La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2014 | FRANCE | N°11/08821

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 19 mars 2014, 11/08821


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 19 Mars 2014

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08821-MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mai 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS commerce RG n° 09/00748





APPELANT

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Isabelle HALIMI, avocat au barreau de PAR

IS, toque : E1880







INTIMEE

SA FECIT exerçant sous l'enseigne HOTEL [1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-jacques UETTWILLER, avocat au barreau de PARIS, to...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 19 Mars 2014

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08821-MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mai 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS commerce RG n° 09/00748

APPELANT

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Isabelle HALIMI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1880

INTIMEE

SA FECIT exerçant sous l'enseigne HOTEL [1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-jacques UETTWILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261, substitué par Me Pauline LARROQUE DARAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente, et Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller

Greffier : M. Bruno REITZER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits :

M [I] [Z] a été engagé par la SA FECIT par contrat à durée déterminée pour la période du 1er janvier au 31 août 2005, en qualité d'attaché commercial sur le marché russe. Ce contrat a été suivi d'un avenant en date du 1er septembre 2005 jusqu'au 30 avril 2006 puis s'est poursuivi au-delà.

Par LRAR du 21 juin 2006 M [I] [Z] était convoqué pour un entretien préalable fixé au 28 suivant, puis licencié par courrier recommandé du 5 juillet 2006 pour le motif suivant : absence de renouvellement de son contrat de travail et insuffisance professionnelle.

Il saisissait le Conseil des Prud'hommes de Paris le 21 janvier 2009 demandant la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et soutenant un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Il sollicitait en conséquence, notamment, une indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, des rappels de salaire, une indemnité compensatrice de préavis avec congés payés, une indemnité « au titre de la période d'emploi illicite », des dommages et intérêts, une prime sur le marché russophone année 2005 et une autre pour l'année 2006, le remboursement de frais professionnels, la remise de documents sociaux conformes.

Celui-ci par jugement du 9 mai 2011, section commerce, chambre 1, a requalifié le contrat de travail un contrat en durée indéterminée, reconnu une cause réelle et sérieuse au licenciement compte tenu de l'absence de prolongation de l'autorisation de travail, fixé la date de la rupture au 7 juillet 2006 et condamné la SA FECIT à payer à M [I] [Z] les sommes suivantes :

* 1403,28 euros d'indemnité de requalification,

* 1109,25 euros d'indemnité de préavis congés payés de 10 % en sus,

* 1110,93 euros d'indemnité de licenciement,

* 1500 € au titre des frais,

* 750 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M [I] [Z] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision soutenant que son contrat s'est en réalité poursuivi jusqu'au 28 décembre 2006.

Il demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du 9 mai 2011,

et, statuant a nouveau,

sur la requalification,

' requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

' condamner la SA FECIT à régler la somme de 3.508,20 euros au titre de la

requalification ou 3.109,25 euros à titre subsidiaire, ou 1.763,32 euros à titre infiniment subsidiaire,

sur le licenciement,

a titre principal

- Prononcer le licenciement sans cause réelle ni sérieuse

en conséquence,

- Condamner la SA FECIT à lui régler la somme de 21 049,20 euros au titre

d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou 18.655,50 euros à titre subsidiaire, ou 10.579,92 euros à titre infiniment subsidiaire,

en tout état de cause condamner la SA FECIT a lui régler :

si le dernier jour travaillé était fixé au 28 décembre 2006,

' 1403,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, ou 1.243,70 euros à titre subsidiaire, ou 705,33 euros à titre infiniment subsidiaire,

si le dernier jour travaillé était fixé au 5 juillet 2006

' 1110,93 euros au titre d'indemnité légale de licenciement, ou 984,59 euros à titre subsidiaire, ou 558,38 euros à titre infiniment subsidiaire,

' 3.508,20 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis ou 3.109,25 euros à titre subsidiaire, ou 1.763,32 euros à titre infiniment subsidiaire,

' 350,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ou 310,92 euros à titre subsidiaire ou 176,33 euros à titre infiniment subsidiaire,

' 1.754,10 euros au titre de rappel de salaire de la mise à pied du 21 juin 2006 au 5 juillet 2006, ou 1.554,62 euros à titre subsidiaire, ou 881,66 euros à titre infiniment subsidiaire, ces sommes avec congés payés de 10 % en sus.

- Condamner la SA FECIT à remettre sous astreinte de 75 € par jour de retard un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire modifiés

à titre subsidiaire, à défaut de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

sur la période d'emploi illicite

- Constater l'embauche irrégulière,

- Condamner la SA FECIT à régler à M [I] [Z] :

' 10 524,60 e u r o s au titre de la période d'emploi illicite à titre principal, 9.327,75 euros à titre subsidiaire, ou à titre infiniment subsidiaire à la somme de 5.290 euros,

' 21.049,20 e u r o s à titre de dommages et intérêts ou subsidiairement à la somme de 18.655,50 euros ou à la somme de 10.579,92 à titre infiniment subsidiaire,

' 1.754,1e e u r o s au titre de rappel de salaire de la mise à pied du 21 juin 2006 au 5 juillet 2006, ou 1.554,62 euros à titre subsidiaire, ou 881.66 euros à titre infiniment subsidiaire,

' 175,41 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, ou 155,46 euros à titre subsidiaire, ou 88,16 euros à titre infiniment subsidiaire,

- Condamner la SA FECIT à remettre, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi ainsi que les bulletins de paie dûment modifiés.

en tout état de cause

sur le travail dissimulé

- Condamner la SA FECIT à la somme de 21 049,20 euros, soit l'équivalent de l'indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, ou subsidiairement à la somme de 18.655,50 euros ou à titre infiniment subsidiaire à la somme de 10.579,92 euros.

- Fixer la date de rupture du contrat de travail au 28 décembre 2006 rupture effective des relations contractuelles.

- Enjoindre à la SA FECIT, sous astreinte de 75 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de remettre à M [I] [Z] un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes, ainsi que les bulletins de paye modifiés.

Sur les primes

A titre principal

- Condamner la société à la somme de 20 947 € à titre de paiement des primes sur le marché russophone de 2005 et à la somme de 20 926,58 à titre de paiement des primes sur le marché russophone de 2006, exercice arrêté au 28/12/2006,

a titre subsidiaire

- Condamner la société à la somme de 16 619,63 euros à titre de paiement des primes sur le marché russe de 2005 et à la somme de 15 495,38 euros à titre de paiement des primes sur le marché russe de 2006, exercice arrêté au 28 décembre 2006.

Sur les frais de déplacement

- Condamner la société à la somme de 4652,05 euros à titre de paiement des frais avancés par M [I] [Z] durant son voyage professionnel du 30 juin au 18 juillet 2006.

enfin,

- Assortir les sommes des intérêts au taux légal,

- Ordonner la capitalisation des intérêts,

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

- Condamner la SA FECIT à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la SA FECIT aux entiers dépens de première instance et d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile.

La SA FECIT a formé appel incident. Soutenant que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'absence de frais engagés à titre professionnel par M [I] [Z] du 30 juin au 7 juillet 2006, elle demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes sauf en ce qui concerne le quantum des indemnités allouées pour retenir les montants suivants,

* 1493,91 euros d'indemnité compensatrice de préavis congés payés de 10 % en sus ;

* 746,95 euros de rappel de salaire pour la période de mise à pied, congés payés de 10 % en sus,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'hôtel [1] au paiement de la somme de 1500 € pour le remboursement de frais professionnel.

- Condamner M [I] [Z] au paiement d'une indemnité de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

La convention collective des hôtels cafés et restaurants est applicable à la relation de travail.

Les motifs de la Cour :

Vu le jugement du Conseil de Prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le contexte du litige.

Il ressort du dossier et des débats les éléments constants suivants :

- M [I] [Z], de nationalité russe réside en France depuis octobre 2002 et est diplômé d'un MBA en hôtellerie et d'un Master e-commerce.

- À compter du 15 juillet 2003 il a effectué un stage au sein de l'hôtel [1] comme « attaché commercial sur le marché russe ».

- À la suite de ce stage de 18 mois , l'hôtel l'a embauché le 1er janvier 2005 en contrat à durée déterminée jusqu'au 31 août 2005, toujours dans la même qualité(P2).

Le contrat de travail prévoit une rémunération composée de :

* un salaire de base mensuelle de 1286,09 euro brut ;

* une indemnité de nourriture de 130 4,64 euros ;

* une prime de 5 % sur le chiffre d'affaires hors taxes généré par les nouveaux clients « russes »

Or, aucune prime n'a jamais été versée au salarié.

- Au moment de son embauche le 1er janvier 2005 M [I] [Z] ne bénéficiait pas d'une autorisation provisoire de travail, qui lui a toutefois été octroyée le 1er février 2005, valable jusqu'au 30 septembre 2005 (P10).

- Un «avenant » en date du 1er septembre 2005 a renouvelé le contrat à durée déterminée jusqu'au 30 avril 2006.

- La relation de travail s'est poursuivie au-delà de l'échéance du contrat à durée déterminée, jusqu'au licenciement pour cause réelle et sérieuse et insuffisance professionnelle intervenu le 5 juillet 2006.

- Le salaire mensuel fait l'objet d'une discussion entre les parties, l'employeur considérant qu'il s'établit à 1493,91 euros, correspondant au salaire de base alors que le salarié soutient que celui-ci doit intégrer les primes qui ne lui ont pas été réglées et s'établit à la somme de 3508,20 euros.

Sur la requalification du contrat de travail

La cour considère que c'est par des motifs pertinents qu'elle reprend à son compte que les premiers juges ont retenu que « peu important les conditions controversées dans lesquelles le renouvellement du contrat de travail est intervenu, il ne peut être contesté que le licenciement a été prononcé le 5 juillet 2006, après l'expiration le 30 avril 2006 du renouvellement du contrat à durée déterminée. Le contrat de travail s'est donc transformé en contrat à durée indéterminée.

- La décision des premiers juges sera donc confirmée sur ce point, la relation de travail étant requalifiée en contrat à durée indéterminée depuis l'origine, ce qui ouvrira droit à l'octroi d'une indemnité de requalification, telle que prévue par l'article L 1245-2 du code du travail, qui ne peut être inférieure au salaire mensuel.

Sur la rupture du contrat de travail de M [I] [Z]

La lettre de licenciement adressée à M [I] [Z] est rédigée comme suit :

'Nous faisons suite à l'entretien préalable du 28 juin 2006 et vous indiquons, par la présente, que nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants :

L'autorisation de travail qui vous avait été délivrée lors de votre embauche, intervenue le 1 er janvier 2005 en qualité d'attaché commercial, pour assurer le développement de la clientèle russe a expiré le 30 septembre 2005. Par suite, nous vous avons remis l'attestation qui devait, selon votre avocat, vous permettre de régulariser votre situation dans les meilleurs délais.

Tel n'a pas été le cas puisque le 30 mars 2006, la Préfecture a opposé une fin de non recevoir à votre demande d'autorisation de travail. Vous venez de nous informer du rejet du recours hiérarchique que vous aviez régularisé auprès du Ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, lequel a confirmé la décision de refus de la préfecture, en nous reprochant expressément d'avoir maintenu votre emploi au delà de la période autorisée, en contradiction avec les dispositions de l'article L.341-6 (désormais L8251- 1) du Code du travail stipulant :

- Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France-.

Dans ces circonstances, vous comprendrez que nous ne pouvons pas faire abstraction de la décision ministérielle et que la mise en notre d'une voie de recours n'est pas de nature à permettre la poursuite de votre contrat de travail puisqu'elle n'est pas suspensive et n'interdit pas l'exercice de poursuites pénales.

Au surplus, la décision ministérielle précitée est également fondée sur votre niveau de rémunération dont il a été jugé qu'il n'était pas en relation avec les fonctions d'attaché commercial que vous exerciez. Ce constat illustre l'échec total de votre mission qui visait à un apport de clientèle russe sur lequel vous deviez être commissionné en sus d'une rémunération fixe de base. »

La SA FECIT, soutient que le licenciement de M [I] [Z] est fondé sur une cause réelle et sérieuse dans la mesure où le non renouvellement de l'autorisation de travail de M [I] [Z] empêchait son employeur de le conserver à son service.

La cour relèvera toutefois que du 1er janvier 2005, date de son embauche au 1er février 2005, puis depuis le 30 septembre 2005, un mois après le renouvellement de son CDD, le salarié ne disposait pas d'autorisation de travail en cours de validité.

Il relèvera surtout que de nombreuses pièces produites par le salarié (mails à caractère commercial et attestations d'agence de voyages partenaires de l'hôtel [1] et habituées à travailler avec M [I] [Z], démontrent que celui-ci a continué à intervenir professionnellement pour le compte de cet hôtel jusqu'à, à tout le moins, la fin du mois de décembre 2006.

En conséquence, et s'il est exact qu'il ne pourrait être reproché à l'hôtel [1] d'avoir mis un terme en application de l'article L8251-1 du code du travail au contrat de travail de M [I] [Z] début juillet 2006 compte tenu du refus de renouvellement de son autorisation de travail, en revanche, il ressort des éléments produits en procédure qu'en réalité, le contrat de travail n'a pas été rompu début juillet 2006, mais s'est poursuivi à tout le moins « officieusement » jusqu'à la fin de l'année 2006.

Il en résulte que la cause mise en avant par l'employeur pour motiver selon les termes de sa lettre de licenciement la rupture du contrat de travail de M [I] [Z], la prise en compte du refus de l'administration de délivrer une nouvelle autorisation de travail, si elle était sérieuse n'était pas réelle, l'hôtel [1] ayant continué de recourir pendant plusieurs mois aux services de M [I] [Z].

Quant au second motif avancé relatif à l'insuffisance professionnelle du salarié, il n'est manifestement pas sérieux :

- ce reproche n'a jamais été formulé auparavant par l'employeur,

- la SA FECIT, au contraire, après avoir employé M [I] [Z] pendant 18 mois en qualité de stagiaire, lui a ensuite octroyé un contrat à durée déterminée, renouvelé,

- dans une attestation du 31 mai 2006 destinée à régulariser la situation administrative de M [I] [Z], l'hôtel [1] s'engageait en ces termes « il sera immédiatement employé dans notre SA FECIT en qualité d'attaché commercial sur le marché russe, sous contrat à durée indéterminée à temps plein, dès réception de son autorisation de travail »

- le 19 janvier 2008, le directeur des ventes de l'hôtel [1] à [Localité 1] a par ailleurs rempli un questionnaire dans lequel il faisait état des qualités suivantes concernant le salarié« attitude positive, attentif aux besoins des clients, travailleur, fait toujours preuve de sa volonté de développer le marché. », confirmant ensuite sa ponctualité, son honnêteté, son sens du travail en équipe, sa polyvalence, son sens pratique. Le même directeur des ventes à la question 'réembaucheriez-vous cette personne si vous en aviez l'opportunité ' répondait : « oui avec plaisir, essentiellement pour notre marché russe. » ; cette attestation étant dans ses conclusions qualifiée «d'ultime faveur par l'employeur».

La cour en déduit que cette insuffisance professionnelle soudainement mise en avant, ne l'a été que pour tenter de justifier un niveau de rémunération jugé insuffisant, au regard de la fonction, dans la décision ministérielle.

Aussi, aucun des deux motifs invoqués pour la rupture du licenciement n'apparaissant fondés la cour dira ce licenciement abusif.

L'employeur est donc redevable envers M [I] [Z] d'une indemnité pour licenciement abusif, le contrat de travail de l'intéressé ayant à tout le moins duré du 1er janvier 2005 au 28 décembre 2006, voire au-delà ainsi que de l'indemnité compensatrice de préavis.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté dans son emploi du salarié, de son âge lors du licenciement et du préjudice qu'il a nécessairement subi à la suite de celui-ci, la cour fixe à 10 000€ la somme due en application de l'article L. 1235- 5 du code du travail.

Sur la demande de rappel de primes au regard des fonctions exactes du salarié

L'employeur, qui relève que le salarié n'a à aucun moment contesté l'absence de versement de la part variable de sa rémunération, rappelle que celle-ci devait être de « 5 % sur le chiffre d'affaires hors taxes généré par les nouveaux clients russes ». Il soutient que M [I] [Z], n'avait pour responsabilité que les contacts commerciaux avec la Russie.

L'hôtel [1], qui prétend que deux autres personnes étaient positionnées, - M. [H] sur le marché arménien et M. [B] sur le Kazakhstan-, conteste d'autre part la réclamation de M [I] [Z] en ce qu'elle s'appuie sur le chiffre d'affaires et non le chiffre d'affaires lié aux nouveaux clients. L'employeur rappelle que le conseil de prud'hommes a reproché au salarié de n'avoir pas versé aux débats les éléments (par exemple l'identité des clients concernés) susceptibles de démontrer l'efficacité de ses interventions. Selon l'employeur, le salarié aurait dû produire aux débats un document listant le nom des nouveaux clients qu'il aurait effectivement apportés à l'hôtel.

En outre, l'hôtel [1] soutient qu'au cours des exercices 2005 et 2006 le chiffre d'affaires total généré par les clients russes et russophones a diminué (P 12 et 13).

M [I] [Z] qui soutient que dans la réalité il avait la responsabilité des contacts avec la clientèle russophone, produit un certain nombre d'éléments tendant à pallier le défaut de preuves pouvant justifier une rémunération variable relevé par les premiers juges et soutient, en s'appuyant sur le document produit par l'hôtel [1] intitulé « revenu par pays J/M/A » qu'au 31 décembre 2005 le chiffre d'affaire total pour l'ensemble de la clientèle russophone s'élevait à 418 940 € et qu'au 31 décembre 2006, il s'élevait à 418 531 euros.

S'il est exact que les contrats à durée déterminée ne visent que la « clientèle russe », en revanche, il ressort de divers documents, -attestation régulière en la forme et mail de plusieurs agences de voyages (P 31 et 32 ) qu'en réalité, les interventions de M [I] [Z] concernaient également le cas échéant, la clientèle russophone en provenance d'un ensemble de pays de cette zone géographique ; les pièces produites par le salarié font apparaître, notamment qu'il a eu à intervenir au-delà de la seule Russie en Ukraine, en Azerbaïdjan, au Kazakhstan'

S'agissant du périmètre d'intervention de M [I] [Z], la cour considère que les éléments produits en cause d'appel apportent la preuve de ce que son travail ne se limitait pas à la Russie et aux citoyens russes, étant précisé qu'un certain nombre de contacts avec les populations russophones d'autres pays se prenait manifestement à [Localité 2] à l'occasion de salons et autres manifestations ou par l'intermédiaire de correspondants russes.

Par ailleurs, il ressort de l'attestation de Mme [E], pièce 32,que la collaboration avec M. [B] s'était interrompue courant 2004, étant relevé que l'hôtel [1] n'apporte aucun élément, de date, de conditions et de périmètre, concernant les interventions de M. [H].

La cour considère en conséquence, qu'en dépit du terme restrictif de son contrat de travail M [I] [Z] était en réalité appelé à intervenir aussi, à tout le moins dans un certain nombre de cas, en direction de la clientèle russophone, pour laquelle l'employeur et le salarié produisent, pays par pays, des chiffres d'affaires réalisés en 2005 et en 2006

La cour relève toutefois que, ni les informations produites par le salarié, ni non plus celles fournies par l'employeur ne permettent de faire le partage, entre les clients déjà connus de l'établissement et les « nouveaux clients », étant relevé que rien ne permet de savoir avec un chiffre d'affaires en réalité stagnant, si la part des nouveaux clients est en augmentation ou en diminution.

Le salarié produit cependant plusieurs éléments attestant de ce que son activité pour le compte de l'hôtel [1] a efficacement contribué « à développer le marché russe ou russophone » (P32), à créer « une nouvelle image de l'hôtel [1] qui avant son intervention était absolument ou presque inconnu du marché russe' Image qui marche très bien à ce jour' L'hôtel est devenu très populaire auprès de la clientèle russe » (P9 et 11).

Ces éléments constituent un début de preuve sur le développement de la clientèle de l'hôtel, c'est-à-dire l'apport de clients nouveaux, grâce à l'intervention de M [I] [Z].

Au-delà, seule la direction de l'établissement qui avait la « mémoire » de son fonctionnement et de sa clientèle antérieure, pouvait fournir ces éléments, pour établir qu'elle ne devait aucune prime au salarié, ce qu'elle n'a pas fait.

L'hôtel [1] n'apporte en conséquence aucun élément permettant de contester les sommes réclamées par le salarié empêchant ainsi, la cour de vérifier si ces demandes sont fondées ou non.

En tout état de cause la cour ne peut que relever que, de manière tout à fait étonnante, pendant toute la collaboration aucune prime pour client(s) nouveau(x) n'a jamais été versée à M [I] [Z], et ceci, alors deux responsables d'agences de tourisme (P 9 et 11) atteste de la qualité de leurs relations commerciales avec M [I] [Z] et de l'impact que l'intervention de celui-ci a eu sur le développement de la clientèle de l'hôtel [1].

La cour, se référant à l'article 1315 alinéa 2 du Code civil, tirera donc les conséquences de la carence de l'employeur qui, après avoir fixé une rémunération variable assise en pourcentage sur le chiffre d'affaires apporté par les clients nouveaux, ne précise pas sur quels éléments cette rémunération variable aurait pu être calculée par ses soins et vérifiée par le salarié pendant la durée du contrat de travail et ne permet pas, non plus, à la cour de procéder aux vérifications utiles quant à la rémunération variable pour statuer.

Elle fera droit, en l'absence de toute contestation sérieuse et étayée, aux demandes formulées par le salarié.

Elle condamnera en conséquence l'employeur, la SA FECIT, à verser à M [I] [Z] au titre de l'année 2005 une somme de 20 947 € et au titre de l'année 2006 une somme de 20 926,58 euros.

Le salaire brut mensuel de M [I] [Z] sera donc fixé à la somme de 3467,74 euros.

Sur les demandes consécutives à l'exécution, à la rupture abusive du contrat de travail et à la requalification du contrat de travail

Les différentes sommes sollicitées à ces titres seront calculées sur la base du salaire reconstitué de 3467,74 euros.

- Aucune faute grave n'étant reprochée au salarié, l'employeur devait lui payer le salaire correspondant à la mise à pied conservatoire qui à durée du 21 juin 2006 au 5 juillet 2006. Il lui sera en conséquence alloué à ce titre une somme de 1734 € auxquels s'ajouteront 10 % de congés payés.

Dans la réalité le contrat de travail de M [I] [Z] s 'est à tout le moins poursuivi jusqu'à la fin du mois de décembre 2006 c'est-à-dire pendant quasiment deux ans, à quelques jours près.

- L'indemnisation de cette rupture abusive relève de l'application de l'article L 1235-5 du code du travail. À la suite de cette rupture, M [I] [Z] s'est trouvé privé d'emploi, ne disposant pas d'une autorisation de séjour et n'ayant, à faire valoir dans ses contacts avec d'autres éventuels employeur qu'un salaire de référence de l'ordre de 1400 €.

Le salarié ne produit toutefois pas d'éléments permettant d'apprécier le préjudice professionnel et financier qu'il a nécessairement subi à la suite de cette rupture, dans les circonstances relatées ci-dessus. La cour relèvera toutefois que si ce salaire mensuel avait été versé à M [I] [Z] et apparaissait dans les pièces qui ont été produites pour l'obtention d'un titre de séjour, la décision ministérielle n'aurait très vraisemblablement pas fondé son refus sur le fait que « son niveau de rémunération n'était pas en relation avec les fonctions d'attaché commercial qu'il exerçait», étant par ailleurs relevé que l'activité exercée était cohérente avec la formation du salarié.

La cour fixera à 10 000 € la somme due à ce titre.

- En ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis, compte tenu du salaire mensuel de référence retenu, il sera alloué à M [I] [Z] la somme de 3467,74 euros, assortie de 10 % de congés payés.

- l'indemnité légale de licenciement sera fixée, la cour considérant que le contrat de travail a duré jusqu'au 28 décembre 2006, à la somme de 1403,28 euros dans les limites de la demande du salarié. Le salarié, dans cette hypothèse, ne formule pas de demande au titre du salaire de mise à pied.

- le contrat de travail à durée déterminée ayant été requalifié en contrat à durée indéterminée la cour allouera à ce titre au salarié une somme de 3467,74 euros, correspondant à un mois de salaire.

L'employeur la SA FECIT devra délivrer au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et des bulletins de salaire dûment modifiés sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte étant rappelé qu'en cas de difficultés M [I] [Z] pourra saisir le juge de l'exécution.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours, notamment sans délivrer de bulletin de paie ou sans mentionner sur ceux-ci le nombre réel d'heures de travail effectué, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, aucun bulletin de paye n'ayant été délivré après le mois de juillet 2006 la dissimulation d'emploi est établie, sans que le caractère intentionnel de cette manière de procéder ne soit combattu par aucun élément pertinent.

En conséquence, il sera alloué à M [I] [Z] une somme de 20 806,44 euros.

Sur les frais de déplacement.

Le Conseil de Prud'hommes, au vu des pièces justificatives versées par le salarié faisant état d'un déplacement en Russie le 30 juin 2006, alors que le salarié faisait toujours partie des effectifs de l'hôtel, a octroyé à M [I] [Z] une somme de 1500 € fixée forfaitairement pour les frais exposés. La cour, confirmera cette décision relevant que les pièces justificatives n'étant pas traduites elle n'est pas en situation de vérifier le bien-fondé de l'entière demande.

Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

La SA FECIT qui succombe supportera la charge des dépens.

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par [I] [Z] la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il sera donc alloué, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 2000 euros, à ce titre pour la procédure d'appel.

Décision de la Cour :

En conséquence, la Cour,

Infirme la décision du Conseil de Prud'hommes sauf en ce qu'il a requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée et en ce qui concerne la somme allouée à titre de remboursement des frais et celle allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit le licenciement de M [I] [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Fixe le salaire mensuel reconstitué de M [I] [Z] à la somme de 3467,74 euros.

Dit que le contrat de travail s'est poursuivi jusqu'au 28 décembre 2006.

Condamne la SA FECIT à payer à M [I] [Z] les sommes suivantes :

- 10 000€, à titre d'indemnité pour licenciement abusif en application de l'article L 1235-5 du code du travail,

somme avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter de la présente décision.

- 1734 € de rappel de salaire de mise à pied congés payés de 10 % en sus.

- 1403,28 euros d'indemnité légale de licenciement.

- 3467,74 euros à titre de préavis, congés payés afférents de 10 % en sus,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

- 20 806,44 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

- 20 947 € à titre de prime sur le marché russophone de 2005.

- 20 926,58 euros à titre de prime sur le marché russophone de 2006,

ces sommes avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

L'employeur devra remettre au salarié les bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi conforme à la présente décision.

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Condamne la SA FECIT à régler à M [I] [Z] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.

La condamne aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/08821
Date de la décision : 19/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°11/08821 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-19;11.08821 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award