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12/03/2014 | FRANCE | N°12/01203

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 12 mars 2014, 12/01203


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 12 Mars 2014

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/01203-MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/09577









APPELANT

Monsieur [P] [O]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne,

assisté de Me Marie-sophie VINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1858

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/014364 du 15/04/2013 accordée par le bureau d'aide juridict...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 12 Mars 2014

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/01203-MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Octobre 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/09577

APPELANT

Monsieur [P] [O]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Marie-sophie VINCENT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1858

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/014364 du 15/04/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SAS DOG PRODUCTIONS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Arnaud CHAULET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Monsieur Thierry MONTFORT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Bruno REITZER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire,

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits :

M [P] [O] a été engagé par la SAS DOG Productions, société qui produit des films publicitaires, en qualité de directeur de production suivant trois contrats à durée déterminée successifs pour les mois de mars, avril et mai 2010.

La rémunération brute prévue au premier contrat était de 2000 € par mois pour un horaire de 10h30 par semaine. Les 2 contrats à durée déterminée passés ultérieurement pour les mois d'avril et mai 2010 prévoyaient, chacun, un horaire hebdomadaire de 7h par semaine pour une rémunération qui était restée de 2000 € par mois.

Chaque mois, un contrat de travail, un bulletin de paie et une attestation Pôle Emploi ont été remis à M [P] [O]

Le 20 juillet 2010 M [P] [O] saisissait le conseil de prud'hommes de Paris, demandant notamment :

- la requalification des CDD en CDI ;

- une indemnité compensatrice de préavis avec congés payés ;

- des dommages et intérêts pour rupture abusive

- le paiement de salaire des mois de décembre janvier et février 2010 ainsi qu'un complément de salaire de mars à mai 2010 ;

- une indemnité compensatrice de congés payés de décembre 2009 février 2010 ;

- des dommages et intérêts de travail dissimulé.

Celui-ci par jugement du 25 octobre 2011, section encadrement, chambre 6, :

- requalifiait le contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps partiel de 7H par semaine de janvier à mai 2010.

- condamnait la SAS DOG Productions à payer à M. [P] [O] les sommes suivantes :

' 4000 € de rappel de salaire pour les mois de janvier et février 2010, congés payés de 10 % en sus ;

' 2000 € d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés de 10 % en sus ;

' 2000 € à titre d'indemnité de requalification ;

' 2000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

' 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [P] [O] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision soutenant qu'il a en réalité travaillé pour le compte de la SAS DOG Productions depuis le mois de décembre 2009, alors que la régularisation de son contrat lui était promise.

Il demande à la cour de :

- dire et juger Monsieur [O] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions,

- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de PARIS du 25 octobre 2011 en ce qu'il n'a pas retenu l'existence d'une relation de travail pour le mois de décembre,

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de PARIS du 25 octobre 2011 en ce qu'il a retenu l'existence d'une relation de travail pour les mois de janvier et février 2010,

- constater l'absence de preuve rapportée par l'employeur sur la réalisation d'un travail à temps partiel pour les mois de décembre, janvier et février 2010,

En conséquence,

- dire et juger qu'il existe une relation de travail entre Monsieur [O] et la Société DOG PRODUCTIONS entre le 1er décembre 2009 et le 28 février 2010 qui s'analyse comme un contrat de travail de travail à durée indéterminée et à temps plein,

- condamner la Société DOG PRODUCTIONS au paiement des sommes

suivantes :

' 31 880,31 € à titre de rappel de salaire pour les mois de décembre 2009 à février 2010,

' 3 188,03 € de congés payés y incidents,

- constater l'absence de motif sur les contrats de travail à durée déterminée

conclus pour les mois de mars, avril et mai 2010,

- requalifier les contrats de travail en contrat de travail à durée indéterminée,

- constater la réalisation d'un travail à temps plein par Monsieur [O] pour les mois de mars à mai 2010,

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 25 octobre 2011 en ce qu'il a retenu la rupture abusive du contrat de travail et le versement d'une indemnité compensatrice de préavis.

En conséquence,

- fixer la moyenne des salaires des trois derniers mois reconstituée à 12 770,10 €

- condamner la société DOG PRODUCTIONS à verser à Monsieur [O] :

' 32 309.86 € à titre de rappel de salaire pour les mois de mars à mai 2010,

' 3 230,98 € de congés payés y afférents,

' 50 400,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

' 51 080,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 5 108,04 € à titre de congés payés afférents.

subsidiairement:

- fixer la moyenne des salaires des trois derniers mois reconstituée à 12 439,43 €

- condamner la société DOG PRODUCTIONS à verser à Monsieur [O] :

' 31 317,94 € à titre de rappel de salaire pour les mois de mars à mai 2010,

' 3 131,79 € de congés payés y afférents.

' 50 400,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

' 49 757,72 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 4 975,77 € à titre de congés payés afférents.

- constater que Monsieur [O] a effectué des heures de travail demeurées non rémunérées,

- constater que la Société DOG PRODUCTIONS a délibérément omis de déclarer l'intégralité des revenus perçus ou à percevoir par Monsieur [O],

- constater que la Société DOG PRODUCTIONS n'a pas procédé en temps utile à la déclaration d'embauche de Monsieur [O],

En conséquence,

- condamner la Société DOG PRODUCTIONS au paiement de la somme de 76.620,62 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, subsidiairement à 74.636 euros,

- condamner la Société DOG PRODUCTIONS à verser à Monsieur [O] la

somme de 3 000 euros au titre de l'article 35 et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet

1991, relative à l'aide juridique

- Ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts. -

La SAS DOG Productions a fait appel incident ; elle demande à la cour de :

A titre principal,

- d'infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 2 5 octobre

2011 en ce qu'il a considéré que Monsieur [O] était lié à DOG PRODUCTIONS

par un contrat de travail à durée indéterminée à compter de janvier 2010 et condamné DOG PRODUCTIONS au paiement de diverses sommes à ce titre ;

- de débouter en conséquence Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes,

fins et prétention ;

A titre subsidiaire,

- de réduire le montant des indemnités réclamées à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

- de condamner Monsieur [O] à rembourser à la société DOG PRODUCTIONS, les sommes qui lui ont été indûment versées en exécution du jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris le 25 octobre 2011 ;

- de condamner Monsieur [O] à verser à la société DOG PRODUCTIONS la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Plusieurs conventions collectives sont invoquées dans cette procédure :

- la convention collective des techniciens de la production cinématographique qui apparaît au contrat de travail.

- la convention collective de l'industrie du cinéma, distribution de films qui apparaît sur les trois bulletins de salaire de M [P] [O]

- la convention collective de la production cinématographique invoquée par l'employeur mais qui n'a pris effet que postérieurement à l'exécution de ce contrat de travail au 1er octobre 2013.

Les motifs de la Cour :

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le contexte du litige

M [P] [O] dit avoir été approché en décembre 2009 par M. [Z] [V] de la SAS DOG Productions, qui recherchait un directeur de production et des réalisateurs.

Il dit qu'il a dès lors commencé à travailler comme directeur de production pour le compte de la SAS DOG Productions :

- en recherchant des réalisateurs.

- en organisant en janvier une séance de photos avec les réalisateurs et des chiens à des fins de promotion.

Il affirme que sa situation a été régularisée le 22 février 2010 par la rédaction d'un contrat à durée déterminée d'un mois à effet au 1er mars. Ce contrat prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 10h30 moyennant une rémunération brute 2000 €.

Le salarié prétend d'une part qu'il a en réalité commencé à travailler pour la SAS DOG Productions à partir du mois de décembre 2009 et qu'il consacrait à sa mission de directeur de production un temps bien supérieur à cette durée.

Il relève que la mission telle que fixée par les contrats à durée déterminée successifs était de travailler sur des projets « Revlon, Hewlett-Packard et Optimum aux États-Unis », ce qui ne lui a été en réalité jamais demandé.

Soutenant que les contrats à durée déterminée ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L 1242-2 du code du travail, il en demande la requalification depuis le 1er décembre 2009 et à temps plein, pour la rémunération minimum prévue par la convention collective applicable pour un directeur de production, soit 2332,32 euros par semaine.

La SAS DOG Productions de son côté soutient qu'il s'agissait de CDD d'usage applicables dans le secteur de la production cinématographique. Il plaide que le salarié ne démontre pas avoir accompli de prestation de travail avec subordination à la SAS DOG Productions, pour la période du 1er décembre 2009 au 1er mars 2010, qu'il n'y a pas lieu à requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et qu'en tout état de cause, si une telle requalification intervenait, elle ne pourrait se faire que sur la base d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée de M [P] [O]

La cour relèvera tout à bord que ce litige intervient dans un milieu professionnel spécifique, régi par des règles et des usages spécifiques, qu'aucune des deux parties, qui pratiquaient de manière évidente ce milieu, ne pouvait ignorer.

Pour prononcer la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le conseil de prud'hommes, considérant que le salarié faisait la preuve d'une relation de travail avec pour le compte de la SAS DOG Productions pour les mois de janvier et février 2010, en l'absence de tout contrat écrit, a requalifié cette relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2010 et jusqu'à la fin de celle-ci fin mai 2010.

M [P] [O] soutient toutefois que cette relation de travail a, en réalité, commencé dès le mois de décembre 2009, ce que conteste l'employeur qui met en avant les bonnes relations entre M [P] [O] et M. [Z] [V] pour expliquer les interventions du premier à cette époque.

M [P] [O] expose que ses prestations du mois de décembre, visaient à préparer la journée de shooting qui aura lieu en janvier 2010, journée dont l'objectif était de réaliser un portfolio de portraits de réalisateurs travaillant pour la SAS DOG Productions, à publier sur le site Internet.

M [P] [O] expose qu'en décembre il a essentiellement consacré son temps à rechercher les réalisateurs, a établi un premier compte rendu apportant un certain nombre de précisions quant au projet, à M. [Z] [V] le 12 janvier 2010, (P 13.3). La SAS DOG Productions conteste qu'il s'agisse d'un compte rendu de M [P] [O]. Cependant ce compte rendu adressé à une adresse 'mac.com' correspond bien à l'opération photodog, et liste de participants confirmés. Puis, il a dû constituer l'équipe de production en collaboration avec les réalisateurs (cinq réalisateurs pour cette journée) et le producteur, négocier les rémunérations et les contrats, gérer le budget de production, résoudre les différents problèmes et prévoir également tous les moyens matériels et techniques pour la réalisation de cette journée de shooting du 18 janvier 2010. Le 17 janvier des échanges de mail avaient lieu entre M [P] [O] et M. [Z] [V] concernant la « feuille de service du 18 janvier 2010», de nombreuses pièces versées par M [P] [O], référencées notamment sous le numéro 13, attestent de l'activité et des prestations de celui-ci, qui communique occasionnellement sous une adresse «[Courriel 1] » pour la réalisation de ce projet, à travers un ensemble de mails dont bon nombre sont échangés avec M. [Z] [V].

Le fait que certains de ces courriels n'aient eu pour objet que d'opérer un simple transfert à M. [Z] [V] de documents reçus de tiers n'est pas exclusif d'une relation de travail.

Durant le mois de février M [P] [O] soutient qu'il a travaillé à plein temps, et produit à l'appui de ses dires un ensemble de pièces (pièces 16-1 à 16-14)correspondant à des échanges qu'il a eus avec M. [Z] [V] pour l'organisation de rendez-vous mais aussi plusieurs autres réalisateurs.

La SAS DOG Productions conteste l'existence de tout contrat de travail avant le 1er mars 2010 date à laquelle est signé un contrat à durée déterminée.

Elle soutient que les éléments caractérisant un contrat de travail  : exécution effective d'une prestation de travail, versement d'une rémunération, subordination juridique ne sont pas rassemblés.

Au regard des éléments évoqués ci-dessus, la cour considère que l'exécution effective d'une prestation de travail, de la part de M [P] [O] pour le compte de la SAS DOG Productions au sein de laquelle M. [Z] [V] était producteur, est établie dès le mois de décembre 2009, période pendant laquelle étaient pris les premiers contacts dans la perspective de la journée de shooting du 18 janvier suivant.

Par ailleurs, quand bien même M [P] [O] et M. [Z] [V] ont pu avoir des relations de type amical, celles-ci n'empêchaient pas, au contraire, une relation professionnelle.

Aussi, s'il n'est effectivement pas produit de preuves de ce que les démarches opérées par M [P] [O] étaient opérées sur commande expresse et précise de la SAS DOG Productions, une telle commande se déduit du simple fait que M [P] [O] a adressé à plusieurs reprises à M. [Z] [V] les résultats de sa prestation de travail sans que celui-ci, qui était effectivement impliqué dans l'organisation de la journée de shooting de janvier, ne s'en étonne, alors qu'il ressort en revanche du dossier des débats que les activités antérieures de M [P] [O] ont contribué à la préparation de cette journée de shooting.

Enfin, la cour relèvera que la SAS DOG Productions qui conteste l'existence de la relation de travail avec M [P] [O], appelle elle-même attention de la cour sur la pièce 15 de celui-ci, qu'elle identifie comme la seule proposition d'amélioration qu'il ait en réalité jamais formulée, sans relever que précisément cette pièce porte de la formulation suivante, « sans notre indépendance on sera dans la merde : depuis le début'», formulation, non contestée, qui pourtant atteste de l'implication de M [P] [O] dans le travail de la SAS DOG Productions.

Au-delà, alors que la SAS DOG Productions soutient que ces démarches de M [P] [O] n'ont pas été accomplies dans l'intérêt de la société, la cour considère que la preuve contraire en est rapportée dans la mesure où M [P] [O] établit avoir contacté en décembre M. [X] (P1.6 et 3), M.[U], sur la suggestion de M. [Z] [V] (P1.9 et 13.15), M [R], (P1.5) et M. [E] (P1.2), qui tous deviendront réalisateur pour la SAS DOG Productions (P20).

De même, il convient de relever, que M. [A] [L], salarié de la SAS DOG Productions affecté à ce projet rendait compte de l'avancée de celui-ci, le 21 décembre 2009 (P1.10)simultanément à M [P] [O] et M. [Z] [V]

De ces circonstances résulte l'existence d'un lien de subordination pour la préparation de cette opération.

La cour, contrairement au conseil de prud'hommes, considère que M [P] [O] rapporte la preuve d'une prestation de travail dans le cadre d'une subordination dès le mois de décembre 2009 mais aussi en janvier et février 2010.

Le mail du 12 février 2010 adressée par M. [Z] [V] à M [P] [O] rédigé en ces termes : « je vais te réexpliquer comment on va travailler ensemble. Je ne doute pas que comme moi tu en seras satisfait », ne contredit pas utilement le fait que la relation de travail avait en réalité déjà commencé, mais se comprend davantage, comme une promesse de l'organiser de manière plus durable et plus précise pour l'avenir, confirmant ainsi les dires de M [P] [O] qui affirme avoir plusieurs fois relancé la SAS DOG Productions pour que soient organisées les conditions de sa collaboration.

Par ailleurs, le fait que ce projet ait pu prospérer, -peut-être, à cause des relations amicales existant entre M [P] [O] et M. [Z] [V]-, et n'ait en fait débouché que sur des contrats à durée déterminée,   ne contredit pas l'existence d'une prestation de travail et d'une subordination.

Quant au troisième élément caractérisant l'existence d'un contrat de travail, la rémunération, celui-ci n'est effectivement pas établi pour la période décembre, janvier et février puisque la réclamation d'une telle rémunération constitue précisément une partie de l'objet du litige soumis à la cour

Or, toute prestation effectuée dans le cadre d'un contrat de travail justifiant une rémunération, la cour devra faire droit à cette demande de rémunération dès le mois de décembre 2009.

La relation de travail, en l'absence de tout document établissant qu'elle aurait pu être d'une autre nature, et en l'absence aussi de tout contrat écrit à son origine en décembre, sera requalifiée en contrat à durée indéterminée, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les contrats à durée déterminée sont d'usage ou pas dans la profession.

Au-delà, l'absence de contrat écrit, fait présumer que le salarié était employé à temps complet, présomption simple que peut combattre l'employeur, sous réserve d'établir la durée de travail exactement convenue, mais aussi que le salarié ne soit pas placé dans l'impossibilité de prévoir le rythme auquel il devait travailler et ne devait pas se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

La cour,

- après avoir requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée depuis le 1er décembre 2009,

- rappelant que pour les mois de mars avril et mai 2010, le salarié, qui n'était pas un « novice » dans ce secteur d'activité, a accepté de signer des contrats à durée déterminée de 10h30 en mars, puis 7h en avril et en mai, pour un salaire qui est resté fixé à 2000 € par mois

- rappelant également qu'il ressort du dossier et des débats que M [P] [O] exerçait par ailleurs des fonctions « d'agent »en parallèle de sa fonction de producteur pour la SAS DOG Productions

- compte tenu de la nature de ses prestations et au vu des éléments produits par le salarié pour établir la réalité de son travail,

- compte tenu également de la durée du travail retenue ensuite par les trois contrats à durée déterminée, successifs, sans que le salarié ne rapporte la preuve d'avoir protesté contre l'horaire retenu,

- considère que la présomption de temps plein est efficacement combattue.

Enfin, aucun élément produit à la procédure ne permet de considérer que M [P] [O] devait se tenir en permanence à la disposition de son employeur.

En conséquence, la cour, infirmant partiellement la décision des premiers juges, retiendra du 1er décembre 2009 au 31 mai 2010,un contrat de travail requalifié en contrat à durée indéterminée à temps partiel pour un salaire mensuel de 2000 €.

Le contrat de travail de M [P] [O] ayant été requalifié en contrat à durée indéterminée, sa rupture, sans procédure ni motif, intervenue à la fin du mois de mai 2010, s'analyse comme un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Sur les conséquences financières de ce contrat de travail à durée indéterminée et de sa rupture sans cause réelle ni sérieuse

La cour retenant pour ce contrat de travail à durée indéterminée, mais à temps partiel, le salaire de 2000 € par mois prévu par les trois contrats à durée déterminée successifs, fera droit dans les limites qui suivent aux différentes demandes formulées par M [P] [O] en exécution et du fait de la rupture de ce contrat.

Elle infirmera tout d'abord la décision des premiers juges en ce qui concerne l'indemnité de préavis avec congés payés afférents : en effet, le salarié revendique à juste titre la convention collective qui lui est la plus favorable, celle de l'industrie cinématographique qui prévoit en son article 16 que pour les cadres un préavis de quatre mois est dû. Ses bulletins de salaire retenant une qualification de «cadre 1 » et le contrat n'ayant pas été rompu du fait d'une faute grave du salarié, un tel préavis lui est dû, soit 8000 €.

La cour confirmera en revanche les décisions du conseil de prud'hommes concernant l'indemnité de requalification du contrat de travail, les dommages et intérêts alloués pour rupture abusive de celui-ci et la somme allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En ce qui concerne les rappels de salaire, elle confirmera la somme allouée au titre des mois de janvier et février 2010 ainsi que les congés payés afférents mais ajoutera une somme de 2000 € avec congés payés de 10 % afférents en sus pour le mois de décembre 2009.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

L'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est due quelle que soit la qualification de la rupture.

Des circonstances de l'espèce, prestation de travail pendant trois mois, sans déclaration ni contrat ni bulletin de paie, sont constitutives de travail dissimulé, aucun élément ne permettant de penser que cette situation n'aurait pas été intentionnelle de la part de l'employeur.

L'indemnité forfaitaire de 12 000 € sera donc allouée à M [P] [O].

Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

La SAS DOG Productions qui succombe supportera la charge des dépens.

Il sera alloué à l'avocat de M [P] [O], qui bénéficie de l'aide juridictionnelle, la somme de 2000€ au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens que le bénéficiaire aurait exposés en l'absence de cette aide, à charge pour l'avocat, s'il recouvre tout ou partie de cette somme, de renoncer à percevoir tout ou partie de la part contributive de l'Etat dans les conditions de ce texte.

Décision de la Cour :

En conséquence, la Cour,

Confirme la décision du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminée, à temps partiel, pour un salaire de 2000 € par mois et condamné l'employeur a versé 4000 € de salaire pour les mois de janvier et février 2010, les 400 € pour congés payés afférents.

La confirme également quant à l'indemnité de requalification, les dommages et intérêts pour rupture abusive et la somme allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'infirme pour le surplus,

et statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SAS DOG Productions à payer à M [P] [O] les sommes suivantes :

- 2000 € pour salaire du mois de décembre, congés payés de 10 % en sus.

- 8000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, congés payés de 10 % en sus

.

- 12.000 € d'indemnité forfaitaire pour le travail dissimulé,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes

Déboute les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

Condamne la SAS DOG Productions à régler la somme de 2000 € au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens que le bénéficiaire aurait exposés en l'absence de cette aide, à charge pour l'avocat, s'il recouvre tout ou partie de cette somme, de renoncer à percevoir tout ou partie de la part contributive de l'Etat dans les conditions de ce texte pour la procédure d'appel.

Condamne la SAS DOG Productions aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/01203
Date de la décision : 12/03/2014

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°12/01203 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-12;12.01203 ?
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