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13/03/2014 | FRANCE | N°11/21554

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 13 mars 2014, 11/21554


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 13 MARS 2014



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/21554



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 octobre 2011 -Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 20102797





APPELANT



Monsieur [R] [I]

demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de

PARIS, toque : B1106

Représenté par Me Georges SITBON de la SCP PEREZ SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0198









INTIMÉE



SA BNP PARIBAS

représentée par son représentant l...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 13 MARS 2014

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/21554

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 octobre 2011 -Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 20102797

APPELANT

Monsieur [R] [I]

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106

Représenté par Me Georges SITBON de la SCP PEREZ SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0198

INTIMÉE

SA BNP PARIBAS

représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Brigitte GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente et Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Madame Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCÉDURE

La société Oxalys a été créée le 10 avril 2007 par M. [R] [I], qui en a pris la gérance, et avait pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce de films, jeux vidéos, livres dans le centre commercial dit de « [1] » à [Localité 1].

La société BNP Paribas a accordé à cette société, par contrats du 18 mai 2007, deux prêts d'un montant, respectivement, de 197 000 € et de 417 000 €, M. [I] s'étant, par les mêmes actes, porté caution solidaire à l'égard de la banque prêteuse à hauteur, s'agissant du premier prêt, de 113 275 € et, s'agissant du second prêt, de 271 050 €.

Les échéances mensuelles de remboursement de ces prêts n'ayant pas été payées à partir de mars 2010, BNP Paribas a, les 7 et 18 mai 2010, adressé deux mises en demeure à la société Oxalys, lui précisant qu'à défaut de paiement le 24 mai 2010, les prêts deviendraient exigibles pour la totalité de leur montant. Par lettres du 16 avril 2010, la société BNP a invité la société Oxalys à régulariser les échéances de mars à avril 2010 restées impayées puis a réitéré sa demande le 18 mai 2010 pour les échéances de mai 2010.

Par jugement du 31 mai 2010, le tribunal de commerce de Melun a placé la société Oxalys en liquidation judiciaire. La société BNP Paribas a alors déclaré sa créance au liquidateur, et a, en outre, mis en demeure M. [I] de payer ces sommes en sa qualité de caution. M. [I] n'ayant effectué aucun règlement, il a été assigné par la société BNP Paribas le 30 septembre 2010 devant le tribunal de commerce.

Il a demandé au tribunal de prononcer « dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice », la jonction de cette procédure avec celles engagées contre lui par deux autres établissements bancaires, la Société Générale et la BRED, auprès desquelles il avait souscrit, dans les mêmes conditions, des prêts pour le lancement de son activité et qui le poursuivaient en paiement en sa qualité de caution. Sur le fond, il a conclu au débouté des demandes de la société BNP Paribas en faisant valoir, en particulier, la disproportion du prêt octroyé avec ses capacités de remboursement.

Par jugement rendu le 17 octobre 2011, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Melun a :

- dit n'y avoir lieu à jonction ;

- condamné M. [I] à payer à la société BNP Paribas la somme de 229 719,70 €, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2010, date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, et jusqu'au jour à compter du paiement ;

- dit que M. [I] pourra s'acquitter de sa dette en 23 mensualités de 1 000 € et une 24ème pour le solde, le premier versement devant intervenir dans le mois suivant la signification du présent jugement ;

- dit que l'absence d'un seul règlement de l'échéance prévue emportera la déchéance du terme et l'exigibilité immédiate du solde de la créance ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil ;

- condamné M. [I] à payer à la société BNP Paribas la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'appel interjeté le 1er décembre 2011 par M. [I] contre cette décision.

Vu les conclusions signifiée le 1er mars 2012 par M. [R] [I], par lesquelles il est demandé à la Cour :

- de déclarer M. [R] [I] recevable et bien fondé en son appel ;

- d'ordonner la jonction de cette procédure avec celles engagées par la BRED et la Société Générale contre M. [R] [I] dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;

- subsidiairement et avant dire droit, d'ordonner à BNP Paribas de justifier de la mise en jeu des garanties OSEO qui figurent au prêt ;

- de débouter BNP Paribas de l'intégralité de ses demandes, la banque ayant commis une faute en octroyant un prêt disproportionné avec les capacités de remboursement de la société Oxalys et en exigeant la caution d'un dirigeant notoirement insolvable ;

- plus subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il a déchargé l'appelant du paiement des intérêts échus ;

- d'accorder 24 mois de délais à M. [R] [I] pour apurer sa dette ;

- de condamner BNP Paribas a payer à M. [R] [I] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Monsieur [R] [I] expose qu'après avoir exercé pendant plusieurs années des fonctions salariées de direction dans la grande distribution, il a décidé en 2007 d'exploiter à son compte, dans le centre commercial de [1], un fonds de commerce, à créer, de films, jeux vidéos et livres, sous l'enseigne Mediastore. A cette fin, il a créé et pris la gérance de la SARL Oxalys, laquelle a pris à bail une surface de 1 900 m² dans le centre. Pour le financement de cette opération, - les besoins d'aménagement et d'équipement s'élevant à 1 454 000 euros -, sa société a recouru à des prêts bancaires auprès de trois établissements : BNP Paribas, intimée dans la présente affaire, la BRED et la Société Générale. Il rappelle que s'étant porté caution solidaire de chacun de ces prêts, il a été poursuivi en cette qualité par les trois établissements prêteurs, lesquels, agissant séparément les uns des autres, l'ont assigné devant le tribunal de commerce de Melun. Il critique le jugement entrepris pour avoir refusé de joindre les procédures, alors que dans l'affaire l'opposant à la Bred, le tribunal a jugé que ses engagements étaient, compte tenu de l'ensemble de ses engagements, manifestement disproportionnés à son patrimoine et à ses revenus.

A l'appui de sa demande de jonction, M. [I] fait valoir que les trois banques ont « agi de concert » pour financer la même opération, ' la création dans le centre commercial du fonds de commerce -, comme en témoigne le fait que chaque acte de prêt fait référence aux autres, qu'ils comportent tous une une clause « pari passu » et que le fonds de commerce a été grevé d'un nantissement au profit des trois banques par un acte unique. Il en conclut qu'il serait « contraire au bon sens le plus élémentaire » d'apprécier son engagement à l'égard de BNP Paribas « sans l'envisager dans le cadre de l'ensemble des prêts consentis par les trois établissement bancaires ». C'est donc dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice qu'il demande à la Cour d'ordonner la jonction des trois procédures pendantes devant elle.

Sur sa demande avant dire droit, M. [R] [I] indique que les prêts litigieux ont été consentis avec la garantie d'Oséo, qu'il incombe donc à BNP Paribas de mettre en jeu ces garanties et d'en justifier, les sommes qu'elle aurait perçues devant venir en déduction des sommes qui lui sont demandées.

Sur le fond, M. [R] [I] allègue deux moyens : d'une part, la société BNP Paribas aurait manqué à son devoir de conseil ; d'autre part, l'engagement de caution souscrit à son égard serait « manifestement disproportionné ».

En premier lieu, M. [R] [I] fait valoir qu'il n'avait jusqu'alors exercé que des fonctions salariées et qu'il lui manquait donc l'expérience nécessaire à l'exercice d'une activité pour son propre compte et à l'emploi de personnel. Il doit donc être considéré comme un « emprunteur profane » à l'égard duquel BNP Paribas avait un devoir de conseil dont elle ne s'est pas acquittée.

En second lieu, s'agissant du montant de l'engagement de caution qu'il a souscrit, M. [R] [I] en souligne le caractère à ses yeux « manifestement disproportionné », au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation, en faisant valoir en particulier que le bien immobilier dont il était propriétaire était grevé d'un emprunt très important souscrit auprès de la Société Générale, et qu'au final le total de ses engagements souscrits pour les besoins de l'opération s'élève à la somme de 1 438 650 euros pour un patrimoine de 300 000 euros, ce rapport établissant la disproportion alléguée.

Subsidiairement, M. [I] indique n'avoir pas reçu de la part de BNP Paribas la lettre d'information annuelle sur ses engagements de caution, qu'exige l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, et qu'il doit en conséquence être déchargé du paiement des intérêts échus.

Vu les conclusions signifiées le 19 juin 2013 par BNP Paribas, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- débouter Monsieur [R] [I] de l'intégralité de son argumentation et de son appel ;

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Melun en date du 17 octobre 2011, en ce qu'il a condamné Monsieur [R] [I] à payer à BNP Paribas la somme de 229.719,70 € en principal outre intérêts avec capitalisation en application de l'article 1154 du Code Civil et condamné Monsieur [R] [I] à payer à la BNP Paribas la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens la procédure ;

- le réformer pour le surplus en jugeant que les intérêts seront accordés au taux Euribor trois mois majoré de 1,20% l'an jusqu'à parfait paiement et rejeter la demande de délais de paiement ;

- condamner Monsieur [R] [I] à payer à BNP Paribas la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil ainsi que les entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

Sur la demande de jonction des procédures, BNP Paribas rappelle qu'elle est en droit de se prévaloir des engagements souscrits à son égard et qu'on ne saurait voir une quelconque man'uvre dans l'action en paiement qu'elle a engagée indépendamment de celles des autres banques avec lesquelles elle ne formait, contrairement aux allégations de l'appelant, aucun « pool ». Elle en conclut à l'absence de toute nécessité de joindre les procédures et souligne que l'appelant sera pleinement en mesure de faire valoir, dans le cadre de la présente instance, tous les arguments qu'il jugera utiles.

S'agissant de la garantie qui lui a été accordée par Oséo, elle expose que celle-ci ne peut être mise en jeu, selon l'article 10 des conditions générales de la garantie d'Oséo annexées au contrat de prêt, que « lorsque toutes les poursuites utiles ont été épuisées ».

En ce qui concerne le manquement à son devoir de conseil qui lui est reproché, l'intimée fait valoir que M. [R] [I] avait précédemment exercé des fonctions de directeur de grandes surfaces et, depuis 2001, celles de P-DG de deux magasins à l'enseigne Leclerc, qui ont réalisé en 2004 un chiffre d'affaires de, respectivement, 95 millions d'euros et 19 millions d'euros, et employaient 271 et 84 salariés. Elle en déduit qu'il était une caution dirigeante avertie, au sens de la jurisprudence, et qu'elle n'était en conséquence tenue d'aucune obligation de conseil ou de mise en garde à son égard.

Sur le montant de l'engagement souscrit, la société BNP Paribas conteste toute disproportion manifeste avec le patrimoine et les revenus de M. [R] [I]. Elle observe qu'il était propriétaire de deux biens immobiliers d'une valeur comprise entre 65 000 euros et 70 000 euros pour l'un, et entre 1 100 000 euros et 1 150 000 euros pour l'autre, qu'il avait effectué un apport en compte courant d'associé de 460 000 euros et que ses revenus, d'un montant de 4 500 euros par mois, étaient élevés.

Enfin, s'agissant du défaut d'information annuelle de M. [I], la société BNP Paribas indique avoir au contraire justifié de l'accomplissement des formalités prescrites par le code monétaire et financier en produisant une copie des lettre qu'elle a adressées conformément à ce texte.

Par arrêt en date du 31 octobre 2013, la Cour d'appel de Paris a :

- ordonné la réouverture des débats ;

- invité M. [R] [I] à justifier des suites données à l'appel qu'il a interjeté contre le jugement du tribunal de commerce de Melun en date du 12 décembre 2011 ;

- fixé la clôture au 28 novembre 2013 ;

- renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 11 décembre 2013.

Vu les dernières conclusions de M. [I], signifiées le 27 novembre 2013, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- donner acte à M. [I] qu'il a communiqué les pièces sollicitées par la Cour dans son arrêt du 31 octobre 2013 ;

- adjuger à M. [I] le bénéfice de ses précédentes écritures.

Monsieur [R] [I] indique, s'agissant de la procédure qui l'oppose à la Société Générale, que le jugement du 7 novembre 2011 qui a fait droit aux demandes de celle-ci a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 13 septembre 2013 à l'encontre duquel il déclare avoir l'intention de former un pourvoi en cassation.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société BNP Paribas le 4 décembre 2013, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- accueillir BNP Paribas en ses conclusions et les déclarer recevables et bien fondées ;

- rejeter la demande de jonction présentée par M. [R] [I] ;

- débouter M. [R] [I] de l'intégralité de son argumentation et de son appel ;

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Melun en date du 17 octobre 2011 en ce qu'il a condamné M. [I] à payer à BNP Paribas la somme de 229 719,70 € en principal outre intérêts avec capitalisation en application de l'article 1154 du Code Civil et condamné M. [I] à payer à la BNP Paribas la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le réformer pour le surplus en jugeant que les intérêts seront accordés au taux Euribor trois mois majoré de 1,20 % l'an jusqu'à parfait paiement et rejeter la demande de délais de paiement ;

- condamner M. [R] [I] à payer à BNP Paribas la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

Sur la demande de jonction, l'intimée soutient qu'elle ne s'est livrée à aucune man'uvre en engageant son action en paiement indépendamment de celles menées par les autres banques et qu'elle est en droit de se prévaloir des engagement souscrits à son égard. Elle conclut donc au rejet de cette demande.

Elle rappelle, s'agissant de la garantie qui lui a été accordée par Oséo, que celle-ci ne peut être mise en jeu, selon l'article 10 des conditions générales de la garantie d'Oséo annexées au contrat de prêt, que « lorsque toutes les poursuites utiles ont été épuisées ». En ce qui concerne le manquement à son devoir de conseil qui lui est reproché, l'intimée soutient que M. [I] ayant la qualité de caution dirigeante avertie, elle n'était tenue à son égard d'aucune obligation de conseil ou de mise en garde.

L'intimée fait valoir, par ailleurs, que M. [I] avait précédemment exercé des fonctions de directeur de grandes surfaces et, depuis 2001, celles de PDG de deux magasins à l'enseigne Leclerc, qui ont réalisé en 2004 un chiffre d'affaires de, respectivement, 95 millions d'euros et 19 millions d'euros, et employaient 271 et 84 salariés. Elle en déduit qu'il était une caution dirigeante avertie, au sens de la jurisprudence et qu'elle n'était en conséquence tenue d'aucune obligation de conseil ou de mise en garde à son égard.

Sur le montant de l'engagement souscrit, la société BNP Paribas conteste toute disproportion manifeste avec le patrimoine et les revenus de M. [I]. Elle observe qu'il était propriétaire de deux biens immobiliers d'une valeur comprise entre 65 000 € et 70 000 € pour l'un, et entre 1 100 000 € et 1 150 000 € pour l'autre, qu'il avait effectué un apport en compte courant d'associé de 460 000 € et que ses revenus, d'un montant de 4 500 € par mois, étaient élevés.

Enfin s'agissant du défaut d'information annuelle de M. [I], la société BNP Paribas indique avoir au contraire justifié de l'accomplissement des formalités prescrites par le code monétaire et financier en produisant une copie des lettres qu'elle a adressées conformément à ce texte.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande de jonction présentée par M. [I]

Aux termes de l'article 367 du code de procédure civile, « le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ».

Il résulte du dossier que la Cour d'appel de Paris a, par arrêt du 13 septembre 2013, confirmé le jugement ayant fait droit aux demandes de la Société Générale contre M. [R] [I]. En conséquence, la question d'une éventuelle jonction de la présente procédure à d'autres procédures ne se pose qu'en ce qui concerne l'instance opposant M. [I] à la société Bred Banque Populaire.

Dans le cadre de la présente espèce, la Cour aura à dire si la société BNP Paribas a manqué à son devoir de conseil à l'égard de M. [I] et cette appréciation, qui met en jeu les seules relations entre ces parties, sera portée indépendamment des faits et moyens en cause dans la procédure opposant celui-ci à la société Bred Banque Populaire. Elle devra, par ailleurs, déterminer si les engagements de caution de M. [I] étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus et elle dispose, dans le dossier de la procédure, des éléments relatifs à l'ensemble des engagements souscrits par l'intéressé. Enfin, les allégations de M. [I] selon lesquelles, d'une part, il n'aurait pas reçu la lettre d'information annuelle sur ses engagements de caution que les textes requièrent et, d'autre part, l'intimée devait d'abord mettre en jeu la garantie que lui a accordée Oséo, seront examinées par la Cour sans qu'elle ait à prendre en considération des éléments issus de la procédure l'opposant à la société Bred Banque Populaire.

Dès lors, s'il existe un lien entre la présente procédure et celle opposant M. [I] à la société Bred Banque Populaire, l'intérêt d'une bonne justice ne commande pas d'en ordonner la jonction.

Sur la mise en jeu de la garantie accordée par la société Oséo

M. [I] indique que les prêts litigieux ont été consentis avec la garantie d'Oséo et que celle-ci doit être d'abord mise en jeu, les sommes perçues à ce titre devant venir en déduction des sommes qui lui sont demandées. Mais il ressort de l'article 10 des conditions générales de cette garantie (pièces n°1 et 2 produites par l'intimée) que pour en bénéficier, la société BNP Paribas doit « prendre toutes les mesures utiles pour conserver sa créance », exercer « toutes les diligences nécessaires en vue du recouvrement de la totalité de la créance » et que « toutes les sommes recouvrées à la suite des poursuites engagées pour recouvrement de la créance garantie viennent en déduction de cette créance ». L'existence de la garantie accordée par la société Oséo à la société BNP Paribas ne fait donc pas obstacle à ce que celle-ci poursuive M. [I], en sa qualité de caution, en paiement des sommes dues par la société Oxalys.

Sur le manquement de la société BNP Paribas à son devoir de conseil

L'appelant soutient que la BNP a manqué à son devoir de conseil en ne l'informant pas des risques liées à son engagement de caution et, partant, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1147 du code civil. Il fait valoir que n'ayant jusqu'alors exercé que des fonctions salariées et manquant donc de l'expérience nécessaire à l'exercice d'une activité pour son propre compte et à l'emploi de personnel, il doit être considéré comme un  emprunteur profane à l'égard duquel la BNP avait un devoir de conseil dont elle ne s'est pas acquittée, s'agissant, en particulier, de la disproportion de ses engagements par rapport à son patrimoine et ses revenus.

Mais la Cour relève que M. [I] ne saurait sérieusement soutenir être une caution non avertie puisqu'il dirigeait la société Oxalys lors de la souscription des prêts et de l'engagement de caution et qu'il ne pouvait par conséquent ignorer la situation financière de cette société ainsi que les risques inhérents à ces opérations financières et que, de surcroît, il avait été précédemment directeur de grande surface pendant 20 ans et directeur général de magasins. Quelle que soit, par conséquent, l'ampleur des engagements qu'il a souscrits, l'intimée n'était pas tenue à son égard du devoir d'information et de conseil qui s'impose à l'égard des cautions non averties.

Sur la disproportion des engagements souscrits par M. [I]

L'appelant fait valoir que les engagements de caution qu'il a souscrits à l'égard des trois banques prêteuses s'élèvent à un montant total de 1 438 650 euros, lequel est manifestement disproportionné par rapport à ses revenus et à son patrimoine qu'il évalue à 300 000 euros.

Mais, aux termes mêmes de l'article L. 341-4 du code de la consommation dont l'appelant demande l'application, c'est au moment de la conclusion de l'engagement de caution qu'il convient de vérifier que cet engagement n'est pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution. Or il ressort du dossier que M. [I] ne s'est engagée comme caution à l'égard des autres établissements prêteurs que postérieurement au cautionnement qu'il a accordé à la BNP. Il n'y a pas lieu, dès lors, de prendre en compte ces engagements ultérieurs pour déterminer si l'engagement souscrit à l'égard de l'intimée était manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus.

Par actes des 18 mai 2007, M. [I] s'est porté caution à l'égard de la société BNP Paribas des engagements de la société Oxalys, pour des montants de 113 275 euros et 271 050 euros, soit une somme totale de 384 225 euros. Ses revenus s'établissaient, selon ses déclarations, à 4 500 euros par mois. La valeur nette de son patrimoine immobilier, déduction faite du passif lié à un emprunt immobilier, était évaluée à un montant compris entre 570 000 euros et 625 000 euros, M. [I] prétendant, mais sans le démontrer, que ces biens étaient communs avec son épouse. Il en résulte que l'engagement qu'il avait souscrit à l'égard de la société BNP Paribas n'était pas manifestement disproportionné à ses revenus et à son patrimoine, quand bien même celui-ci relèverait de la communauté entre époux. L'intimée peut donc s'en prévaloir et le jugement sera, dès lors, confirmé.

Sur l'information annuelle de M. [I]

L'appelant soutient n'avoir pas été informé, comme l'impose l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, du montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au titre de son engagement de caution. L'intimée produit une copie des lettres qu'elle déclare avoir adressées à M. [I] mais ne prouve pas la réalité de cet envoi et de sa réception par M. [I]. Celui-ci sera donc, par application des dispositions de l'article L. 313-22 précité, déchargé des intérêts échus et le jugement sera confirmé.

Sur la demande de délais de paiement

En l'absence d'élément nouveau par rapport à ceux débattus devant les premiers juges, la Cour confirmera la décision du tribunal, dont elle adopte les motifs, prévoyant que M. [I] s'acquittera des sommes dues en 24 mensualités.

Sur les intérêts assortissant la condamnation de M. [I]

Le tribunal a assorti la condamnation de M. [I] d'intérêts au taux légal. Or, les actes de cautionnement prévoyaient que la caution serait tenue au remboursement en principal et intérêts dans les mêmes conditions que les prêts, auxquels s'appliquait un taux égal au taux de l'Euribor trois mois majoré du taux de 1,20 % par an. Il convient,dès lors, de réformer sur ce point le jugement et d'assortir la condamnation de M. [I] du taux prévu au contrat.

Sur les frais irrépétibles

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société BNP Paribas la totalité des frais irrépétibles qu'elle a engagés et M. [R] [I] sera condamné à lui verser la somme de mille euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DIT n'y avoir lieu à jonction ;

CONFIRME le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a appliqué à la condamnation de M. [R] [I] des intérêts au taux légal ;

FIXE au taux de l'Euribor trois mois majoré du taux de 1,20 % par an le taux d'intérêt applicable à la condamnation de M. [R] [I] ;

CONDAMNE M. [R] [I] à payer à la société BNP Paribas la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties;

CONDAMNE M. [R] [I] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E.DAMAREYC.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/21554
Date de la décision : 13/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°11/21554 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-13;11.21554 ?
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