RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 20 Mars 2014
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/03618
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Décembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section Encadrement RG n° 09/16284
APPELANT
Monsieur [W] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne
assisté de Me Philippe MAGNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1573
INTIMEE
SAS NESPRESSO FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Laurent BELJEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107 substitué par Me Xavier VINCENT, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice LABEY, Président
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller
Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après prorogation du délibéré.
- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [N] a été recruté le 3 juillet 2006, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, par la SAS NESPRESSO France, en qualité de responsable boutique, cadre coefficient 300. Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective des Industries Agricoles et Alimentaires, son salaire brut mensuel était de 3 141,66 € pour 151,67h. La société compte plus de dix salariés.
Le 12 septembre 2008, M. [N] est muté au magasin NESPRESSO de la [Adresse 4], dans la perspective de son ouverture le 12 décembre 2008.
Le 8 janvier 2009, M. [N] recevait un courriel suivi d'une lettre recommandée lui reprochant la mauvaise tenue du magasin dont il est responsable ainsi que des dysfonctionnements dans l'organisation et le management des équipes.
La société NESPRESSO ayant décidé en janvier 2009 la refonte de procédures applicables en matière de maniement de fonds d'argent, M. [N] communiquait par courriel en date du 15 janvier 2009, les nouvelles consignes applicables à l'ensemble des managers de boutique.
A la suite d'un entretien le 15 octobre 2009, avec la responsable régionale boutique et le responsable Ressources Humaines de la société, M. [N] se voyait notifier un avertissement le 26 octobre 2009, concernant notamment son implication dans la société et ses relations conflictuelles avec sa hiérarchie.
Le 21 octobre, un contrôle comptable interne mettait en évidence la signature le 20 août 2009 par deux salariés d'un bordereau de réception de fonds de 3 640€, sans perception effective des fonds du montant correspondant.
C'est dans ces conditions que Mr [N] était convoqué a un entretien préalable fixé au 13 novembre 2009.
Le 13 novembre 2009, la société NESPRESSO remettait en mains propres à M. [N] une nouvelle convocation à entretien préalable fixé au 23 novembre 2009 assortie d'une mise à pied conservatoire.
Par lettre recommandée en date du 3 décembre 2009, M. [N] était licencié pour faute grave caractérisée par :
- un comportement totalement inacceptable caractérisé par des pratiques managériales inadmissibles envers ses collaborateurs directs.
- des manquements à ses responsabilités de responsable de boutique.
Le 15 décembre 2009, M. [N] saisissait le Conseil de prud'hommes de PARIS aux fins de faire juger que le licenciement intervenu le 3 décembre 2009 était dénué de cause réelle et sérieuse et faire condamner la SAS NESPRESSO FRANCE à lui payer avec intérêt au taux légal, application faite de l'article 1154 du Code civil :
-75000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1 075 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire ;
-107,50 € au titre des congés afférents ;
-13 230 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
-1323 € au titre des congés afférents ;
-2 646 € à titre d'indemnité de licenciement ;
-1 000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux ;
- 20000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;
Outre l'exécution provisoire et l'octroi d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, M. [N] demandait au Conseil de prud'hommes d'ordonner sous astreinte la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle emploi.
La Cour est saisie d'un appel formé par M. [N] contre le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 21 décembre 2011 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Vu les conclusions du 31 janvier 2014 au soutien des observations orales par lesquelles M. [W] [N] conclut à titre principal à la condamnation de la SAS NESPRESSO FRANCE à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2009 :
- 13230 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1323 € au titre des congés payés sur préavis,
- 2646 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 1075 € à titre de rappel de salaire pour les 25 jours de mise à pied conservatoire,
-107,50 € au titre des congés payés afférents,
-1000 € à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux,
- 75000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 20000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 5000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
M. [N] sollicite en outre la condamnation sous astreinte de la S.A.S. NESPRESSO FRANCE à lui de procéder à la remise d'un bulletin de salaire et d'une attestation pour Pôle Emploi conformes, ainsi que l'application de l'article 1154 du Code civil ;
Vu les conclusions du 31 janvier 2014 au soutien de ses observations orales au terme desquelles la SAS NESPRESSO conclut à titre principal à la confirmation de la décision entreprise et au rejet des prétentions de M. [N] et à sa condamnation au paiement de 3000 € en application
des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
A titre subsidiaire, la SAS NESPRESSO sollicite la requalification du licenciement de M. [N] en licenciement pour cause réelle et sérieuse et la limitation de son indemnisation à la somme de 11612,70 € bruts au titre l'indemnité compensatrice de préavis outre 1161,27 € au titre des congés payés afférents ainsi qu'au rejet du surplus de ses demandes.
A titre infiniment subsidiaire, la société NESPRESSO demande à la Cour de limiter les éventuels dommages et intérêts dus en application de l'article 1235-3 du Code du travail à 19.896,37 €.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience ;
MOTIFS DE LA DECISION
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis, l'employeur doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute grave, après l'avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige.
En l'espèce, la lettre de licenciement notifiée à M. [N] par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 décembre 2009 est rédigée de la manière suivante :
Vous êtes employé en qualité de Responsable Boutique au sein de notre boutique Nespresso située à [Adresse 3].
Par courrier recommandé nous vous avons informé que nous envisagions à votre égard une procédure de licenciement et vous avons convoqué à un entretien pour le 13 novembre 2009. Au regard de nouveaux éléments portés à notre connaissance, nous avons reconduit cet entretien par courrier remis en main propre au 23 novembre 2009 à 14h00.
Vous vous êtes présenté à cet entretien assisté de Monsieur [V] [G].
Etait égalèment présent, Monsieur [D] [E], qui dirigeait l'entretien.
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager cette mesure, à savoir un comportement totalement inacceptable, caractérisé par des pratiques managériales inadmissibles envers vos collaborateurs directs, ainsi que des manquements à vos responsabilités de Responsable Boutique.
En effet, Mademoiselle [C] [B] nous a communiqué aux mois d'octobre et de novembre 2009 un certains nombre de documents et d'informations, parmi lesquels figurent notamment des messages électroniques et des texto téléphoniques entretenus avec vous durant ces cinq derniers mois.
Ces documents sont révélateurs d'un débordement de votre rôle de manager et de pratiques intolérables au sein d'une entreprise telle que la nôtre.
Ils révèlent tout d'abord que vous avez utilisé un outil de communication en réseau public, Facebook, à des fins professionnelles, dans le cadre de votre activité de Responsable Boutique, alors même que vous avez à disposition un compte de messagerie professionnelle et des outils de téléphonie fixe et mobile.
Outre le fait que cette pratique n'est, en tant que telle, pas acceptable, la teneur des échanges que vous avez eu avec cette collaboratrice démontrent par ailleurs une ingérence manifeste de votre part dans sa vie privée et un mélange nocif entre sphère professionnelle et sphère privée, en complète contradiction avec tous nos principes de management.
Certains de ces échanges se sont d'ailleurs déroulés à des heures très tardives, comme par exemple le 21 juillet 2009 à 2h24 ; le 19 septembre 2009 à lh42 ; ou le 28 octobre 2009 à 3h03. Sur ce point, vous nous avez expliqué lors de notre entretien avoir écrit à des heures avancées de la nuit" pour éviter que votre conjointe ne prenne connaissance de vos échanges. cette réponse ne saurait excuser le fait que vous n'aviez pas à déranger votre collaboratrice en
dehors des horaires de travail sur un outil de messagerie privée, qui plus est en exigeant une réponse rapide de sa part.
De plus, vous avez exigé de votre collaboratrice qu'elle vous fournisse son mot de passe pour accéder à son profil Facebook, allant jusqu'à lui reprocher d'avoir refusé de vous le fournir dès votre première demande, arguant que d'autres l'avaient fait immédiatement et laissant sous entendre que ce refus entrainait une perte de confiance de votre part envers elle, tant sur le plan professionnel que sur le plan privé !
Plus encore, ces pratiques ne semblent pas s'arrêter à vos collaborateurs directs, car une des justifications que vous apportez dans vos écrits, pour la nécessité d'avoir accès au profil Facebook de votre collaboratrice est de pouvoir, non l'espionner elle, mais espionner les autres conseillers clientèle de notre société.
Là encore, ces pratiques qui ne peuvent être qualifiées de managériales, sont totalement inacceptables et constituent un non respect manifeste de la vie privée de vos collaborateurs.
Vous avez également énoncé dans vos échanges 4 règles que tout collaborateur de votre équipe devait respecter pour pouvoir travailler avec vous et permettant à vos collaborateurs, selon vos propres écrits, de ne pas avoir « de souci à se faire » ni à s'inquiéter de leur avenir au sein de la boutique.
Ces 4 règles, telles que libellées dans votre message en date du 12 juillet 2009, sont les suivantes : "-tu me dis tout, tout de suite et sans faire de tri, c'est moi qui juge de ce qui est important ou pas. Pas de secret, même perso car le perso empiète toujours sur le pro.
-quand je demande quelque chose, tu laisse tout tomber et tu le fais dans la seconde -même si tu ne comprends pas l'intérêt de ce que je te demande, fais le, fais moi confiance et ne porte pas de jugement.
-tu fais attention à ta position et à ta communication, tu n'écrit pas en direct à [F] (ct vrai a l'époque, c'est valable avec [A])"
Lors de notre entretien, vous avez présenté ces quatre règles comme utiles au bon fonctionnement de la boutique et indispensables à la bonne réalisation de votre travail.
"Une fois encore, ces règles sont en totale contradiction avec les pratiques et principe de management et d'encadrement de nôtre Société tels que nous les véhiculons à nos équipes, à travers nos supports documentaires tels que le « Blueprint », le « Leadership Framework » ou les « Principes de leadership et de Management ".
Vous avez-vous-même suivi des formations au cours desquelles il vous a été clairement exprimé nos approches du management et des relations professionnelles devant être tenues dans ce cadre.
Ainsi, votre formation aux outils d'entretien annuels, dispensée par la Directrice des Ressources Humaines sur le mois de janvier 2009, vous a permis d'appréhender la présentation des valeurs et comportements clefs au sein de notre société. De même, vous avez également bénéficié de formations en droit du travail en 2007, ainsi qu'en 2008 et en management en 2007 et en 2009, dispensées par des organismes de formation extérieurs.
Ce double accompagnement, tant sur nos valeurs et principes managériaux internes, que sur les fonctionnements managériaux et légaux attendus par tout salarié en charge d'exercer des fonctions managériales, vous permettait de bien apprécier, ce qui est du registre professionnel -donc admissible- de ce qui ne l'est pas, sur le plan managérial.
Plus encore, vous avez-vous-même eu des entretiens annuels, en mars 2007, janvier 2008 et plus récemment en mars 2009, pour lesquels vos responsables hiérarchiques n'ont pas eu recours à de telles méthodes au regard des résultats et conclusions de ceux-ci.
Vous ne pouvez donc prétendre que ces règles sont sorties de leur contexte, et qu'elles prennent un autre sens, pour peu qu'on les analyse. En effet, elles sont sans équivoque quant à leur finalité et votre intention dans leur usage.
Cette ingérence dans la vie privée de vos collaborateurs est d'autant plus hors de propos qu'elle remettait en cause, selon vos propres écrits, votre appréciation de la relation professionnelle avec eux et leur avenir professionnel au sein de l'entreprise, si ces derniers ne s'exécutaient pas.
Vous vous êtes en outre permis d'écrire des commentaires vexatoires, culpabilisants et humiliants tels que : "tu ne demandes rien, tu souhaites. C'est pas toi qui décide", message du 21 septembre 2009 à 18h42 ou encore au sujet de votre démission "t'aurais pas du te mêler de ma lettre de démission, je n'aurai pas été là à ton retour et ça aurait été mieux comme ça" et de la demande de mutation de votre collaboratrice "J'attends de ta part un courrier officiel pour valider ta demande. Quand j'aurais reçu ce courrier, il n'y a plus de possibilité de revenir en arrière. Merci de l'envoyer à mon adresqje perso. Je compte sur ton intelligence [...] ne pas gâcher tes chances pour arriver sur un nouveau site sans antécédent. [...] Une fois cette affaire finie, je ne veux plus entendre parler de toi. Tu n'existeras plus. ' '
De même, vous avez à plusieurs reprises exigé de sa part des excuses avant de consentir à reprendre toute communication avec elle.
Lorsque nous vous avons interrogé sur ces points lors de notre entretien, vous vous êtes contenté de nous rappeler que cette collaboratrice est sous votre responsabilité depuis 3 ans et qu'elle "en redemandait". Vous admettrez que ce terme est on ne peut plus tendancieux et ambigu quant à la qualification de vos relations dans le contexte d'un entretien nous permettre d'apprécier la réalité et l'importance des faits qui vous sont reprochés.
Vous ne pouvez qu'admettre que de telles communications et pratiques s'apparentent à de l'isolement, de l'ingérence dans la vie privée des collaborateurs et des menaces, qui ne sauraient être tolérées.
Le seul constat possible est que vous n'avez pas su respecter les limites entre la vie privée et la vie professionnelle, entraînant vos collaborateurs dans un cercle vicieux, aggravé par une utilisation abusive de votre part de votre position de supérieur hiérarchique.
Ces pratiques managériales, là encore, ne sauraient être admises au sein de notre société.
Nous avons également à vous reprocher des carences dans votre gestion. Il s'est en effet avéré,suite à un contrôle comptable le 21 octobre 2009, que vous n'assuriez manifestement aucun contrôle du process de gestion de la monnaie au sein de la boutique.
Ce que votre équipe d'Adjoints Responsable Boutique a confirmé lors des entretiens disciplinaires du 09 novembre 2009 à l'occasion desquels vous les avez assistés, lorsqu'ils ont tous indiqué spontanément, qu'ils étaient totalement autonomes sur ce process et son suivi.
De fait, alors qu'un de vos adjoints signe par erreur le 20 août 2009 un bordereau de réception de monnaie, causant par là même un préjudice d'une valeur totale de 3.640,00 € à Nespresso France, vous n'avez pas été en mesure de relever cette erreur, ni même de sécuriser le process vis à vos de nos services comptables.
Votre responsabilité quant au suivi de ce process et s6n contrôle est pleine et entière. Vos déclarations lors de l'entretien, à savoir que cette responsabilité figurait bien sur le profil de poste de Responsable Boutique, confirment votre connaissance de cette part de vos responsabilités. Vous avez par ailleurs indiqué, afin de justifier de votre suivi de ce process, que vous étiez en copie de tous les communications électroniques de vos adjoints, dont les différentes commandes de monnaie auprès de la Brinks. dès lors, vous auriez dû remarquer cet écart de 3640 € et le signaler à notre service comptable ou encore à votre hiérarchie. Au lieu de cela, il a fallu attendre le contrôle comptable du 21 octobre dernier pour avoir connaissance de cet incident.
Vous comprendrez aisément que nous ne pouvons accepter de tels écarts comportementaux ni de tels manquements à nos process, que nous considérons comme constitutifs d'autant de faits fautifs, et qui ne permettent pas la poursuite de votre présence ne serait-ce que pendant la durée limitée d'un préavis.
C'est la raison pour laquelle nous vous notifions votre licenciement pour faute grave."
S'agissant du premier grief tenant au " comportement totalement inacceptable caractérisé par des pratiques managériales inadmissibles envers ses collaborateurs directs", M. [N] ne peut soutenir que l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire à son égard, dès lors que l'avertissement notifié le 26 octobre 2009, concernait son implication dans la société et ses relations conflictuelles avec sa hiérarchie et de fait n'avait aucun lien avec les griefs contenus dans la convocation remise le 13 novembre 2009, de même qu'il ne peut se prévaloir de l'absence de tenue de l'entretien auquel il avait été convoqué pour le 13 novembre 2013.
Par ailleurs, ainsi que l'ont en partie relevé les premiers juges et contrairement à ce que soutient M. [N], les échanges entre Mme [B] et lui qu'il produit également aux débats, ne sont jamais totalement dénués de tout lien avec l'activité professionnelle de son adjointe et avec le rapport hiérarchique existant entre les deux salariés.
Au demeurant, dès lors que M. [N] qui, dans la perspective du départ de Mme [B] du magasin de la rue Scribe, avait demandé à l'intéressée d'effacer les messages antérieurs, ne peut prétendre avoir été dans l'ignorance de la faculté pour cette dernière de les conserver.
Dans ces conditions et dès lors qu'en toute hypothèse, rien ne permet de considérer que les messages litigieux n'ont pas été librement portés à la connaissance de l'employeur par l'intéressée, il ne peut être soutenu qu'ils ont été obtenus de façon déloyale.
Ce faisant, et nonobstant l'intérêt sérieux que pouvait représenter leur lecture au regard de l'obligation de sécurité de l'employeur à l'égard de ses salariés, s'agissant de faits susceptibles de laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral, M. [N] n'est pas fondé à se prévaloir de leur caractère privé pour contester la légitimité de la procédure disciplinaire engagée à son encontre.
Les longs développements de M. [N] comme les attestations d'autres salariés qu'il produit, tendant à démontrer qu'il n'y avait pas de sa part de comportant caractéristique du harcèlement à l'égard de Mme [B] sur le lieu de travail et que cette dernière non seulement y demeurait de son plein gré au delà de ses heures d'ouverture mais recherchait la complicité de son supérieur, sont inopérants s'agissant de l'immixtion de l'intéressé dans la sphère privée de la salariée.
De la même manière, sont inopérants les développements de M. [N] relatif à l'impossibilité pour l'employeur d'engager une procédure disciplinaire fondée sur les troubles causés dans l'entreprise à raison de faits relevant de la vie privée, dès lors ces faits sont en lien et ont une répercussion sur l'activité professionnelle.
En effet, les échanges produits contiennent des messages mêlant des aspects personnels et professionnels, porteurs de la part de M. [N] d'un discours à caractère dominateur, à tout le moins culpabilisant et humiliant, alors que Mme [B], dans un état de fragilité psychologique, connu de son supérieur qui le rappelle opportunément, fait état de sa dépression et de la crainte suscitée par ses réactions.
C'est en vain que M. [N] soutient que les membres de phrases qui lui ont été reprochés, sont extraits de leur contexte, pour en relativiser la portée, alors que les échanges dont ils sont effectivement extraits et qu'il produit, démontrent qu'il avait établi une emprise sur Mme [B], en se comportant, y compris s'agissant de sa vie intime, en directeur de conscience, et en pratiquant des formes de chantage, notamment en garantissant l'absence de difficulté dans l'hypothèse où elle se conformerait aveuglément aux règles qu'il édictait ou en faisant état d'un projet de démission, au point de placer Mme [B] dans une situation de dépendance morale au retour de congés de ce dernier en octobre 2009.
Dès lors que la société NESPRESSO avait connaissance de tels faits qui, démontraient de la part d'un responsable de magasin, l'entretien d'une perméabilité, entre la sphère professionnelle et la sphère personnelle à l'égard d'une personne placée sous son autorité, constitutive d'une immixtion fautive dans sa vie privée, indépendamment de toute appréciation d'une éventuelle situation de harcèlement moral, elle était fondée à licencier pour faute grave M. [N] qui se faisant, abusait manifestement de l'autorité que lui conférait ses fonctions.
La circonstance que Mme [B] n'ait révélé les comportements critiqués qu'en octobre ou en novembre 2009, concomitamment aux entretiens préalables auxquels comme les deux autres adjoints de la boutique, elle était convoquée en raison du non-respect de la procédure de réception des fonds de la Brinks, comme la circonstance que la société NESPRESSO ait continué à recueillir au delà de la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable ou de l'entretien lui-même, des éléments corroborant les faits dénoncés, est indifférente à l'appréciation de ce grief qui suffit à lui seul à justifier le licenciement de M. [N] pour faute grave.
Par ces motifs substitués, la décision des premiers juges sera confirmée et M. [N] débouté de l'ensemble de ses demandes.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
DECLARE recevable l'appel formé par M. [W] [N]
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris .
CONDAMNE M. [N] à payer à la SAS NESPRESSO FRANCE 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [N] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER LE PRESIDENT
L. CAPARROS P. LABEY