUROCEF étaient mis en examen à [Localité 11] par le juge [C] et placés en détention provisoire.
Le 2 juin 1995, le juge-commissaire de la procédure collective ouverte devant le tribunal de commerce de MARSEILLE, sur requête de l'administrateur judiciaire, ordonnait une expertise englobant notamment la mission d'examiner les créances déclarées par le groupe CREDIT AGRICOLE et de rechercher l'origine de la défaillance de la société EUROCEF.
Le 7 septembre 1995, le tribunal de commerce de MARSEILLE, prolongeait la période d'observation d'EUROCEF jusqu'au 20 janvier 1996.
Le 18 septembre 1995, les sociétés assignées par EUROCEF, y compris NOVAPARC, déposaient de nouvelles conclusions reconventionnelles dans la présente instance.
Le 17 septembre 1996, le tribunal de commerce d'AUXERRE, ordonnait la jonction des affaires correspondant aux assignations d'EUROCEF du 17 juin 1994, et ordonnait le sursis à statuer jusqu'à la remise du rapport de l'expert [Q] et l'issue de la procédure pénale ouverte sur plainte du Crédit agricole du 26 mai 1994.
Le même jour ce tribunal ordonnait le sursis à statuer dans le cadre de l'appel en garantie lancé par le CREDIT AGRICOLE contre MM [B] et [Y].
Le 21 octobre 1996, après de nombreuses prolongations de la procédure de redressement, le tribunal de commerce de MARSEILLE, ordonnait la liquidation judiciaire d'EUROCEF.
Le 22 décembre 1998, l'expert [Q] désigné par le juge-commissaire, rendait son rapport relatif aux créances déclarées par le groupe CREDIT AGRICOLE, lesquelles représentaient environ 180 MF ; la conclusion de ce rapport était que, à hauteur de 8 % de ce montant, soit 15 MF, ces créances devaient être admises et que pour le surplus, il convenait d'attendre la remise du rapport portant sur les origines et les causes de la défaillance d'EUROCEF.
Cette somme de 15 MF représentait pour moitié les crédits bancaires en cours, et pour moitié les clauses pénales prévues aux contrats entre EUROCEF et le CREDIT AGRICOLE, lesquelles étaient retenues par l'expert du fait de la défaillance d'EUROCEF constituée par son dépôt de bilan.
Le 19 octobre 1999, le Liquidateur Judiciaire, Me [Z] [F], assignait, les dirigeants d'EUROCEF et M [U] qualifié de dirigeant de fait, en comblement de passif dans le cadre de l'article 180 de la Loi de 1985.
Plusieurs jugements de renvoi et de sursis à statuer intervenaient à la suite de cette assignation, dans l'attente du dépôt du 2ème rapport de l'expert [Q] ayant pour objet notamment d'identifier l'origine et les causes de la défaillance d'EUROCEF.
Le 8 novembre 1999, le tribunal de commerce de MARSEILLE, condamnait la SA NOVAPARC à payer à EUROCEF des factures dues à hauteur d'environ d'1MF.
Le 10 mars 2000, M [X], cadre de haut niveau de la CNCA, PDG de la SA NOVAPARC et signataire à ce titre de diverses déclarations de créances produites au passif d'EUROCEF, était mis en examen à [Localité 16] par le Juge d'instruction M [N], pour 'tentative d'escroquerie contre la société EUROCEF par déclaration de créances fictives.'
En juin 2000, M [X], était également mis en examen par le Juge d'instruction M [N], pour «abus de biens sociaux ».
Le 4 mai 2001, à la suite du rapport de l'expert KALPAC du 22 décembre 1998, le juge-commissaire de la procédure collective suivie à [Localité 15], rendait diverses ordonnances rejetant la quasi-totalité des créances produites par le groupe Crédit agricole, ces décisions étant déférées en appel à la cour d'AIX-EN-PROVENCE.
Le 18 juin 2002, paraissait un article dans « Le Monde '' sur une page intitulé «Le Crédit agricole accusé dans l'affaire EUROCEF '', qui remettait entièrement en cause les conclusions développées à l'origine de l'affaire dans l'article publié le 1er avril 1995.
Le même jour, la Cour d'appel d'AIX confirmait la condamnation de la SA NOVAPARC du 8 novembre 1999 à payer à EUROCEF des arriérés de factures dues depuis 1994, représentant environ 1 Million de francs avec les intérêts.
Le 19 mars 2003, l'expert [Q] déposait son second rapport analysant les relations entre le CREDIT AGRICOLE et EUROCEF.
Le 30 septembre 2003, par 4 arrêts, la cour d'AIX statuait sur les créances déclarées par les
sociétés du groupe Crédit agricole dans les conditions suivantes :
Le 18 février 2004, le tribunal de commerce de MARSEILLE a dans un jugement, aujourd'hui définitif, statuant sur la responsabilité des dirigeants d'EUROCEF dans le dépôt de bilan de la société, mis en cause la responsabilité du CREDIT AGRICOLE dans le dépôt de bilan de la société EUROCEF.
Le 18 mars 2004, le Président du tribunal de commerce de MARSEILLE a désigné M [VL] [M] expert financier, comme Mandataire Ad'hoc chargé de représenter EUROCEF, pour l'exercice de ses droits propres, au côtés du Mandataire liquidateur.
Le 9 novembre 2004, la cour d'AIX a statué sur les créances qu'avait déclarées la CNCA pour un montant de 17 MF, en confirmant l'ordonnance du juge-commissaire du 4 mai 2001 qui avait rejeté pour leur intégralité les créances indemnitaires.
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Le 24 janvier 2006, dans la procédure pénale initiée par le CREDIT AGRICOLE à AUXERRE puis transférée à PARIS, la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de PARIS a rendu un arrêt de non- lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel de PARIS.
Le 29 juin 2006, la cour d'appel d'AIX a procédé au dessaisissement de Me [F] au profit de Me [TB], qui est devenu le nouveau liquidateur judiciaire d'EUROCEF, toujours en fonction.
Le 29 novembre 2006, le juge s'instruction [N] au TGI de MARSEILLE a mis en examen Monsieur [XV] [P] dirigeant de la CNCA, pour tentative d'escroquerie contre EUROCEF par déclarations de créances fictives.
Le 28 mars 2007, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX, saisie de l'appel de M [P] contre sa mise en examen du 29 novembre 2006, confirmait celle-ci.
Le 21 mai 2007, Me [TB] a assigné les sociétés du groupe CNCA pour le compte de la collectivité des créanciers d'EUROCEF, en vue de faire déclarer ces sociétés responsables envers les créanciers au passif d'EUROCEF.
Le 6 juillet 2007 le tribunal correctionnel de PARIS a rendu un jugement de relaxe générale contre tous les prévenus dans le volet pénal de l'affaire EUROCEF.
En janvier et février 2008 Me [TB] intervenait volontairement dans la procédure ouverte devant le tribunal de commerce d'Auxerre sur assignation d'EUROCEF du 17 juin 1994, et sollicitait la révocation du sursis à statuer prononcé le 16 septembre 1996.
Le 21 février 2008, le tribunal de commerce de MARSEILLE déboutait Me [TB] de sa demande engagée le 21 mai 2007, considérant que son action engagée ès qualités de représentant des créanciers d'EUROCEF au bénéfice de la collectivité de ces derniers était prescrite, décision qui a été confirmée par la cour d'AIX le 20 mai 2010.
Le 5 novembre 2008, sur appel du Parquet et du CREDIT AGRICOLE, la cour d'appel de PARIS rendait un arrêt relaxant MM [Y], [B], [K] de tous les chefs de poursuite qui subsistaient dans la procédure et qui pouvaient encore laisser suspecter une entente frauduleuse entre les dirigeants de la CRCAY et ceux d'EUROCEF.
S'agissant de Monsieur [U], l'arrêt susvisé le condamnait à trois mois de prison avec sursis sur un seul chef de prévention lui reprochant une présentation de compte infidèle considérant qu'il aurait dû, du fait des pertes d'EUROCEF en 1994 et du conflit avec la CRAY, déprécier dans le bilan de sa mère, la société civile SCEF, présenté aux associés le 30 juin 1994, les titres EUROCEF détenus par celle-ci.
Le pourvoi contre cette décision a été rejeté par la Cour de cassation le 11 janvier 2012.
Le 18 mai 2009, le tribunal de commerce d'AUXERRE, révoquait le sursis à statuer prononcé le 16 septembre 1996.
Le 10 juin 2011, le juge d'instruction [N] rendait une ordonnance de non-lieu au bénéfice de MM [P] et [X], considérant que l'instruction n'avait pas permis d'identifier les auteurs et concepteurs de la fausse déclaration de créances produite par la SA NOVAPARC ; et par la même ordonnance, étaient renvoyés devant le tribunal correctionnel l'architecte de la CNCA et le maître d''uvre de l'opération pour faux.
Le 17 octobre 2011, l'affaire était plaidée au fond devant le tribunal de commerce d'AUXERRE.
Le 23 novembre 2011, la chambre de l'instruction de la Cour d'AIX confirmait l'ordonnance du juge d'instruction [N] du 10 juin 2011 et un pourvoi était formé par M. [M],
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Me [TB] et [M] soutiennent que les entités du crédit lyonnais ont eu un comportement violant directement les encagements contractuels passés avec EUROCEF et que ces actes entraînaient :
- d'une part une responsabilité contractuelle de CRCAY/ICAUNA et NOVAPARC
- et d'autre part, une responsabilité délictuelle de celles-ci outre celle de CNCA/CASA en ce que cette dernière s'était immiscée dans la gestion de CRCAY ou en était devenue le dirigeant de fait, prenant la responsabilité des décisions prises par les sociétés liées à elle.
Le groupe CNCA fonde son argumentation sur les éléments suivants :
dans son rapport du 3 juin 1997, la mission d'inspection avait identifié des anomalies dans la gestion de la CRCAY et des prises de risques inconsidérées dans le domaine immobilier mais à ce stade, pourtant, aucune information précise ne lui était fournie sur les relations particulières entre la CRCAY et Eurocef. Dès lors, jusqu'en décembre 1993, la Commission de Gestion Provisoire va donc essentiellement s'attacher à traiter par priorité les opérations qu'elle a pu identifier et qui concernent des financements accordés par la CRCAY dans le domaine industriel et des services (comme par exemple une opération BVA ou une opération SIM) même si des doutes apparaissent cependant sur le financement par la CRCAY d'opérations immobilières réalisées avec Eurocef.
Au terme de l'inspection, l'activité d'Eurocef et les risques qu'elle porte, restent pour l'essentiel, invisibles dans les livres de la Banque ce qui explique que l'inspection ne recommande aucune provision sur la valeur des titres d'[S] au capital d'Eurocef).
Ce n'est qu'au fil des mois suivants, par la réalisation d'investigations complémentaires diligentées par la nouvelle direction de la Caisse à partir de l'automne 1993, qu'il a été possible d'établir un lien direct et systématique entre la nature des anomalies constatées par l'inspection en juin 1993 et les différentes opérations de crédit menées par la CRCAY dans le cadre des relations établies avec Eurocef, notamment en accédant à l'ensemble des contrats signés par Messieurs [B] et [Y], pour le compte de la CRCAY et d'[S] avec Eurocef et jusqu'alors conservés au cabinet de l'avocat d'Eurocef.
Ainsi,
1 - les contrats avec EUROCEF étaient demeurés ignorés des cadres de la CRCAY et même de son Conseil d'administration, notamment le contrat du 25 novembre 1989, qui fixait les engagements de coopération des parties et prévoyait les conditions et modalités de la prise de participation d'[S] au capital d'Eurocef. D'ailleurs, une note du 8 août 1990 des services de l'audit de la CRCAY ne fait référence qu'à l'« engagement de coopération du 23 novembre 1989 » et demande, huit mois après que l'opération ait été réalisée (Cf. § 2.3 ci-après), si cette convention « s'est (') traduite ou se traduira (') par une prise de participation dans » Eurocef. Et le responsable des services de l'audit de la CRCAY, entendu par la police judiciaire, dans le cadre de l'information pénale, a confirmé qu'aucune réponse n'a jamais été apportée à cette note et aux questions posées sur les risques liés à l'engagement de coopération avec Eurocef et sur les modalités de cette coopération.
2 - la complexité des montages mis à jour par les premières analyses, autant que l'importance des enjeux financiers, nécessitent qu'il soit fait appel à des compétences extérieures à la
Caisse pour comprendre l'imbrication des relations, de reconstituer les opérations, d'appréhender les risques financiers, techniques et commerciaux.
Messieurs [B] et [Y] avaient « confisqué toute autorité et toute information sur les relations entre la CRCAY et Eurocef » alors que l'entrée en relation d'affaires avec ce partenaire ne rentre pas dans les conditions réglementaires :
1 ' règles de délimitation des activités de financement de l'économie en lien avec le monde agricole : Eurocef ne répond à aucun des critères définissant un « usager » des Caisses, que ce soit par son activité ou par son implantation géographique.
2 ' règles relatives au client : la plupart des emprunteurs constitués dans les opérations immobilières financées, ne sont pas dans son implantation géographique
3 ' la plupart des acquéreurs ne sont pas dans son implantation géographique et cherchent à réaliser une opération en défiscalisation dans un territoire d'Outremer.
4 ' solidité du partenaire : avec seulement 6 mois d'activité, essentiellement en qualité de sous-traitant d'une société CEF, Eurocef n'est pas, loin s'en faut, un acteur significatif et bien établi du marché de la promotion immobilière, disposant de compétences reconnues et d'un fonds de commerce propre.
5 -architecture contractuelle compliquée et de caractère inhabituel sans justification
Messieurs [B] et [Y] ont trompé délibérément le conseil d'administration de la CRAY en s'appuyant sur des estimations approximatives et au besoin l'intervention de tiers comme Monsieur [U] (présentation d'Eurocef au bureau du Conseil d'administration de la CRCAY le 26 septembre 1989 prévoyant de traiter en 1989 environ 400 dossiers alors qu'elle n'en a réalisé que 180 - rapport d'activité d'Eurocef présenté par Monsieur [U] au Conseil d'administration de la CRCAY du 26 juillet 1991), quand ce n'est pas sur de faux documents (lors d'une assemblée générale tenue début août 1989, les associés d'Eurocef ont estimé qu'au cours de l'année 1989, la société pourrait commercialiser entre 400 et 520 appartements et ainsi dégager un bénéfice de 5.600.000 à 5.763.000 francs, données cohérentes avec celles présentées au bureau du Conseil d'administration de la CRCAY le 26 septembre 1989 communiquées par Eurocef, via Monsieur [B]).
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RAPPEL DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS
1 - Le protocole de coopération du 23 novembre 1989
Le 23 novembre 1989, Monsieur [B] représentant la CRCAY et Monsieur [K]
représentant Eurocef concluent, pour une durée de cinq ans, un protocole de coopération, aux termes duquel Eurocef se voit confier la mission « de rechercher (') toutes opportunités liées (') à la promotion immobilière (') pour présenter les plus intéressantes d'entre elles [à la CRCAY], par préférence à tout autre, afin [qu'elle] puisse participer à tous tours de table et/ou placer ses fonds dans le cadre de prêts à la promotion et aux opérations annexes ». Pour les besoins de sa mission, Eurocef est autorisée à utiliser le sigle de la CRCAY.
En retour, la CRCAY s'engage à ne prêter son concours à ces opérations qu'à la condition
qu'Eurocef se voit proposer, par préférence à toute autre, « la maîtrise complète de [la] commercialisation, qu'elle mènera selon ses méthodes » et s'interdit, pendant une durée de
cinq ans, de conclure un accord semblable avec toute entreprise concurrente d'Eurocef.
En rémunération de ses prestations, Eurocef se voit octroyer le droit de recevoir, gratuitement, sans aucune mise de fonds, 10 % des participations prises par la CRCAY, outre une commission de 1 % sur le montant des prêts consentis par la CRCAY aux acquéreurs des biens immobiliers.
En d'autres termes, la CRCAY conclut, pour une durée de cinq ans, un accord exclusif avec une société nouvellement créée, sans fonds propres ni expérience dans le domaine objet du contrat et qui se voit rémunérer par des commissions et prises de participations gratuites.
2 - Le mandat du 23 novembre 1989
La CRCAY, sous la signature de Monsieur [B], consent à Eurocef « un mandat permanent pour négocier (') auprès de toutes personnes, les formules de crédit et l'ensemble des formes de financement que [la CRCAY] propose pour les acquisitions immobilières par les entreprises et les particuliers ».
Si le mandat n'impliquait pas que la CRCAY confie à un tiers, qui plus est à titre permanent, le soin de se substituer à elle dans la gestion des dossiers de financement, elle lui confie le démarchage à une société sans aucune expérience dans ce domaine.
3 - Le protocole d'accord du 25 novembre 1989
Le 25 novembre 1989, un protocole est signé, pour une durée égale à celle de la société Eurocef, entre les associés fondateurs d'Eurocef, d'une part et Monsieur [B], agissant tant en qualité de Directeur Général de la CRCAY que de gérant d'[S], d'autre part prévoyant la prise de participation d'[S] au capital d'Eurocef au motif que « la société [Eurocef] connaît un fort développement et parallèlement des besoins en fonds propres ».Donc, aux termes du protocole, Monsieur [B], ès qualités, accepte tout d'abord que la société Icauna souscrive à une augmentation de capital en numéraire d'Eurocef et rachète une partie des parts détenues par les associés fondateurs, dans des conditions financières et économiques que le groupe CNCA juge inexplicables et injustifiées.
Et, l'entrée d'[S] dans le capital d'Eurocef est réalisée sur la base d'une valorisation d'Eurocef à 12 millions de francs (23.630 francs la part), soit 21,6 fois le résultat net qui sera ultérieurement dégagé au 31 décembre 1989 (de 952.213 francs).
Il y a donc eu survalorisation d'Eurocef
4 - l'augmentation de capital d'EUROCEF
Le 15 décembre 1989, l'assemblée générale extraordinaire d'Eurocef décide d'augmenter le capital pour le porter à 69.700 francs, par la création de 187 parts nouvelles de 100 francs chacune, dont la souscription est réservée à Icauna, avec une prime d'émission de 23.630 francs par part.
Alors que Monsieur [B] avait proposé au bureau du Conseil, le 26 septembre 1989, de prendre une participation de 28% du capital d'Eurocef pour un prix de 4 millions de francs, aux termes du protocole, Icauna investissait une somme 5,5 millions de francs pour une prise de participation de 33,72% dans le cadre d'une augmentation du capital d'Eurocef, soit 4.774.110 francs par souscription à l'augmentation, plus 48 parts rachetées aux associés fondateurs d'Eurocef sur la même base de valorisation, soit 23.630 francs la part, et donc une prise de participation s'élèvant au total pour Icauna à 5.553.050 francs.
En outre, si cette participation offre une minorité de blocage, celle-ci est perdue dès l'année suivante, sans justification ni contrepartie, lors d'une restructuration du capital d'Eurocef.
5 - l'investissement dans le capital d'EUROCEF par ICAUNA
Les conditions de la prise de participation d'[S] dans le capital d'Eurocef étaient le fruit d'affirmations totalement mensongères puisque Monsieur [B] avait proposé au bureau du Conseil, le 26 septembre 1989, de prendre une participation de 28% du capital d'Eurocef pour un prix de 4 millions de francs, aux termes du protocole, Icauna investissait une somme 5,5 millions de francs pour une prise de participation de 33,72% dans le cadre d'une augmentation du capital d'Eurocef, soit 4.774.110 francs par souscription à l'augmentation, plus 48 parts rachetées aux associés fondateurs d'Eurocef sur la même base de valorisation, soit 23.630 francs la part, et donc une prise de participation s'élevant au total pour Icauna à 5.553.050 francs. Et Icauna n'ayant pas été incluse dans le périmètre de consolidation comptable de la CRCAY, les administrateurs ne s'en étaient pas aperçus.
6 - Le dividende préciputaire de la holding de contrôle d'EUROCEF
Le protocole prévoit également la création, par les associés fondateurs d'Eurocef, d'un holding de contrôle et le versement annuel d'un dividende préciputaire au profit du holding
d'un montant de 300.000 francs, en rémunération de son apport de compétence.
Autrement dit, alors même qu'Icauna investit plus de 5 millions de francs dans Eurocef et que les fondateurs n'effectuent non seulement aucune mise de fonds complémentaire ' puisqu'ils ont simplement effectué des apports à hauteur du capital social initial de 51.000 francs lors de la création d'Eurocef, soit 100 fois moins que Icauna et lui cèdent une partie de leurs parts, désormais valorisées plus de 1 million de francs ' ces derniers conservent tant le pouvoir politique, puisqu'ils détiennent la majorité, que le pouvoir économique, grâce à ce dividende préciputaire.
7 ' l'intéressement de Monsieur [U]
Monsieur [U] se voit octroyer, par le biais d'une société SCEIG dont il détient l'intégralité du capital, pour une durée de cinq ans et moyennant une rémunération mensuelle de 18.000 francs, un contrat d'assistance technique, qui n'est assorti d'aucun cahier des charges, aux fins de « définir l'environnement informatique de la société et superviser son développement ».
Sur l'exécution de la mission, les experts [J] et [MI] notent d'ailleurs, dans leur rapport, que les factures de SCEIG ne comportent aucun détail justificatif permettant de confirmer le temps réellement passé par la société sur les travaux confiés, qu'aucun compte rendu d'exécution des travaux ne peut être retrouvé et que SCEIG ne dispose ni des moyens matériels ni des moyens humains lui permettant d'exécuter ces tâches, sauf à considérer que les factures émises rémunèrent l'activité personnelle du gérant, Monsieur [U], dont les activités dans ce dossier sont déjà multiples.
8 - Le protocole du 10 novembre 1992
Le 10 novembre 1992, Monsieur [K] agissant en qualité de Président du Directoire
d'Eurocef, d'une part, et Monsieur [B] représentant la CRCAY et Icauna, d'autre part,
concluaient un nouveau protocole, prévu pour toute la durée de la société, qui indique confirmer les termes du protocole du 25 novembre 1989, tout en visant à accentuer le « développement de la coopération entre les parties ».
Le protocole renforce encore davantage les droits d'Eurocef et le déséquilibre avec la CRCAY puisque :
-Eurocef se voit confier un mandat exclusif de recherche et de commercialisation pour toutes les opérations de promotion immobilière de la CRCAY, et non plus seulement pour les opérations apportées par Eurocef ;
-la CRCAY garantit la stabilité des moyens de trésorerie consentis à Eurocef, par la mise en place d'une Ouverture de Crédit en Compte Courant (OCCC) dans la limite de 5 millions de francs et d'une ligne Dailly dans la limite de 4 millions de francs.
-la CRCAY s'engage à financer l'acquisition par Eurocef de locaux destinés à accueillir son siège social, pour un montant de 3 millions de francs ;
-l'engagement de la CRCAY de ne pas conclure, pendant une durée de cinq ans, une convention de coopération semblable avec une société concurrente d'Eurocef, initialement prévu au protocole du 25 novembre 1989, est désormais porté à cinq ans, à compter du protocole du 10 novembre 1992.
-l'accord prévoit qu'en cas de défaillance de la CRCAY ou d'[S], Eurocef aurait droit, à titre de clause pénale, au paiement du « montant des honoraires prévisionnels globaux à percevoir sur l'opération Novaparc par Eurocef tels qu'ils résultent des plans financiers de l'opération ['] », alors qu'en cas de défaillance d'Eurocef, la CRCAY peut seulement prétendre à une somme de 5 millions de francs, à titre de clause pénale, à laquelle, en outre, Icauna n'a pas droit.
La signature du protocole du 10 novembre 1992 par Monsieur [B] ne respecte pas la règlementation des conventions règlementées puisqu'elle n'est pas mise en oeuvre alors que celui-ci est à la fois Directeur Général de la CRCAY, gérant d'[S] et représentant d'[S] au Conseil de surveillance d'Eurocef, le protocole ne pouvant ressortir du domaine des conventions courantes conclues à des conditions normales.
9 - Le protocole du 11 février 1993
Quelques jours seulement avant le licenciement de Monsieur [B], Monsieur [K], représentant les sociétés Eurocef et Promo Gestion Conseils, d'une part et Monsieur [Y], représentant la CRCAY et Icauna, d'autre part, conviennent, le 11 février 1993, des conditions selon lesquelles la reprise de la société EPC, société de promotion immobilière située à [Localité 19], pourrait être envisagée.
En acceptant de participer à la reprise de la société EPC, la CRCAY et Icauna acceptent les risques attachés à chacune des SCI dans lesquelles EPC est associée et, comme telle, indéfiniment responsable.
De plus, le protocole prévoit, en outre, que des compléments d'ouverture de crédit sont nécessaires pour deux SCI, à hauteur de 11 millions de francs, auxquelles la CRCAY doit pourvoir.
Enfin, les parties conviennent qu'Eurocef fera profiter EPC des accords conclus avec la CRCAY, en particulier en matière de financement des crédits acquéreurs, et que les dossiers de financement devront transiter par Eurocef qui percevra chaque fois une commission.
Or, à la date de la signature du protocole, Monsieur [Y] est à la fois fondé de pouvoir d'[S] et représentant d'[S] au Conseil de surveillance d'Eurocef, et ce protocole ne fait pas l'objet de la mise en 'uvre de la procédure des conventions réglementées à laquelle il est pourtant soumis, le protocole ne pouvant ressortir du domaine des conventions courantes conclues à des conditions normales.
10 - L'accord du 12 juin 1993
Le 12 juin 1993, Eurocef, représentée par Monsieur [K], d'une part, la CRCAY et
Icauna, représentées par Monsieur [Y], d'autre part concluent un nouveau protocole qui ne fait pas l'objet de la mise en oeuvre de la procédure des conventions réglementées à laquelle il est pourtant soumis, le protocole ne pouvant ressortir du domaine des conventions courantes conclues à des conditions normales.
L'accord confère en effet à Eurocef le droit de percevoir des commissions non seulement sur les opérations qu'elle apporterait, mais aussi désormais sur celles apportées à la CRCAY par d'autres réseaux qui sont réputées transmises « par le canal Eurocef ». En d'autres termes, toute opération immobilière réalisée par la CRCAY, avec ou sans le concours d'Eurocef, donne désormais droit à celle-ci de percevoir une commission et assure ainsi à Eurocef des revenus financiers réguliers, indépendamment de toute activité. Une dérogation n'est possible « qu'après concertation et accord exprès avec Eurocef » et seulement « durant une période limitée ».
11 ' les sociétés de la nébuleuse EUROCEF
Et c'est à la faveur de ces différents accords, auxquels il convient d'ajouter les protocoles spécifiques à l'opération Novaparc qu'Eurocef allait mener différentes opérations de promotions immobilières, s'accompagnant de la création et du développement par Eurocef d'un groupe de sociétés.
1 - L'Européenne Financière :
holding du groupe
Concomitamment à la prise de participation d'[S] de 33,72 % dans le capital d'Eurocef,
les fondateurs d'Eurocef, Messieurs [D] [U], [SQ] [XK], [I] et [OH] [JY], [V] [BF] et Madame [W] [T], épouse de Monsieur [U], constituent entre eux, le 20 décembre 1989, une société civile holding, dénommée Européenne Financière, qui détient 65,55 % du capital d'Eurocef.
Le capital est fixé à 9.900.000 francs, divisé en 99.000 parts de 100 francs chacune, chaque associé possédant 16.500 parts, soit 16,66 % du capital, en rémunération de leurs apports, selon les modalités suivantes :
-apports en numéraire de 40.000 francs chacun, soit : 240.000 francs
-apports en nature de 77 parts de la société Eurocef valorisées 20.909 francs la part, soit : 9.660.000 francs soit : 9.900.000 francs
Eurocef, puis Icauna, prenaient une participation dans le capital de l'Européenne Financière, dans les conditions suivantes :
-le 24 novembre 1990, Monsieur [JY] cède à Eurocef 8.000 parts pour la somme de 432.000 francs ; ces mêmes parts seront cédées les 28 février et 31 mars 1993 par Eurocef à Icauna pour la somme de 540.000 francs ;
-le 12 décembre 1990, Monsieur [JY] cède à [S] 8.500 parts pour la somme de 300.000 francs, sachant qu'à l'occasion de cette cession, il rembourse son découvert auprès de la CRCAY, de 144.863 francs.
Monsieur [D] [U], désigné gérant pour toute la durée de vie de la société, est le principal bénéficiaire de la société Européenne Financière.
L'article 11 des statuts prévoit le versement aux associés d'un dividende préciputaire sur le chiffre d'affaires hors taxes des filiales, dont le principal bénéficiaire est Monsieur [U].
Sur quelque 2.294.505 francs de dividendes préciputaires versés aux associés de l'Européenne Financière, au cours de la période 1990-1993, Monsieur [U] a reçu 1.429.933 francs .
Avec une participation de 16,66 % du capital, c'est-à-dire égale à celle de Monsieur [U], [S] reçoit, sur la même période, à peine plus de 5 % des dividendes préciputaires distribués, soit 115.648 francs .
En tant que société holding d'Eurocef, l'Européenne Financière n'a aucune charge d'exploitation. Ses produits proviennent des dividendes qu'elle reçoit d'Eurocef. Lors de l'assemblée générale qui se tient le 30 juin 1994, Monsieur [U] présente le rapport de la gérance et propose aux associés d'approuver les comptes au 31 décembre 1993, qui font apparaître un bénéfice de 827.828 francs. Or, Monsieur [U], par ailleurs Président du Conseil de surveillance d'Eurocef, ne pouvait ignorer que celle-ci avait déclaré, un mois plus tôt, la cessation de ses paiements. Pour autant, aucune provision ne figure dans les comptes de l'Européenne Financière.
« Monsieur [U] indique par ailleurs à l'assemblée, que plusieurs associés ont exprimé le souhait de ne pas constituer de réserves, ce qui a pour effet automatique de déclencher la distribution des résultats conformément aux statuts ».
De fait, malgré l'opposition de la représentante d'[S] sur leur sincérité, les comptes sont
approuvés par la majorité des associés.
L'expert [Q] constate lui aussi que les comptes sont inexacts. Le résultat de la société
apparaît déficitaire de 1.824.922 francs.
Grâce à ce subterfuge et au refus de Monsieur [U] et des associés fondateurs de renoncer à la distribution de dividendes injustifiés, c'est un bénéfice fictif qui a été intégralement distribué.
2 - La société IEF
La société IEF, constituée le 15 mai 1990, sous forme d'EURL, avec pour associé unique
Eurocef et gérant Monsieur [K], a pour objet de prendre, pour le compte de son associé, des participations dans des opérations immobilières, notamment Diamantel, les Hauts du Diamant, Gallieni.
IEF prend aussi, le 1er juin 1991, une participation dans une société de conseils, la société Corame, dont l'expert [Q] souligne qu'il ne comprend pas l'intérêt de cette prise de participation, car la situation de cette société est alors fortement dégradée.
De même, les experts [J] et [MI] notent dans leur rapport ne pas avoir disposé « d'éléments permettant de justifier l'intérêt pour IEF de prendre une participation minoritaire de 35%, dans une société dont l'exploitation était fortement déficitaire (une perte de 1 061 430 de francs avait été dégagée au cours de l'exercice clos le 31 décembre précédent) et exerçant une activité dans le domaine distinct de celui de IEF » .
Le seul « intérêt » de cette acquisition paraît tenir au fait que les parts acquises par IEF dans le capital de Corame appartiennent à l'épouse de Monsieur [B].
A l'exception du résultat au 31 décembre 1992, les résultats d'IEF sont déficitaires, en 1991
et 1993, notamment en raison de la provision pour dépréciation des titres Corame, qui est
constituée dès l'exercice 1991, pour 112.920 francs (puis portée à 141.228 francs dans les
comptes au 31 décembre 1992), alors que les produits (qui correspondent aux distributions de dividendes dans les opérations immobilières) sont inexistants sur l'exercice 89. La provision est portée à 141.228 francs dans les comptes au 31 décembre 1992.
Les produits de la société s'établissent quant à eux de la manière suivante :
La situation de la société est donc très fortement compromise, alors que son activité est entièrement financée par la CRCAY. Au 20 mai 1994, celle-ci est créancière d'IEF pour la
somme de 517.899 francs.
3 - La société E2F
La société E2F, constituée le 15 mai 1990, sous forme d'EURL, avec pour associé unique
l'Européenne Financière et pour gérant Monsieur [K], a pour objet de prendre, pour le compte de son associé, des participations dans des opérations immobilières. Elle prend ainsi une participation dans les opérations Pierre Loti et Novaparc.
Au cours des exercices 1991 et 1992, E2F ne perçoit aucun produit et son résultat se solde par une perte, respectivement de 9.147 francs et 46.119 francs.
Au 31 décembre 1993, son résultat est bénéficiaire à hauteur de 66.729 francs, grâce à un
produit de 98.716 francs de l'opération Pierre Loti. Pourtant, à cette date, cette opération est déficitaire de 781.510 francs.
L'activité de la société est entièrement financée par la CRCAY. Au 20 mai 1994, l'encours s'élève à la somme de 311.600 francs .
4 - La société Promo Gestion Conseil (PGC)
PGC est constituée le 3 avril 1991, sous forme de SARL, avec pour gérant Monsieur [K]. Le capital est de 50.000 francs, divisé en 500 parts de 100 francs chacune. Ainsi que le souligne l'expert [Q], cette société est entièrement contrôlée par le groupe Eurocef et Monsieur [U] , qui détiennent via la société Eurocef, Monsieur [K] et la société L2B (Cf. n°2.5.6 ci-après), 275 parts. Le reste du capital est réparti entre le Crédit Agricole qui détient 75 parts, via [S] et Monsieur [ZU], et Monsieur [VL] [H] qui détient 150 parts. Le 17 mai 1993, Monsieur [H] cède 100 parts à [S] .
PGC a pour objet d'assurer la gérance des SCI Pierre Loti et Galliéni.
Au titre de prestations de gestion, PGC facture aux SCI Pierre Loti et Gallieni une somme
totale de 1.230.000 francs. L'expert souligne toutefois que la société n'a aucun salarié et
que Monsieur [K] n'a jamais pu justifier de la réalité de ces prestations.
Mais grâce à ces facturations, chacun des exercices peut donner lieu à la distribution de dividendes :
-en 1991, 150.000 francs, dont 82.500 francs au groupe Eurocef,
-en 1992, 166.951 francs, dont 91.823 francs au groupe Eurocef,
-en 1993, 120.000 francs, dont 66.000 francs au groupe Eurocef.
L'expert souligne cependant que par suite de l'annulation des factures irrégulièrement émises par Monsieur [K], par ailleurs Président du Directoire d'Eurocef, PGC est en perte sur chacun des exercices :
-en 1991 : -62.834 francs,
-en 1992 : -16.902 francs,
-en 1993 : -12.444 francs.
Dans ces conditions, on ne peut que s'étonner que le 21 mai 1993, PGC acquiert 80,94 % du capital de la société EPC, dont elle était auparavant le sous-traitant, et lui fasse une avance de 390.005 francs.
Mais surtout, il n'y avait bien évidemment pas lieu à distribution de dividendes. Certes, Icauna a perçu sa quote-part (au total 67.695 francs sur la période 1991-1993). Mais précisément, parce qu'ils devaient, à tout le moins, s'assurer de la réalité des prestations de
PGC, Messieurs [B] et [Y], par ailleurs bénéficiaires de la société L2B, ont agi en méconnaissance de l'intérêt social du Crédit Agricole.
Ce mécanisme a été mis en place grâce à l'accord cadre du 5 mars 1993 modifiant le protocole du 17 mai 1991 en prévoyant que les commissions seraient dorénavant dues à la réservation des lots et l'acquisition définitive des avances sur honoraires de commercialisation au lieu d'être perçues une fois la vente réalisée, ce qui conduit l'expert à conclure que PGC a été créée pour transformer rapidement et sans risque en dividendes les recettes issues de mandats de gestion des opérations Pierre LOTI et GALLIENI.
5 - La société Eurocef Expansion
La société Eurocef Expansion est constituée le 9 avril 1993. C'est une société anonyme à
Conseil d'administration, dont le Président est Monsieur [K]. Le capital de la société est fixé à un million de francs, divisé en 10.000 actions de 100 francs. Eurocef acquiert, en direct, 3.399 actions, cette acquisition étant entièrement financée par la CRCAY.
Bien que la société Eurocef soit constituée depuis plus de quatre ans et que Monsieur [U] ait fait valoir l'expérience et le savoir faire de la société en matière immobilière, que des mandats de commercialisation exclusifs lui soit consentis dans les protocoles, Eurocef Expansion est constituée avec pour objet le recrutement, la formation, le management et l'animation des commerciaux, prescripteurs et autres de la société Eurocef.
Dans son rapport, l'expert [Q] précise qu'il ignore quelle a été l'activité effective de cette société et ce en dépit des éléments fournis dans l'expertise commerciale par le demandeur.
6 - La société L2B
La société L2B est une société holding, constituée le 18 février 1991, sous forme de SARL,
entre Messieurs [U], [B] et [Y]. Le capital est fixé à 51.000 francs et réparti par tiers entre les associés.
Dans les statuts, Monsieur [Y] est désigné en qualité de gérant. Manifestement conscient de l'imprudence de cette désignation, il démissionne dès le 25 février 1991 et il est alors remplacé par Madame [E] [T], épouse de Monsieur [U].
La société prend des participations dans différentes opérations immobilières et dans PGC, ces prises de participations ayant pour but la remontée de dividendes dans la société L2B et la distribution, entre ses associés, du produit de ces dividendes.
On peut, à juste titre, s'étonner de la constitution d'une telle structure entre un banquier et son client et des liens qui se trouvent ainsi établis.
Il y a là incontestablement une violation des règles de déontologie et de conflit d'intérêts qui prévalent au sein des caisses de Crédit Agricole. Il n'est pas concevable qu'un banquier ait des intérêts personnels communs avec un partenaire de la banque, qui peuvent le conduire à perdre son libre arbitre dans la préservation des intérêts de la banque, au profit de ses intérêts personnels.
Messieurs [B] et [Y] avaient bien conscience des avantages qu'ils pouvaient tirer de leur proximité avec Monsieur [U]. Dans une note de fin 1990 adressée à Monsieur [B], Monsieur [Y] écrit à ce sujet :
« Nous envisageons, avec [D], la création d'une SARL à 50 KF pour assurer la gestion de l'ensemble, ce qui peut être très profitable. J'ai, sur ce sujet, toute confiance dans les capacités de [D] et des conseils divers qui nous entourent dans ces domaines ».
* *
Le financement des opérations immobilières
A l'ensemble des accords sont adossées des opérations immobilières dont le financement est assuré par le Crédit Agricole tandis qu' Eurocef se propose d'apporter, de gérer, de commercialiser et de mener à terme ces programmes, moyennant le versement de commissions diverses.
L'opération « Pierre Loti »
Il s'agit d'une opération de construction à [Localité 12] d'une résidence étudiants, portée par une SCI Pierre Loti, filiale d'Eurocef, via les société E2F et L2B. Icauna détient une participation à hauteur de 20 parts sociales sur 100, ce qui la rend indéfiniment responsable, en qualité d'associée de la SCI.
Eurocef est en charge de la commercialisation du programme.
Or, au 15 mai 1994, l'état des commercialisations montre que plus de la moitié des lots reste encore invendue. Eurocef n'a en effet vendu que 17 lots en 1992, 17 lots en 1993 et 8 lots en 1994, soit 48,8 % des lots, alors que l'opération de promotion a débuté en juillet 1991 et que la déclaration d'achèvement de travaux intervient le 30 septembre 1992.
Pour autant, Eurocef perçoit 1.576.494 francs de commissions, auxquels s'ajoutent 630.000 francs d'honoraires de gestion versés à PGC, que l'expert estime injustifiés. PGC a en effet des charges de 75 KF n'ayant jamais employé de personnel salarié tout en prétendant assurer la gestion de SCI. De plus, il a été relevé une absence de comptabilisation des frais financiers (535 KF) permettant de faire apparaître un bénéfice et d'opérer une distribution de dividendes, ainsi qu'une absence de provisions sur stock et pour risques et charges.
Rien d'étonnant, dans ces circonstances, à ce que le résultat de l'opération se solde, au 31
décembre 1993, par une perte de 781.510 francs.
Parallèlement, la CRCAY est quant à elle engagée sur ce programme, au titre d'une ouverture de crédit de 15 millions de francs, consentie à la SCI le 14 juin 1991, outre une garantie d'achèvement de 3 MF et une caution de bonne exécution de 1.5 MF.
CNCA passait une provision de 8.3MF sur la perte de 8.8MF.
L'opération « Gallieni »
Il s'agit d'une autre opération de construction d'une résidence étudiants, située quant à elle à [Localité 20], près de [Localité 12], portée par une SCI Gallieni, filiale d'Eurocef, via les sociétés IEF et L2B, dans laquelle Icauna détient une participation à hauteur de 25 parts sociales sur 100, ce qui la rend indéfiniment responsable, en qualité d'associée de la SCI.
L'opération est lancée en mars 1992 et doit comprendre deux tranches, respectivement de 44 et 51 lots.
Eurocef se charge de la commercialisation du programme.
L'état des commercialisations montre que sur les 44 lots que comporte la première tranche, Eurocef n'en a commercialisé que 15, soit 34 % : 1 lot en 1992, 12 lots en 1993 et 2 lots en 1994. Aucune vente n'est réalisée sur la deuxième tranche.
Eurocef perçoit 708.881 francs de commissions auxquels s'ajoutent 600.000 francs d'honoraires de gestion versés à PGC, que l'expert estime injustifiés.
Sur avis favorable de Monsieur [Y], la CRCAY a consenti le 16 avril 1992 à la SCI une ouverture de crédit de 10 millions de francs, pour la réalisation des deux tranches et une garantie d'achèvement de 4 millions de francs. S'y ajoute, le 25 mars 1993, un crédit
complémentaire de 9 millions de francs. Sur ces financements, il reste dû à la CRCAY, au
31 décembre 1993, la somme de 17.535.075 francs.
Les comptes de la SCI communiqués à l'expert [Q] faisaient apparaître que l'opération
aurait été, au 31 décembre 1993, bénéficiaire à hauteur de 609.064 francs. Au lieu de laisser
cette somme, à la supposer justifiée, en fonds propres dans la SCI, pour lui permettre de faire face à ses besoins de financement, le 29 mars 1994, les associés décident en assemblée de procéder à la distribution intégrale de ce bénéfice par paiement d'un dividende de 152.266 francs chacun.
Cette distribution est d'autant plus injustifiée qu'après rectification et notamment la prise en compte des provisions pour risque, le résultat au 31 décembre 1993 est déficitaire de 1.086.659 francs.
L'opération « Diamantel »
Il s'agit d'une autre opération de rénovation d'un hôtel situé à [Localité 18], dont les chambres sont destinées à être vendues en copropriété. Cette opération initiée par la société Promofrance est portée par une SCI Diamantel, dans laquelle Eurocef, via IEF, et Icauna ont pris une participation, ce qui les rend indéfiniment responsables, en qualité
d'associées de la SCI .
Le financement de l'opération de 20 millions de francs, est assuré par la CRCAY.
Le 6 novembre 1992, la SCI donne à Eurocef un mandat exclusif de vente pour une durée expirant le 31 décembre 1993. Le 29 juin 1993, Eurocef sous-traite une partie de ses prestations, dont la commercialisation, à la société Promotel, filiale de Promofrance.
Alors que le budget initial fait apparaître une marge bénéficiaire de 2.546.000 francs, le budget révisé du 11 octobre 1993 montre que l'opération se traduit par une marge négative de 2.494.000 francs, résultant notamment de l'échec d'Eurocef dans la commercialisation.
L'état des commercialisations montre en effet qu'au 30 septembre 1993, sur les 74 lots à
vendre, Eurocef n'en a péniblement commercialisé que 25. D'octobre à décembre 1993, plus aucune vente n'intervient. Puis, sur le seul mois de décembre 1993, 28 ventes sont réalisées, mais grâce à l'intervention du sous-traitant d'Eurocef, Promotel, ce qui se traduit
par une augmentation des honoraires de commercialisation et, partant, du coût de l'opération.
L'opération « Moulin Basset »
Il s'agit d'une autre opération prévue dans le même temps que l'opération Diamantel et avec le même partenaire, la société Promofrance. Elle est toutefois encore plus ambitieuse
puisqu'elle porte sur l'acquisition d'un terrain à Saint Denis (93), la construction de deux
hôtels et la vente de 337 chambres.
L'opération est portée par une SCI Moulin Basset, dans laquelle Eurocef et Icauna ont une
participation, ce qui les rend indéfiniment responsables, en qualité d'associées de la SCI .
Le financement de l'opération repose sur la CRCAY, au moyen d'une ouverture de crédit de 40 millions de francs, dont 25 millions pour la seule acquisition du terrain.
Outre la maîtrise d'oeuvre et des prestations de promotion et de publicité, Eurocef se voit
confier par la SCI un mandat de commercialisation exclusif, prévoyant que toute vente de lot, quel qu'en soit le mode, est réputée faite par Eurocef et ouvre droit à rémunération.
Au total, les honoraires d'Eurocef tels que prévus s'élèvent, pour ses différentes missions à près de 16,5 millions de francs, soit 10 % du chiffre d'affaires estimé.
Les experts [J] et [MI] dans l'instance pénale soulignent que les dissensions nées entre Promofrance et Eurocef dans l'opération Diamantel, ajoutées à la défaillance financière de ces deux intervenants, les ont conduit à mettre un terme à cette opération, qui ne s'est donc pas réalisée, sans que la CRCAY ait quelque part que ce soit dans cet échec.
L'opération ALBARENA
Après un prêt de 2 MF sur 2 ans accordé en juin 1990 par CRAY avec comme garantie une hypothèque de premier rand sur le terrain et la caution solidaire des promoteurs, la banque accordait une garantie d'achèvement de 10 MF puis le 25 juin 1991; devant l'ampleur du découvert non autorisé, augmentait le crédit d'accompagnement de 2 à 5 MF sans que le promoteur en fasse la demande et que le montant de la garantie soit ajustée, et ce, alors que le caractère artificiel de l'équilibre financier de l'opération présentée en comité des engagements en juin 1990 est établi.
La plupart des investisseurs cessaient au surplus de rembourser CRAY pour protester contre l'état technique de la résidence qui avait ouvert sans avoir obtenu le classement en Résidence [2] indispensable pour que les investisseurs obtiennent les avantages fiscaux annoncés. Il apparaissait encore que le POS n'avait pas été respecté. L'opération se traduisait par une perte de 17.5MF dont 4.9MF de frais financiers.
L'opération des Hauts de l'Enclos
Portant sur la vente de 2X24 lots, 21 lots seront commercialisés sur la première tranche mais avec une forte baisse du prix de vente et donc de la marge et 8 sur la seconde tranche dans les mêmes conditions, la perte de 11 MF étant finalement soldée dans les comptes de CRAY.
L'opération des Hauts du Diamant
Cette opération portant sur 60 lots à vocation hôtelière en tranches + un restaurant, des boutiques, une piscine et des zones de loisirs, a vu être commercialisés 22 lots. Le financement de 25 MF était partagé entre la banque LA HENIN, chef de file et CRAY et a montré un dérapage des frais financiers et la perception d'honoraires de commercialisation excessifs entraînant une hausse de 30% du prix de vente.
Le programme Novaparc
Programme de grande envergure, envisagé quinze jours seulement après l'entrée d'[S] dans le capital d'Eurocef, il a pour objectif très ambitieux de construire 45.000 m2 de logements à [Localité 13], soit environ 800 logements.
Ce programme est conçu dans le cadre de trois protocoles successifs entre Monsieur [O] [R] [G], promoteur, Eurocef, la CRCAY et la Caisse Régionale du Crédit Agricole de la Martinique.
- Un premier protocole confidentiel porte la date des 30 décembre 1989 et 2 janvier 1990 et prévoit le principe du projet et confie l'exclusivité de l'organisation et de la commercialisation à Eurocef, ainsi que la structuration juridique et fiscale. Il prévoit également que Novaparc doit être constituée avec un capital de 10 millions de francs, entièrement financé par la CRCAY et la CRCAM.
Ces dernières ne doivent pourtant détenir que 28,5 % de Novaparc contre 68,5 % à Monsieur [R] [G], le solde, 3 %, revenant à Eurocef, sans aucune mise de fonds, via des rétrocessions gratuites d'actions.
Dès la signature de ce protocole, et avant même que la faisabilité juridique du montage ne
soit validée, Eurocef se voit octroyer une avance sur honoraires de commercialisation de
200.000 francs.
- Un second protocole confidentiel est conclu le 15 décembre 1990, en vertu duquel Eurocef voit sa quote-part de capital passer à 5 %, toujours sans aucune mise de fonds. Mais surtout la mission d'Eurocef est étendue à la gestion et à la direction de l'ensemble des opérations de pré-commercialisation et de souscription, et à la gestion des futures sociétés d'attribution, le tout dans un cadre exclusif.
Le 5 mars 1991, la société Novaparc est finalement constituée, mais avec un capital de 250.000 francs détenu à hauteur de plus de 50 % par Monsieur [R] [G] (sur financement de CRAY) - 22,5 % chacune par la CRCAY et la CRCAM - 5 % par Eurocef, après rétrocession gratuite des autres actionnaires (sans aucune mise de fonds, Eurocef se voit attribuer 2,5 % du capital, une clause prévoyant par ailleurs que cette participation serait portée à 5 % dans les mêmes conditions).
Eurocef obtient l'exclusivité de la commercialisation du programme, des commissions de commercialisation au pourcentage du prix de vente des biens au public.
La CRCAY et la CRCAM doivent financer en pool la construction de 4 ou 5 tranches techniques que doit comprendre le programme à raison de 20 à 25 millions de francs par tranche ;
La CRCAY assurerait le financement des acquéreurs des appartements ;
Eurocef s'engageait à :
* offrir aux investisseurs une garantie locative de 6 % l'an en contrepartie de la gestion des biens, par des gestionnaires sélectionnés par Eurocef,
* prendre en charge les intérêts intercalaires des prêts souscrits par les acquéreurs à concurrence de 5 % du montant des emprunts pendant 1 an après le déblocage des fonds ;
Eurocef devait recevoir de Novaparc, une « avance sur ses frais de commercialisation » portée à 3,5 millions de francs (déductible des commissions à venir).
D'après le bilan prévisionnel prévu au protocole, la société Novaparc devrait réaliser sur ce programme une marge nette de 95.301.774 francs et la société Eurocef recevoir, a minima et sans aucune mise de fonds, des honoraires pour le montant considérable de 83.860.000 francs (dont 3,5 millions de francs à titre d'avances).
En septembre 1992, Monsieur [R] [G] démissionne de la présidence du Conseil d'administration de Novaparc, en raison de difficultés dans ses affaires. Il sollicite le rachat
de ses titres dans Novaparc 44, 40 % par la CRCAY et la CRA Martinique, 10 % par Eurocef.
- Un troisième protocole est conclu les 17 mai et 17 juin 1991, aux termes duquel Eurocef obtient :
* à titre exclusif et irrévocable la maîtrise d'oeuvre du montage juridique et commercial de l'opération,
* l'exclusivité de la commercialisation du programme,
* des commissions de commercialisation au pourcentage du prix de vente des biens au public.
Monsieur [Y] succèdait à Monsieur [R] [G] dans les fonctions de président et la CRAY et la CRCAM acquèraient sa participation, les deux caisses détenant alors, ensemble, 98,5 % de Novaparc.
Lors de sa séance du 2 mars 1993, le Conseil d'administration de Novaparc décidait de commencer les travaux des deux premières tranches du programme Novaparc, dites « Novaparc 1 » et « Novaparc 2 » alors même que le taux de pré-réservations est inférieur au seuil contractuellement prévu au contrat pour le lancement des travaux et que la trésorerie d'Eurocef est débitrice depuis le mois de mai 1992, ce qui est une façon de percevoir de nouvelles avances sur commissions.
- Trois jours seulement après cette décision, un nouvel accord est conclu entre Novaparc et Eurocef, soit le 5 mars 1993, signé uniquement entre Eurocef et Novaparc, représentée par Monsieur [Y].
Pas plus qu'à l'accoutumée cette convention ne suit la procédure des conventions réglementées, alors pourtant que Monsieur [Y] est à la fois Président du Conseil d'administration de Novaparc et membre du Conseil de surveillance d'Eurocef.
Aux termes de cet accord, outre la confirmation de ses missions, Eurocef reçoit une délégation de maîtrise d'ouvrage sur le lotissement et la construction. Cette fonction était
précédemment exercée par Novaparc, laquelle, de façon très surprenante, demeure garante
vis-à-vis des tiers de l'exécution des obligations ainsi déléguées. Pour cette mission dont elle n'assume pas la responsabilité Eurocef se voit attribuer un honoraire de 10,2 millions de francs. Dans les faits, Eurocef sera bien incapable de remplir sa mission ; elle aura recours aux services d'un tiers, dont le coût, en sus de ses propres commissions, sera pris en charge par Novaparc, ce qui n'est évidemment pas prévu aux accords.
Aux termes de l'accord, l'avance sur commission de 3,5 millions de francs, qui devait s'imputer sur les commissions à venir lors des ventes, devient définitivement acquise à Eurocef, si elle ne réalise pas un volume d'affaires lui permettant le remboursement.
Cet accord contient également une nouvelle clause pénale, qui prévoit au profit d'Eurocef le droit d'obtenir, en cas de défaillance de Novaparc, le paiement de toutes les sommes qui lui seraient dues, outre une indemnité égale à 20 % des honoraires qui lui auraient été payés si le protocole avait été mené à son terme. Cette clause prévoit également qu'en cas d'inexécution, la partie défaillante devra verser à la victime de l'inexécution une somme de 2 millions de francs à titre de clause pénale.
Cette clause pénale est identique à celle qui figure dans le protocole de coopération du 10
novembre 1992, laquelle prévoit également qu'en cas de défaillance de la CRCAY ou d'[S], Eurocef percevra une indemnité au moins égale au montant des honoraires prévisionnels globaux que cette dernière devrait percevoir pour le projet Novaparc. En d'autres termes, grâce à ces deux clauses, Eurocef s'est ménagé la possibilité de demander, et quoi qu'il advienne, deux fois les mêmes sommes.
S'agissant des commissions auxquelles Eurocef peut prétendre, celles-ci s'élèvent à un total
exorbitant de près de 100 millions de francs. Dans le détail :
-1,5 millions de francs d'honoraires de montage pour la Maîtrise d'OEuvre du montage et de la stratégie commerciale. Il est surprenant que l'accord du 5 mars 1993 revienne sur ces honoraires qui, à la date de signature de cet accord, ont d'ores et déjà été payés à Eurocef,
-10,2 millions de francs d'honoraires de gestion en rémunération des mandats de Maîtrise d'Ouvrage, dont 2 millions de francs dès l'engagement de l'opération de lotissement,
-61,7 millions de francs d'honoraires nets en rémunération du mandat exclusif de commercialisation, dont 3,5 millions de francs d'avances sont désormais définitivement acquis dès le 5 mars 1993,
-des commissions de commercialisation calculées au pourcentage sur la base du prix de vente public « habitable défiscalisable », c'est-à-dire la surface habitable augmentée de la surface des loggias.
Le poids considérable des commissions consenties à Eurocef suppose une exécution techniquement irréprochable, permettant une commercialisation rapide et optimale. Or, malgré le montant exorbitant des honoraires facturés par Eurocef, 12.559.910 francs, soit 35,5 % du volume des ventes, le montage, la gestion et la commercialisation du programme Novaparc ont donné lieu, de la part d'Eurocef, à des manquements graves.
Les prévisions financièrement irréalistes établies par Eurocef ont compromis dès l'origine la situation de la société de gestion, Novaparc SA.
La budgétisation insuffisante des coûts de construction, aggravée au plan technique par les
défaillances d'Eurocef dans la maîtrise d'ouvrage déléguée du programme, s'est soldée par le non-respect des normes administratives applicables et des prévisions du cahier des charges sur la qualité des travaux. Ces erreurs ont obligé Novaparc SA, dans une situation d'ores et déjà obérée, à indemniser par ailleurs les acquéreurs des lots.
Or, au 31 mars 1993, le résultat de Novaparc SA est tout juste à l'équilibre. Au 31 mars 1994, le bilan de Novaparc SA fait apparaître un déficit d'exploitation de 36.620.000 francs, dont 33.174.000 francs correspondant à des provisions pour dépréciations, risques et charges, soit un résultat d'exploitation net négatif de 3.446.000 francs.
Le 10 janvier 1994, le Conseil d'administration de Novaparc constate qu'il reste à commercialiser un tiers du programme Nova 1 et 60% du programme Nova 2, essentiellement les T3 et T4, bien qu'il existe localement un besoin locatif pour ce type de
produit. Mais manifestement, le prix de vente a été surévalué de près de 20% par rapport au prix du marché.
A fin mai 1994, le décompte des ventes s'établit ainsi :
-sur les 72 lots de la première tranche (Nova 1), 55 lots seulement ont été vendus, majoritairement les petites surfaces moins rentables : 24 T1, 16 T2, 12 T3 et 3 T4 ;
-sur les 72 lots de la deuxième tranche (Nova 2), 39 lots seulement ont été vendus, majoritairement les petites surfaces moins rentables : 22 T1, 15 T2, 2 T3 et aucun T4.
La CRCAY se trouve alors face au risque de devoir supporter l'intégralité du coût des problèmes techniques, des pertes de la société de gestion et de celles des sociétés civiles d'attribution, en charge de mettre en oeuvre les tranches successives du programme.
Début 1994, conjointement avec la CRCAM, la CRCAY est exposée à un risque de pertes de plus de 110 millions de francs, au titre des concours consentis à la société Novaparc SA.
Celui-ci se répartit comme suit :
-8,5 millions de francs au titre de la dotation en fonds propres de la société ;
-7,4 millions de francs au titre de l'ouverture de crédit accordée pour l'acquisition du terrain ;
-13 millions de francs au titre de l'ouverture de crédit en compte courant (tirée à hauteur
de ... 31,4 millions de francs en mars 1994)
-7 millions de francs au titre de la garantie d'achèvement de lotissements et 77 millions de francs au titre de la garantie d'achèvement des opérations de construction.
Face à la situation de la société et à l'état du programme, les 10 et 31 janvier 1994, le Conseil d'administration de Novaparc décide de suspendre la mise en oeuvre de la tranche 3 du programme, dénommée Novalis.
Selon Maître [TB], le chiffrage de ce risque, notamment celui lié à la garantie d'achèvement « procède [rait] d'une escroquerie intellectuelle »en ce que, d'une part, sur les trois premières tranches, les ventes étant suffisantes pour financer le coût de construction et d'autre part, le Conseil d'administration n'ayant pas donné son autorisation pour la construction des sept autres tranches, le « risque chiffré » aurait été en réalité « voisin de 0 ».
Selon le cabinet GIRAUD HECKY, l'indigence technique du programme et la mauvaise qualité des travaux réalisés viennent de ce qu'EUROCEF s'est octroyée la maîtrise d'ouvrage déléguée sans avoir la compétence et pour obtenir des commissions 'exorbitantes' EUROCEF a mis en place des accords qui plafonnent le prix servi au promoteur à un niveau insuffisant au regard de la qualité de la prestation promise aux clients ; la minoration des coûts de construction futurs par EUROCEF lui permettait de faire apparaître des bilans prévisionnels bénéficiaires et d'encaisser immédiatement une partie substantielle des honoraires qu'elle s'était octroyés.
la déconfiture d'EUROCEF
Le Tribunal a constaté que « par courrier en date du 19 avril 1994, Eurocef adresse un rapport provisionnel de l'activité pour les mois à venir, sans aucune perspective de reconstitution de la trésorerie ; (') les besoins en trésorerie ne font que croître et excèdent les découverts autorisés par la Banque, (') dès lors la situation d'Eurocef se trouve être irrémédiablement compromise, son actif disponible ne lui permettant pas de payer son passif exigible » (page 22).
L'évolution des soldes d'Eurocef dans les livres de la CRCAY montre que la société est, depuis 1991, pratiquement constamment débitrice et, depuis mai 1992, exclusivement débitrice, la société ayant même déjà dépassé, en janvier puis en novembre 1993, son autorisation de découvert de 5 millions de francs .
L'examen de la situation de trésorerie d'Eurocef montre que celle-ci est déjà très détériorée depuis 1992, le produit de l'augmentation de capital de 1989 (4 millions de francs) étant même déjà consommé depuis août 1990.
Les résultats d'Eurocef se trouvent affectés par l'échec de la commercialisation des programmes dès fin 92 et par l'accroissement constant des charges qui représentent au total
plus de 88% du chiffre d'affaires hors taxes.
Malgré l'absence de trésorerie et de fonds propres disponibles, Eurocef a distribué des rémunérations et des dividendes à ses actionnaires fondateurs, pour près de 11 millions de francs, prélevés sur l'ouverture de crédit dont elle disposait auprès de la CRCAY,
Le 19 avril 1994, Eurocef adresse enfin à la CRCAY un rapport prévisionnel de l'activité de la société pour les mois à venir. Mais celui-ci laisse apparaître qu'à aucun moment la trésorerie n'est reconstituée. Bien au contraire, selon les prévisions d'Eurocef, intégrant le paiement de factures par ailleurs contestées par la CRCAY, les besoins en crédit de trésorerie
ne font que croître, excédant largement toutes les autorisations données, sans pour autant que
ces prévisionnels ne contiennent la moindre indication quant à la manière dont Eurocef entend couvrir ses besoins permanents de financements.
les chiffres clefs
1 - les engagements de la CRCAY au titre des opérations immobilière, s'élèvent à 217,9 millions de francs, dont 155,8 millions de francs sont utilisés à mars 1994.
S'y ajoutent les crédits accordés aux acquéreurs, qui représentent un volume de 470,6 millions de francs.
CRAY a bénéficié des garanties prises et a encaissé les échéances des prêts.
2 - Eurocef a distribué des rémunérations et des dividendes à ses actionnaires fondateurs, pour près de 11 millions de francs
* au titre d'honoraires, salaires, commissions diverses, 8.764.009 francs, dont 1.178.219 francs d'honoraires de conseils en informatique et gestion, versés par Eurocef à la société SCEIG, société civile détenue à 100 % par Monsieur [U] qui ne disposait ni des moyens matériels ni des moyens humains pour exécuter la tâche lui incombant, et qu'aucun compte rendu de l'exécution des travaux confiés à SCEIG n'a pu être retrouvé.
* au titre des dividendes reçus par les associés fondateurs d'Eurocef, réunis au sein du holding d'Eurocef, la société Européenne Financière, la somme de 2.062.537 francs alors qu'après correction des résultats d'Eurocef par l'expert [Q], le résultat cumulé est lourdement négatif entre 1989 et 1994.
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Sur la recevabilité de l'appel du jugement du 28 mai 2009
Le conseiller de la mise en état , saisi de :
1- l'appel de :
et les assignations afin d'appel provoqué délivrées le 20/ 06/ 2012 à MM. [Y] et [B] à la requête la CRAY, des sociétés ICAUNA, NOVAPARC et CASA
2- l'appel en date du 12 /09/ 2012 de la CRCAY, des sociétés ICAUNA , NOVAPARC et du CA SA à l'encontre du jugement en date du 28 /05/ 2009 du tribunal de commerce d'Auxerre, avant dire droit, ayant rejeté l'exception de péremption d'instance et révoqué le sursis à statuer prononcé le 16/ 09/ 1996,
' a pris une ordonnance de jonction en date du 03/ 10/ 2012.
Par conclusions en date du 30 /01 /2013, Me [TB] et GARONI ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel du jugement du 28 mai 2009 au visa de l'article 914 CPC, au motif que ce jugement ne rentrait pas dans le cadre de l'article 544 CPC mais dans celui de l'article 545 CPC et qu'ainsi l'appel devait être formé dans un même acte ou simultanément.
Par conclusions en date du 25/ 02 /2013, Me [TB] et [M] soutenaient que l'appel provoqué des sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE était en fait un appel incident puisque le jugement attaqué ne leur avait pas donné satisfaction en leurs demandes à l'encontre de MM. [Y] et [B].
Par conclusions en date des 6 décembre 2012 et 27 février 2013, ces sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE celle de CA SA du 06 /12 /2012 soutenaient que :
* la cour de cassation considère que l'important est que les deux appels soient jugés en même temps, en application du principe de concentration des recours ;
* l'appel du jugement avant dire droit s'inscrit ainsi dans le cadre de l'instance dont la cour était saisie par l'appel du jugement sur le fond, appel qualifié de 'total' puisque le jugement rejetait les demandes formulées par les appelants, d'autant que la déclaration d'appel du jugement avant dire droit précisait une demande de jonction avec l'appel déjà enregistré sur le jugement de fond
* aucune simultanéité de l'appel provoqué et de l'appel sur le jugement avant dire droit n'était nécessaire dès lors que l'appel provoqué contre MM. [Y] et [B] n'est pas un appel incident contre le jugement sur le fond et que le jugement de fond avait été préalablement frappé d'appel par les demandeurs à l'incident ; l'appel incident n'emportant en lui-même aucune demande contre le jugement du 05/ 03/ 2012 mais à attraire en cause d'appel des parties à la procédure de première instance
Le conseiller de la mise en état par ordonnance du 7 mars 2013, observant que l'objet de l'article 545 CPC est de conduire à voir juger les deux appels en même temps, ce qui est le cas de l'espèce puisque l'appel sur le jugement avant dire droit a été formé en temps utile pour être joint à l'appel principal, rejetait l'incident.
sur la régularité de l'appel provoqué
MM.[Y] ET [B] se sont constitués en date du 02/ 11/ 2012.
Les sociétés du groupe CREDIT AGRICOLE ont par conclusions du 19 /10/ 2012 conclu à l'irrecevabilité des conclusions de MM. [Y] et [B] pour signification hors délai, au visa des articles 910 al 1 et 911 CPC au motif que le délai de signification de celles-ci expiraient le 20/ 08 /2012 alors que la signification était du 23 /08/ 2012.
MM. [B] et [Y] ont répondu par des conclusions sollicitant de voir prononcer la nullité de l'assignation en appel provoqué du 20/ 06 /2012 en ce qu'elle ne comportait ni exposé des moyens de droit, ni des griefs, ni liste des pièces ni prétentions, ce qui porte atteinte aux droits de la défense et à l'égalité des armes dans la mesure où cela les empêche de pouvoir répliquer dans le délai de 2 mois ; subsidiairement, ils demandaient à voir constater que leus conclusions du 23 08 2012 constituaient un appel incident du jugement du 5 mars 2012 (au visa des articles 909 et 550 CPC) et que lesdites conclusions ont été régularisées dans le délai de 2 mois des conclusions de l'appelant et donc de débouter les demandeurs à l'incident.
En réplique , les conclusions du 15 /11/ 2012 de CRAY, CRAM de Bourgogne, des sociétés ICAUNA, NOVAPARC et celle de CASA soutenaient :
1- l'irrecevabilité de MM. [B] et [Y] à soulever une nullité pour vice de forme (au visa de l'article 112 CPC) dès lors que ceux-ci ont conclu le 23/ 08/ 2012,
2 -l'absence de vice de forme (article 114 CPC) dès lors que l'appel provoqué renvoyait à l'appel principal sur un jugement auquel ils étaient parties et qu'il n'y a pas de grief,
3- l'irrecevabilité du raisonnement de MM. [B] et [Y] car l'article 909 CPC n'est pas applicable: il s'applique à l'intimé sur appel principal faisant appel incident et non à appel provoqué. Dès lors le point départ du délai de 2 mois ne sont pas les conclusions de l'appelant principal (20/ 07 /2012) ou des intimés appelants incidents (17 et 18/ 09 /2012) ; la situation relève de l'article 910 CPC faisant alors courir le délai de 2 mois à compter de l'assignation,
4- l'absence de vice de fond (article 117 CPC) puisqu'aucun des cas visés à 117 n'est invoqué,
5- l'application de l'article 550 CPC disant que les appels incident et provoqué peuvent être formés en tout état de cause que sous réserve des articles 909 et 910 cpc.
Par conclusions en date du 22/ 11/ 2012, MM. [Y] et [B] soutenaient alors :
1- l'irrecevabilité de l'exception de nulité invoquée par CRCAY / CRAM de Bourgogne, des sociétés ICAUNA , NOVAPARC et celle de CASA au visa de l'article 74 cpc dès lors qu'ils avaient conclu au fond, ce qui entraînait la déchéance ou la forclusion, c'est à dire une fin de non recevoir
2- la nullité de l'assignation au visa de l'article 56 cpc dès lors que 4 mentions obligatoires manquaient sur cet acte (1° à 4°) et que la preuve d'un grief n'était pas nécessaire pour invoquer celle-ci,
3- le rejet de l'argument d'irrecevabilité de leur demande de nullité car leurs conclusions étaient soit irrecevables et donc inexistantes, soit recevables car la question de la nullité de l'assignation en appel provoqué n'avait plus d'objet,
4- le maintien de leurs écritures précédentes.
Le conseiller de la mise en état par ordonnance du 20/ 12/ 2012 déclarait recevable les conclusions du 23/ 08/ 2012 de MM. [Y] et [B] et rejetait les demandes de ceux-ci en nullité des assignations en appel provoqué délivrées contre eux le 20/ 06 /2012 en ce qu'ils ont couvert la nullité par leurs conclusions du 23/ 08 /2012 (application de l'article 56 cpc)
*
Ces ordonnances du conseiller de la mise en état n'ont pas fait l'objet d'un déféré devant la cour et celle-ci considère ainsi ne pas avoir à revenir sur ces points.
*
C'était donc en cet état que la procédure était appelée à l'audience de plaidoirie du 6 février 2014.
*
***
Constatant ainsi le caractère hors normes des relations mises en 'uvre par Eurocef et la CRAY, les conseils qui avaient reçu les développements constituant le rapport dont le contenu figure ci-dessus, étaient invités à préparer pour l'audience de plaidoiries leur intervention en répondant aux questions suivantes :
QUESTIONS à CNCA/CASA
1 - Sur l'orientation stratégique
Comment expliquer qu'au regard du contrôle interne , CNCA a pu ignorer la nouvelle stratégie de CRAY et les accords stratégiques avec EUROCEF alors qu'au-delà des textes en vigueur et des statuts il s'agit d'une question relevant de la maison mère' D'ailleurs, il ressort des pièces que la réorientation stratégique de 1993 est une consigne CNCA qui va ainsi remettre en cause l'axe de développement choisi par CRAY auparavant.
2- Sur le choix du client
La société Eurocef, constituée sous forme de SARL, le 13 janvier 1989, par différentes personnes physiques rassemblées autour de Monsieur [D] [U], professeur de mathématiques à l'Université d'Aix [Localité 15], avait un capital social de 51.000 francs, soit à peine plus que le minimum légal alors en vigueur.
Avec seulement 6 mois d'activité, essentiellement en qualité de sous-traitant d'une société CEF, Eurocef n'est pas, loin s'en faut, un acteur significatif et bien établi du marché de la promotion immobilière, disposant de compétences reconnues et d'un fonds de commerce propre.
Monsieur [B] écrit d'ailleurs qu'EUROCEF était de création récente, sans capitaux et donc fragile. Pourquoi avoir contracté avec ce client'
3- Sur le risque client
C'est sur la seule base de prévisions de ventes, de chiffre d'affaires et de résultats en décalage total avec la réalité, que Monsieur [B] présente aux membres du bureau du Conseil d'administration de la CRCAY, le 26 septembre 1989 le projet EUROCEF et celui-ci écrit d'ailleurs que les hypothèses sur 1990 ont été faites sans être appuyées par une étude comptable approfondie, et reposaient uniquement sur des estimations approximatives.
Pourquoi'
4 -Sur la violation des règles sur le monopole bancaire
4/1 - Comment peut-on avoir laissé écrire dans un protocole que « pour les besoins de sa mission », Eurocef est autorisée à utiliser le sigle de la CRCAY'
4/2 - Comment la CRCAY a-t-elle pu consentir à Eurocef « un mandat permanent pour négocier (') auprès de toutes personnes, les formules de crédit et l'ensemble des formes de financement que [la CRCAY] propose pour les acquisitions immobilières par les entreprises et les particuliers (mandat du 23 novembre 1989)'
5- Sur le respect de la conformité
5/1 - Au regard de la règlementation précédemment rappelée, qui s'impose aux Caisses de Crédit Agricole dans la délimitation de leurs activités de financement de l'économie en lien avec le monde agricole, Eurocef ne répond à aucun des critères définissant un « usager » des Caisses, que ce soit par son activité ou par son implantation géographique. Il en est de même de la plupart des emprunteurs, constitués dans ces opérations par des acquéreurs réalisant une opération en défiscalisation dans un territoire d'Outremer.
Comment l'expliquer'
5/2 - Le rapport IGA de juin 1993 ne laisse-t-il pas entendre que les termes du partenariat impliquaient soit une redéfinition soit une rupture dans un cadre négocié pour éviter le risque d'un procès pour violation des engagements souscrits'
6 - Sur la prise de participation [S]
Au-delà même de la régularité de l'entrée d'[S] dans le capital d'Eurocef, celle-ci réalisée sur la base d'une valorisation d'Eurocef à 12 millions de francs (23.630 francs la part), soit 21,6 fois le résultat net qui sera ultérieurement dégagé au 31 décembre 1989 (de 952.213 francs). Pourquoi'
7 - Sur le contrôle interne
7/1 - Comment se faisait le reporting sur ces opérations'
7/2 - Quel était le suivi des risques : pourquoi aucune réaction sur l'augmentation permanente des risques '
7/3- Il faut attendre fin février 1993, et la dégradation de la situation financière de la CRCAY, pour voir M. [B], Directeur Général de la caisse être remercié et remplacé par une nouvelle équipe dirigeante qui affichait sa volonté de réorienter complètement la stratégie antérieure pour la recentrer strictement sur son activité territoriale.
De 1989 à mars1993, au-delà même des accords conclus en 1989, les relations de la société EUROCEF avec la CRCAY se sont intensifiées avec le montant des engagements assuré par la banque et l'augmentation des protocoles passés, certains relatifs aux différentes opérations immobilières dans lesquelles les partenaires ont décidé de s'engager, d'autres précisant et complétant les modalités de leur collaboration, ou encore actualisant les accords de fond passés en 1989.
On relève notamment :
- un protocole en date des 17 mai et 17 juin 1991 jetait les bases d'une très importante opération de promotion immobilière dénommée NOVAPARC à [Localité 13], à laquelle étaient parties la société EUROCEF, la CRCAY, la société ICAUNA, et la CRCA de la Martinique.
- Un pacte d'actionnaires du 16 octobre 1991.
- les accords portés dans la lettre du C.A. du 9 juin 1992 sur l'opération DIAMANTEL.
- le protocole du 5 août 1992 sur l'opération LES HAUTS DU DIAMANT.
-un protocole en date du 10 novembre 1992 reconduisant la collaboration et le partenariat institués dans les pactes antérieurs.
- le protocole de reprise d'EPC devenue Groupe Construire du 11 février 1993.
Comment justifier ce comportement'
7/4 - APRES MARS 1993 ET JUSQU'A JUIN 1993
Pourquoi la CRCAY et sa filiale prennent-elles part, en contradiction avec la règlementation applicable, à des opérations particulièrement aventureuses et préjudiciables à leurs intérêts, notamment dans le domaine immobilier avec la société Eurocef'
Pourquoi les relations entre la Caisse et EUROCEF se poursuivent-elles à peu près normalement cependant, en étant toutefois marquées par des anomalies dans le traitement des dossiers provenant de Nouvelle Calédonie, et des difficultés inexplicables à entrer en contact avec la direction de la Caisse :
* un accord-cadre est passé le 5 mars 1993 déléguant à EUROCEF la maîtrise d'ouvrage et la commercialisation du programme NOVAPARC.
* un pacte d'actionnaires est passé sur l'opération DIAMANTEL du 19 mars 1993.
* les accords sont inscrits dans les statuts d'EUROCEF-EXPANSION du 9 avril 1993.
* un accord sur les MODALITES DE MISE EN OEUVRE du partenariat date du 12 juin 1993.
* le protocole sur l'opération MOULIN-BASSET est passé le 26 juin 1993.
* les accords sont passés le 7 et 8 juillet 1993 sur l'opération ALBARENA.
* des accords sont pris le 6 août 1993 sur le financement des dossiers NOUVELLE-CALEDONIE.
* Le pacte d'actionnaires sur l'opération MOULIN-BASSET date du 7 août 1993'
Pourquoi M. [Y] était-il maintenu en fonctions avec l'ensemble de ses prérogatives antérieures et n'a-t-il reçu aucune instruction d'intervenir auprès d'EUROCEF pour lui annoncer une remise en cause de la relation nouée avec la banque depuis des années (licenciement juillet 1993) alors que la CNCA diligentait en mars et avril 1993 une mission d'inspection qui mettait en évidence, dit-elle, de graves anomalies dans la gestion de la CRCAY, des prises de risque injustifiées en termes de financement et de prises de participations en capital et une sous-estimation considérable des risques'
D'ailleurs, lors de la rencontre des représentants d'EUROCEF avec les membres de la mission de l'inspection générale de la CNCA (I.G.A.) et plusieurs cadres dirigeants de la CRCAY, qui s'est déroulée à [Localité 11] en mars 1993, il était fait un tour d'horizon des relations des parties et un examen approfondi de l'opération NOVAPARC qui à l'échelle de la CRAY était très importante et le rapport rendu en juin 1993 par I'I.G.A. à la suite de sa mission d'inspection approfondie de la CRCAMY (Pièce 43), montre que les performances et la qualité de la société EUROCEF y étaient reconnues, que les opérations conduites en partenariat avec la Caisse avaient été examinées, et que les réserves concernant celles-ci y étaient quasiment inexistantes ; en particulier, on peut y constater que les compléments très importants de provisions préconisés par l'I.G.A. pour la CRCAMY et ICAUNA, ne concernent ni la participation d'[S] dans EUROCEF, ni l'opération NOVAPARC.
Doit-on trouver une réponse dans le rapport même lorsqu'il pointe « des contraintes contractuelles déjà lourdes mais qui coûteront plus cher encore en cas de litige » '
7/5 - Comment le fait que le rapport ait été déposé le 3 juin 1993 peut-il justifier la poursuite de la même politique '
Comment peut-on soutenir que l'inspection n'avait alors pas permis à ce stade de mener à bien une analyse complète de la situation générale de la CRCAY et que cette analyse ne devait intervenir que dans les mois suivants, alors que cette analyse a été réalisée dans le but d'arrêter les comptes annuels de la Caisse dans les délais'
Comment le groupe CNCA peut soutenir que par le truchement de montages complexes, les dirigeants de l'époque de la CRCAY ont pu confisquer à leur profit exclusif et en méconnaissance de la règlementation applicable à cette date, l'ensemble des capacités de décision de la Caisse, normalement de la compétence de son Conseil d'administration'
7/6 - comment expliquer le non-respect des règles sur le conflit d'intérêt '
- Monsieur [Y], fondé de pouvoir de la banque et en charge de l'immobilier est en même temps le président de NOVAPARC, le client
- prise de participation directe de Messieurs [B] et [Y] au sein de la société L2B qui sera créée avec Monsieur [U] et un intéressement des intervenants au sein de la Caisse, aux crédits consentis par l'intermédiaire d'Eurocef.
- Monsieur [B] à la fois Directeur Général de la CRCAY, gérant d'[S] et représentant d'[S] au Conseil de surveillance d'Eurocef.
8 - Sur le contrôle comptable et financier
8/1 - S'agissant de la tenue de la comptabilité
Comment peut-on écrire que l'analyse des contrats de crédit mise en place avec Eurocef était d'autant plus difficile à réaliser que la comptabilité de la Caisse, jusqu'ici établie sous l'autorité directe de Monsieur [B], n'individualise pas en tant que tels les crédits qui s'y rapportent, alors que c'est une obligation résultant de la règle sur la division des risques '
Comment peut-on expliquer que les crédits accordés par la CRCAY dans le cadre des opérations EUROCEF aient le plus souvent été assortis de phases d'anticipation et que cela a pour conséquence d'en retarder l'amortissement et donc de retarder l'arrivée des échéances impayées , d'où l'augmentation des défauts de paiement sur crédits-acquéreurs dans des proportions importantes qu'en 1994, au regard des obligations comptables bancaires '
8/2 - S'agissant du back office
Comment peut-on justifier les écritures soutenant que la complexité des montages mis à jour par les premières analyses, autant que l'importance des enjeux financiers, ont nécessité qu'il soit fait appel à des compétences extérieures à la Caisse pour comprendre l'imbrication des relations, de reconstituer les opérations, d'appréhender les risques financiers, techniques et commerciaux, alors que l'obligation de documenter les dossiers est une règle de prudence élémentaire en matière bancaire'
8/3 - S'agissant de l'analyse des comptes
Comment expliquer qu'ICAUNA en violation des dispositions légales applicables n'ait pas été intégrée dans le périmètre de consolidation '
Comment peut-on dire que dans son rapport du 3 juin 1993, la mission d'inspection avait certes identifié des anomalies dans la gestion de la CRCAY et des prises de risques inconsidérées dans le domaine immobilier mais qu'à ce stade aucune information précise ne lui était fournie sur les relations particulières entre la CRCAY et Eurocef '
Comment peut-on écrire que jusqu'en décembre 1993, la Commission de Gestion Provisoire va essentiellement s'attacher à traiter par priorité les opérations qu'elle a pu identifier et qui concernent des financements accordés par la CRCAY dans le domaine industriel et des services (comme par exemple une opération BVA ou une opération SIM), même si des doutes étaient apparus sur le financement par la CRCAY d'opérations immobilières réalisées avec Eurocef '
9 - Sur le contrôle juridique
9/1 - Comment expliquer que l'ensemble des contrats signés par Messieurs [B] et [Y], pour le compte de la CRCAY et d'[S] avec Eurocef soient conservés au cabinet de l'avocat d'Eurocef et donc non détenus par la banque, alors que c'est une obligation prudentielle ' une obligation juridique (contrat synallagmatique)'
Notamment le contrat du 25 novembre 1989, qui fixait les engagements de coopération des parties et prévoyait les conditions et modalités de la prise de participation d'[S] au capital d'Eurocef
Comment expliquer qu'une note du 8 août 1990 des services de l'audit de la CRCAY ne fait référence qu'à l'« engagement de coopération du 23 novembre 1989 » et demande, huit mois après que l'opération ait été réalisée, si cette convention « s'est (') traduite ou se traduira (') par une prise de participation dans » Eurocef '
9/2 - Pourquoi la signature du protocole du 10 novembre 1992 par Monsieur [B] ne respecte pas la règlementation des conventions règlementées puisqu'elle n'est pas mise en 'uvre alors que celui-ci est à la fois Directeur Général de la CRCAY, gérant d'[S] et représentant d'[S] au Conseil de surveillance d'Eurocef, le protocole ne pouvant ressortir du domaine des conventions courantes conclues à des conditions normales'
Il en va de même pour la signature par Monsieur [Y] du protocole du 11 février 1993 et de celui du 12 juin 1993.
9/3 - Comment EUROCEF et Icauna ont pu être associées à compter de novembre 1990 de la société civile EUROPEENNE FINANCIERE et comme telle, indéfiniment responsables '
10 - S'agissant du suivi des risques
10/1 - Les éléments économiques et financiers présentés par Monsieur [B] au bureau du Conseil d'administration de la Caisse du 26 septembre 1989, sur la base des prévisionnels approuvés par les associés d'Eurocef lors d'une assemblée générale des 1er, 2 et 3 août 1989, étant grossièrement surévalués puisque Monsieur [B] annonce au bureau un chiffre d'affaires prévisionnel pour 1989 de 13,4 millions de francs et un bénéfice non imposable de 6 millions de francs (correspondant au bénéfice estimé par les associés d'Eurocef lors de l'assemblée des 1er, 2 et 3 août 1989 entre 5,6 et 5,7 millions de francs), Eurocef réalise, lors de cet exercice, un chiffre d'affaires de 6,1 millions de francs, soit deux fois moins qu'annoncé, et un résultat de 952.213 francs, six fois inférieur.
Pourquoi un contrôle n'est-il pas fait en demandant le bilan en fin d'exercice'
10/2 - en octobre 1992, le Comité des prêts a donné un avis favorable à l'ouverture de crédit en compte courant pour un montant maximum de 5 millions de francs, sous la condition toutefois d'un engagement d'Eurocef à « accroître [son] capital d'un montant minimum de 2.000.000 F au plus tard le 1er octobre 1993 ». Pourquoi la banque a-t-elle accepté que cet engagement ne soit jamais suivi d'effet'
11 - indépendance de la banque
Que dire de la perte d'indépendance de la Banque, au travers tant des liens qui l'unisse à Eurocef que de propositions d'intéressement, la volonté de Messieurs [B] et [Y] de tenir les relations entre la Caisse et Eurocef à l'écart de tout autre contrôle sont insuffisants au regard des règles bancaires'
Comment peut-on s'appuyer du côté de la banque sur la lettre du 17 avril 1992 que Monsieur [U] a adressée à Monsieur [B], en soulignant qu'il s'adresse à lui en sa « triple qualité de Directeur Général de la Caisse de l'Yonne, de Gérant de [l'] associée [d'Eurocef] Icauna et de membre du Conseil de Surveillance d'Eurocef alors que c'est à l'évidence la preuve du dysfonctionnement'
***
questions à Cray / Cram
Mêmes questions dès lors qu'il est attesté que des réunions mensuelles du Conseil d'administration avaient eu lieu à cette époque.
Au surplus, alors que le rapport d'activité d'Eurocef présenté par Monsieur [U] au Conseil d'administration de la CRCAY du 26 juillet 1991, montre que le Conseil connaissait nécessairement le montage anormal mis en place, au moins dès cette date, les résultats réels d'Eurocef et démontre qu'il aurait pu poser les questions utiles dès lors qu'Eurocef, qui lors de la présentation au bureau du Conseil d'administration de la CRCAY le 26 septembre 1989 prévoyait de traiter en 1989 environ 400 dossiers, n'a en a réalisé que 180.
Et d'ailleurs, ce différentiel est encore plus significatif pour l'année 1990, puisque sur les 1000 à 1500 dossiers annoncés, seuls 184 seront réalisés.
Enfin, ses données sont très au-dessus des résultats réels.
La CRCAY ne peut prétendre ne pas avoir été au courant puisqu'elle écrit le 16 février 1994 à Eurocef :
« Nous revenons vers vous au sujet des plans prévisionnels de trésorerie que nous vous avons demandés par lettre du 26 janvier dernier restée sans réponse à ce jour
malgré nos relances téléphoniques. Nous vous rappelons que cette lettre du 26 janvier était elle-même la confirmation de la demande faite par lettre du 13 décembre 1993 de tableaux réguliers concernant les besoins et flux de trésorerie de la société (').
L'examen de l'évolution du solde des comptes et ouvertures de crédit dont vous disposez dans nos livres, comparée notamment à celle de l'année précédente nous
paraît inquiétante. »
Sans réponse d'Eurocef à son courrier, le 22 mars, puis le 4 mai 1994, la CRCAY lui demande, d'ailleurs vainement, de revenir, pour le 11 mai, dans la limite du découvert en compte courant autorisé de 5 millions de francs.
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questions à EUROCEF
1 - la lettre du 17 avril 1992 que Monsieur [U] a adressée à Monsieur [B], en soulignant qu'il s'adresse à lui en sa « triple qualité de Directeur Général de la Caisse de l'Yonne, de Gérant de [l'] associée [d'Eurocef] Icauna et de membre du Conseil de Surveillance d'Eurocef " montre à l'évidence la connaissance du dysfonctionnement bancaire de la CRAY depuis le départ ; Comment EUROCEF peut-il se contenter d'invoquer la turpitude du groupe CNCA, d'autant que c'est dans le contexte de la mission d'inspection de la CNCA et de leur départ de la CRAY, bien conscients du caractère pour le moins « atypique » de leur situation que Messieurs [B] et [Y] cèdent leurs participations dans le capital de L2B, le 5 juin 1993 et que le 28 juin 1993, Monsieur [U] et Monsieur [XK], cessionnaires des parts de Messieurs [B] et [Y], décident la distribution d'un bénéfice de 132.000 francs'
2 - Le montage mis en place entre la CRAY et EUROCEF à base de protocoles et du montage de structures sociales porteuses n'a-t-il pas eu pour seul objectif de permettre à Eurocef, ses fondateurs et ses dirigeants, de percevoir des rémunérations importantes et injustifiées, de financer des opérations immobilières non équilibrées et partant puisque ces programmes, entièrement financés par le Crédit Agricole, ont été un échec : déconfiture de EUROCEF et sauvetage de CRAY, la question ne pouvant se résumer en se rejetant mutuellement la faute'
Ces résultats ne sont-ils pas essentiellement le fait de l'échec de la commercialisation des programme et du poids considérable des commissions néanmoins prélevées par Eurocef'
au regard de :
- l'importance des commissions, frais et autres dividendes revenant au groupe Eurocef,
- l'échec dans la commercialisation des programmes,
- la situation financière déficitaire de chacun d'entre eux'
3 - Le constat de la situation contractuelle ne montre-t-il pas un déséquilibre contractuel patent :
-d'un côté Eurocef n'assume aucun risque, pas même celui d'une mise de fonds, puisqu'elle ne dispose d'aucun fonds propres et prélève des commissions qu'elle redistribue à ses associés sous forme de dividendes,
-de l'autre, le Crédit Agricole qui, au travers de la CRCAY et d'[S] assume tous les risques : prises de participations, financement d'Eurocef, financement des opérations de construction, financement des acquéreurs, aux meilleurs taux et sans réelles garanties, abandon à Eurocef de ses prérogatives en matière d'octroi de crédits'
4 - comment exliquer que malgré l'absence de trésorerie et de fonds propres disponibles, Eurocef a distribué des rémunérations et des dividendes à ses actionnaires fondateurs, pour près de 11 millions de francs, prélevés sur l'ouverture de crédit dont elle disposait auprès de la CRCAY'
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Questions à MM. [B] et [Y]
Comment les relations avec la nébuleuse EUROCEF se sont -elles nouées'
Comment les décisions ont -elles été prises au sein de CRAY et validées par les organes tant interne (conseil d'administration) qu'externes (la tutelle CNCA)'
Comment peuvent-ils expliquer la violation des règles d'indépendance et d'éthique résultant de leur position de banquier et de personnes intéressées directement ou indirectement dans les activités financées. Quid du dépassement de leur fonction par les intéressés et de l'engagement ou non de la responsabilité de leur mandataire ou employeur par leurs actes'
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SUR CE,
I - sur l'appel du jugement du 28 mai 2009 du tribunal de commerce d'Auxerre
Sur la recevabilité de l'appel
La cour rappelle que l'ordonnance du conseiller de la mise en état a dit recevable l'appel formé sur ce jugement et que la décision n'a pas été déférée.
Sur la péremption de l'instance
Par son jugement du 28 mai 2009, le tribunal a donné acte à maître [TB] de son intervention volontaire et de la reprise de l'instance, rejeté la demande de péremption d'instance et ordonné la révocation du sursis à statuer prononcé le 16 septembre 1996 et la poursuite de la procédure.
Le CREDIT AGRICOLE invoque l'article 386 du Code de Procédure Civile pour soutenir la péremption.
La cour observe qu'en application de l'article 378 du même code, lorsque la suspension du délai de péremption est la conséquence d'une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé, un nouveau délai court à compter de la réalisation de cet événement.
Le jugement du 16 septembre 1996 avait ordonné le sursis à statuer dans l'attente et de l'issue de la procédure pénale en cours à Paris et du dépôt du rapport de l'expert nommé par le tribunal de commerce de Marseille sur l'application de l'article 180 de la loi de 1985.
En l'occurrence, le dernier rapport d'expertise a été déposé le 19 septembre 2003 mais la procédure pénale en cours ne s'est pas achevée par l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour en date du 24 janvier 2006 puisque certains chefs résiduels d'infraction ont donné lieu à renvoi et que la décision de relaxe est intervenue le 5 novembre 2008 et a fait l'objet d'un pourvoi rejeté le 11 janvier 2012. Au surplus, il convient de rappeler que le juge d'instruction de MARSEILLE a rendu une ordonnance de non-lieu le 10 juin 2011 au bénéfice du CREDIT AGRICOLE, qui a été confirmée par un arrêt de la Cour d'Appel d'AIX du 23 novembre 2011 lequel a été frappé d'un pourvoi et l'on ne connaît pas la suite réservée à ce dernier.
Il apparaît ainsi que la péremption n'est pas acquise, le CREDIT AGRICOLE étant mal venu en faisant un appel provoqué contre les personnes qu'elle avait mises en cause dans le cadre de cette procédure pénale et elle aurait été la première à invoquer une éventuelle condamnation pour venir au soutien de son argumentation.
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II ' sur l'appel du jugement du 5 mars 2012 du tribunal de commerce d'Auxerre
Sur l'estoppel
La cour ne fera pas droit au moyen soulevé à ce titre observant que les méandres procéduraux de cette affaire font que des instances ont été ouvertes devant des juridictions du sud et du nord de la Loire sans jamais que soit ordonné au plan civil comme au plan pénal de jonction par connexité puisqu'il s'est agi à chaque fois, et comme dans une partie de ping pong, de répondre à la procédure initiée par l'autre, le CREDIT AGRICOLE attaquant au nord et défendant au Sud et EUROCEF faisant l'inverse.
Cette absence volontaire d'approche globale des différends opposant les mêmes parties, sous des qualifications juridiques différentes des mêmes faits, a nécessairement conduit à se contredire si l'on regarde les choses du haut mais à argumenter de façon spécifique en réalité dans chaque contentieux et il apparait ainsi abusif et spécieux à la cour de voir les parties alors invoquer l'estoppel pour empêcher enfin la vison globale des faits.
Sur le fond
Liminairement, la cour observe :
- aux termes des explications reçues dans le cadre des débats et des réponses apportées aux questions posées, outre l'analyse des pièces communiquées
- aux termes des comptes rendus des conseils d'administration, notamment de la CRCAY, et de ceux du comité de prêts, découverts dans le rapport [C] figurant en procédure,
que :
1- la CRCAY et sa filiale ICAUNA ont mis en place avec la société EUROCEF devenue le groupe EUROCEF un partenariat reposant un principe de co-action qui s'est traduit :
- S'AGISSANT DE CRCAY/IACAUNA
' en termes d'activité par une extension du domaine d'intervention de la Caisse au financement d'opérations de promotion immobilière et au financement de l'acquisition par des particuliers ou des entreprises, y compris hors de son ressort territorial habituel.
Et ce partenariat était si étroit qu'il créait une interdépendance complète entre la Caisse et EUROCEF puisque :
' au point qu'une cellule conjointe spécifique avait été mise en place au sein de la Banque des particuliers de la CRCAY et un cadre de fonctionnement commun défini.
' en termes d'emplois par des concours à EUROCEF de 7,6MF au 28 février 1995, un financement de programmes immobiliers à hauteur de 133MF et des prêts aux acquéreurs individuels de 426MF
' en terme de résultats :
* pour CRCAY : par une forte progression des produits d'exploitation bancaires de la caisse régionale (45% à compter de 1989) avec un léger tassement en 1993 et une augmentation corrélative du profit net bancaire de 39%. L'activité était ainsi bénéficiaire jusqu'en 1991, déficitaire en 1993 à raison de l'importance des provisions et équilibrée en 1993.
* pour ICAUNA : par un chiffre d'affaires peu élevé en raison de la faiblesse des produits de participation et un résultat déficitaire en raison notamment de l'importance des charges financières et intérêts sur les avances consenties par la CRCAY les provisions pour dépréciation des titres de participation.
Il est certes indiqué que les comptes annuels de CRCAY pour l'exercice 1992 ont fait apparaître un déficit de 170MF et non de 70MF annoncés par Monsieur [B] et des perspectives de pertes sur 1993 de 520MF alors que le capital de la Caisse était de 366MF, ce qui devait conduire CNCA à intervenir par des abandons de créances, des prêts subordonnés et des mesures de restructuration de CRCAY par fusion absorption par la [Adresse 7], mais il n'est pas indiqué le poids des opérations EUROCEF dans ces chiffres. Par contre, il est souligné qu'à l'aggravation des risques s'est ajoutée la dégradation du tissu économique qui ont transformé des risques potentiels en pertes ou créances douteuses ou litigieuses, l'actif net étant devenu négatif de 806MF (1994)
2 ' ce partenariat repose sur les accords de 1989 constituant une décision stratégique de gestion dont l'objet était de développer les opérations de prêts aux particuliers et cette orientation résulte d'une décision prise par le bureau du conseil d'administration de la caisse régionale le 28 septembre 1989, le président du conseil n'estimant pas utile de convoquer pour ce faire le conseil pour lui soumettre la question.
L'aspect stratégique de la décision tient à ce qu'il s'agissait d'une nouvelle orientation de l'activité emportant non seulement le recours à des opérations de crédit classique mais aussi à des opérations de type capital risque fondé sur des promotions immobilières autofinancées d'un bout à l'autre de la chaîne de production puisque CRCAY finançait les acquéreurs, le promoteur et le commercialisateur.
Au surplus, il ressort des actes passés que la décision de rentrer dans le partenariat avec EUROCEF était d'autant plus stratégique que CRCAY apportait :
- le financement des programmes immobiliers sans que, dans la plupart des cas, les promoteurs aient besoin de faire des apports en fonds propres (comité des engagements),
- La garantie de réalisation des travaux (comité des engagements)
- Le financements des acquéreurs sur la base d'une analyse de risque ne respectant pas les critères habituels de prudence (banque des particuliers).
Par ailleurs, CRCAY acceptait :
- la présentation par EUROCEF de budgets ne présentant pas les prix publics et l'absence de suivi des commissions de commercialisation,
- la modification fréquente des principaux paramètres budgétaires des programmes s'interdisant ainsi un suivi de l'évolution des éléments prévisionnels avec les réalisations,
la sous-estimation par EUROCEF et le promoteur des coûts de construction.
Autrement dit, CRCAY , sur la base de budgets fictivement équilibrés, s'est engagée au niveau financier et des garanties données aux promoteurs sans mesurer les risques juridiques et financiers sous-jacents.
3 ' conformément aux statuts, ce nouvel axe stratégique a bien été pris par le conseil d'administration :
4 ' ce nouvel axe stratégique a été géré dans le cadre des mécanismes mis en place au sein de la CRCAY :
Par ailleurs, le comité des engagements est intervenu sur les programmes immobiliers suivants :
SCI PIERRE LOTI: comité des engagements du 15 janvier 1991
SCI GALLIENI; comités des engagements du 31 mars 1992 et 19 mars 1993
SCI Hauts du diamant: comité des engagements du 13 octobre 1992
SCI Diamantel: comité des engagements du 2 juin 1992
opération Moulin Basset : comité des engagements du 16 septembre 1992
opération NOVAPARC: comités des engagements des 6 octobre 1992 et 2 + comité d'investissement [S] du 23 septembre 19914 septembre 1994
et a pu poser des conditions qui n'ont été respectées ni en terme de durée, montant des engagements, conditions préalables.
5 ' cette nouvelle activité était connue et suivi par la CNCA puisque :
Force est ainsi de constater que CRCAY a accepté de prendre tous les risques et ne pouvait pas ne pas en avoir conscience puisque :
- il violait le principe de division des risques en prenant une participation au capital du client, qu'il finançait à 100%, comme il finançait les opérations de construction initiées par lui sous d'autres entités liées, comme il finançait la réservation et la vente des programmes immobiliers ainsi construit avec des conditions de taux et et de garanties extraordinaires,
- il assumait ainsi un nouveau risque celui du banquier entrepreneur alors qu'il n'est pas justifié que cela figurait dans les activités accessoires autorisées par l'autorité de tutelle puis le CECEI.
Force est également de constater que CRCAY a conservé sa liberté dans l'octroi des prêts aux acquéreurs, les promoteurs, les constructeurs et EUROCEF.
*
S'AGISSANT D'EUROCEF
Il est démontré qu'EUROCEF a pu, grâce au partenariat avec CRCAY créer un réseau commercial en ouvrant des agences notamment dans les TOM et décidé de commercialiser directement les produits de promoteur, s'assurant ainsi un fonds de roulement lui permettant d'intervenir dans les programmes immobiliers de plus en plus nombreux : EUROCEF recevait en effet dans ce cadre des recettes conséquentes au titre de la commercialisation sans prendre aucun rique puisque c'était la banque qui :
* assurait le financement de la construction aux SCI mises en place,
* permettait aux acquéreurs dans les programmes immobiliers de bénéficier de conditions de financement favorables.
La construction juridique mise en place lui permettait d'ailleurs de complexifier le réseau des prélèvements et de blanchir les remontées de fonds par la création d'entités pouvant être fictives en ce qu'elles n'avaient en réalité aucune autre fonction que de s'interposer pour opérer des prélèvements dégageant ainsi en l'absence de charges des bénéfices, distribués aux associés au nombre desquels figuraient des personnes physiques dirigeantes d'EUROCEF et de CRCAY dans des conditions curieuses qui n'ont pas intéressé les juges d'instruction saisis.
L'exploitation a ainsi été bénéficiaire jusqu'au 28 février 1993, le déficit de l'exercice suivant étant la conséquence de la chute des produits d'exploitation (-5,8MF) et de l'augmentation des charges (+ 1,5MF).
De 1989 à1993, EUROCEF a de fait pu multiplier par 4 son chiffre d'affaires, par 4,62 son résultat d'exploitation, par 2,35 son bénéfice, par 4,5 son personnel et par 12 ses charges de personnel, de même qu'elle a multiplié ses agences commerciales et donc ses frais de structure correspondants pour soutenir une multiplication par 15 de ses programmes immobiliers.
Elle n'a pas oublié que cette expansion, entraînait une multiplication des besoins de trésorerie mais l'a fait porter par CRCAY, et un renforcement de ses fonds propres qu'elle a sacrifié, compte tenu du soutien indéfectible de CRCAY, à la perception de dividendes, occultant par là le caractère cyclique des ventes des programmes immobiliers, le décalage des paiements, l'augmentation du taux d'annulation des réservations et des ventes ce qui la plaçait en situation de totale dépendance de CRCAY et a augmenté sans cesse sa demande de soutien financier (jusqu'à 9MF) malgré le recours à un système de préfinancement puisqu'elle a institué un prélèvement de ses honoraires sur les réservations et non sur les ventes réalisées.
Au passage, la cour relève que si CRCAY/ICAUNA sont minoritaires au capital d'EUROCEF, elles étaient majoritaires en voix au conseil de surveillance avec leur représentant.
Autrement dit, on ne peut que constater qu'EUROCEF, en n'assumant aucun risque, a , sans fonds propres, constitué un système de prélèvement de commissions et honoraires en tuyau dans la mise en oeuvre de programmes immobiliers intrinsèquement déficitaires qu'elle initiait puis gérait de fait pour pouvoir les recevoir puis en les multipliant pour accroître ses gains et prétendre ainsi à un développement sérieux et une viabilité chimérique.
*
La cour constate en effet qu'aux termes des différents rapports d'expertise menés dans les diverses procédures conduites sur la relation CRCAY / EUROCEF qu'il est établi que le but du partenariat reposait sur une base fragile puisqu'existait un déséquilibre intrinsèque des opérations immobilières conduites ensemble.
L'équilibre financier des opérations immobilières reposait sur une commercialisation rapide des programmes du fait :
- d'un financement de la construction reposant essentiellement sur les crédits de CRCAY et le produit des ventes,
- d'une budgétisation à un niveau très faible des frais financiers,
-d'une difficulté de mise en location du stock en cas de mévente puisque l'écoulement du temps remettait en cause l'avantage fiscal faisant l'attrait du produit.
Or,
1 ' la performance commerciale effective d'EUROCEF a été largement en-deçà des objectifs,
2- la rémunération a été excessive : ainsi,
2/1 ' dans 4/7 programmes, EUROCEF a obtenu des commissions de commercialisation largement au-dessus du taux du marché (ALBARENA - hauts de l'Enclos ' Hauts du Dimant ' Novaparc), ce que conforte l'écart entre le taux de CEF (7,93%) et celui d'EUROCEF (19 à 30%)
2/2 ' dans 3 programmes (Pierre Loti, Gallieni et DIAMANTEL), EUROCEF a perçu d'autres types d'honoraires sans contrepartie réelle alors que le taux des honoraires de commercialisation était « raisonnable »,
' étant souligné qu'EUROCEF assurait de fait la direction effective globale des programmes, déterminant elle-même sa rémunération par différence entre le chiffre d'affaires théorique communiqué aux promoteur et banquier et le coût de production du projet, et donc les paramètres principaux que sont les prix de vente et les prix de revient.
3 ' pour pallier les échecs de commercialisation, EUROCEF a eu recours à des « artifices juridiques, comptables et économiques » s'apparentant à de la « cavalerie » puisqu'ils reposent sur une « fuite en avant », à savoir
* des accords contractuels déséquilibrés permettant aux associés de vendre leurs parts de façon surévaluée, de transférer le risque sur la banque, de s'octroyer par le jeu des honoraires, bénéfices et dividendes une part des financements mis en place par CRCAY
* l'exigibilité des honoraires dès la réservation et donc avant réalisation de la vente, l'activation des charges financières au-delà des dates légales pour reporter la dette sur le futur, la perception d'honoraires sans contrepartie,
* le quasi abandon de la commercialisation dès qu'elle prend du retard, le lancement permanent de nouveaux programmes de manière à collecter plus facilement des honoraires (de montage ou de commercialisation des lots les plus vendables)
' au point qu'un des experts a pu écrire qu'EUROCEF avait manifestement sacrifié la qualité pour s'attribuer le maximum d'honoraires, l'échec de la commercialisation tenant à des moyens mis en place inadaptés et à un positionnement qualité/prix inadapté au marché, ce qui a conduit à aller à l'encontre même du caractère spécifique du produit vendu : un produit immobilier de défiscalisation, cependant mis en avant pour la commercialisation.
* le recours à des documents prévisionnels non fiables car non homogènes,
* l'absence de passation des provisions adéquates au regard des règles comptables,
* la surfacturation en faveur de certains prestataires de services,
* le détournement d'une partie des recettes locatives (PGC par exemple) sur un compte ouvert dans une autre banque que CRCAY et contraire aux engagements figurant dans l'article 9 titre III des conventions de crédit (exemples opérations Pierre LOTI et Galliéni)
DES LORS :
Sur la nullité des protocoles et accord cadre entre CRCAY / IACAUNA et EUROCEF et les entités en émanant
La cour considère que ces actes juridiques sont parfaitement valides, licites, réguliers même s'ils couvrent des opérations déséquilibrées n'ayant pas de logique économique dès lors qu' ils ont une justification économique.
Le fait que la banque ait accepté de financer des opérations de construction et de commercialisation de programmes immobiliers par EUROCEF nécessairement déficitaires, dont la logique économique conduisait chacun à avoir un intérêt à les multiplier pour percevoir les commissions bancaire ou les commissions et honoraires de commercialisation justifiant le principe même des accords passés dans une fuite en avant aux conséquences inéluctables, ne remet pas en cause la force et la portée des accords conclus.
Sur la rupture ou la violation des dispositions contractuelles
La cour ne peut que constater que l'intervention de CNCA a mis fin aux accords passés avec EUROCEF et s'est traduit par la mise en place de la cellule RCR/AR, la commission de gestion provisoire et la commission de gestion au sein de la direction des relations avec les caisses régionales de CNCA puis le mandat de gestion donné à CNCA par CRCAY du 16 février 1995.
Elle rappelle que cette substitution est réglementaire pusique l'article 635 du code rural prévoit que la commission se substitue au conseil d'administration de la Caisse régionale.
La cour constate que la gravité du comportement d'une des parties n'est pas en cause et que la question qui se pose est celle de la poursuite de dispositions contractuelles reposant sur le déséquilibre financier des opérations portées au terme des engagements contractuels et conduisant à aggraver, comme dans une visse sans fin au regard d'une durée fixée à la durée de vie d'EUROCEF, les engagements financiers des deux parties.
Elle considère ainsi qu'il était justifié que soit mis fin, même de façon unilatérale, mais au risque et péril de chacun, aux engagements contractuels dès lors qu'il en résultait une mise en péril de l'un ou de l'autre ou des deux en l'occurrence, étant au surplus observé que la poursuite des opérations ne pouvaient que conduire à des agissements susceptibles de recevoir une qualification pénale, non seulement au regard des responsabilités de chacun à l'égard des entités impliquées par les personnes physiques agissantes, mais des personnes physiques victimes trompées par les apparences fictives, fausses ou chimériques données aux opérations conduites en commun par CRCAY et EUROCEF.
Sur la rupture du crédit
La cour constate que :
* le comité des engagements avait donné un avis favorable à l'ouverture de crédit en compte courant pour 5MF sous condition, non satisfaite, d'une nouvelle augmentation de capital d'EUROCEF de 2MFau plus tard le 1° octobre 1993,
* l'autorisation de découvert avait dépassé en janvier 1993 et en novembre 1993,
* aucune suite n'a été donnée à la demande de CRCAY du 13 décembre 1993 de recevoir des tableaux réguliers sur les besoins et flux de trésorerie d'EUROCEF,
* le courrier du 19 avril 1994 d'EUROCEF qui n'a pas de fonds propres puisque l'augmentation de capital de 4MF de 1989 a été consommée en août 1990, montre dans le prévisionnel de l'activité sur les mois à venir qu'elle n'a aucun moyen de reconstituer sa trésorerie dont les besoins croissent, sans le concours et donc le soutien abusif de CRCAY; et il est manifeste au regard des chiffres produits dans les pièces que l'on assiste à l'écartement des branches du ciseau puisque les besoins de trésorerie déjà totalement utilisés s'accroissent alors que les recettes provenant des commissions et honoraires pour une part injustifiées diminuent du fait de l'échec relatif de la commercialisation des programmes immobiliers.
Elle rappelle que le préavis de l'article 60 de la loi bancaire disparaît non seulement en présence d'un comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit mais aussi en présence d'une situation irrémédiablement compromise du débiteur, ce qui est le cas.
En l'espèce, la rupture du crédit n'a pas été brutale et résulte sinon d'un courrier en bonne et due forme de la remise en cause tant des engagements contractuels pour un motif fondé (cf supra) que de multiples décisions financières s'inscrivant dans ce cadre :
- octobre/ novembre 1993, CRCAY commence à remettre en cause le partenariat avec EUROCEF puisque la Caisse renouvelle les crédits accordés (découvert autorisé de 5MF et dailly de 4MF) mais refuse de mobiliser des créances sur des opérations immobilières et le paiement de commissions ; par ailleurs, elle ne finance plus les dossiers de prêts des acquéreurs, bloquant alors les ventes, les sources des commissions bancaires et les honoraires revenant à EUROCEF qui ne pouvant faire face à ses engagements, déposait le bilan.
- Le 28 octobre 1993, CRCAY refuse de prendre une cession de créance tirée sur NOVAPARC de 1MF,
- Début 1994, CRCAY et ICAUNA qui depuis 1989 ont toujours payés les factures EUROCEF de commissions bancaires sur prêts aux particuliers ou à la promotion, les factures d'honoraires de négociation, cessent de la faire, CRCAY restant redevable de 530K€ (programmes MOULIN BASSET et HAUTS DE L'ENCLOS) alors que c'était CRCAY qui avait mis le groupe PROMOFRANCE (MOULIN BASSET) en relation avec EUROCEF (lettre 9 juin 1992).
- le 22 MARS 1994, le Crédit agricole écrit, suite à un dépassement par EUROCEF du découvert autorisé que la banque arrêtait les paiements (5,4MF au lieu de 5MF),
- le 16 février 1995, CRCAY signe un mandat de gestion de l'ensemble des procédures civiles, commerciales et pénales à CNCA, y compris ICAUNA, concernant EUROCEF, NOVAPARC, PROMOFRANCE, DOM/TOM.
La cour rappelle encore que CNCA n'avait pas d'autre alternative puisque, délégataire du pouvoir de contrôle de la Commission bancaire sur les établissements de crédit de son réseau, elle se devait de faire respecter la réglementation professionnelle et donc de mettre fin au système mis en place avec EUROCEF.
Sur la faute délictuelle dans l'application des accords contractuels
Outre le fait que le cumul de responsabilités pose difficulté puisque les agissements retenus sont en fait les mêmes que ceux retenus pour la faute contractuelle, la cour considère que pas même un abus ne peut être recherché dès lors que la société EUROCEF directement ou indirectement par le jeu des satellites mis en place est co-auteur de la situation créée, au niveau tant de la conception d'un partenariat inconséquent au plan économique d'une part et d'autre part, au niveau de sa mise en oeuvre. En effet, chacun a fermé les yeux sur l'évidente fuite en avant réalisée en mettant en avant l'accroissement permanent des revenus ou recettes de l'activité créée pour les entités et en profitant d'un système ayant permis aux personnes physiques animatrices du jeu, sinon de s'enrichir du moins, privilégiant leur intérêt personnel sur celui des entités gérées, de profiter largement, directement et indirectement de 'la pompe à finances'.
Sur le préjudice invoqué par EUROCEF
Au regard des développements ci-dessus, la cour n'y fera pas droit mais elle ne peut qu'être surprise :
- de constater avec le CREDIT AGRICOLE que les sommes réclamées puissent être incertaines puisque qu'elles passent suivant le temps et les écritures de
* 46 MF à titre principal et 27 MF à titre subsidiaire, outre l'augmentation du passif d'EUROCEF évalué à 994 611F, hors créances bancaires, et 1,5MF de préjudice moral
* à 57 MF et 32MF
*puis 26MF et 31MF,
' ce qui démontre à souhait le caractère aléatoire des demandes formulées.
- de voir réclamer un préjudice égal à la valeur de l'entreprise « détruite », au « passif anormalement généré par le dépôt de bilan » et au « préjudice moral » alors qu'EUROCEF n'a du sa valeur fictive qu'au soutien de CRCAY, qu'elle n'avait aucun fonds propre et n'a jamais cherché, au niveau de ses actionnaires, à en constituer malgré le montant des sommes passées entre ses mains, et qu'elle n'a constitué qu'un outil d'intermédiation, n'apportant en fait aucune valeur ajoutée.
La demande d'expertise sera bien évidement rejetée.
*
***
III - Sur la responsabilité de MM [B] et [Y]
La cour constate que :
1 - Monsieur [QR] [B] était :
* directeur General de la CRCAY du 1° avril 1985 au 25 fevrier 1993 avec delegation de pouvoirs de gestion interne et de distribution du credit sans limitation de plafond.
* gérant depuis sa constitution le 22 juin 1988 jusqu'au 29 juin 1993 de la societe ICAUNA.
* représentant permanent de la societe ICAUNA SARL au sein du Conseil de Surveillance de la Societe EUROCEF du 15 octobre 1991 jusqu'au 2 mars 1993.
* associé de la societe LB2 (1/3), constituée le 20 fevrier 1991 aux cotés de Monsieur [U] et [Y], laquelle avait pour objet de prendre des participations dans des sociétés civiles chargées de la réalisation de programmes de promotion commercialisés par EUROCEF.
Comme directeur général de CRCAY, (pouvoir lui avait été délégué par le conseil d'administration du 29 août 985) de gestion dans le cadre de la politique générale et des orientations arrêtés par le conseil d'adminsitration, de réalisation des crédits octroyés par le comité des engagements, d'octroi des cautions et aval, le tout sans plafond ; et plus spécialement, il était chargé du choix des politiques et des relations/opérations extérieures alors qu'un DGA était spécifiquement chargé de la mise en 'uvre des nouvelles structures par subdélégation de M.[B].
La cour observe que dans le cadre d'un protocole du 25 février 1993, CRCAY et Monsieur [B] ont passé un protocole transactionnel valant désistement d'instance et d'action, et engagement de n'introduire aucune procédure ou demande qu'elle qu'en soit la forme et pour quelque cause que ce soit.
Cependant, les intimés entendent démontrer que sa mise en cause n'est pas faite dans ce cadre mais au titre du mandat confié par le conseil d'administration de la Caisse, ce qui justifie que ledit conseil ait mis fin à ce mandat par décision du 28 février 1993, soit le lendemain de la rupture du contrat de travail.
Outre que les faits utilisés sont les mêmes, même si leur habit juridique diffère, la cour observe que :
- il apparait saugrenu de voir le groupe CREDIT AGRICOLE jouer sur la violation de la règle du conflit d'intérêts alors que la présentation du déroulement des faits démontre que l'ensemble des opérations conduites par Monsieur [B] s'est faite avec l'aval des organes maisons et conduisait à mettre CRCAY en conflit d'intérêts permanent avec les acquéreurs, les promoteurs et EUROCEF,
- les intimés cherchent à écarter le jeu de l'article 524-9 du code rural en confondant sciemment la désignation obligatoire de personnes investies de la responsabilité d'assurer le respect des orientations déclarées de l'établissement bancaire au superviseur de la profession, dont CNCA était réglementairrement le relai,
- le directeur général a mis en place une orientation stratégique définie et suivie en permanence par les organes de direction et de gestion de la Caisse.
Et même si Monsieur [B] a sudélégué à un tiers à la Caisse (Monsieur [K] d'EUROCEF) les pouvoirs à l'effet de consentir tous contrats de prêt au profit de toutes personnes acquérant de la société NOVAPARC et d'accepter tous engagements et garanties alors que cette subdlégation était interdite par les règles bancaires et n'a d'ailleurs pas été établie selon les formes habituelles, il démontre l'avoir fait dans le cadre des accords passés pour simplifier, fluidifier, accélerer la réalisation des opérations, sans qu'aucune des structures de contrôle n'y trouve à redire jusqu'à l'intervention de l'inspection générale groupe.
2 - Monsieur [VL] [Y], salarié et fondé de pouvoir, était responsable au sein de la CRCAY de la cellule promotion immobiliere depuis le 1° octobre 1990, avec délégation de pouvoirs en date du 26 octobre 1990 de Monsieur [B] en matiere de distribution de credit.
De 1989 à 1993, il était également :
* Vice-President du Conseil de surveillance de la société EUROCEF (à compter du 15 octobre1991)
* représentant permanent de la société ICAUNA au sein du conseil d'administration de la société NOVAPARC (du 5 mars 1991 au 24 septembre1993)
* fondé de pouvoir de la société ICAUNA au terme d'une assemblée générale du 7 septembre 1992
* President du conseil d'administration de la société NOVAPARC (du 22 septembre 1992 au 24 septembre 1993)
* associé à hauteur d'l/3 au capital de la societe L2B.
* associé à compter du 16 mai 1991 de la société EUROCEF(6 parts).
Les intimés soutienent ne pas rechercher sa resposnabilité sur le plan disciplinaire et prud'homal mais sur le plan de la faute civile de l'article 1382 du code civil.
Force est de constater qu'ils visent en permanence le manquement grave de Monsieur [Y] à ses obligations professionnelles, ce qui relève d'un autre contentieux, et vise, sous cet habillage juridique de la faute civile, à lui demander de supporter les conséquences éventuelles, à raison de fautes professionnelles commises dans la formation et dans l'exécution de la politique choisie par CRCAY, de la rupture des relations contractuelles avec EUROCEF à laquelle il n'a pas pris part, n'étant d'ailleurs pas partie aux conventions passées.
Au surplus, la cour entend sur la mise en cause de Messieurs [Y] et [B], rappeler que :
- le protocole originel de 1989 entre CRCAY et EUROCEF n'est que la mise en application de la réorientation de l'action de la CRCAY définie par le conseil d'administration ; et si Monsieur [B] a été le signataire du protocole du 10 novembre 1992, celui-ci n'a fait que prolonger les effets du protocole antérieur pour toute la durée d'existence d'EUROCEF, confortant sa trésorerie par l'augmentation des facilités accordées dans le sillage de la politique mise en place. Le seul point nouveau tient en effet à l'introduction d'une clause pénale.
- Les protocoles des 11 février 1993 et 12 juin 1993 passés pour l'un par la SARL PROMOGESTION CONSEIL et la CRCAY (monsieur [Y]) et définissant les concours apportés pour la reprise de la société de promotion immobilière EPC et pour l'autre par EUROCEF et la CRCAY (Monsieur [Y]) précisant le partenariat exclusif dont bénéficie cette entreprise et justifiant un commissionement spécifique, ils ne sortent pas de l'épure définie par le conseil d'administration et ne modifient pas les engagements pris.
- tous les prêts consentis à EUROCEF l'ont été avec l'accord du comité des engagements,
- les procédures pénales intiées y compris sur initiative du CREDIT AGRICOLE ont abouti à leur mise hors de cause de façon définitive, ce qui au-delà de la question de l'autorité éventuelle de chose jugée, évacue la question du dol.
Enfin, on trouve écrit par CNCA, dans les pièces communiquées, que la responsabilité finale de la déconfiture de CRCAY relève clairement du conseil d'administration et spécifiquement du bureau dont la quasi totalité des membres étaient en fonction lors des prises de décision ayant conduit à la situation actuelle de la Caisse.
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IV - Sur la declaration de créances du CREDIT AGRICOLE au passif de la société EUROCEF
La cour rappelle qu'aux termes des décisions rendues par le Tribunal de commerce de Marseille et la cour d'Aix, les créances ayant un fondement contractuel ont été admises au passif à la différence des créances indemnitaires, rejetées en première instance (52MF de pertes sur les programmes immobiliers et 70MF de pertes sur les crédits investisseurs notamment) et considérées comme rentrant dans les instances en cours par la juridiction d'appel, au sens de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985, ce qui fait dire au CREDIT AGRICOLE qu'elles sont définitivement admises dans leur principe.
La cour observe qu'à suivre même ce raisonnement contesté par les mandataires d'EUROCEF, elle n'a retenu aucune créance indemnitaire au bénéfice du CREDIT AGRICOLE et qu'ainsi la demande est vaine.
Au surplus, les pertes enregistrées sur les programmes immobiliers ne résultent d'EUROCEF qu'à partir du moment où l'on considère que cette entité était gérant de fait des programmes, ce qui n'est pas démontré par le CREDIT AGRICOLE même si cela transparait et ce qui ne résulte pas de l'action en comblement de passif initiée contre les dirigeants d'EUROCEF devant la juridiction marseillaise.
Quant aux pertes sur les crédits placés auprès des acquéreurs, si CRCAY avait irrégulièrement permis à EUROCEF de placer ses crédits, elle était toujours restée maître de leur délivrance et ne pouvait donc qu'assumer la responsabiltié de ses choix.
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V ' Sur les frais irrépétibles et les dépens
La cour considère ne devoir faire droit à aucune des demande de frais irrépétibles formulées dès lors qu'elle rappelle avoir constaté que chacune des parties a pris une part dans la mise en place d'un mécanisme pervers dont il a profité ou/et a multiplié les procédures pour renvoyer sur l'autre la responsabilité de ce qui lui incombe personnellement.
Quant aux dépens, chacune des parties prendra la charge des siens.
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PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal de commerce d'AUXERRE en date du 28 mai 2009 sur l'absence de péremption d'instance,
Confirme le jugement du tribunal de commerce d'AUXERRE en date du 5 mars 2012 en ce qu'il a débouté :
- Me [L] [TB] et Me [VL] [M] ès qualités près la société EUROCEF de leurs demandes dirigées contre CRCAY / CRAM de BOURGOGNE ' les sociétés ICAUNA ET NOVAPARC ainsi que CNCA / CASA
- CRCAY / CRAM de BOURGOGNE ' les sociétés ICAUNA et NOVAPARC ainsi que CNCA / CASA de leurs demandes reconventionnelles et de leur appel en garantie contre MM. [B] et [Y]
L'infirme pour le suplus,
Dit n'y avoir lieu à fixer la créance des intimés au passif de de la société EUROCEF et sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce de Marseile ;
Rejette toutes autres demandes, fins , moyens et conclusions, y compris celles formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Laisse leurs dépens à la charge de chacune des parties
LA GREFFIÈRE, LE PRESIDENT,
V.PERRET F. FRANCHI