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18/03/2014 | FRANCE | N°11/05607

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 18 mars 2014, 11/05607


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 18 Mars 2014



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05607



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Avril 2008 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 05/14897





APPELANTE

Madame [HH] [TN]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Marc FORIN, a

vocat au barreau de PARIS, toque : E0773







INTIMÉE

SOCIÉTÉ NATIONALE DE RADIO DIFFUSION RADIO FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Frédéric SICARD, avocat au barreau de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 Mars 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05607

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Avril 2008 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 05/14897

APPELANTE

Madame [HH] [TN]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Marc FORIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0773

INTIMÉE

SOCIÉTÉ NATIONALE DE RADIO DIFFUSION RADIO FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Frédéric SICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente, et Madame Caroline PARANT, Conseillère chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Madame Caroline PARANT, Conseillère

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [HH] [TN] a été embauchée par la Radio Télévision Française à laquelle a succédé l'Office de Radio Télévision Française, aux droits duquel se trouve la société Nationale de Radiodiffusion Radio France, en abrégé Radio France, en qualité de dactylographe à compter du 1er mai 1963.

Par avenant du 1er août 1971, elle est devenue régisseur de production puis a été promue assistant de production, le 1er janvier 1977 et enfin, a été nommée assistant de réalisation à compter du 1er juillet 1983.

La convention collective de la communication et de la production audiovisuelles publiques est entrée en vigueur en 1984.

Elle a alors rejoint la classification B16 niveau 2, étant précisé que le groupe de qualification B16 regroupe les fonctions de technicien supérieur de production.

Madame [TN] a atteint le niveau 4 à partir du 1er décembre 1988 en qualité de chargée de Réalisation Radio.

Elle a intégré le niveau 5, le 1er janvier 1989, le niveau 6, le 1er janvier 1993, le niveau 7 du groupe B16 la même année, puis a été promue au niveau 8 en 1999 et au niveau 9 en 2000.

Par avenant du 26 février 2001, Madame [TN] a intègré le groupe de qualification B21.1, cadre spécialisé, directement au niveau 8, avec effet rétroactif au 15 décembre 1998.

Elle a enfin été promue au niveau 9 du groupe de qualification B21.1, le 1er septembre 2002 puis au niveau 10 indice 3216, le 1er janvier 2005.

Madame [TN] a été mise à la retraite en février 2009.

Par jugement du 5 avril 1982, le conseil de prud'hommes de Paris lui a reconnu la qualification d'assistant de production à compter du 1er janvier 1970, avec rappel de salaires à compter du 30 janvier 1971.

Par un arrêt du 9 décembre 1987, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement mais, avant dire droit, a désigné un expert afin de déterminer si les fonctions de Madame [TN] relevaient de l'emploi d'assistant de production de niveau H ou de niveau I.

Le 13 mai 1988, les parties au litige pendant devant cette cour ont conclu une transaction qui prévoyait le versement par la société Radio France d'une somme de 100 000 Frs, et, en contrepartie Madame [TN]' déclare être remplie de tous ses droits et n'avoir plus aucune revendication salariale ou de carrière ou autre à l'encontre de RADIO FRANCE au titre de la période précédent la date de la signature de la présente transaction et des décisions de justice intervenues. Elle déclare également renoncer à toute instance ou action en cours à l'encontre de la société RADIO FRANCE'.

Par jugement du 23 juin 1997, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Madame [TN] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral découlant d'une sanction prétendument abusive, en prenant acte du fait qu'aucune sanction n'avait été prise à l'encontre de Madame [TN] et a accueilli sa demande relative aux heures supplémentaires.

*****

Madame [TN] a, à nouveau, saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 19 décembre 2005.

Par jugement du 25 avril 2008, en formation de départage, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté Madame [TN] de sa demande de paiement de la somme de 90 000 € en réparation de son préjudice matériel et moral au titre d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière,

- avant dire droit sur la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et de remise des bulletins de paie conformes, désigné des conseillers rapporteurs,

- ordonné l'exécution provisoire et réservé les demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [TN] a régulièrement interjeté appel du jugement du 25 avril 2008, appel limité à la demande en réparation de son préjudice au titre d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière.

Par jugement du 7 mai 2010, en formation de départage, le conseil de prud'hommes de Paris, après le dépôt du rapport des conseillers rapporteurs, a fait droit à la demande de rappel de salaires de Madame [TN] au titre des heures supplémentaires.

Ce jugement n'a pas fait l'objet d'appel et a été exécuté.

*****

Par conclusions visées au greffe le 28 janvier 2014 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [TN] demande à la cour de :

- à titre principal,

* dire et juger que la société Nationale de Radiodiffusion Radio France n'a pas respecté le principe ' à travail égal, salaire égal ' et que Madame [TN] a subi une discrimination dans l'évolution de sa carrière,

* condamner en conséquence la société Radio France au paiement de la somme de 100 000 € en réparation de son préjudice, avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, et d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 19 décembre 2005, date de saisine du conseil,

- à titre subsidiaire,

ordonner avant dire droit, à la société Radio France d'avoir à communiquer les contrats de travail, avenants et bulletins de paie de 2000 à nos jours des salariés, et/ou, ex-salariés suivants :

* Madame [FS] [Y],

* Madame [MM] [CH],

* Madame [L] [U],

* Madame [L] [F],

* Monsieur [SK] [CT],

* Monsieur [H],

* Monsieur [EU] [Z],

* Monsieur [PL] [IK],

* Madame [FS] [ZQ],

* Madame [B] [X],

* Monsieur [QO] [C],

* Monsieur [J] [KG],

* Madame [LJ] [XK],

* Madame [D] [A],

* Madame [E] [UL],

* Madame [YN] [AY],

* Madame [I] [M],

* Madame [ZL] [T],

* Monsieur [R] [NK],

* Monsieur [VO] [KL],

* Madame [XP] [P],

* Madame [DR] [RM],

* Madame [MH] [S],

* Madame [W] [OI],

* Madame [E] [NK],

* Monsieur [N] [G],

* Monsieur [FL] [K],

* Monsieur [J] [Q],

* Monsieur [WM] [BV],

* Madame [L] [ON],

* Monsieur [QJ] [O],

* Madame [V] [VJ],

- en tout état de cause,

lui allouer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [TN] fait valoir principalement les arguments et moyens suivants :

- sa demande est recevable et ne se heurte ni au principe d'unicité d'instance, ni à l'autorité de la chose jugée ;

- un certain nombre d'éléments établissent une rupture d'égalité entre Madame [TN] et ses collègues de travail quant à l'évolution de sa carrière, qui justifie sa demande de dommages et intérêts.

*****

Par conclusions visées au greffe le 28 janvier 2014 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société Nationale de radiodiffusion Radio France sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour :

- à titre préalable,

de déclarer irrecevable la demande de Madame [TN],

- à titre principal,

de débouter Madame [TN] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une discrimination et d'une rupture d'égalité,

- à titre subsidiaire,

en cas de contrôle des pièces fournies par elle dire que ce contrôle devra s'effectuer, aux frais de Madame [TN], par telle mesure avant dire droit qu'aménagerait la cour, en préservant la confidentialité des informations contenues dans les bulletins de paie et avenants, de telle sorte qu'elle ne pourrait intervenir que par voie d'huissier, étant seules débattues contradictoirement les erreurs qui pourraient s'avérer ensuite par un tel contrôle,

- en tout état de cause,

de condamner Madame [TN] au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Radio France soutient, en substance, les arguments et moyens suivants :

- le principe de l'unicité de l'instance et l'autorité de la chose jugée de la transaction conclue le 13 mai1988 excluent que l'on puisse examiner la période antérieure à 1997,

- Madame [TN] a fait l'objet d'une promotion régulière depuis 1997 et la société Radio France justifie de l'absence de rupture d'égalité entre elle et ses collègues,

MOTIFS

Sur l'unicité de l'instance

Considérant qu'en vertu de l'article R. 1452-6 du code du travail, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, font l'objet d'une seule instance et que cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil des prud'hommes ;

Considérant que la société Radio France soutient que Madame [TN] est irrecevable en ses demandes puisqu'elle avait déjà saisi la juridiction prud'homale concernant le même contrat de travail et que cette première instance a pris fin par un jugement devenu définitif rendu le 23 juin 1997 par le conseil de prud'hommes de Paris ;

que Madame [TN] conclut à la recevabilité de ses demandes ;

Considérant que, s'agissant de la présente instance, après avoir invoqué devant le conseil de prud'hommes les dispositions de l'article L 112-45 du code du travail, devenu L 1132-2 du code du travail, pour obtenir la réparation d'un préjudice résultant d'une discrimination en matière de rémunération, de qualification, de classification et de promotion professionnelle en raison de son origine, l'appelante a changé le fondement de sa demande de dommages et intérêts en invoquant le principe ' à travail égal, salaire égal ' en vertu duquel l'employeur est tenu d'assurer une égalité de traitement entre tous les salariés se trouvant dans une situation identique ;

Considérant que seuls des documents permettant au salarié d'établir des comparaisons en matière salariale et de promotion professionnelle avec les autres salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation comparable, c'est à dire ayant la même ancienneté et les mêmes compétences, sont de nature à révéler une telle rupture d'égalité ;

qu'en l'espèce, Madame [TN] n'a pu avoir connaissance de l'étendue de son préjudice qu'à partir de la communication par l'employeur de documents qui retraçaient le parcours professionnel des personnels chargés de réalisation au 31 mars 2006, en précisant notamment les salaires perçus, la date des changements de qualification, l'ancienneté et l'âge de ces différents salariés ;

qu'ainsi les causes du présent litige qui fondent les prétentions de l'appelante ne lui ont été révélées que postérieurement à l'extinction de la première instance ;

qu'en conséquence, il convient de rejeter la fin de non recevoir tirée du principe de l'unicité de l'instance ;

Sur l'autorité de la chose jugée de la transaction du 13 mai 1988

Considérant qu'en vertu des articles 2044 et 2052 du code civil, les transactions par lesquelles les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître, ont, entre les parties l'autorité de la chose jugée ;

qu'aux termes de l'article 2048 du Code civil, les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ;

qu'enfin, en vertu de l'article 2049 du Code civil, les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé;

Considérant que la société Radio France soutient que la demande de Madame [TN] se heurte à l'autorité de la chose jugée de la transaction conclue entre les parties le 13 mai 1988 ;

qu'au contraire, Madame [TN] prétend que la transaction n'a jamais porté sur la discrimination dont elle fait l'objet ;

Considérant qu'aux termes même de la transaction du 13 mai 1988, le différend qui opposait les parties à cette transaction, après qu'a été jugée bien fondée la demande de Madame [TN] de se voir reconnaître la qualification d'assistante de production, était relatif à la demande de Madame [TN] de requalification au niveau I de sa fonction d'assistante de production ;

que le différend ne portait pas sur l'ensemble de la reconstitution de sa carrière ;

Considérant en conséquence que l'autorité de la chose jugée attachée à cette transaction ne porte que sur le positionnement de Madame [TN] dans la catégorie d'assistante de production que lui avait reconnu le conseil de prud'hommes ; que Madame [TN] a perçu une somme de 100 000 F qui réglait le différend qui existait entre les parties relatif à la catégorie de Madame [TN], nonobstant les termes généraux utilisés dans l'article 2 de la transaction ;

qu'en effet, en vertu de l'article 2048 du code civil susvisé, la renonciation qui était faite à toute revendication salariale ou de carrière au titre de la période précédant la signature de la transaction et des décisions de justice intervenues, n'était relative qu'au différend qui opposait les parties, à savoir celui de la catégorie d'assistante de production à laquelle appartenait Madame [TN] ;

Considérant que l'objet de la présente demande, à savoir l'indemnisation du préjudice résultant du non respect du principe d'égalité de traitement, est différent de l'objet de la transaction du 13 mai 1988 ;

qu'en conséquence la demande ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction du 13 mai 1988 ;

que la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de cette transaction sera rejetée ;

Sur le fond

Considérant que Madame [TN] soutient qu'elle est victime d'une inégalité de traitement par rapport à ses collègues, assistants de production, qui exercent les mêmes fonctions qu'elle au sein de Radio France ;

que sa stagnation de carrière est ancienne puisqu'elle est restée très longtemps dans la qualification B 16 - 0 alors que nombre de ses collègues avaient été promus au groupe B 21 - 1 ; qu'elle a ensuite subi à nouveau un retard en n'étant pas classée dans le groupe B 24 ;

qu'elle sera indemnisée de son préjudice matériel, de retraite, et de son préjudice moral ;

que la société Radio France conteste toute inégalité de traitement ; que Madame [TN] a bénéficié de promotions régulières conformes à la convention collective ; que le tableau qu'elle verse aux débats démontre l'absence de rupture d'égalité ; qu'en tout état de cause la demande d'indemnisation est excessive ;

Considérant que le principe : ' à travail égal, salaire égal ', énoncé par les articles L 2261 - 22 et L 2271 - 1 du code du travail, impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe pourvu que les salariés en cause soient placés dans une situation identique ;

Considérant qu'en application de l'article 1315 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe ' à travail égal, salaire égal ' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ;

que l'employeur doit rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant, si elle existe, cette différence ;

Considérant en l'espèce que Madame [TN] produit un tableau récapitulatif de la carrière de 38 autres chargés de réalisation à Radio France qu'elle compare à son relevé de carrière ; que ce tableau concerne 38 chargés de réalisation ayant une ancienneté importante dans l'entreprise puisqu'embauchés entre 1962 et 1983 ;

qu'il en résulte, comme l'avait mentionné le conseil de prud'hommes, que seuls 4 de ces chargés de réalisation ont atteint le niveau B 21 - 1 en juillet 2000, comme Madame [TN], et que ces 4 salariés avaient une ancienneté bien inférieure à celle de Madame [TN] ( embauchés entre 1979 et 1983, alors que Madame [TN] a été embauchée en 1963 et est devenue régisseur de production en 1971 ) ; que 30 autres de ces chargés de production ont été promus au niveau B 21 - 1 entre 1990 et 1999, et 4 autres, embauchés entre 1974 et 1977, ont atteint ce niveau entre 2001 et 2002 ;

que Madame [TN] qui est restée classée B 21 de juillet 2000 jusqu'à sa retraite prise en février 2009, évoque les situations particulières de :

- Madame [Y], embauchée en 1962, classée B 16 à l'embauche, promue B 21 - 1 en 1994 puis 24 - 0 en 2000,

- Madame [CH], embauchée en 1974 au niveau B 16, promue B 21 - 1 en 1994 et B 24 - 0 en 2000,

- Madame [U], embauchée en 1969 au niveau B 16, promue B 21 - 1 en 1992 et B 24 - 0 en 1998 et B 25 - 0 en 2002,

- Madame [F], embauchée en 1976 au niveau B 8, promue B 16 en 1985, B 21 - 1 en 1998 et B 24 - 0 en 2005,

- Monsieur [CT], embauché en 1974 au niveau B 16, promu B 21 - 1 en 1991, B 24 - 0 en 1998, promu B 25 en 2002,

- Monsieur [H], embauché en 1974 au niveau B 16, promu B 21 - 1 en 1990, B 24 -0 en 1996 ;

- Monsieur [Z], embauché en 1980 au niveau B 15, promu B 21 - 1 en 1997, B 24 - 0 en 2007 ;

- Monsieur [IK], embauché en 1980 au niveau B 8, promu B16 en 1994, B 24 -0 en 2007 ,

- Madame [ZQ], embauchée en 1983 au niveau B 15, promue B 21 - 1 en 1996, B 24 - 0 en 2002 et B 25 en 2007,

- Madame [X], embauchée en 1984 au niveau B 15, promue B 16 et B 21 - 1 en 2003, B 24 - 0 en 2008,

- Monsieur [C] , embauché en 1987 au niveau B8, promu B 16 en 1993, B 21 - 1 en 2001, B 24 - 0 en 2008,

- Monsieur [KG], embauché en 1988 au niveau B 8, promu B 21 - 1 en 2002, B 24 - 0 en 2008;

qu'il en résulte qu'à l'exception des salariés [X], [C] et [KG], qui ont été promus au niveau B 21 après Madame [TN], tous ont été promus au niveau B 24, contrairement à Madame [TN] qui est restée au niveau B 21 de 2000 à 2009 ;

Considérant que le tableau anonyme versé aux débats par la société Radio France qui compare les salaires versés à 33 chargés de réalisation radio de 2001 à 2007 ( seules 31 rémunérations, y compris celle de Madame [TN], sont exploitables, celles des salariés 7 et 8 étant exclus du tableau car elles ne sont pas significatives ) permet de vérifier que :

- 10 chargés de réalisation ( les salariés nos : 15, 16, 17, 18, 25, 28, 29, 31, 32, 33 ) perçoivent des salaires inférieurs à ceux de Madame [TN] puisque résultant d'un classement au niveau B 21 ou B 16 ;

que ces 10 chargés de réalisation ont été embauchés entre 1975 et 1995, dont 3 entre 1975 et 1977 ;

- 15 chargés de réalisation ( nos : 2, 9, 11, 12, 13, 14, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 30 ) perçoivent, en tout cas au moins pendant une partie de la période considérée, des salaires supérieurs car relevant de la catégorie B 24 ;

- 5 chargés de réalisation ( nos 3, 4, 5, 6, 10 ) perçoivent, en tout cas au moins pendant une partie de la période considérée, des salaires supérieurs car relevant de la catégorie B 25 ;

que ce tableau établit que Madame [TN] était moins bien classée que les 20 chargés de réalisation classés en B 24 et B 25 et donc moins bien rémunérée que ces derniers ; qu'elle était la plus ancienne de tous les salariés classés en B 21, le plus ' jeune embauché ' de cette catégorie ayant été embauché en 1975 alors que Madame [TN] embauchée en 1063 exerçait des fonctions dans la production radiophonique depuis 1971 ;

que ce tableau confirme qu'en fin de carrière, elle faisait partie des 10 chargés de réalisation les moins bien classés alors qu'elle avait une des anciennetés les plus importantes, même en ne considérant que l'ancienneté acquise à la production et à la réalisation ;

que les tableaux que la société Radio France verse aux débats ne permettent pas de contredire le fait que Madame [TN] faisait partie des salariés étant restés le plus longtemps au niveau B 16 de sa catégorie ;

que le tableau sur la durée de positionnement au niveau B 21 avant d'accéder au niveau B 24 permet de constater l'existence de grandes différences dans ce positionnement qui varie entre 2 et 10 ans ; que la cour ne peut en titrer aucune conséquence ;

Considérant que la société Radio France qui soutient en outre que l'avancement de Madame [TN] a été freiné par les difficultés relationnelles qu'entretenait Madame [TN] ne le justifie pas ;

qu'en effet si la preuve est faite de la réalité de problèmes ponctuels ayant existé en 2004 et début 2005 entre Madame [TN] et Madame [JI], ainsi que d'incidents ayant eu lieu en 1996 et début 1997, relativement à la prise de congés de l'appelante et à des défaillances et négligences, pour autant ces faits s'inscrivent dans une relation professionnelle qui a duré plus de 40 ans sans que Madame [TN] ait fait l'objet de sanctions disciplinaires ;

qu'en outre, Madame [TN] verse aux débats de nombreux pièces établissant la satisfaction de ses collègues de travail sur la qualité de ses prestations et sur son professionnalisme ;

qu'enfin aucun rapport d'évaluation n'est produit qui établirait les insuffisances professionnelles de Madame [TN] ;

Considérant en conséquence que la cour estime que la société Radio France ne justifie pas par des éléments objectifs l'inégalité salariale dont a été victime Madame [TN] en raison de son faible avancement en dépit d'une grande ancienneté ;

que Madame [TN] est dès lors bien fondée à voir indemniser le préjudice subi par elle en lien avec cette inégalité salariale, à savoir un préjudice financier de salaire et de retraite et un préjudice moral ;

que, pour autant, la somme qu'elle sollicite est excessive eu égard à la perte de rémunération qu'elle a subie au regard de la moyenne des rémunérations des chargés de production ;

que la cour constate également que, si un délégué syndical est intervenu en mai 2005 pour qu'elle obtienne une promotion, par contre Madame [TN] n'a jamais mis en demeure son employeur de lui assurer une promotion et une élévation de classification ;

qu'il lui sera alloué la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition de l'arrêt et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;

que le jugement entrepris qui avait débouté Madame [TN] de sa demande d'indemnisation formée sur le fondement de la discrimination sera infirmé ;

Considérant que la société Radio France qui succombe sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande reconventionnelle fondée sur cet article ;

PAR CES MOTIFS

- Rejette les fins de non recevoir soulevées par la société Radio France tirées de l'unicité

de l'instance et de l'autorité de la chose jugée ;

- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [HH] [TN] de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière, et, statuant à nouveau,

- Dit et juge que la société Nationale de Radiodiffusion Radio France n'a pas respecté le principe ' à travail égal, salaire égal ' et que Madame [TN] a été victime d'une inégalité salariale par rapport à l'ensemble des chargés de production ;

- Condamne la société Nationale de Radio Diffusion Radio France à payer à Madame [HH] [TN] la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt, et de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Autorise la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

- Condamne la société Radio France aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/05607
Date de la décision : 18/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°11/05607 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-18;11.05607 ?
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