La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2014 | FRANCE | N°11/05836

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 18 mars 2014, 11/05836


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 18 Mars 2014



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05836



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mai 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 09/14499





APPELANT

Monsieur [U] [S]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne,

assisté de Me Ghislaine ROUSSEL, avo

cat au barreau de PARIS, toque : C1575





INTIMEE

Association UNILET (Union Nationale Interprofessionnelle des Légumes Transformés)

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Pierre BR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 Mars 2014

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05836

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mai 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 09/14499

APPELANT

Monsieur [U] [S]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne,

assisté de Me Ghislaine ROUSSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1575

INTIMEE

Association UNILET (Union Nationale Interprofessionnelle des Légumes Transformés)

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Pierre BREGOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0093,

En présence de Mme [V] [G] (Directrice Générale)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Madame Caroline PARANT, Conseillère

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [U] [S] du jugement rendu le 18 mai 2011 par le Conseil des Prud'Hommes de Paris qui, après avoir retenu que 'l'employeur avait pu, à juste titre, rompre le contrat de travail de M. [U] [S] pour faute grave'a condamné l'association UNILET à payer à son ancien salarié l'unique somme de 6,84 € au titre de la prime de vacances 2009, déboutant le salarié du surplus de ses demandes et rejetant la demande reconventionnelle de l'association UNILET.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat écrit à durée indéterminée du 9 juin 1986 M. [U] [S] a été embauché par l'association UNILET (Union nationale interprofessionnelle des légumes transformés) en qualité d'aide comptable. La convention collective applicable au contrat de travail était celle des industries de la conserve.

Le 14 septembre 2009 M. [U] [S] a été convoqué à un entretien préalable en vue de licenciement, entretien fixé au 22 septembre suivant.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 25 septembre 2009 M. [U] [S] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Contestant les modalités de son licenciement, M. [U] [S] a saisi le Conseil des Prud'hommes de [Localité 1] aux fins d'entendre juger ce licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences financières afférentes, contexte dans lequel est intervenu le jugement dont appel.

M. [U] [S] poursuit l'infirmation du jugement et demande à la cour de statuer à nouveau et de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et, par suite, de condamner l'association UNILET à lui payer :

- 100.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9.988,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois de salaire),

- 998,88 € au titre des congés payés afférents,

- 43.620,72 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 20.000 € à titre de dommages intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Il requiert, par ailleurs :

- 747,35 € à titre de prime de vacances et, subsidiairement, 253,68 € en admettant que cette prime devrait être proratisée, et, encore plus subsidiairement, 6,84 € au même titre,

- 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

°°°

L' association UNILET conclut à la confirmation du jugement et au débouté de M. [U] [S] de toutes ses demandes. Elle requiert, reconventionnellement, la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la nature du licenciement :

Considérant que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

'Monsieur,

Nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour les faits que nous vous aurions exposés si vous aviez été présent lors de l'entretien préalable du 22 septembre dernier et que nous vous rappelons ci-après.

Votre collègue, Mme [L] [B], nous a informé par mail du 19 août 2009, avoir déposé le 13 août, auprès du commissariat du XIV ème arrondissement de [Localité 1], une main courante à votre encontre pour harcèlement.

Elle nous a remis, par ailleurs, un certain nombre de documents et nous a expressément demandé de veiller à sa santé au travail.

Au regard de la gravité des faits reprochés, nous avons, comme le délégué du personnel, mis en oeuvre une enquête.

Vous n'avez pas cru devoir répondre à notre demande d'explication formulée par lettre du 25 août dernier, lettre que vous avez pourtant bien réceptionnée.

Vous n'avez pas non plus répondu au délégué du personnel.

Quoi qu'il en soit, les documents aujourd'hui en notre possession confirment les dires et écrits de votre collègue de travail.

Vous avez eu à son égard un comportement inapproprié se traduisant par des irruptions incessantes et non professionnelles dans son bureau, en particulier quand vous étiez seul au bureau avec elle (dont l'une avait fait l'objet d'un appel urgent d'[L] [B] durant mes congés) des déclarations et des écrits ambigus et embarrassants et, de manière plus globale, des propositions d'une relation personnelle qu'elle ne voulait pas.

Vous aviez déjà été mis en garde sur des faits de même nature concernant la même personne, en vain.

Ces faits nous contraignent à mettre fin pour faute grave au contrat de travail qui nous lie etc....' ;

Considérant qu'il est donc reproché à M. [U] [S] d'avoir harcelé Mme [L] [B] tant moralement que sexuellement même si ces qualificatifs ne sont pas expressément employés ;

Considérant que l'article L. 1152-1 du code du travail énonce que : 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.';

Que l'article L.1153-1 du même code énonce que 'les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits';

Considérant que pour justifier avoir licencié M. [U] [S] pour faute grave l' association UNILET verse aux débats :

- une déclaration de main courante du 11 août 2009 faite par Mme [L] [B] et mentionnant que M. [U] [S] 'ne cesse de lui envoyer des mails', lui rend visite dans son bureau pour lui 'faire des déclarations d'amour' ; que cette déclaration de main courante, ne saurait, en raison de son caractère unilatéral, constituer une preuve d'un harcèlement quelconque, moral ou sexuel, tout comme ne saurait constituer une preuve de faits de même nature, en raison toujours de leur mention unilatérale, l'appel de Mme [L] [B] à la responsable de la société, également le 11 août 2009, soit le jour de la déclaration de main courante, et la lettre écrite à la même le 1er septembre 2009 pour se plaindre de faits de harcèlement ; que ces éléments seront donc déclarés non probants, n'étant corroborés par aucun témoignage attestant de la réalité d'irruptions répétées de M. [U] [S] dans le bureau de Mme [L] [B] aux fins de lui faire 'des déclarations d'amour' ;

- un certain nombre d'emails écrits par M. [U] [S] et libellés comme suit :

* le 29 janvier 2008 : ' A propos la ste [L] c'est quand ' Que je te fasses la bise n'ayant pu te faire pour les fêtes' ; que cet email au ton sympathique et convivial entre collègues de bureau ne saurait en aucun cas faire grief et être constitutif de harcèlement ;

* le 4 février 2008 :'je te sens un peu absente, éteinte aujourd'hui. Le week end a t-il été harassant '' ;

Qu'à cet email , certes quelque peu intrusif, Mme [L] [B] répondait le 4 février 2008 comme suit :

'[U]

Tout va bien merci.

Ton attention me touche mais je suis gênée par ce mode d'échange au travail.

De plus je suis une personne qui préfère séparer vie privée et vie professionnelle.

Essayons de maintenir des relations cordiales à l'image de ce qu'elles ont été jusqu'à présent.

Encore une fois ce n'est pas personnel mais c'est juste ma façon de fonctionner.

Je suis sûre que tu le respecteras

[L].' ;

Que cette réponse, bien que ferme, demeure cordiale et ne met pas en évidence un conflit entre les deux salariés ;

*Réponse de M. [U] [S] le 29 février 2008 : 'Pourquoi depuis que tu m'as envoyé ton mail,( le mail reproduit ci-dessus) es- tu si froide, si cassante, si dure ' Tu m'évites, tu me fuis, tu me zappes !

Tu n'es plus la même avec moi. Tu fais tout pour que je te prenne en grippe ! Pourtant jusqu'à ce soir j'ai respecté ton souhait.

Je n'ai pas empiété sur ta vie privée. Alors pourquoi ' J'ai essayé d'entretenir des liens cordiaux avec toi mais je sens comme un mur en face.

Tu sais, pour moi, c'est déjà difficile, alors s'il te plaît, n'en rajoute pas.

[U]' ;

Considérant que si les échanges mentionnés ci-dessus mettent en évidence un comportement un peu envahissant de M. [U] [S], et ressenti comme importun par Mme [L] [B], qui faisait une mise au point claire le 4 février 2008, ils ne sauraient constituer à eux seuls la preuve d'un harcèlement tant moral que sexuel, au sens des articles L.1152-1 et L.1153-1 du code du travail ;

Qu'il ressort simplement des échanges en question que M. [U] [S] se trouvait en situation de souffrance au travail, ceci étant démontré par les certificats médicaux qu'il verse aux débats (certificat du Dr [F] du 5/11/2009 et du Dr [T] du 12/10/2009), souffrance et mal être que Mme [L] [B] reconnaît, au demeurant, dans son email du 15 août 2009 adressé à Mme [G] responsable de l' association UNILET('sachant qu'il souffrait de dépression et que son état psychologique était fragile...') ;

Que la cour observe, par ailleurs, que M. [C] [D], délégué du personnel, et chargé d'une enquête par l'employeur, laquelle a, de surcroît, été unilatérale dès lors que M. [U] [S] n'a pas répondu à ses convocations et n'a donc pu apporter quelque contestation que ce soit, mentionne que dans le cas d'espèce 'le harcèlement moral ou sexuel n'est pas caractérisé' ;

Considérant qu'il s'ensuit que la 'faute grave' reprochée à M. [U] [S] n'est pas avérée non plus que n'est avéré le caractère 'sérieux' de la cause du licenciement ;

Que force est de constater, par ailleurs, que Mme [L] [B] ne justifie pas ni même n'allègue, que le comportement de M. [U] [S] a eu pour conséquence ' une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité' ou a 'altéré sa santé physique ou mentale' ou compromis' son avenir professionnel.';

Que la cour juge, en conséquence le licenciement de M. [U] [S] sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences financières résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Considérant qu'il convient de condamner l'employeur à payer à M. [U] [S] les indemnités de rupture soit :

- 9.988,80 € à titre d'indemnité de préavis (indemnité correspondant à 3 mois de salaire de chacun 3.329,60 €),

- 998,88 € pour les congés payés afférents,

- 43.620, 60 € à titre d'indemnité de licenciement sur une base de salaire de 3.329,60 € au vu de l'ancienneté du salarié de 23 ans et 6 mois et au vu des dispositions combinées de l'article L.1234-9 du code du travail et du statut du personnel d'UNILET ;

Que l' association UNILET sera, par ailleurs, condamnée à verser à M. [U] [S], à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 40.000 €, ce montant étant retenu par la cour au vu de l'âge du salarié à la date du licenciement (47 ans), de son ancienneté dans la société (23 ans et 6 mois) et de la période de chômage suivant le licenciement ;

Que la prime de vacances due à M. [U] [S] sera fixée à 253,68 € après prise en compte du préavis de 3 mois ;

Considérant que M. [U] [S] doit être débouté de sa demande de dommages intérêts fondée sur l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail dès lors que l'employeur avait diligenté une enquête sur les faits reprochés à M. [U] [S] et sur leur contexte (même s'il n'a pas, par la suite, tenu compte des conclusions de M. [D]), et dès lors que les avis de la médecine du travail avaient toujours été en faveur d'une aptitude du salarié à son emploi ce qui ne pouvait attirer l'attention de l'employeur sur une quelconque pathologie de M. [U] [S] ;

Considérant que l'équité commande de condamner l' association UNILET à payer à M. [U] [S] la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement dans l'intégralité de ses dispositions et, statuant à nouveau,

Juge le licenciement de M. [U] [S] par l'association UNILET sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l' association UNILET à payer à M. [U] [S] :

- 9.988,80 € à titre d'indemnité de préavis (indemnité correspondant à 3 mois de salaire de chacun 3.329,60 €),

- 998,88 € pour les congés payés afférents,

- 43.620, 60 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 40.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 253,68 € au titre de la prime de vacances,

- 2.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne l' association UNILET aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/05836
Date de la décision : 18/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°11/05836 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-18;11.05836 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award